
- 194 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Mémoires d'une gardienne de prison
À propos de ce livre
C'est pas un film.C'est pas une série télé.C'est la vérité pure, la vérité dure. C'est la vie.Ex-gardienne de prison, Marie-Renée Côté raconte sans détour ce qui fut son quotidien pendant 20 ans. Ses mots incisifs, son ton mordant, mais aussi son grand sens de l'humour, brasseront les âmes sensibles, les bien-pensants et les autruches chroniques. Au fil de la lecture, un festival d'émotions: on étouffe, on verse une larme, on lâche un juron, on se fâche, on s'esclaffe... Dans un témoignage livré sans pudeur et sans compromis, l'auteure nous fait la preuve par mille que l'humain est capable du pire et, du même souffle, rappelle qu'il vaut mieux en rire…
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Mémoires d'une gardienne de prison par Marie-Renée Côté en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Éditeur
Guy Saint-Jean EditeurAnnée
2016ISBN de l'eBook
9782897581862Partie 1
![]() | MES ANNÉES AU MAXIMUM | ![]() |
1
FORMATION: JOUR 1
![]() | PÉNITENCIER FÉDÉRAL À SÉCURITÉ MAXIMALE, 7 H 30 |
Je suis tellement fébrile. Mon stage commence. Formation avec un agent de correction expérimenté. J’entre dans ce qui sera mon lieu de travail aujourd’hui avec cinq minutes d’avance. Gérer les opérations d’un contrôle armé est ce que je dois apprendre en cette première journée.
Je me fais discrète, même si je sais très bien que je ne passe pas souvent inaperçue. Le gardien qui me formera entre tout de suite après moi dans le contrôle. L’agent au poste pendant le quart de nuit est prêt à partir.
Je recevrai une formation pour devenir une bonne agente. Cela veut aussi dire que je suis sur le point de réussir ma formation correctionnelle que je fais à temps plein depuis trois mois, loin de chez moi. Pour dire vrai, même si j’ai choisi de faire ce métier dès l’âge de 16 ans, que j’ai pris soin de décrocher un diplôme de technicienne en intervention en délinquance l’année précédente à Québec, ce pénitencier est loin d’être un endroit chaleureux comme l’est mon merveilleux village natal de la belle Gaspésie. Je l’aime, mon village.
Bref, pas le temps de rêver ici ou de se poser des questions. Il faut profiter de chaque minute, de chaque enseignement, de chaque geste de gentillesse des agents avec lesquels nous sommes jumelés. Les formateurs du collège du personnel nous l’ont conseillé!
Dans la réalité carcérale, aucun agent n’est payé pour former des recrues. Cette tâche ne figure nulle part, sauf dans les grandes priorités du Service correctionnel du Canada (SCC) qui assure la relève. Quand tu en es à l’étape de prouver que tu es prêt à travailler dans ce milieu, tu reçois la formation de l’agent qui occupe le poste qui sera le tien éventuellement. Point final! Alors… je dois me faire oublier. Les gardiens de prison sont sympathiques, mais ça dépend du moment… et du gardien! Je suis fascinée par ce milieu, j’obtiens d’excellents résultats scolaires et j’ai quelques habiletés sociales! Si mon «mentor» me trouve agréable, pas trop tannante, je ne dois pas m’inquiéter pour mon sort. Quand tu es en formation, comme on dit, tu dois te tenir entre le mur et la peinture!
Au moment de commencer, je ne savais pas si, dans cet univers masculin, le fait d’être une jeune femme, blonde, pas trop mal, serait un plus ou un moins pour mon apprentissage… Quoi qu’il en soit, j’étais sûrement très divertissante pour certains, sinon plusieurs!
