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L'exception québécoise

  1. 202 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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L'exception québécoise

À propos de ce livre

Un bilan rigoureux et incontournable de la croissance des inégalités et un avertissement salutaire quant à la pertinence et aux limites du modèle québécois (Alain Noël, professeur de science politique, Université de Montréal). En analysant l'évolution du 1% le plus riche au Québec, Nicolas Zorn montre bien comment les institutions jouent un rôle crucial dans la modération ou l'élargissement des inégalités, bien davantage que l'innovation technologique ou la mondialisation. Ce livre est important pour ceux qui se préoccupent de l'accroissement des écarts de revenus et il explique ce que nos sociétés peuvent accomplir pour s'en prémunir (Emmanuel Saez, professeur d'économie, UC Berkeley).Ce livre fournit la description la plus complète et la plus claire sur le 1% québécois, et est porteur d'une leçon essentielle: l'augmentation des inégalités n'est pas inéluctable, c'est avant tout un choix politique (Gabriel Zucman, professeur adjoint d'économie, UC Berkeley).Nicolas Zorn est analyste de politiques à l'Institut du Nouveau Monde et doctorant en science politique à l'Université de Montréal. Spécialiste des inégalités économiques, il a écrit plusieurs études sur le sujet.

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CHAPITRE 1

Le rôle décisif des institutions

Comment expliquer l’accroissement, parfois très important, des hauts revenus? La littérature sur le sujet offre plusieurs explications, mais certaines sont plus convaincantes que d’autres. Les théories qui tentent de comprendre l’évolution du 1% le plus riche se classent essentiellement selon deux grandes approches: la première attribue les changements aux mécanismes de marché (changements économiques) et la seconde aux autres institutions économiques et politiques.

Les théories des mécanismes de marché

Certaines théories soutiennent que les fulgurants progrès technologiques des dernières décennies favoriseraient surtout les travailleurs très qualifiés, soit les salariés déjà les mieux rémunérés. De façon complémentaire, la théorie des «superstars» soutient que la mondialisation a élevé le niveau de la concurrence entre entreprises; pour survivre et réussir, elles doivent employer et retenir les «meilleurs» travailleurs et dirigeants, et leur permettent d’exiger une rémunération en conséquence plus élevée. Cette concurrence toujours plus forte transformerait la structure salariale en faveur du «gagnant qui rafle la mise» (winner-takes-all)31. Dans ces cas, la récompense dépendrait beaucoup de la performance de l’entreprise, démultipliée par l’accès aux marchés désormais planétaires, ouverts par le processus de mondialisation des échanges commerciaux.
Il existe deux problèmes majeurs avec l’explication de la mondialisation couplée aux changements technologiques biaisés en faveur des salariés les plus qualifiés32. D’abord, si les changements technologiques profitaient largement aux plus qualifiés, pourquoi ces gains de revenus se manifesteraient-ils seulement dans le premier centile, plutôt qu’aux premiers décile ou quintile? Prenons l’exemple des États-Unis, où le premier centile a connu la progression la plus importante de tous les pays développés depuis les années 1980. S’il est vrai «que la rémunération de l’instruction a augmenté […] même les actifs qui ont une formation universitaire ont vu, dans leur immense majorité, la progression de leurs salaires prendre du retard sur la hausse de la productivité. […] Pourquoi? Parce que la plupart des gains ne sont pas allés à une large catégorie d’actifs bien payés; ils ont été accaparés par un tout petit groupe d’individus extrêmement bien payés33», parfois indépendamment de leur performance économique.
De plus, des puissances économiques ouvertes sur le monde comme la France, l’Allemagne et le Japon ont été tout autant touchées par les mêmes innovations technologiques et leurs travailleurs et dirigeants sont également très qualifiés. Or, ces pays n’ont pas été témoins d’une hausse importante de la concentration des revenus vers le premier centile, contrairement aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Canada, des pays tout aussi exposés à ces deux phénomènes. Les théories affirmant que la rémunération importante des salariés est fondée sur une demande plus importante de travailleurs hautement qualifiés ou renommés ne semblent donc pas être en mesure d’expliquer les tendances contradictoires des hauts revenus.
Pour interpréter l’évolution du premier centile depuis les années 1980, la littérature penche davantage du côté des institutions; celles-ci expliquent mieux les phénomènes à l’œuvre, tout en étant empiriquement plus solides34. Évidemment, il est parfois difficile de séparer les effets respectifs de chacune des institutions sur l’évolution des hauts revenus. Plusieurs institutions ont été définies comme en étant principalement responsables: les normes sociales vis-à-vis des inégalités de revenu en général, et sur le plan de la tolérance à la rémunération élevée des cadres supérieurs en particulier, les institutions du marché du travail, la place qu’occupe le secteur financier dans l’économie, la gouvernance d’entreprise, le rôle de l’État dans l’économie et les politiques de rémunération des cadres et professionnels dans le secteur privé (problèmes d’extraction de rentes), ainsi que le système d’impôt sur les revenus. Le reste du chapitre évaluera les particularités et la pertinence de ces facteurs pour expliquer les phénomènes à l’œuvre.
Notons que plusieurs facteurs conjoncturels ont également eu leur importance dans l’évolution du premier centile au cours du XXe siècle: changements de gouvernement, épisodes d’inflation galopante, crises économiques et financières, les deux guerres mondiales. À l’exception de l’inflation (nous y reviendrons), ces événements ont eu lieu avant le milieu des années 1980, soit la période pendant laquelle la part des revenus captée par le premier centile n’a pas évolué de la même manière dans les pays anglophones et non anglophones. Ne restent donc que les institutions pour expliquer cette divergence.

