La politique comparée
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La politique comparée

Deuxième édition revue et mise à jour

  1. 320 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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La politique comparée

Deuxième édition revue et mise à jour

À propos de ce livre

De plus en plus, nos sociétés sont marquées par des bouleversements qui remettent en cause nos repères. Les phénomènes liés à la mondialisation, la multiplication des tentatives de démocratisation, les changements des formes de protection sociale ou la diversification des formes de participation politique nous obligent à nous interroger sur la pertinence des catégories d'analyse traditionnelles que sont l'État, le développement ou encore la démocratie.Comprendre, dans l'espace et dans le temps, les dynamiques des forces politiques, l'ampleur de leurs conséquences sur nos vies et les voies nouvelles dans lesquelles elles nous engagent, tels sont les enjeux de la politique comparée. Le livre fournit un panorama de ce champ transversal de la science politique, en montrant ses objets et ses approches théoriques. Dans cette optique, les auteurs se concentrent sur trois thématiques incontournables: - l'émergence de l'État moderne, ses institutions et les processus qui s'y sont élaborés; - la problématique du développement et le changement politique; - le débat sur la démocratie, la démocratisation et le rapport entre la démocratie et le développement.Mamoudou Gazibo est professeur titulaire au Département de science politique de l'Université de Montréal.Jane Jenson est professeure titulaire au Département de science politique de l'Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche en citoyenneté et en gouvernance. Elle est également boursière principale de l'Institut canadien de recherche avancée / Programme Bien-être collectif.

