Introduction aux relations internationales
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Introduction aux relations internationales

Cinquième édition mise à jour

  1. 256 pages
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Introduction aux relations internationales

Cinquième édition mise à jour

À propos de ce livre

Les relations internationales sont les rapports multiformes entretenus par les individus, les organisations privées et les gouvernements dans les diverses sphères de l'activité humaine. Cet ouvrage s'attarde strictement aux relations politiques et économiques interétatiques, qui demeurent l'épine dorsale de ce domaine. Il en examine les principales théories et en présente les acteurs essentiels que sont les États et les organisations internationales, avant d'analyser leur politique étrangère. Qui sont les décideurs? Quels facteurs influencent leurs décisions et comment se traduisent leurs politiques dans les faits? Quels sont les fondements et les instruments de la diplomatie et de la stratégie? Quelles sont les mutations des relations internationales post guerre-froide? Le chapitre sur l'économie expose les principales composantes des échanges commerciaux et financiers.Cette cinquième édition modifie substantiellement la précédente, notamment en raison de l'enrichissement de la littérature sur les relations internationales, dont elle rend compte, mais pas seulement. Le monde a changé: l'environnement est devenu une véritable préoccupation des États, sans parler du déclin apparent d'un système unipolaire largement dominé par la superpuissance américaine et de la remise en question du néolibéralisme avec la renaissance du protectionnisme et du nationalisme.Conçu en priorité pour les étudiants de science politique et d'études internationales, ce manuel demeure très accessible aux étudiants d'autres disciplines et au grand public.