Mon «mentor», en ce premier jour d’une série de 10, pourrait être mon père. Il a pris l’air qu’il lui fallait après toutes ces années à travailler dans un pénitencier à sécurité maximale. Je le trouve calme, concentré sur ses tâches. Il le faut: nous sommes en plein début de la routine de jour de semaine dans un contrôle armé d’un pavillon cellulaire. Il fait sombre dans les contrôles. Presque toujours, des messages sont émis sur les ondes radio. Les boutons servant à ouvrir et à fermer les portes électriques des cellules s’allument comme sur le tableau de bord d’un Boeing. Elles sont toutes rouges… Rouge veut dire danger, car les cellules sont ouvertes.
Les détenus sont désormais tous en contact les uns avec les autres. Ils ont accès à des recoins où ils peuvent cacher des armes, se battre, se doper, déplacer leur broue2. Et ça se passe vite! Ils n’ont que quelques minutes avant que les portes ne se referment! On relaxera quand les lumières passeront au vert. C’est-à-dire quand les portes seront fermées! Les portes ne demeureront ouvertes que 10 minutes avant le prochain mouvement qui se fera au dîner. Ensuite, pour le compte de 16 h, le souper, le compte officiel en soirée, le retour aux activités et la fermeture à 23 h. Cette journée sera alors terminée… et la routine de nuit commencera. C’est ce que je comprends de ce qui est écrit sur le mur faisant face à la chaise du CX du contrôle. Ma débrouillardise m’aide beaucoup en ce moment…
CX est notre classification au sein de la fonction publique canadienne, et elle est exclusive aux gardiens des pénitenciers. Aucun autre fonctionnaire n’est classé ainsi, même de nos jours. Au cours de la décennie précédant mon embauche, il y avait des CX-2, des CX-4, des CX-6 et un CX-8 dans tous les établissements carcéraux du pays. Leur uniforme était kaki et le port de la casquette, obligatoire. Des insignes de grade aux épaules distinguaient le personnel en autorité et des épinglettes de tireurs d’élite ou autres distinctions pouvaient orner l’uniforme.
Rien de tout ça dorénavant, car notre uniforme est semblable pour tous, sans indications visibles de grades. L’uniforme vert à la militaire avait été remplacé depuis quelques années. Question d’image pour le SCC: il fallait un code vestimentaire différent de l’uniforme, qui rappelait trop celui des Forces armées. Nous étions à l’ère de la volonté de réhabilitation des criminels, au premier plan des budgets attribués au SCC par le ministère du Solliciteur général. J’ai l’impression que le budget des vêtements du personnel correctionnel est passé dans les compressions! D’une pierre deux coups selon cette nouvelle philosophie gouvernementale! Nous avions donc des pantalons de laine gris foncé et deux chemises, au choix, sans oublier les cardigans et chandails de laine marine, qui me donnaient plus l’allure d’une écolière que d’une figure d’autorité. Les agresseurs de jeunes femmes devaient se réjouir en ces temps-là, car la majorité des recrues féminines avaient environ 25 ans. Les cravates de styles et couleurs variés ainsi que les bottillons genre «Bozo le clown» complétaient notre tenue… fabriquée entièrement par des détenus!
Je suis convaincue aujourd’hui que la pire chose à faire pour donner envie à un criminel de reprendre le droit chemin du travail légal en société est de lui faire coudre des uniformes de screws3 à longueur de journée!
Les nouvelles chemises aux rayures bleues et blanches, comme celles des pompistes chez Ultramar, devaient être portées par les grades du bas de l’échelle. Je dois dire que cet uniforme représente mal l’idée que je me faisais de mon métier. Malgré ma fierté et mon professionnalisme, je devais parfois me résigner à dire aux consommateurs d’essence à la pompe que je ne travaillais pas à la station-service!
Quand on rencontrait un agent portant une chemise bleue unie, on se raidissait. C’était sûrement un CX-6 ou encore le CX-8! Toutes ces désignations nous avaient été expliquées pendant notre formation correctionnelle. Même si notre classification n’était plus visible sur notre uniforme, nous faisions une distinction en choisissant nos chemises le matin avant de nous rendre au travail. Et même fraîchement arrivée, je devais adopter le code non écrit. Je ne portais donc que les rayées, semblables à celles des employés du McDo à cette époque, même si elles ne me donnaient guère une tête autoritaire!
