Qui vivra par le like périra par le like
eBook - ePub

Qui vivra par le like périra par le like

  1. 142 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Qui vivra par le like périra par le like

À propos de ce livre

Dans ce récit à la fois sensible et incisif, Simon Jodoin livre pour la première fois le témoignage qu'il a toujours refusé de présenter au tribunal des médias sociaux, où il a été accusé mais auquel il n'accorde pas la moindre autorité. À l'aide d'épisodes personnels et d'autres cas troublants, il montre ce qu'il en coûte d'être la proie d'une foule avide de goudron et de plumes, ou de choisir de ne pas la suivre.À l'heure où les accusations et les dénonciations se font sous le sceau du hashtag, peut-on tolérer que des agitateurs profitent de la toute-puissance des plateformes numériques pour exposer des individus à la vindicte populaire? Doit-on, chacun devant son écran, céder à leurs appels au lynchage?Dénonçant un simulacre de justice qui, loin de contribuer au progrès social, favorise le repli sur soi, l'auteur signe ici une critique sévère de nos rapports avec les médias sociaux.

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Informations

ISBN de l'eBook
9782898271762

Mon ami Julien

J’ai connu Julien en 2012. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais j’ai un souvenir très précis du contexte, et du climat social qui régnait sur le Québec à l’époque. Je venais tout juste d’être nommé rédacteur en chef de l’hebdomadaire Voir pour lequel je travaillais déjà depuis deux ans en tant que directeur du développement Web. À ce titre, j’avais mis sur pied toute une série de blogues auxquels plusieurs plumes issues de divers horizons prenaient part.
Je souris aujourd’hui en repensant à ces moments pour le moins effervescents et riches en prises de position de toutes sortes. Cette histoire récente pourrait à elle seule faire l’objet de bien des dissertations, mais je me contenterai de rappeler qu’au début de la décennie 2010, ça brassait pas mal au Québec. Nous ne le réalisions pas encore, mais nous vivions à ce moment les premières heures d’une profonde reconfiguration de l’échiquier social et politique, qui entraînait avec elle une mutation de l’écosystème médiatique dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.
Dans ce contexte, tout le monde voulait un blogue ou une tribune en ligne, que ce soit au Voir, au Journal de Montréal, à Urbania ou au Huffington Post. On publiait des dizaines de billets par semaine, les uns répondant aux autres, parfois avec colère et virulence, souvent avec humour et ironie. Par ailleurs, hors des médias traditionnels qui ouvraient leurs portes à de nouvelles voix, des dizaines de nouveaux groupes militants et des créateurs de tous les horizons débarquaient sur le Web pour lancer des chaînes d’information alternatives et une multitude de plateformes de diffusion. La ligne éditoriale de ces nouvelles initiatives médiatiques pouvait aller dans tous les sens, de la plaisanterie à la critique sociale, en passant par le documentaire, la provocation ou la mobilisation partisane.
Certes, il y avait bien des blogues et des « médias citoyens » depuis bon nombre d’années au Québec, mais la montée en puissance des géants du numérique tels que Facebook, YouTube et Twitter, combinée à une forte mobilisation de la jeunesse impatiente de se faire entendre, allait changer pour de bon le visage de l’écosystème médiatique local. D’abord réservés aux initiés avides de nouvelles technologies, les médias sociaux devenaient de plus en plus grand public. Des vedettes et des personnalités bien connues et issues des mondes culturel et médiatique y voyaient un nouveau terrain de jeu, ce qui a eu pour effet de considérablement élargir l’auditoire de ces nouveaux lieux de diffusion.
C’est dans cette même mouvance, et avec les mêmes moyens techniques, qu’ont commencé à émerger quelques créateurs indisciplinés et turbulents qu’on a appelés les « vedettes du Web ». Dès que les téléphones munis d’une caméra ont pu diffuser de la vidéo en ligne, ces trublions d’Internet ont pris d’assaut les plateformes numériques avec, littéralement, un studio qui tenait dans leur main. Si la chose semble banale aujourd’hui, il y a à peine dix ans c’était une révolution. En quelques secondes, n’importe qui pouvait alors dégainer le pistolet de l’agora et s’adresser à des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes. En quelques minutes, les images diffusées pouvaient faire le tour du monde. Il suffisait de quelques clics, rien de plus. Avec un machin qui tenait dans votre main, vous pouviez publier un texte, une galerie de photos et une séquence vidéo, comme le faisaient les plus grands réseaux médiatiques à travers le monde.
Comprenons bien ceci : l’agora, la place publique, chacun pouvait désormais la mettre dans sa petite poche. C’est ce qu’avaient compris, avant tout le monde, bien des explorateurs qui, munis de ces nouveaux outils, ont défriché ces contrées médiatiques que nous habitons maintenant quotidiennement comme si ça allait de soi.