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CHAPITRE 1

L’analyse des relations internationales

Les préalables épistémologiques

Selon Philippe Braillard (1977, 12), «on peut dire, d’une façon tout à fait générale, qu’une théorie est une expression, qui se veut cohérente et systématique, de notre connaissance de ce que nous nommons la réalité. Elle exprime ce que nous savons ou ce que nous croyons savoir de la réalité». La principale fonction d’une théorie est d’expliquer un phénomène en établissant des liens, notamment causals, entre les éléments qui le composent. Une autre fonction de la théorie est de prévoir l’évolution future de la réalité qui constitue son objet.
Aucune théorie n’est en mesure d’expliquer une réalité dans toute sa complexité. Toute théorie est une simplification ou une schématisation d’un phénomène, l’expression abstraite de certains de ses aspects jugés importants. Cela signifie que «la théorie implique une activité de sélection et de mise en ordre des phénomènes et des données qui n’est jamais neutre» (Braillard, 1977, 13). Comme l’ont montré Jürgen Habermas (1973) et Thomas Kuhn (1972), divers facteurs déterminent cette structuration de la réalité, notamment l’intérêt, parfois inconscient, du chercheur pour telle épistémologie ou conception de la connaissance, le contexte socioculturel dans lequel se déroule la recherche, le système de valeurs et la méthodologie privilégiés par le chercheur.
Il existe différentes conceptions de ce qu’est une théorie dans le domaine des sciences. Dans le cadre des sciences de la nature et des sciences exactes, une théorie est un ensemble cohérent de propositions déductibles logiquement entre elles et vérifiables empiriquement. Selon Anatol Rapoport (1958, 972-988), c’est le lien déductif entre les propositions qui est la caractéristique fondamentale de cette théorie. En sciences sociales, il existe, selon Philippe Braillard (1977, 15-16), trois orientations fondamentales de la théorie. Premièrement, les théories essentialistes, dont le but est la mise à jour des diverses entités sociales «soit par le moyen d’une réflexion philosophique […] soit à travers une compréhension intuitive». Ces théories sont souvent dites «normatives» parce qu’elles tendent à montrer, plus explicitement que les autres théories, «quelle est la meilleure forme d’organisation sociale ou du moins quelles sont les valeurs qui doivent guider les conduites humaines». Deuxièmement, l’orientation empirique envisage la théorie comme un ensemble logiquement cohérent de propositions soumises à vérification ou à falsification par une confrontation avec les faits. Le but de ces théories n’est pas de découvrir l’essence des choses, mais d’expliquer les données qui se rapportent aux divers comportements, interactions et processus sociaux. Elles impliquent une description et une classification de ces données et tendent plus ou moins directement à une prévision des phénomènes qu’elles expliquent. Ces théories, tels le behavioralisme et le positivisme, procèdent d’une démarche analytique hypothético-déductive et tendent à se rapprocher des théories des sciences exactes, bien qu’elles éprouvent d’énormes difficultés à relier d’une manière précise leurs concepts aux phénomènes étudiés. Selon Karl Popper (1973), certaines d’entre elles font toutefois également appel à une démarche intuitive ou rationnelle pour comprendre les comportements sociaux. La troisième orientation théorique, illustrée notamment par le marxisme, procède d’une démarche dialectico-historique. Elle aborde la société comme une totalité et cherche à révéler ses antagonismes structurels et ses contradictions, d’une part, et à mettre à jour le sens objectif ou les lois dialectiques de l’Histoire, d’autre part. Elle se veut non seulement un outil de connaissance, mais un instrument de critique sociale et un guide pour l’action. Selon Braillard (1977, 17), on peut définir une théorie des relations internationales
