L'édification de la nouvelle Europe

Francescomaria Tuccillo, Christine Biloré

• Éditeur: Francescomaria Tuccillo
• Année: 2019
• ISBN:
  9781071510742
• Sujet: Politica e relazioni internazionali
• Sous-sujet: Politica

L'avenir de l'Europe et son rôle stratégique dans le monde créé sur la base de son histoire et des ses racines culturelles.

L’édification de la nouvelle Europe

Francescomaria Tuccillo

––––––––

En ces jours de réflexion et d’inquiétude sur l’avenir de l’Europe, j’ai retrouvé dans mes tiroirs virtuels la version originale d’un bref essai qui avait été publié dans la « Rivista di Studi Politici » en 1995.^[1]

Aujourd’hui, je vous en propose le texte dans son intégralité, dans la même revue qui l’avait publié il y a plus de vingt ans. Il me semble qu’il peut apporter quelques points d’interprétation, loin d’être inutiles en cette période historique, politique et économique que nous traversons en tant que citoyens européens.

Avant tout, il offre quelques éclairages. Pas tellement les miens mais ceux des grands protagonistes de l’histoire européenne cités dans mon essai, tel que, en premier lieu, Aldo Moro. En 1977, il écrivait ce qui suit : « Il convient de préciser que l’obstacle qui nous barre la route vient de la Grande Bretagne, depuis toujours le pays le plus froid, le plus problématique, le plus incertain quant à l’évolution de l’entité européenne ». Le 23 juin dernier, la majorité des citoyens britanniques a voté en faveur du Brexit, à savoir la sortie de l’Union Européenne. C’était écrit. Moro et quelques autres hommes d’états éclairés, qui réfléchissaient à long terme, avaient compris les dimensions de l’obstacle britannique. Au moins, aujourd’hui la situation est claire, non ambigüe et offre la possibilité de recommencer en étant plus forts et sur d’autres bases.

L’essai propose des éléments de réflexion de caractère géopolitique et géoéconomique aussi. Pour redémarrer, l’Europe a besoin d’une identité plus forte, d’idées plus innovantes, de talents plus affutés et de beaucoup de courage. Le courage de regarder la réalité en face et d’asseoir son rôle dans le monde. Un monde dans lequel, comme je l’écrivais alors, les axes économiques se déplacent selon un mécanisme « comparable à une opération hydraulique » : dans un réseau hydrique, grâce à un simple robinet, il est possible d’utiliser un canal ou l’autre pour diriger les flux ».

Mais ceux qui ouvrent et ferment les robinets aujourd’hui sont différents de nous. Les pays émergents, avant tout, grâce à leurs matières premières, leurs économies dynamiques et leurs fonds souverains : c’est un univers difficile à comprendre, dont la communication est particulièrement opaque, mais également fascinant, qui est riche en ressources et a besoin de compétences, celles que nous, les européens, possédons depuis des siècles, car nous sommes la « vitrine des cultures de la planète », et que nous pourrions valoriser de façon avantageuse à condition de réussir à montrer au monde un visage plus uni et plus fort.

Après la sortie de la Grande Bretagne, l’« extraordinaire ferveur intellectuelle autour de l’idée d’Europe » dont Jean Monnet parlait en 1976, semble avoir repris de la vigueur. M. Monnet ajoutait cependant qu’elle « n’avait rien à voir avec l’action ».

J’espère que ce ne sera pas le cas cette fois, quarante ans après les prophéties de Jean Monnet. J’espère que le nouveau périmètre de l’Union deviendra une opportunité de construction d’un nouvel équilibre mondial, « naturel » et non « induit », dans lequel une Europe toujours plus unie voudra et saura jouer son rôle.

Car l’Europe est notre maison.

1. Tentative d’analyse historique

1.1. Les équilibres en jeu

Déjà en 1971 (époque qui nous semble très éloignée du fait de la succession incessante d’évènements qui se sont produits par la suite), écrivait de façon prophétique : « ...Après le Concile,^[2] comme il arrive souvent pendant une convalescence, les racines du mal que l’on a voulu couper reprennent avec encore plus de vigueur. [...] Il est clair que nous traversons actuellement une période d’incertitude, qui va perdurer encore longtemps, d’autant plus que la crise postconciliaire coïncide avec une crise mondiale, où tout est désormais instable, entraîné par une fuite en avant dont le rythme s’accélère et qui semble préparer le terrain d’un grand événement encore inconnu ».^[3]

Aujourd’hui, en 1994, nous pouvons affirmer avec certitude que nous avons vraiment assisté à un moment historique fondamental : une époque vient de s’ache...