Un jurassien en Amérique du Nord
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Un jurassien en Amérique du Nord

De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)

  1. 233 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Un jurassien en Amérique du Nord

De Cornol à Montréal. Le journal d'Amédée Girard (1893-1897)

À propos de ce livre

« Le 2 septembre 1893, le paquebot La Champagne jetait l'ancre dans la baie de New York. »Ainsi commence le journal tenu par Amédée Girard, un émigré « ordinaire » et anonyme comme des millions d'autres exilés en Amérique à la fin du xixe siècle. De New York à Montréal, où il se fixe dès son arrivée, l'auteur note les observations et les impressions que lui inspire son nouveau lieu de vie. Villageois jurassien contraint à un voyage sans retour, il entraîne le lecteur dans les méandres de la grande ville, les chemins tortueux de l'intégration et les tourments de la nostalgie. Mais le récit fait également part des moments de bonheur, des réussites et des rêves de lendemains qui chantent. Tout en se confiant à son journal intime pour soulager son sentiment de solitude, Amédée Girard s'adonne aussi à l'introspection et propose une réflexion sur ses valeurs chrétiennes et morales. Il fait enfin œuvre de journaliste et parfois d'anthropologue en racontant anecdotes et particularités de la vie au Canada.Ce témoignage d'une profondeur et d'une sincérité exceptionnelles présente un intérêt historique certain, qui permet de tirer de l'oubli quelques années de la vie de son auteur et aux lecteurs de bien comprendre le contexte migratoire de l'époque.Marie-Angèle Lovis a fait une carrière dans l'enseignement en Suisse et s'intéresse au phénomène de l'émigration des Suisses, notamment des Valaisans, ou des ressortissants du Jura bernois au xixe siècle. Elle est l'auteure de nombreuses contributions sur les départs vers les Amériques et l'Europe de l'Est.

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L’arrivée à New York
Le 2 septembre 1893, le paquebot La Champagne jetait l’ancre dans la baie de New York. Arrivé trop tard pour pénétrer dans le port, le navire s’endort sur les flots calmes. Le spectacle que nous avons sous les yeux est vraiment grandiose et féerique. Les feux des phares, vigilants gardiens des côtes, brillent d’un éclat merveilleux. Les deux rives qui se rapprochent sont couvertes d’une infinité de lumières, du plus puissant effet. Le pont de Brooklyn se distingue à sa ligne régulière de lampes électriques. Dans le fond, la statue de Bartholdi, “la Liberté éclairant le monde”, se détache merveilleusement bien. Ajoutez à cela l’éclat d’une nuit divinement étoilée, et vous aurez une idée mais bien imparfaite du spectacle que nous avons sous les yeux. Les passagers, groupés sur le pont du steamer, expriment toute leur admiration, et certes, elle a bien sa raison d’être.
C’est ainsi que commence le journal d’Amédée Girard. Grandiose, féerique, merveilleux, les termes qu’il utilise témoignent de la fasci­nation qu’exerce la métropole américaine sur l’immigrant européen, issu fréquemment d’un milieu rural. Même la nuit est porteuse d’espoir: le scintillement des lumières électriques et des étoiles relie le matériel et le divin, sous le regard de la Statue de la Liberté, elle-même illuminée par la «fée électricité», emblème de modernité. Si certains vouent une admiration inconditionnelle au Nouveau Monde, symbole d’indépendance, de progrès technique et de réussite individuelle, d’autres ont une approche plus nuancée. Amédée Girard est de ceux-là car, malgré son émerveillement face à la cité new-yorkaise, il sait que «dans ces villes immenses, on y souffre, et l’on y pleure […]. Aussi nos pensées ne sont-elles pas toutes roses et regagnons-­nous l’entrepont tout songeur»1.
L’Eldorado américain
L’émigration est une réalité que la Suisse a bien connue au xixe siècle et jusque dans les années 19202. Lors de la vague de départs du début des années 1880, la plus importante du xixe siècle avec celle de 1845-1855, ce sont en moyenne 11 000 Suisses qui s’expatrient annuellement. À partir de 1884, le flux migratoire diminue et se stabilise autour de 7 900 individus par an jusqu’en 18923. Lorsqu’Amédée Girard décide de s’exiler, en 1893, le recul s’accentue. Ils sont néanmoins 6 177 Helvètes à quitter leur pays cette année-là pour s’installer outre-mer. Parmi ces exilés, 1 531 sont originaires du canton de Berne et 95% d’entre eux s’établissent en Amérique, c’est-à-dire aux États-Unis. Les 6 districts francophones du Jura bernois4 enregistrent 199 départs. Celui de Porrentruy fournit un contingent de 45 personnes5. Amédée Girard, vingt-sept ans, est l’une d’elles. Il est originaire de Cornol, un village de 1 140 habitants6 où l’on travaille principalement dans l’agriculture et l’horlogerie. La localité a déjà été touchée par une septantaine de départs depuis 1877, de telle manière que les six émigrés de l’automne 1893 s’inscrivent dans une continuité. Peut-être ont-ils été encouragés par Joseph Gaignat, revenu en visite quelques mois plus tôt, et lui ont-ils fait confiance, car leur compatriote a une longue expérience du Nouveau Monde, s’y étant établi avec sa famille en 1882 déjà. Certes, la vie quotidienne sur le Vieux Continent n’est guère facile et les États-Unis représentent aux yeux des émigrants l’Eldorado à rejoindre. Mais le moment choisi par Amédée et ses compagnons n’est pas le plus propice. En effet, la situation économique des États-Unis s’est dégradée au cours du premier semestre de 1893. Le pays est en proie à de grosses difficultés déclenchées par un krach financier entraînant des faillites d’établissements bancaires, d’entreprises et, comme corollaire, une flambée du chômage. Entre 8 et 18% de la population active serait touchée de 1893 à 1898 selon des recherches récentes7. Amédée Girard s’en rend compte très rapidement.