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CHAPITRE 1

La classification: un outil de base

La politique comparée suppose un travail de conceptualisation qui permet la mise en relation de phénomènes, en vue d’établir entre eux des similitudes et des différences ou de dégager des régularités et des exceptions. Puisque ces phénomènes peuvent se situer dans des temps et des espaces très différents et qu’ils sont généralement complexes, une exigence essentielle de tout exercice de comparaison est de trouver un bon critère à partir duquel les mettre en relation1. Nous verrons que les précurseurs de la politique comparée telle qu’elle existe aujourd’hui, qu’ils soient de la Grèce antique ou du XIXe siècle, sont ainsi qualifiés parce qu’ils ont tous tenté d’évaluer des phénomènes les uns par rapport aux autres en isolant à dessein certains traits d’un phénomène X pour pouvoir le comparer à un phénomène Y sur la base des mêmes traits. Ils ont ainsi posé une prémisse cruciale de la politique comparée, à savoir la nécessité de toujours choisir un aspect précis parmi les nombreux aspects possibles.
Écrivant à propos des États-Unis qu’il a visités dans les années 1830, Alexis de Tocqueville se comporte ainsi en véritable comparatiste:
Ce que j’ai surtout cherché à mettre en relief aux États-Unis et à bien faire comprendre, c’est moins la peinture complète de cette société étrangère que ses contrastes et ses ressemblances avec la nôtre. C’est toujours soit de l’opposition, soit de l’analogie de l’une que je suis parti pour donner une idée juste et surtout intéressante de l’autre2.
Au cœur de toute de comparaison, il y a des objectifs spécifiques (voir chapitre 2), tels que comprendre les raisons d’une convergence entre des cas, expliquer des variations, formuler une théorie… Pour atteindre cet objectif, le choix des cas à l’étude est crucial. En général, ces cas sont choisis en fonction d’une classification opérée par le chercheur ou mise à sa disposition par des recherches antérieures. En effet, ce sont les classifications qui nous informent sur ce qui constitue l’«identique» et ce qui constitue le «différent».
En général, la classification prend la forme d’une typologie, c’est-à-dire un ensemble de catégories mutuellement exclusives permettant de ramener un grand nombre de cas à un petit nombre de types. Les éléments et les phénomènes ne sont jamais exactement les mêmes. En conséquence, la construction de ce genre de taxonomie relève d’un travail de conceptualisation.
Si l’objectif poursuivi est de comparer, il est nécessaire qu’il y ait au moins deux catégories. Toutes sortes de phénomènes peuvent ainsi être classés dans une typologie: les formes d’États, les régimes politiques, les types de révolutions, les modes de production, les formes d’autorité, et ainsi de suite.
Cette première étape vers la comparaison pourrait sembler aisée. Après tout, les comparatistes n’auraient-ils pas qu’à regrouper tous les éléments semblables dans la même catégorie? Or, ainsi que le montre ce chapitre, le travail de classification n’est jamais aisé. Il est souvent difficile de tracer des frontières claires délimitant les différentes catégories et chaque élément observé (système, régime, etc.) peut paraître appartenir à plusieurs catégories ou n’appartenir à aucune d’elles.
Les comparatistes se voient souvent reprocher de mettre en relation des phénomènes de natures trop différentes pour être comparables3. Comment comparer la France et son histoire jacobine irréductible avec les États-Unis qui, en tant que pays du Nouveau Monde et ancienne colonie britannique, disposent de structures sociales et institutionnelles différentes? Il n’y a pas que des contemporains de Tocqueville pour soutenir que ces pays sont incomparables. Pourtant, ils partagent un point commun, celui d’être tous les deux des démocraties. Dans ces conditions, une classification prenant comme critère de comparaison la nature du régime aboutirait à les mettre dans la même catégorie. En revanche, si on effectue une classification selon la nature de l’État, ils se retrouveraient dans des catégories différentes parce que la France est un État unitaire alors que les États-Unis sont une fédération.
Ce qui rend le travail du comparatiste bien plus difficile encore est le fait que les catégories sont elles-mêmes fréquemment connotées politiquement. Classer et construire des types est rarement une opération neutre. Par exemple, comme ce livre le montrera abondamment, l’idée démocratique a un pouvoir d’attraction très fort, qui prend sa source dans le principe selon lequel les citoyens doivent exercer un contrôle substantiel sur les décisions prises par leurs gouvernements et que la lutte pour le contrôle de l’État doit être compétitive. Néanmoins, même cette définition apparemment neutre stigmatise les pays dont les institutions et les pratiques ne donnent pas de pouvoir de contrôle de ce genre aux citoyens. Si la catégorie «pays démocratiques» a du sens, les pays qui ne correspondent pas à ces exigences doivent alors être classés dans une autre catégorie. Qu’on nomme cette dernière «pays autoritaires» ou «pays non démocratiques» ne change rien à la charge négative qu’il y a à ne pas figurer dans la catégorie des démocraties.
C’est ainsi que le Economist Intelligence Unit a construit une typologie des régimes politiques qui distingue quatre catégories: les démocraties, les démocraties imparfaites, les régimes hybrides et les régimes autoritaires, comme le montre la figure 1.1.
Cependant, si les classifications sont la pierre angulaire de n’importe quelle analyse en politique comparée, permettant aux chercheurs de contraster les phénomènes entre eux, elles sont également parfois au cœur de conflits au sein des pays ou entre eux, et ce, depuis des siècles. C’est pour cette raison que dans ce chapitre, nous examinerons la manière dont ont procédé certains des pères fondateurs de la politique comparée.