comme un ensemble cohérent et systématique de propositions ayant pour but d’éclairer la sphère des relations sociales que nous nommons internationales. Une telle théorie est ainsi censée présenter un schéma explicatif de ces relations, de leur structure, de leur évolution, et notamment d’en mettre à jour les facteurs déterminants. Elle peut aussi, à partir de là, tendre à prédire l’évolution future de ces relations, ou au moins dégager certaines tendances de cette évolution. Elle peut également avoir pour but plus ou moins direct d’éclairer l’action. Comme toute théorie, elle implique un choix et une mise en ordre des données, une certaine construction de son objet, d’où sa relativité.
Dans les faits, les théories des relations internationales englobent un grand nombre d’approches qui ne répondent pas à cette définition restrictive. Il est d’usage courant, comme dans plusieurs disciplines des sciences sociales, de qualifier de «théories» des méthodes, des modèles, des typologies, des taxinomies ou des ensembles d’hypothèses qui n’aboutissent pas à la formulation d’un ensemble cohérent de propositions. Il est également fréquent de confondre théorie et paradigme. Un paradigme, selon Raymond Boudon et François Bourricaud (1990, 563), «est un ensemble d’énoncés portant, non sur tels aspects de la réalité sociale, mais sur la manière dont le chercheur doit procéder pour construire une théorie explicative de cette réalité».
L’analyse des relations internationales a été pendant plusieurs siècles l’apanage des juristes-philosophes qui ont tenté d’expliquer les relations d’État à État à l’aide de théories essentialistes normatives. Avec le développement des sciences sociales, aux XIXe et XXe siècles, les théories des relations internationales se sont multipliées et plusieurs ont tenté de se démarquer de ce cadre juridico-philosophique par l’emploi d’approches empiriques ou dialectico-historiques. L’élargissement, la complexification et la fragmentation du domaine d’études des relations internationales ont largement contribué à cette diversification théorique. Celle-ci a donné lieu à de nombreux débats au sein de la communauté scientifique. Ainsi, les partisans des théories essentialistes et dialectico-historiques ont accusé les théories empiriques positivistes et behavioralistes de camoufler leurs postulats normatifs «conservateurs» sous une pseudo-neutralité. Les théoriciens empiristes, pour leur part, ont critiqué la nature «aléatoire», «approximative» et «peu scientifique» des théories essentialistes.
Un des points sur lequel le débat s’est cristallisé est le recours à la formalisation et à la quantification. Comme le souligne Braillard (1977, 18-23), cette controverse a donné lieu à bien des confusions épistémologiques. D’une part, plusieurs empiristes ont eu tendance à surestimer la valeur du formalisme scientifique en considérant que l’on pouvait expliquer des phénomènes sociaux à l’aide des mêmes instruments mathématiques que ceux des sciences exactes. D’autre part, les tenants des approches essentialistes et dialectico-historiques ont sous-estimé l’apport de ces emprunts aux sciences exactes et la possibilité d’élaborer des outils de formalisation et de quantification plus conformes à l’essence des sciences sociales. Une autre polémique a opposé les ethnocentristes et les relativistes, les seconds dénonçant l’incapacité des théories des sciences sociales – et des relations internationales – à expliquer adéquatement la réalité globale en raison de leurs présupposés explicites ou implicites occidentalo-centristes, et les premiers reprochant aux relativistes leur idéalisme et leur subjectivisme.
Il existe plusieurs classifications différentes des théories des relations internationales. La plupart établissent néanmoins une distinction entre les théories générales, soit les trois philosophies qui ont proposé une explication normative, historique et relativement globale des relations internationales – le réalisme, le libéralisme et le marxisme –, et les autres théories. Cette deuxième catégorie regroupe les théories partielles propres aux divers champs de spécialisation des relations internationales et les théories normatives critiques des théories générales.
Le premier chapitre de cet ouvrage traite des théories générales des relations internationales, en distinguant toutefois les conceptions classiques et néoclassiques du réalisme, du libéralisme et du marxisme. Il examine ensuite les principales théories critiques des théories générales. Les théories partielles sur la politique étrangère des États et l’économie politique internationale forment le propos des chapitres trois et quatre.

