Nouvelles études québécoises
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Nouvelles études québécoises

Femmes et romans au Québec dans les années 1930

  1. 334 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Femmes et romans au Québec dans les années 1930

À propos de ce livre

Si l'entre-deux-guerres constitue le point de bascule de la littérature canadienne-française dans la modernité, cela s'explique en partie par la présence de plus en plus marquée des femmes dans la vie littéraire. Dans les années 1930, nombreuses sont celles qui publient des romans, souvent au grand dam de la critique de l'époque. Bouleversant les conventions sociales et littéraires, leurs œuvres évoquent l'amour et la désillusion, mais également la sensualité, la folie et la nostalgie; autant d'échos perceptibles des inquiétudes et des espoirs qui parcourent la décennie de la Crise au Québec. C'est à ces écrivaines aujourd'hui tombées dans l'oubli que ce livre est notamment consacré: Jovette-Alice Bernier, Éva Senécal et Michelle Le Normand. L'auteur, conciliant avec enthousiasme et érudition l'approche sociologique avec la poétique des textes, analyse finement les stratégies d'écriture de ces romancières qui ont ouvert durablement la voie aux femmes dans la littérature et dans la société canadiennes-françaises. Ce faisant, il éclaire d'un jour nouveau une époque que Fernand Dumont a justement qualifiée de « première Révolution tranquille ».

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CHAPITRE 1

Romancières au temps de la Crise

Les voies de l’histoire sont sans doute impénétrables, mais elles sont les seules qui permettent de suivre un phénomène.
Clément Moisan, Le phénomène de la littérature, 1996
En 1931, Alfred DesRochers publie Paragraphes, un recueil d’entretiens dans lequel il «interroge des livres». En pratiquant l’interview fictive, polyphonique et polymodale – on compte des extraits de lettres, inventées, et des citations des livres –, DesRochers prend le contrepied de «la critique dogmatique» et met en scène les «œuvres vivantes» d’une nouvelle génération (1931: 10-11). Des «voix» fantasmées des auteurs à l’infusion d’un imaginaire de l’imprimé, son recueil illustre, d’une part, l’essor du livre et «l’élargissement des formes de la critique littéraire» (Saint-Jacques et Robert [dir.], 2010: 291), et, d’autre part, la diversification des pratiques d’écriture et l’intégration des femmes au marché de la littérature1.
S’il est ici question de Paragraphes, c’est que ce recueil fournit des pistes de lecture pour le portrait de groupe que je propose de faire dans ce chapitre. En premier lieu, la place que DesRochers accorde aux femmes, à leur production et à leur voix témoigne de l’accroissement du champ d’action de leurs pratiques d’écriture ainsi que de leur visibilité dans la sphère littéraire. De plus, les entretiens, fonctionnant dans un rapport ambivalent à l’intime, se penchent sur le travail littéraire et sur les conditions favorisant la venue à l’écriture chez les écrivaines, tendant ainsi à révéler – et à sublimer – la genèse d’un texte. Par exemple, le dialogue avec la poète Simone Routier commence par un résumé du parcours de celle-ci, pour ensuite aborder la fabrique des pièces lyriques. C’est dans cet entretien qu’on trouve l’expression d’un désir de s’engager sur la voie de l’écriture en prose:
Bien écrire en prose me semble chose plus difficile que bien écrire en vers. Et c’est pourquoi je crains fort, au risque de sembler un peu vieux-jeu, de toujours m’en tenir à la technique traditionnelle. Ici, au moins, nous avons des points de repère.
Quand on écrit en prose, il faut toujours s’en remettre à la raison «raisonnante»; il faut tenir compte d’une profusion de contingences. Le rythme préétabli, qui dispose les mots, n’est plus là. Il faut créer son outil en même temps qu’on crée l’œuvre. Il faut suivre une gradation; en un mot, il faut un plan. (1931: 171-172)
Outre les différences entre la forme du poème et celle du texte narratif, Routier pointe l’absence de tradition de la prose et, plus largement, de la littérature canadienne-française. Ramenée à sa table de travail, la poète doit assumer la solitude de l’écriture, élément structurant de l’activité créatrice au Québec selon Michel Biron (2000: 36-37). Routier, comme ses consœurs, est prostrée dans une double solitude, puisqu’à l’absence de tradition littéraire, s’ajoute l’absence d’une tradition d’écriture chez les femmes, ce qui rend difficile l’émergence d’un sujet féminin en regard de l’édifice national au Québec.
L’entrée des femmes en littérature au tournant du XXe siècle constitue un phénomène de groupe structuré par plusieurs générations, ainsi que l’a montré Chantal Savoie (2014b). On trouve des traces de ce phénomène au cœur même des textes, comme c’est le cas dans les chroniques que Fadette (pseud. Henriette Dessaulles) signe dans Le Devoir de 1911 à 1946. La force du «je», associée au «nous» et au «vous», s’ajoute aux critiques et aux encouragements de Fadette, qui prend la défense de ses «[s]es chères petites auteures de livres “indigènes”» (10 janvier 1920), invitant implicitement ses consœurs à persévérer dans l’écriture. Or, si ce phénomène, par sa force et sa diversité, tend à changer durablement le paysage culturel au Québec, il est, de façon paradoxale, structuré par un état de solitude qui frappe l’écrivaine canadienne-française. C’est à partir de cette tension entre le groupe et l’individu, entre le mouvement collectif et l’expérience personnelle, entre la diversification des pratiques discursives et la recherche d’une tradition littéraire que j’entends ici brosser un portrait de groupe de quelques romancières publiant un ou plusieurs titres entre 1931 et 1939. En me penchant sur l’économie des supports de diffusion et sur l’ouverture des possibles en matière d’écriture, tout en insistant sur la précarité structurelle de plusieurs circuits de production au sein de la sphère littéraire, je resserre progressivement le champ d’investigation autour des caractéristiques sociologiques de sept écrivaines, puis des tendances formelles qui jalonnent leurs œuvres. Structuré en entonnoir, ce chapitre constitue le socle de départ d’analyses plus raffinées qui permettront de cerner les stratégies d’écriture et l’imaginaire des romancières des années 1930.

