Le rêve de Phonsine
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Le rêve de Phonsine

Poétique/psychocritique du Cycle du Survenant de Germaine Guèvremont

  1. 300 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le rêve de Phonsine

Poétique/psychocritique du Cycle du Survenant de Germaine Guèvremont

À propos de ce livre

Le cauchemar de la chute de Phonsine dans un puits possède une extraordinaire résonance dans les écrits de Germaine Guèvremont. Clé de l'oeuvre, ce rêve, qui est l'expression d'importants traumatismes ayant marqué l'autrice, synthétise les enjeux de son écriture et en révèle les fondations mêmes.Une idée reçue voudrait que Germaine Guèvremont soit l'autrice d'un seul roman: cet essai montre au contraire qu'elle a écrit un vaste cycle qui traverse les époques, les genres et les médias, et qu'il faut l'étudier dans son ensemble pour prendre la pleine mesure de l'ambition et du talent de sa créatrice. À partir d'une étude psychocritique du rêve de Phonsine, David Décarie met en lumière une poétique du Cycle du Survenant en s'appuyant sur les recherches qu'il mène depuis une dizaine d'années. Il s'intéresse à trois aspects de la vie de Guèvremont – le deuil, les secrets de famille, l'enfant de remplacement – qu'il met brillamment en rapport avec des procédés d'écriture qui structurent l'oeuvre. Ce faisant, il lève le voile sur l'une des plus grandes écrivaines du Québec.

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L’enfant de remplacement
et l’écriture de la variation

«Que tout est étrange, aujourd’hui! Hier les choses se passaient comme à l’ordinaire. Peut-être m’a-t-on changée cette nuit! Voyons, étais-je la même petite fille ce matin en me levant? – Je crois bien me rappeler que je me suis trouvée un peu différente. – Mais si je ne suis pas la même, qui suis-je donc, je vous prie? Voilà l’embarras.» Elle se mit à passer en revue dans son esprit toutes les petites filles de son âge qu’elle connaissait, pour voir si elle avait été transformée en l’une d’elles.

«Il y avait une fois trois petites sœurs», commença bien vite le Loir, «qui s’appelaient Elsie, Lacie et Tillie, et elles vivaient au fond d’un puits.»
(Lewis Carroll,
Aventures d’Alice au pays des merveilles)