C’est à cette époque, donc, que j’ai approché Julien pour lui proposer de se joindre aux quelques blogueurs qui publiaient librement leurs réflexions sur le site Web du Voir. Connu sous le nom de Julien Day, il faisait partie de ces plumes qui commençaient à émerger sur la toile. Je le connaissais de nom, car il était parvenu à faire sa place dans le petit monde du Web québécois grâce à son site satirique et irrévérencieux intitulé L’axe du mad, où il publiait des nouvelles parodiques, à la manière du Gorafi en France ou de The Onion aux États-Unis, ce qui lui avait valu un certain succès. Baveux comme pas un, il avait une très bonne plume et faisait preuve d’une motivation que j’ai rarement vue ailleurs. Il voulait écrire, avait le talent pour le faire et mieux encore, il sortait de nulle part, ce qui n’était pas pour me déplaire. Il avait tout appris par lui-même et ne provenait pas des cercles culturels, médiatiques et intellectuels où nous avions l’habitude de dénicher de nouveaux auteurs. Il était allumé et convaincant, j’étais curieux et enthousiaste. Je lui ai ouvert la porte avec plaisir.
Après quelques mois d’écriture couronnés d’un certain succès, il a demandé à me rencontrer en personne. Il souhaitait me présenter un projet visant à rassembler des blogueurs, des vidéastes et des créateurs de contenu qui, jusqu’alors, donnaient dans ce qu’on appelait à l’époque la « culture du LOL » ou encore le « Far Web ». Nous nous sommes donné rendez-vous et, quelques jours plus tard, il débarquait dans mon bureau muni d’un document résumant les grandes lignes de son projet.
Au cours des semaines qui suivirent, nous avons organisé une rencontre avec ceux qui formaient le noyau de départ de cet étrange collectif auquel prenaient part ces quelques créateurs que j’allais apprendre à apprivoiser. C’est ainsi que la plateforme Trouble Voir a vu le jour. Le projet, sur papier, n’avait rien d’extravagant et n’était pas de nature à éveiller les passions. Il s’agissait, somme toute, de fournir un terrain de jeu à une bande de jeunes indisciplinés médiatiques qui désiraient sortir du cadre de la politesse consensuelle. Ce fut pourtant le foyer de quelques polémiques qui ont fait couler pas mal d’encre dans les manchettes.
Car l’un d’entre eux était Gab Roy.
Dissipons sans plus attendre toute forme de suspense. D’abord connu comme monstre d’irrévérence et personnage qui se donnait en spectacle sur le Web et sur les planches, dans une escalade de défiance à la morale et au bon goût, Gab Roy aura finalement laissé sa trace au sein de la petite histoire des faits divers criminels du Québec en étant condamné en 2015 à 18 mois de prison après avoir plaidé coupable à des accusations de leurre et d’attouchements sexuels à l’égard d’une mineure. Pour ces crimes, il est désormais inscrit définitivement au registre des délinquants sexuels.
C’est en 2013 que j’ai fait la rencontre de ce personnage qui, le moins qu’on puisse dire, brassait pas mal d’air en multipliant les coups d’éclat et les numéros d’humour qu’on qualifiait alors de trash. Immensément populaire grâce à son site Web et à sa page Facebook, capable d’entraîner à sa suite tout un régiment d’admirateurs et d’admiratrices étonnamment fidèles, il prenait plaisir à repousser constamment les limites de l’acceptable, pour le plus grand plaisir de son jeune auditoire émerveillé par ce star system numérique en marge de toutes les scènes traditionnelles.
C’est toutefois pour les scandales qu’il avait le don de provoquer qu’il s’était fait connaître du grand public, notamment avec cette fameuse lettre à Mariloup Wolfe publiée en octobre 2013 et qui avait déclenché tout un tollé. Alors qu’on apprenait dans les grands titres que la comédienne bien connue et son amoureux de l’époque, Guillaume Lemay-Thivierge, étaient en voie de se séparer, Gab Roy s’était flanqué d’une missive publiée sur son site Web personnel, antithèse radicale de la proposition galante, dans laquelle il offrait à la nouvelle célibataire une relation de rechange d’une déroutante brutalité. Et c’est un euphémisme. Vraiment, c’était quelque chose ! Cette lettre avait immédiatement mis le feu aux poudres. Le nom de Gab Roy était sur toutes les lèvres, il faisait les manchettes, on parlait de lui dans les journaux et à la radio. Certains n’hésitaient pas à dénoncer ce qui était, selon eux, ni plus ni moins qu’un viol par écrit, d’autres appelaient de tous leurs vœux des poursuites en diffamation, tandis que d’autres encore pointaient du doigt les publicitaires qui annonçaient sur son site, en réclamant un boycottage immédiat. C’était une solide tempête.