Les normes sociales

Les normes sociales ont un effet important sur le rôle de l’État, ainsi que dans le marché du travail, notamment en délimitant ce qui est une rémunération juste et adéquate. Celle-ci est difficile à déterminer objectivement, en particulier pour la production d’un bien ou d’un service qui requiert la contribution de plusieurs personnes, une caractéristique dominante de nos économies modernes et de la division du travail. Comment départager l’apport de chacun? C’est là que les conventions et rapports de force jouent un rôle déterminant.
La contribution des hauts cadres et dirigeants à leur entreprise et à l’économie en général est encore plus difficile à mesurer et à comparer. À défaut d’une méthode de calcul appropriée et consensuelle, les normes sociales influencent fort probablement les hauts revenus, comparativement au revenu considéré comme juste par les collègues de ceux qui les empochent et par l’ensemble de la population:
Les normes sociales relatives aux inégalités de rémunération pourraient bien avoir joué un rôle important dans la détermination de la structure des salaires, [y compris] dans la rémunération au sommet. La valeur ajoutée des cadres supérieurs dans les grandes entreprises est notoirement difficile à estimer et leur salaire est probablement déterminé dans une large mesure par un «comportement moutonnier». L’évolution des normes sociales en matière d’inégalité et l’acceptabilité des salaires très élevés pourraient expliquer en partie la hausse des salaires supérieurs des États-Unis observée depuis les années 197035.
Dans la même veine, Paul Krugman considère qu’en matière de normes sociales, la rémunération des dirigeants d’entreprise est un exemple révélateur, car l’évolution du revenu serait davantage liée aux conventions sociales qu’à la performance. L’économiste rapporte l’exemple des revenus d’une centaine de P.-D. G. dirigeant les plus grandes entreprises qui sont passés d’une proportion 40 fois supérieure au revenu du salarié moyen à temps plein dans les années 1930 à une rémunération 367 fois supérieure au début des années 200036. L’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques observe le même phénomène au Canada: le revenu moyen des dirigeants d’entreprise a considérablement augmenté ces dernières années, atteignant jusqu’à 150 fois le revenu moyen dans le secteur privé en 2010, comparé à un rapport de 60 fois le revenu moyen en 199837. L’écart entre le revenu des dirigeants d’entreprise et des 2e et 3e dirigeants les mieux rémunérés s’est également beaucoup accentué, passant du simple au double. Or, si le Japon abrite parmi les plus grandes et prospères multinationales de la planète, ses dirigeants ont un revenu de seulement 16 fois supérieur au travailleur moyen38.
Krugman soutient également que les normes sociales peuvent non seulement indiquer ce qu’est une juste rémunération, mais également ce qui ne l’est plus. Pour montrer cet aspect, l’auteur cite Bebchuk et Fried:
La seule force qui limite le salaire des P.-D. G., c’est la «contrainte indignation»: la crainte de la réaction violente que pourrait provoquer une rémunération extrêmement élevée du chef d’entreprise, en sortant de leur torpeur habituelle les actionnaires, les salariés, les responsables politiques ou l’opinion publique39.

La gouvernance d’entreprise

Depuis les années 1990, la rémunération des cadres dirigeants d’entreprise a connu une croissance marquée. La gouvernance d’entreprise – cette approche managériale resserrant les liens entre les intérêts des dirigeants et ceux des actionnaires – est directement responsable de cette évolution. Ainsi, «pour que le dirigeant opérationnel concentre tous ses efforts sur la maximisation du cours de l’action, on le rémunère en grande partie par des options d’achat d’action ou des actions gratuites, de sorte que sa rémunération s’accroît fortement lorsque l’action grimpe40».
Toutefois, si une telle politique salariale augmente considérablement la rémunération de ses principaux bénéficiaires, elle n’est pas sans risque. Un directeur général opportuniste peut gagner beaucoup d’argent en prenant des décisions favorables à son enrichissement personnel à court terme, mais désastreuses pour l’entreprise à moyen terme. Autrement dit, les cadres-dirigeants peuvent engager leur entreprise dans des stratégies plus risquées et négliger l’investissement à long terme, puisqu’ils sont incités à le faire.
L’absence de lien entre la performance et la rémunération pourrait notamment tenir à la pratique du leapfrogging: les hauts dirigeants auraient tendance à «sauter» d’un emploi bien rémunéré à l’autre dans un intervalle de temps relativement court sans que leur bilan puisse être clairement attribué à leur performance. Ce phénomène, confirmé empiriquement41, permet à ces dirigeants de mettre leur «expertise» (et surtout leur réputation) aux enchères sur le marché des «superstars». Les normes sociales pourraient bien être déterminantes pour expliquer pourquoi ce phénomène aurait moins de répercussions dans les pays avec un régime non libéral.
Le peu d’information que possèdent les actionnaires sur le fonctionnement interne d’une entreprise ne leur permet pas de juger adéquatement de la performance de ses dirigeants. Ce cas classique du principal-agent42 encourage la prise de risque excessive et les décisions visant uniquement la valorisation boursièr...

Table des matières

  1. Préface
  2. Remerciements
  3. Introduction
  4. PREMIÈRE PARTIE
  5. CHAPITRE 1
  6. CHAPITRE 2
  7. DEUXIÈME PARTIE
  8. CHAPITRE 3
  9. CHAPITRE 4
  10. TROISIÈME PARTIE
  11. CHAPITRE 5
  12. CHAPITRE 6
  13. Conclusion
  14. Bibliographie
  15. Annexes