Les précurseurs et les pères fondateurs de la discipline

Dans les études classiques, considérées aujourd’hui comme les fondements de la science politique, les auteurs se sont régulièrement essayés à un travail comparatif. Dans la Grèce antique déjà, on percevait clairement que les systèmes politiques différaient les uns des autres. Aristote, comme nous le verrons plus bas, a ainsi proposé une typologie permettant de les distinguer.
La construction d’une telle taxonomie est devenue nécessaire, parce que dès la première moitié du Ve siècle avant J.-C., les idées et les institutions politiques de quelques cités-États grecques, et en particulier Athènes, ont été profondément remodelées. Alors que les cités-États avaient toutes été régies précédemment par une variété de règles non démocratiques — monarchiques, tyranniques ou oligarchiques —, une nouvelle forme de gouvernement, dans lequel le peuple (demos) est la seule source d’autorité légitime, fait son apparition à partir de 400 avant J.-C. Un nouveau mot entre ainsi dans le lexique politique: demokratia (démocratie).
Cette idée du gouvernement par le peuple a façonné les siècles sur le plan politique, aussi bien en matière de politique interne des États qu’en politique internationale. Depuis lors, les chercheurs en politique comparée sont constamment confrontés à cette catégorie, la «démocratie», et aux autres catégories permettant de classer les systèmes politiques différents.
Cependant, la croyance dans le rôle positif du peuple et dans les avantages d’un système politique démocratique n’a pas toujours été aussi largement partagée. Quand les Grecs ont commencé à mettre en place des systèmes démocratiques, les débats faisaient rage sur les limites de la démocratie, voire sur ses inconvénients. C’est ainsi que Platon en était un critique virulent et s’inspirait des mots de Socrate pour exposer ses convictions antidémocratiques. Aristote était moins critique, mais préférait néanmoins une autre forme de gouvernement.
La vision négative transparait dans sa classification, dans laquelle la démocratie était vue comme le gouvernement des pauvres ou des gens peu fortunés. Pour arriver à cette description, il a développé un schème de classification qui est un des premiers efforts systématiques en vue de développer une typologie des systèmes politiques.

Aristote et la classification
de systèmes politiques

Aristote (384-322 avant J.-C.) était un des premiers comparatistes. Son ouvrage Politique4 constitue, au-delà de son apport à la science politique en général, un des travaux précurseurs de la politique comparée. Bien qu’écrivant à une époque où il n’y avait pas encore la spécialisation actuelle des disciplines, Aristote a innové par l’ambition comparative explicite qu’il a affichée.
Son but principal était, en effet, d’identifier ce que pouvait être un bon gouvernement. Si Platon a utilisé une méthode normative, fondée sur la raison pure, Aristote a suivi une démarche plus empirique. Il a comparé les constitutions existantes dans le monde antique, en opérant une classification des gouvernements selon des critères permettant de les distinguer. De ce fait, il a établi une classification basée sur deux critères: celui du nombre de gouvernants et celui des objectifs des gouvernants. Dans un premier découpage, il utilise le critère du nombre de gouvernants et dans un deuxième temps, il fait la distinction entre les formes qui poursuivent le «bonheur général» et les autres. Il a toutefois incorporé une évaluation normative dans sa classification, le second critère étant utilisé pour évaluer les formes justes ou corrompues de gouvernement.
En utilisant ces deux critères, Aristote forge six catégories. La catégorie de la monarchie représente toute forme de gouvernement dont le pouvoir est détenu par un seul gouvernant qui, de plus, tient compte des besoins de ses sujets. Lorsque le pouvoir est détenu par plus d’un gouvernant, et que le bonheur général est l’objectif principal, on parle d’aristocratie. On parle de république lorsque le pouvoir est exercé par le peuple (Aristote utilise le terme multitude), qui poursuit le même objectif d’intérêt général. Ces trois types constituent les formes justes, pour autant que les gouvernants aient pour but le bonheur général. Lorsque le pouvoir ne poursuit pas l’utilité publique, les formes justes indiquées ci-dessus dégénèrent. La monarchie dégénère en tyrannie lorsque le monarque se détourne du bien commun au profit de son intérêt personnel; l’aristocratie, en oligarchie lorsque seuls les intérêts du petit nombre sont protégés; la république, en démocratie lorsque ne sont défendus que les intérêts des pauvres.
Avec ces deux critères, Aristote produit la classification représentée dans le tableau 1.1
Aristote ne se contente pas de dégager arbitrairement des types de gouvernement. La typologie aristotélicienne est précédée d’un travail préalable de construction de critères qu’il essaie de définir le plus clairement possible pour éviter le piège des classifications mal faites, un souci étonnamment actuel en matière de comparaison. Suivons Aristote qui discute lui-même la pertinence de ses critères:
La démocratie signifiant proprement la puissance de la multitude, l’oligarchie celle du moindre nombre, notre définition ne se trouverait-elle point fausse s’il arrivait qu’il y eût plus de riches que de pauvres et que ce fût la multitude de riches qui gouvernât ou qu’au contraire, étant supérieurs en nombre, ils fussent gouvernés par un moindre nombre de pauvres5?
Aristote est à l’évidence conscient des problèmes que ces possibilités engendrent pour la pertinence de sa typologie si on opère de nouvelles combinaisons. Il poursuit donc son interrogation: «Supposons, encore, le petit nombre du côté des riches et la multitude du côté des pauvres; s’il n’y a point d’autres espèces d’États que les six dont on a fait l’énumération, à quelle classe appartiendront les derniers qu’on vient d’imaginer […]6?» Ce comparatiste résoud le problème de la multiplication possible des formes de gouvernement par différentes combinaisons en estimant que «le petit nombre et la pluralité ne doivent être regardés que comme des accidents, l’un de l’oligarchie, l’autre de la démocratie, étant ordinaire en tout lieu qu’il y ait peu de riches et beaucoup de pauvres7».
Cette démarche typologique dénote l’existence du souci de la bonne définition des critères de comparaison. Ce type de préoccupations relatives au travail de classification et de comparaison est au cœur de l’entreprise des pères fondateurs de la politique comparée, qui écrivaient dans les domaines de la sociologie politique et de l’économie politique au XIXe siècle et durant les premières décennies du XXe siècle. Avec ces auteurs, on observe l’émergence d’une forme d’analyse et de discours scientifique consciemment orientée dans ce sens. Pour eux, il n’est plus légitime d’incorporer à la classification, comme le faisait Aristote, une évaluation personnelle des catégories. Les notions de juste et de corrompu ne sont pas employées pour porter un jugement sur les catégories de la typologie. Les étiquettes sont plus neutres, bien qu’elles puissent néanmoins être utilisées par les auteurs qui, en même temps qu’ils décrivent des processus politiques, en font aussi la promotion.