Pour notre clientèle, la couleur de notre uniforme importe peu. Nous sommes des chiens, des cochons, des schtroumpfs, et la plus utilisée des appellations: des screws. Quel que soit le grade, nous appartenons tous à ce groupe de travailleurs mal-aimés. Entre nous, nous sommes des officiers. On peut s’aimer, se détester. Le milieu carcéral nous affecte. Nous savons que nous serons en contact direct et parfois constant avec des criminels, mais aussi avec des monstres. Évidemment, ce contact quotidien laisse des marques. Nous vivons dans cette culture carcérale connue et très bien ancrée chez certains criminels. Mais c’est notre monde aussi et nous l’acceptons.
Certaines personnes, comme moi, l’ont choisi. Pour ma part, je voulais aider des gens. J’étais très jeune et par conséquent peu crédible auprès des gars délinquants de 17 ans que j’ai côtoyés au centre jeunesse Tilly de Québec, lors de mon stage en milieu juvénile. Cette expérience m’avait un peu troublée. Voir un éducateur enfermer un jeune dans une chambre aux murs complètement capitonnés m’avait sidérée.
Je devais me couper de ce genre de sentiment et d’émotion. Le milieu carcéral adulte me conviendrait mieux! Cependant, j’ai vite compris que plusieurs gardiens préféreraient travailler ailleurs. Si le salaire était le même bien sûr! Mais ce n’était pas le cas. Sans oublier l’absence presque totale de prérequis scolaires exigés pour devenir agent de la paix au SCC. En effet, une cinquième secondaire suffisait.
Je suis entrée au SCC en 1996, à l’époque de la démilitarisation des pénitenciers et du rôle des gardiens canadiens. Désormais, ils n’étaient plus seulement des répresseurs, mais aussi des aidants. Comme si les deux fonctions s’accordaient bien! N’importe quoi! J’ai 22 ans à peine, mais le SCC, lui, a plus d’un siècle. Peu importe l’année, ou qui dirige le pays, c’est toujours pareil en prison. Nous devons faire en sorte que les condamnés purgent leur peine de deux ans et plus. Tout est calculé. Tout est évalué. Tout est important. Tout peut être crucial. Tout est réel, ce n’est pas de la fiction.
Ne pas être attentif, professionnel, aux aguets de tout ce qui se passe dans le quotidien de ces détenus devient de la négligence de notre part en cas d’incident grave étant donné que nous sommes les premiers intervenants. Le SCC se permet de nous faire porter toutes ces responsabilités peut-être en raison du salaire considérable que le gouvernement fédéral nous donne! Je gagnerai 27 000 $ annuellement, non garantis, car le SCC n’embauche plus à temps plein. Je serai engagée sur appel si, bien sûr, je réussis mon stage en établissement. Si j’en crois les employés que je vois travailler, ce travail nécessite une hausse de salaire! Mais mon opinion à ce sujet ne fera pas vraiment de différence dans la fixation des salaires!
Ça y est, mon «mentor» bouge un peu. Il fait claquer les portes. Vacarme d’enfer. En fait, «claquer les portes» veut dire tourner le bouton en mode fermeture et l’ouvrir de nouveau afin de faire claquer les 96 portes de fer, 24 à la fois. Cela donne l’avertissement aux détenus que les portes seront fermées dans quelques secondes. Ce bruit, auquel je finirai sûrement par m’habituer, est assez agressant à 7 h 40 le matin. En calculant le nombre de fois que j’entendrai cela durant ma carrière, que je prévois longue de 25 ans, j’en perds ma concentration sur la sortie des détenus qui se prépare.