XIII Venant et la venance

La venance

En 1947, Germaine Guèvremont revisite les Beauchemin dans Marie-Didace. L’arrivée d’un double féminin de Venant, l’Acayenne, peut être vue comme une tentative d’exploiter le succès du premier roman. La minutieuse attention avec laquelle sa venue est préparée montre cependant que cette transition correspond à un véritable projet de construire un cycle littéraire. Le titre de travail du Survenant, annoncé dans le Bulletin bibliographique de la Société des écrivains canadiens de 1943-1944, est d’ailleurs «Les survenants1». La thaumatropie des survenants est, on l’a vu, au cœur du Cycle du Survenant et du rêve de Phonsine. C’est aussi l’expression la plus visible d’une fascination de l’autrice pour la variation.
Autre et pourtant similaire au Survenant, l’Acayenne constitue une véritable personnification de la variation en raison de son nom de famille, Varieur. Sa venue brouille l’identité, déjà fragile, multiple et mystérieuse, du Survenant. L’effet de cette variation ne se borne toutefois pas à ces personnages car celle-ci, centrale dans l’écriture de l’autrice, engendre de nombreux phénomènes textuels et notamment des effets stylistiques. Le verbe «venir» et ses nombreuses variations lexicales possèdent, dans le Cycle du Survenant, une importance stylistique, symbolique et sémantique particulière. Avant même que le personnage de Venant ne survienne, sa place est en quelque sorte déjà préparée dans «Les survenants», première ébauche de l’univers du Chenal du Moine parue en 1938 dans la revue Paysana:
[…] le pont de glace est pris entre Sorel et les îles et il se pourrait fort bien que la parenté du Nord surviendrait2 d’un moment à l’autre. Et il [le père Beauchemin] s’occupe de savoir si la mère a fait abondante la part des survenants.
— Ce n’est sûrement pas le manger qui manquera, assure la mère, comme le manque de survenants, par un fret noir pareil3.
Le participe présent substantivé est proche du verbe, et l’autrice joue sur cette proximité. L’effet stylistique de la venance, qui consiste à mettre en relation le nom «survenant» et les mots de même racine lexicale, est présent dès la première esquisse du cycle.
Aux diverses explications avancées par la critique pour rendre compte de l’origine du personnage de Venant, il faut ajouter la séduction exercée par le léger écart d’un participe présent devenu, dans le parler sorelois, nom commun: «survenant». Avec l’apparition du Grand-dieu-des-routes dans le roman éponyme, l’autrice enrichit cet écart en y ajoutant la tension d’un nom à la fois commun et propre: «Survenant, survenant, remarqua Venant, vous avez toujours ce mot-là à la bouche. Dites-moi une fois pour toutes ce que vous entendez par là» (S, p. 29). L’écart est fondateur et apparaît dès cette inexplicable majuscule que la narration attribue à l’étranger: «Approche sans gêne Survenant lui cria le père Didace» (S, p. 9). Cet écart parvient au lecteur moderne miné par la popularité du personnage de même que par la disparition du nom commun dans l’usage de la langue au Québec. Guèvremont fait bien plus: elle redouble le nom. Du surnom que lui donne le père Didace, l’étranger fait son nom:
— Mon nom? Vous m’en avez donné un: vous m’avez appelé Venant.
— On t’a pas appelé Venant, corrigea Didace. On a dit: le Survenant. (S, p. 10)
Or, celui-ci ne se nomme pas «Survenant» mais «Venant», ce qui est à la fois un peu moins et un peu plus. «Survenant» s’explique: l’étranger, en effet, «survient». Dans le nom «Venant», la figure de style reste «vive» (au sens où l’on parle d’une «métaphore vive4»). La narration adopte l’aphérèse et, le nommant, va et vient entre l’un et l’autre nom (dans le premier roman, «Survenant» revient 299 fois, et «Venant», 106). II y a là, bien sûr, une manœuvre pour «varier» le nom, pour éviter (ou permettre) la répétition, mais il faut aussi voir l’extrême fécondité de cette variation qui devient déclinaison: «survenants», «survenante», «Survenant», «Venant»… Pourquoi s’arrêter en si beau chemin? Pourquoi pas «prévenant» ou «prévenance»? Et, oui, la venance fait, à plusieurs reprises, le rapprochement: «Les prévenances du Survenant lui manquaient» (MD, p. 150); «Tu nieras toujours pas que le Survenant était prévenant comme on en voit rarement?» (MD, p. 168.)
Par la richesse stylistique du nom «Survenant» et l’emploi d’un double nom, le personnage s’ouvre à la venance, aux variations, compositions et dérivations lexicales. Une étude exhaustive des apparitions des variantes lexicales de «venir» et de leur rencontre avec les noms du héros montre l’ampleur de ce procédé5 qu’emploie Guèvremont.
La venance est d’abord un effet stylistique et sonore. Les lexies de même famille, heurtées, «sonnent». La venance, née de la répétition, de la résonance, est allitération, isolexisme: «Venant vint sur le point d’ajouter» (S, p. 26); «la première voiture à revenir au chenal après la grande messe ramena le Survenant» (S, p. 62); «À l’avenir, tâche donc de te comporter comme un homme, Survenant» (S, p. 90); «il devient davantage le Venant à Beauchemin» (S, p. 124); «Venant prévint l’Étrangleur» (S, p. 116); «Quand elle parvint au seuil de la porte, Venant lui demanda» (S, p. 125).
L’effet de venance le plus surprenant est peut-être celui des 60 rapprochements des noms du personnage avec le verbe «revenir» et, notamment, à 11 reprises (6 fois dans le premier roman, 5 fois dans le second), à l’intérieur de la même phrase (par comparaison, le verbe «venir», pourtant beaucoup plus présent – 145 occurrences –, se retrouve 9 fois dans la même phrase que «Venant» ou, «Survenant»). Un second effet de venance, plus discret mais tout aussi important, tient à la fréquence du verbe «se souvenir» ou du substantif «souvenir», de même qu’à l’augmentation (de 5 à 12 occurrences) de ces lexies dans le second roman. La relation de Venant aux autres personnages passe, sur le plan stylistique et métaphorique, par ces deux variations.
Se conjuguant à l’effet purement sonore, la venance devient la «présence» stylistique du personnage: elle accompagne le Survenant et le dissémine dans le texte. La venance a également un rôle important après sa disparition; sorte de «linceul lexical», elle révèle alors la présence-absence du «revenant»: «Cent voyages par jour, de la maison à l’étable et aux bâtiments ne parvenaient pas à tromper son ennui. S’il avait pu trouver quelqu’un avec qui s’entretenir du Survenant. Angélina? Dès qu’il était question de lui, elle devenait plus blême qu’une carpe pâmée» (S, p. 139). Les «disciples» les plus fidèles du Survenant sont ainsi, dans Marie-Didace, «visités» par la lexie.