1. Les citations ne renvoyant pas à une référence bibliographique sont toutes extraites du journal d’Amédée Girard.
2. Selon Heiner Ritzmann-Blickenstorfer, de 490 000 à 500 000 Suisses ont émigré outre-mer de 1816 à 1930; environ 75 à 80% d’entre eux se sont rendus aux États-Unis. L’évaluation de Ritzmann est un nombre global, incluant les visites des émigrés en Suisse. Ces derniers sont comptabilisés en tant que nouveaux émigrants à chaque départ du pays natal au moment de retourner dans leur pays d’adoption. L’estimation ne tient pas compte non plus des retours définitifs particulièrement importants au xxe siècle. Ritzmann-Blickenstorfer Heiner, Alternative Neue Welt. Die Ursachen des schweizerischen Überseeauswanderung im 19. und frühen 20. Jahrhundert, Zürich: Chronos Verlag, 1997, p. 109-115, 257-259, 623.
3. Archives cantonales jurassiennes (ArCJ), AC 91.27, 1883-1928, Mitteilungen des Kantonalen statistischen Bureaus, Jahrgang 1914, Lieferung 1, Die überseeische Auswanderung aus dem Kanton Bern und der Schweiz von 1868-1913, p. 55.
4. Les districts francophones de Porrentruy, de Delémont, des Franches-Montagnes, de Moutier, de Courtelary et de La Neuveville ainsi que le district germanophone de Laufon font partie de l’évêché de Bâle dont le prince-évêque, chassé de la ville rhénane à la suite de la Réforme, réside à Porrentruy depuis lors (1528). Lors de la Révolution française, ils sont annexés par la France. À la suite de la défaite de Napoléon, les grandes puissances présentes au Congrès de Vienne en 1815 rattachent les terres de l’ancien évêché de Bâle au canton de Berne. Désormais, elles sont désignées par les termes de Jura bernois. En 1979, trois districts francophones du Jura bernois, à savoir Porrentruy, Delémont et les Franches-Montagnes forment un canton à part entière, le canton du Jura, tandis que les districts de Moutier, Courtelary et La Neuveville restent dans le canton de Berne et continuent à être désignés sous le nom de Jura bernois.
5. ArCJ, AC 91.27, 1883-1928, Mitteilungen des bernischen statistischen Bureaus, Jahrgang 1908, Lieferung I, p. 140-141.
6. Recensement fédéral de 1888. Voir lien: http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/150/03/01/00/05.html.
7. Stanley Lebergott (1918-2009), statisticien du Bureau of Labor Statistics et spécialiste de l’évolution du chômage aux États-Unis; Christina D. Romer, professeur d’économie à l’Université de Berkeley. Voir: http://fr.wikipedia.org/wiki/Panique_de_1893.
En route vers le Canada
Une semaine après son arrivée à New York, il quitte les États-Unis pour tenter sa chance à Montréal. Sa décision est inhabituelle, car le Canada n’attire pas les Suisses même si leur présence est déjà attestée aux xviie et xviiie siècles8. De 1864 à 1893, seuls 0,1 à 0,3% d’entre eux choisissent ce pays comme lieu de destination, autant dire que son attractivité reste marginale face à celle des États-Unis qui captent 69 à 86% de l’émigration suisse pendant la même période9. Pourtant, dans les années 1870, le gouvernement canadien se met à faire de la propagande pour la colonisation de l’Ontario. À de nombreuses reprises, les agences d’émigration bâloises font passer des annonces alléchantes dans la presse des districts francophones du Jura bernois. Elles attirent l’attention sur les avantages considérables qu’offre le Canada aux agriculteurs (Fig. 2), ou insistent sur l’aspect francophone et catholique du pays (Fig. 3), cette dernière caractéristique n’étant pas anodine en période de Kulturkampf10 dans le district de Porrentruy. Au printemps, en 1878 et en 1879, ces agences font à nouveau de la réclame pour les terres de l’Amérique et du Canada, en particulier dans le journal Le Pays, édité à Porrentruy. Le Conseil fédéral tempère le discours par la publication en 1884 d’une mise en garde «concernant les dangers de l’émigration au Canada», à la demande de la Société suisse de Montréal. En effet, cette dernière fait état de compatriotes, «trompés par des agents sans conscience, qui n’ont en vue que leur propre gain». Et de conclure par un vibrant appel à l’adresse des Suisses qui désireraient se rendre dans ce pays: «Rien de bon ne vous attend. Ne vous laissez donc pas duper! […] Croyez vos compatriotes du Canada qui vous aiment et qui voudraient vous voir heureux et non désespérés!»11 Pourtant, à partir de 1885, la propagande pour les régions de l’Ouest canadien se développe. Mais les autorités helvétiques demeurent très sceptiques face à la colonisation de ces régions. En 1885, elles refusent l’autorisation à une agence d’expédier des émigrants dans le Manitoba, «les conditions d’existence dans cette colonie et en général dans tout le Canada doivent être désolantes, et la perspective pour l’avenir doit y être très sombre»12. Le Canadian Pacific Railway essuie également un refus en 1891 lorsqu’il demande la permission de faire distribuer, par l’intermédiaire des agences, des brochures intitulées Le meilleur pour tous, afin d’attirer des colons suisses dans les provinces de l’Ouest (Fig. 4). Selon le Conseil fédéral,
les provinces du Manitoba et de la Colombie britannique y sont en particulier vantées d’une façon qui, d’ap...