Mon «mentor» bouge à nouveau. Il fait un signe de la main dans les airs en regardant devant lui. Je le vois dans le miroir rond au-dessus de la vitre avant du contrôle armé qui reflète tout ce qui se trouve dans le contrôle: les lumières, les armes, les cartouches de gaz, les alarmes et mon «mentor», qui manipule ses outils de travail comme s’il était une pieuvre. Mais à qui a-t-il parlé? Ça y est, j’ai manqué quelque chose… Je ne serai pas efficace même si je m’applique. Je suis trop jeune. Je suis une fille. Je suis blonde en plus… pas de chance pour moi! Tous ces stéréotypes envahissent mes pensées.
Pourtant, je suis une bonne élève, prometteuse, et je rêve d’exercer ce métier. J’y ai arrêté mon choix après avoir sélectionné deux métiers en cinquième secondaire: la prison ou l’esthétique. Deux opposés. J’étais trop jeune pour nommer toutes les raisons qui m’ont fait choisir la première option, mais c’était viscéral, comme une vocation. J’ai une solide confiance en moi depuis toujours. Mais voilà que je me dis que tous ceux qui ont tenté de me décourager de faire cette formation avaient raison!
J’entends la porte du sas4 s’ouvrir derrière moi. Un autre agent de correction doit entrer par cet espace sécuritaire, situé entre le corridor et le contrôle armé, pour assister l’agent du contrôle pendant le mouvement des détenus aux ateliers de travail. Il assurera la protection des CX-4 qui se tiennent dans le corridor. Eux ont des contacts directs avec les détenus. Ils ont une prime salariale pour cela, et beaucoup d’autres responsabilités. Ils contribuent à la réhabilitation des criminels. Les CX-2, eux, font de la répression… et protègent tout le personnel avec des armes à feu ou des gaz lacrymogènes au cas où certains clients ne seraient pas sur la bonne voie de leur réhabilitation!
Ce deuxième gardien, répresseur aussi, entrera finalement dans le contrôle. Il prendra une des deux carabines neuf millimètres, deux chargeurs remplis de balles et fera sa vérification en cinq points… euh non, en sept points, car c’est sa première prise de cette arme aujourd’hui. Je ne dois pas oublier mes notions de prise de l’arme, chargement, déchargement. Ce n’est pas drôle. Je n’avais jamais touché à une seule arme de ma vie avant ma formation. Cependant, il y en avait plein chez moi quand j’étais petite, car mon père était un chasseur assidu. Mon petit frère a même appris à chasser dès l’âge de deux ans. Mais ce passe-temps n’était pas pour les filles. Donc pas pour ma sœur ni pour moi.
Les armes ne me dérangent pas, mais je ne me trouve pas dans le bois en ce moment! Tout ça augmente mon stress. Après tout, je n’ai pas à manipuler d’arme dans ma formation en établissement. Même si j’ai été entraînée sur le champ de tir et que je m’y suis qualifiée haut la main, je me demande comment des armes semi-automatiques de si longue portée peuvent être utilisées dans un endroit aussi exigu que le pavillon dans lequel nous sommes. En plus, je devrai pointer à travers une meurtrière de quelques pouces pour intervenir. Vais-je m’habituer à cela aussi? Je ne me souhaite pas d’en venir aux armes. Mais une chose est sûre, elles font partie de mes outils de travail. Il est d’ailleurs probable que...
Table des matières
- COUVERTURE
- PAGE LÉGALE
- TABLE DES MATIÈRES
- KINGSTON, LE DÉBUT?
- PARTIE 1 – MES ANNÉES AU MAXIMUM
- PARTIE 2 – PROMOTION
- PARTIE 3 – TRANSFERT AU MÉDIUM
- PARTIE 4 – MES ANNÉES AU TROU
- PARTIE 5 – GRAVIR LES ÉCHELONS
- TOURNÉE D’ADIEU
- QUATRIÈME DE COUVERTURE