Doubles

La venance n’est toutefois qu’une des manifestations d’une écriture de la variation qui traverse le cycle entier. Contagieux, le Survenant engendre une série de doubles auréolés de venance, marqués de sa présence. II y a d’abord les doubles métonymiques, les «étranges» ou les étrangers faisant, d’entrée de jeu, partie de la «famille» du Survenant. L’Acayenne est la plus importante de ces doubles métonymiques. La variation n’est nulle part plus évidente que dans le thaumatrope formé par les deux étrangers, mais tous les personnages sont, à des degrés divers, impliqués dans de telles relations. Le relais des survenants peut ainsi être envisagé comme un épiphénomène de la venance: «L’année passée, c’était leur Survenant qui leur faisait honneur. C’t’année, c’est une survenante» (MD, p. 200). Nous verrons plus loin les rapports importants de ce personnage avec la venance. Soulignons déjà, cependant, que la survenante est elle-même scissipare et que la variation accompagne sa famille; les Varieur se multiplient:
Pas plus tard qu’à matin, elle a fait demander à Marie Provençal de lui composer une lettre au garçon de son Varieur. Et sais-tu ce qu’elle lui demande? De s’en venir rester avec nous autres, au Chenal, comme le garçon de la maison. Roi et maître, c’est pas de valeur! Quoi c’est que je vas devenir dans tout ça? (MD, p. 271)
Les variations médiatiques des romans multiplieront ces doubles métonymiques: Jeffré Varieur, le grand Quêteux d’étoffe, Milhomme, le vieux Fred, Nancy Varieur, et, bien sûr, Manouche, apparaîtront tour à tour au Chenal du Moine.
Il y a ensuite les personnages que l’on pourrait qualifier de doubles métaphoriques, les membres de la communauté transformés par Venant6. Le personnage de Beau-Blanc, «journalier» ou «engagé» comme le Survenant, attire la venance avec une remarquable constance:
— Votre beau marle m’a tout l’air envolé sur l’aile de notre argent…
Didace prit la part de Venant:
— S’il revient pas t’de suite, faut crère qu’il a ses raisons.
Toutefois une inquiétude pointait en lui. Elle s’aggrava le matin que Beau-Blanc à De-Froi arrêta à la maison. En l’apercevant, Didace se demanda: «Quoi c’est qu’il vient encore nous annoncer de mauvais, l’oiseau de malheur7?» (S, p. 80)
La puissance du Survenant passe avant tout par son influence sur les autres, c’est-à-dire par l’imitation qu’il provoque:
Le Survenant n’avait pas porté bonheur aux Beauchemin. Vrai, sa puissance magnétique n’avait plus guère de reflet sur eux; mais le sillon de malheur qu’il avait creusé inconsciemment autour de leur maison, six ans plus tard, le temps ne l’avait pas encore comblé. (MD, p. 261)
Didace est, on l’a vu, un tel double. Comme souvent chez Guèvremont, la gémellité affleure dans un tourbillon thaumatropique:
Une grosse joie bouillonnait en lui avec son sang redevenu riche et ardent. Sa face terreuse sillonnée par l’âge, ses forces en déclin, son vieux cœur labouré d’inquiétude? Un mauvais rêve. II retrouvait sa jeune force intacte: Didace, fils de Didace, vient de prendre possession de la ...

Table des matières

  1. Abréviations des œuvres de Germaine Guèvremont les plus fréquemment citées
  2. Traumatropie
  3. Le deuil et l’écriture verticale
  4. Les secrets de famille et l’écriture du secret
  5. L’enfant de remplacement et l’écriture de la variation
  6. CONCLUSION
  7. CHRONOLOGIE DE GERMAINE GUÈVREMONT
  8. ÉCRITS DE GERMAINE GUÈVREMONT