Les théories générales classiques

Le réalisme

On a attribué le qualificatif «réaliste» aux auteurs qui prétendent considérer l’humain et les rapports sociaux – notamment les relations politiques – tels qu’ils sont et non tels que l’on voudrait qu’ils soient, au nom d’un idéal. C’est la raison pour laquelle leurs détracteurs les considèrent souvent comme des conservateurs ou des défenseurs du statu quo. En vérité, les réalistes croient que, le monde étant gouverné par certaines lois objectives ou par des caractéristiques naturelles immuables, le changement ou le progrès n’est possible que s’il est fondé sur la connaissance et la prise en compte de ces contraintes. La préoccupation première des réalistes est donc de comprendre ces contraintes grâce à une observation objective de la réalité. Dans les faits, toutefois, leur observation du réel demeure sélective et entachée de jugements de valeurs. En témoignent les quatre thèses qui constituent, selon Paul Viotti et Mark Kauppi (1999, 55-56), la quintessence de la pensée réaliste: les États sont les seuls ou les principaux acteurs des relations internationales; l’État est par nature unitaire; l’État est rationnel et vise constamment à maximiser son intérêt national, ce qui implique le recours périodique à la force; la sécurité et les questions politiques constituent l’unique ou la principale finalité de la politique étrangère. Il serait vain, toutefois, de vouloir retrouver l’expression intégrale de ces quatre thèses chez tous les penseurs réalistes. Comme nous le verrons, cette vision classique ou orthodoxe du réalisme s’est construite progressivement au fil des siècles pour trouver sa formulation la plus systématique chez les auteurs des années 1950-1980. Au cours des décennies ultérieures, elle a fait l’objet de diverses remises en question, reformulations et adaptations par les théoriciens néoréalistes.
Les précurseurs du réalisme
Presque tous les spécialistes soutiennent que le philosophe grec Thucydide (471-400 av. J.-C.) est le premier précurseur de la tradition réaliste et de l’analyse des relations internationales. Son célèbre ouvrage Histoire de la guerre du Péloponnèse, en effet, n’est pas uniquement une chronique de la guerre qui a opposé Athènes et Sparte pendant 28 ans, mais une analyse des fondements de la puissance militaire et politique de ces deux États et des causes de leurs comportements agressifs l’un vis-à-vis de l’autre, analyse basée sur une observation minutieuse des événements et la réalisation d’entrevues avec les protagonistes. La principale conclusion de son enquête est que la guerre est le résultat de la peur et d’un changement dans l’équilibre des puissances. Sparte a attaqué Athènes parce qu’elle craignait de perdre sa suprématie sur le Péloponnèse. Dans un premier temps, Athènes a riposté pour se défendre, mais la dégénérescence de ses institutions démocratiques l’a amenée à devenir de plus en plus fanatique et agressive, l’incitant à poursuivre la guerre contre Sparte dans le but d’usurper à cette dernière sa position hégémonique. Les réalistes ont retenu deux enseignements fondamentaux de l’œuvre de Thucydide: premièrement, chaque État cherche nécessairement à défendre ou à maximiser sa puissance militaire et politique, ce qui crée des conditions favorables à la guerre; deuxièmement, la guerre est plus probable entre États autoritaires qu’entre États démocratiques, puisque les seconds sont moins impérialistes que les premiers.
Les deux philosophes les plus souvent cités comme fondateurs du réalisme demeurent néanmoins l’Italien Nicolas Machiavel (1469-1527) et l’Anglais Thomas Hobbes (1588-1679). Machiavel est un contemporain de la Renaissance, marquée par la rupture de l’ordre juridique et moral de la chrétienté et l’émergence des premiers États-nations monarchiques qui ne reconnaissent aucune autorité supérieure à la leur, n’acceptent de se plier à aucune règle commune et qui, exclusivement préoccupés par le désir d’accroître leur influence, vivent dans un climat permanent d’hostilité et de rivalité. C’est la loi de la jungle qui régit les rapports interétatiques, le plus fort imposant sa volonté au plus faible. Hobbes est le témoin de la répression sanglante des rébellions irlandaise et écossaise et de l’instauration de la première république anglaise, sous l’égide du dictateur Oliver Cromwell (1648-1658), événements qui le terroriseront et l’amèneront à s’exiler en France. Ces contextes historiques ne sont pas étrangers à la vision pessimiste de la nature humaine et des rapports interétatiques de Machiavel et de Hobbes. Ces derniers croient, sur la base de leur observation personnelle et nécessairement partielle de la réalité de leur époque, que les hommes sont animés d’un instinct inné de puissance et de domination qui les porte à rivaliser entre eux pour l’acquisition de la richesse, du pouvoir, du prestige, etc. Cette lutte se traduit inévitablement par la victoire de ceux qui, en raison des attributs de leur naissance (force physique, capacités intellectuelles, milieu familial plus favorisé) ou des chances que leur a procurées l’existence, possèdent des ressources supérieures aux autres. La nature et la conduite des États ne diffèrent pas de celles des hommes qui les dirigent. Les États sont animés d’une volonté de puissance ou de conquête qui les incite à rivaliser constamment entre eux. Dans la mesure où les États sont inégaux, certains étant avantagés par la distribution inégale des ressources géographiques, économiques, démographiques et autres ou plus aptes à utiliser efficacement la force (militaire) et la ruse (diplomatique), cette rivalité conduit à la domination des plus faibles par les plus forts.