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Préface
  3. INTRODUCTION AU JOURNAL D’AMÉDÉE GIRARD
  4. L’arrivée à New York
  5. EN AMÉRIQUE
  6. IMPRESSIONS ET SOUVENIRS
  7. En rade de New York
  8. Cinq jours à New York
  9. De New York à Montréal
  10. Montréal, la catholique
  11. Réflexions personnelles
  12. Un mois à Montréal
  13. Le jour de la Toussaint 1893
  14. Vision
  15. Sans place
  16. De Montréal à Ottawa
  17. Mes mésaventures à Ottawa
  18. Extraits de mon journal
  19. Jour de l’an de l’année 1894
  20. Le mal du pays
  21. Le départ
  22. Victime de l’émigration
  23. Le 25 février
  24. L’Armée du Salut à Montréal
  25. Le service du feu à Montréal
  26. Où je parle un peu de moi
  27. Le retour du printemps
  28. Les esclaves de Montréal
  29. La police et la justice à Montréal
  30. Le carré Bellerive
  31. La situation dans l’Amérique du Nord.
  32. La mort d’une sœur
  33. Le Mont-Royal et les deux cimetières de la Côte-des-Neiges
  34. Les artisans canadiens français
  35. Les sauvages du Canada
  36. Le Café de l’Armée du Salut, sur le bord de l’eau. L’œuvre de douze mois
  37. Le Devoir
  38. Ma situation et mes projets
  39. Jour de l’an 1896
  40. L’ouragan du 31 décembre 1895
  41. 22 janvier 1896
  42. Entre le Canada et les États-Unis
  43. La naissance du petit Émile. 14 juin de l’année 1896
  44. Éphémérides
  45. Table des matières
  46. ÉPILOGUE
  47. Annexes
  48. Le journal
  49. Notes éparses
  50. petit lexique d’amédée girard
  51. bibliographie sélective
  52. crédits photographiques