Lorsque j’ai fait sa connaissance, à la fin de l’été 2013, je n’avais sans doute pas pris la pleine mesure du goujat qu’il pouvait être. Il venait de remporter un succès enviable pour son spectacle Erreur 404, il avait pris part à des projets numériques avec l’ONF et même Nathalie Collard, chroniqueuse média fort respectée, parlait de lui dans La Presse comme d’un « humoriste, blogueur, vlogueur et commentateur à ses heures » qui misait « autant sur le malaise que sur l’humour noir » et qui s’inscrivait « davantage dans la lignée de Mike Ward que dans celle de Martin Matte ». C’est dire si je me sentais en bonne compagnie ! Je le dis sans état d’âme et sans amertume, lorsque nos chemins se sont croisés, Gab Roy était tout bonnement pour moi un humoriste grinçant parmi d’autres. Il venait de se démarquer dans des festivals, gagnant notamment un prix Panthère Zoofest pour le vidéoclip de sa chanson Moi je connais des noirs. Pour la petite histoire, Fred Dubé gagnait la même année lui aussi un trophée, pour son spectacle Terroriste blanc d’Amérique. Je relate simplement l’anecdote car ces deux titres semblent impensables aujourd’hui, surtout lorsqu’ils sont mis côte à côte.
Chose certaine, en tout cas, je n’avais pas prévu que Gab Roy allait publier sa missive destinée à Mariloup Wolfe précisément le jour où nous annoncions le lancement de notre nouvelle plateforme. Cette lettre, demeurée en ligne quelques minutes jusqu’à ce que son auteur la retire devant le tollé qu’il venait de provoquer, et l’annonce simultanée du projet Trouble Voir avaient créé un mélange chimique explosif. Il aura suffi de publier une seule photo sur laquelle Gab Roy apparaissait pour annoncer la mise en ligne du nouveau site Web pour provoquer une immense déflagration.
Le choc fut brutal. Qu’un média « sérieux » puisse accueillir un tel bouffon vulgaire, ça dépassait tout entendement.
Quelques jours après cette polémique, nous allions tout de même de l’avant avec la mise en ligne des premiers contenus. Entre-temps, l’humoriste et chroniqueuse Léa Stréliski s’était jointe au groupe et avait réalisé en compagnie de Julien quelques bonnes capsules intitulées Pourquoi tant de haine ?, dont l’une notamment était une longue conversation libre, sans montage, avec des étudiantes travailleuses du sexe. Mathieu St-Onge, avec son Mat Lab, avait de son côté créé une vidéo de 30 minutes dans laquelle il se confiait sur sa dépendance passée à la cyberpornographie. Ces deux premières propositions ont connu un vif succès, démontrant ainsi que nous pouvions avec pertinence sortir des sentiers battus sans tomber dans la vulgarité pure et simple. Mathieu a d’ailleurs été invité sur des tribunes prestigieuses telles que l’émission de radio Médium large à Radio-Canada pour discuter de son témoignage avec l’animatrice Catherine Perrin.
Gab Roy, de son côté, pour le premier épisode de sa série Les moyens reportages, avait choisi d’aller à la rencontre d’un fou furieux raciste et misogyne qui multipliait depuis plusieurs mois les prises de position extrêmes sur sa chaîne YouTube. Assis ensemble au resto, ils mangeaient une frite tandis que cet hurluberlu déballait son discours haineux et insoutenable. Ça, ça n’a pas du tout passé. Non seulement nous diffusions sans filtre les propos délirants de cet incroyable intolérant, mais en plus, cette initiative était mise de l’avant par Gab Roy, qui était déjà identifié aux yeux du public comme un salopard de première. Ce fut la goutte qui a fait déborder le vase. Nous voulions créer un malaise, nous avons plutôt créé un scandale.
Une semaine plus tard, nous étions assis, Gab Roy, Mathieu St-Onge et moi-même, devant Guy A. Lepage dans le studio de Tout le monde en parle. L’émission, diffusée le 1er décembre 2013, fut l’un des plus grands clashs télévisuels qu’on ait pu voir dans les chaumières du Québec. Il fallait expliquer la nature du projet Trouble Voir en même temps qu’on faisait le procès de Gab Roy et de l’ensemble de son œuvre sous le regard ébahi et désespéré des autres invités.
Il aurait été facile de virer Gab Roy dès la publication de sa lettre à Mariloup Wolfe. Nous aurions ainsi évité bien des écueils. Julien et moi en avons souvent discuté par la suite. Pourquoi avions-nous choisi de le garder parmi nous malgré les cris qui réclamaient qu’on le condamne publiquement pour ses propos outranciers ? D’abord, il nous semblait qu’après avoir présenté publiquement ses excuses dans les minutes qui suivirent la publication de sa lettre et perdu tous ses commanditaires, il avait suffisamment payé pour ce qui n’était, finalement, qu’un mauvais gag mal foutu qui allait trop loin. En sortant de l’enregistrement de Tout le monde en parle, il était en larmes, complètement démoli, persuadé qu’il venait d’y laisser sa peau. Il nous demandait sincèrement de lui faire confiance, de lui donner une chance et j’ai senti à un certain moment que nous étions peut-être son dernier point d’appui avant qu’il chavire complètement.
Ça va sembler bizarre aux yeux de bien des gens, mais j’ai été profondément ému de voir ce pataud téméraire, d...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Copyright
  3. Page de titre
  4. Prologue
  5. Son Nom est sur la liste
  6. Bienvenue Dans le monde d’après
  7. QW Vivra par le like Périra par le like
  8. Mon Ami Julien
  9. Je Ne Vous crois pas