Émile Durkheim: la science des classifications
et l’importance de la comparaison

Émile Durkheim (1858-1917) compte également parmi les pères fondateurs de la politique comparée, bien que «les objets privilégiés par la sociologie durkheimienne ressortent bien davantage de la “société civile” que de l’ordre politique8». Durkheim était préoccupé par l’idée de porter les sciences sociales au même niveau de scientificité que les sciences exactes. Alors que son modèle de causalité a été clairement influencé par la physique du XIXe siècle, sa notion d’explication a été fortement modelée par la biologie et la médecine du même siècle. Par conséquent, la classification était au cœur de son travail.
Pour Durkheim, il faut considérer les faits sociaux comme des choses. Cela signifie qu’ils existent indépendamment de notre volonté individuelle, qu’ils diffèrent de la somme des volontés individuelles et que, de ce fait, ils s’imposent à nous. D’une part, Durkheim poursuit la vision positiviste d’Auguste Comte. Considérer les faits sociaux comme des choses implique qu’il est possible de les étudier scientifiquement, d’arriver à élaborer des lois explicatives. D’autre part, Durkheim est un des inspirateurs des perspectives structuralistes qui, en sociologie politique, accordent plus de valeur explicative au tout qu’aux parties qui le composent (voir partie 3 du livre).
Nous devons à Durkheim la proposition méthodologique selon laquelle les sciences sociales sont condamnées à utiliser la méthode comparative, qu’il appelle lui-même «expérimentation indirecte». Il s’agit d’une méthode exposée notamment dans son plus célèbre ouvrage, Les règles de la méthode sociologique, écrit en 1895. Il montre le contraste, ma...

Table des matières

  1. Introduction
  2. PREMIÈRE PARTIE
  3. CHAPITRE 1
  4. Chapitre 2
  5. DEUXIÈME PARTIE
  6. Chapitre 3
  7. Chapitre 4
  8. Chapitre 5
  9. TROISIÈME PARTIE
  10. Chapitre 6
  11. Chapitre 7
  12. Chapitre 8
  13. Chapitre 9
  14. Chapitre 10