C’est dans Le Prince (1513), opuscule dédié à Laurent de Médicis, maître de la Cité-État de Florence, que Machiavel a exposé le plus clairement sa vision des relations internationales. Celle-ci, dénuée de toute préoccupation religieuse et morale, évoque essentiellement le triomphe du plus fort qui est, selon lui, «le fait essentiel de l’histoire humaine». Pour Machiavel, le désir d’acquérir «est une chose ordinaire et naturelle» et tout État doit s’efforcer d’étendre ses possessions. Cette fin justifie l’emploi de tous les moyens. Pour agrandir son territoire et conserver ses conquêtes, le Prince doit s’inspirer de la ruse du renard (la diplomatie) et de la force du lion (la puissance militaire). L’infidélité aux engagements pris n’est qu’une nécessité pratique.
Un prince doit savoir combattre en homme et en bête. Un prince doit se faire une réputation de bonté, de clémence, de pitié, de loyauté et de justice. Il doit d’ailleurs avoir toutes ces bonnes qualités, mais rester maître de soi pour en déployer de contraires, lorsque cela est expédient. Je pose en fait qu’un prince, et surtout un prince nouveau, ne peut exercer impunément toutes les vertus de l’homme moyen parce que l’intérêt de sa conservation l’oblige souvent à violer les lois de l’humanité, de la loyauté (Le Prince, chapitre viii).
Machiavel conçoit les États comme des monstres froids qui n’ont ni amis ni ennemis, uniquement des intérêts nationaux à défendre. Cette aspiration naturelle à la souveraineté est la noble cause qui justifie l’emploi de tous les moyens pour sauvegarder et agrandir la puissance d’un État. Mais elle est également la cause des rivalités et des conflits inévitables et permanents entre les États.
Hobbes approfondira la pensée de Machiavel en montrant, dans Le Léviathan (1651), qu’il existe une opposition radicale entre la société internationale et les sociétés nationales. Dans celles-ci, en l’absence d’un pouvoir organisé, les hommes vivent dans une situation d’anarchie où chacun est un concurrent avide de puissance et voit son droit le plus fondamental, le droit à la vie, constamment menacé. Les hommes peuvent toutefois sortir de cet état naturel de guerre et entrer en société en concluant collectivement un «pacte» ou un «contrat social» avec un Prince ou une Assemblée, par lequel ils renoncent à leurs droits et libertés en échange de la protection de leur vie ou de leur sécurité. Cependant, un tel contrat social n’est pas possible entre les États puisqu’il impliquerait que ces derniers renoncent à leur souveraineté, qui est le fondement de leur existence, au profit d’une autorité supranationale unique. La société internationale est donc condamnée à demeurer anarchique et caractérisée par la méfiance et la force plutôt que par la confiance, l’ordre et la paix.
À tout moment, les rois et les personnes qui détiennent l’autorité souveraine sont à cause de leur indépendance dans une continuelle suspicion et dans la situation et la posture des gladiateurs, leurs armes pointées, les yeux de chacun fixés sur les autres. Je veux parler ici des forts, des garnisons, des canons qu’ils ont aux frontières de leurs royaumes, et des espions qu’ils entretiennent continuellement chez leurs voisins, toutes choses qui constituent une attitude de guerre (Le Léviathan, chapitre xiii).
Comme le soutiennent à juste titre Viotti et Kauppi (1999, 61), la vision des relations internationales de Machiavel et de Hobbes est cynique et pessimiste parce qu’elle tient compte uniquement des relations diplomatico-stratégiques des États, essentiellement caractérisées par la guerre – latente ou ouverte – à leur époque. Les précurseurs du réalisme qui ont envisagé les relations internationales du point de vue économique aboutissent à une conclusion plus optimiste. Tel est le cas de Hugo Grotius (1583-1645), diplomate, juriste et historien hollandais contemporain de Hobbes. Étant donné l’importance de la navigation et du commerce pour les Pays-Bas au tournant du XVIIe siècle, Grotius plaide en faveur de la négociation de traités et de conventions internationales destinés à assurer la paix et à garantir la liberté de la navigation et des échanges. Dans son plus célèbre ouvrage, De jure belli ac pacis, Grotius soutient que la guerre ne peut être la seule forme des rapports entre États, puisque la puissance de ces derniers ne repose pas uniquement sur la sauvegarde et l’agrandissement de leurs territoires; elle dépend également de leur prospérité économique, elle-même liée au dynamisme de leur commerce avec les autres États. Grotius est un des premiers auteurs à avoir défendu la thèse selon laquelle le développement du commerce est un facteur de pacification et de réglementation des relations internationales. Dans la mesure où cette thèse a été reprise par les libéraux, il est souvent considéré comme un précurseur du libéralisme autant que du réalisme. Pourtant, alors que les libéraux croient que l’extension du droit international mènera à la création d’institutions supranationales et à l’instauration d’une paix universelle durable, Grotius envisage les ententes juridiques entre États comme une conséquence de l’absence d’autorité centrale au sein de la société internationale et un facteur susceptible de limiter, mais non d’éliminer le recours à la force.
Parmi les auteurs qui ont contribué à établir les fondements de la théorie réaliste, il faut également mentionner Karl von Clausewitz (1780-1831). Dans son ouvrage De la guerre, ce dernier a apporté une contribution nodale à l’explication de la stratégie militaire en montrant que toutes les décisions prises sur un champ de bataille...

Table des matières

  1. Liste des sigles
  2. Avant-propos
  3. Introduction
  4. CHAPITRE 1
  5. CHAPITRE 2
  6. CHAPITRE 3
  7. CHAPITRE 4
  8. Bibliographie