Les conditions générales

Porté par l’essor économique que connaît le Canada, le Québec au tournant du XXe siècle fait l’expérience d’un phénomène d’urbanisation et de modernisation qui transforme fondamentalement la société canadienne-française2. Grâce au développement des moyens de communication et de transport, la circulation des personnes, des biens et des informations s’intensifie. Notamment, le milieu de la presse connaît une «révolution du journalisme d’information de grande circulation» (Saint-Jacques et Robert [dir.], 2010: 2) qui se caractérise, au-delà de la forme et du contenu des périodiques, par la recrudescence des journaux à travers l’ensemble de la province. Les villes assurent un rôle majeur en matière de développement économique, social et culturel, favorisant un exode rural observable chez les jeunes générations. On ne saurait oublier les personnages de Paul Mirot dans Le débutant (Bessette, 1914), Lorenzo Surprenant dans Maria Chapdelaine (1921, première publication en 1913), Anne Mérival dans le roman éponyme (Madeleine, 1927) et Max Hubert dans Les demi-civilisés (Harvey, 1934) qui rendent compte, jusque dans la fiction, des objectifs poursuivis par la jeunesse qui fait le choix de quitter la campagne pour la ville: Québec, Sherbrooke, Ottawa et surtout Montréal représentent la promesse d’une prospérité économique doublée d’un bonheur dans la modernité culturelle.
Parallèlement au processus d’urbanisation, le système d’éducation connaît une succession de lois et de transformations qui tendent à faciliter l’accès à la formation scolaire. Entre autres, les universités ouvrent progressivement leurs portes aux femmes – du moins, à celles issues des classes aisées –, qui peuvent dorénavant obtenir un diplôme de baccalauréat. On assiste dans le même temps à une professionnalisation des carrières féminines dans le domaine de la santé et de l’enseignement ainsi qu’à une montée des professions libérales des femmes. Ces mutations sociales vont de pair avec les revendications des associations féministes qui militent contre les injustices menées à l’endroit des femmes. Les premières doléances se font entendre, tant sur la scène fédérale que provinciale, autour de sujets comme le droit de vote, l’éducation ou l’indépendance juridique et économique des femmes. Malgré l’opposition rencontrée auprès de la classe politique dirigeante et des élites intellectuelles et cléricales, les revendications féministes trouvent des échos, à des degrés divers, dans les pratiques littéraires et journalistiques des femmes et les représentations de la condition féminine véhiculées dans les industries culturelles. La presse de grande consommation et les magazines, le cinéma, la radio matérialisent une image de la «femme moderne»3 et participent à une renégociation de la place et du rôle des femmes dans la sphère publique comme dans la sphère privée, en même temps que le mythe de la mère canadienne-française continue d’être promu par les discours politiques, juridiques, médicaux et religieux (Lévesque, 1989).
En littérature, le Québec est ébranlé par «la querelle du Régionalisme» (Hayward, 2006) dans laquelle tous les acteurs prennent position, parfois malgré eux. Préparée par le renouveau poétique proposé par l’École littéraire de Montréal autour du succès d’Émile Nelligan, mais véritablement lancée par le discours de Camille Roy sur «la nationalisation de la littérature canadienne» (1904), cette querelle divise la vie littéraire de l’époque en deux blocs distincts: les exotiques, ou «parisianistes», et les régionalistes. Jusqu’au début des années 1930, le conflit oppose des vagues successives d’écrivains et de polémistes qui, tous, témoignent des possibles esthétiques, idéologiques, éditoriaux et critiques qui s’offrent à la littérature canadienne-française. Ce sont tout à la fois le nationalisme montant, l’idée de laïcité, l’idéologie de la survivance, la modernité artistique, le féminisme, l’influence de la France moderne et celle, plus effrayante encore, des États-Unis, puis, après 1918, les effets de la guerre qui construisent et dynamisent les polémiques entourant l’autonomie de l’art4. Aussi, durant les années 1920, au sortir du conflit mondial et après deux décennies d’une querelle qui ne connaît pas de dénouement, on assiste à la montée de ce que Lucie Robert appelle, empruntant à Gertrude Stein, la «génération perdue»:
Bien que la génération perdue ne s’en réclame jamais, l’individualisme est ce qui la caractérise le mieux. En ce sens, elle manifeste l’échec relatif de l’axiomatisation nationale du littéraire. Elle rejette la dimension prescriptive du projet régionaliste et du projet exotique, encore qu’elle se définisse relativement à l’un comme à l’autre. Elle dénonce l’aspect folklorisé du populaire et de la nation que le littéraire devait promouvoir […]. Elle réclame une sorte de liberté d’expression; elle valorise la dimension personnelle de la création littéraire qu’elle est d’ailleurs la première à considérer comme un plaisir et non comme un devoir. Elle ne proclame pas d’esthétique nouvelle autre que celle qui se résume à la qualité de l’œuvre, dont elle fait une condition essentielle. (Robert, 1989: 197-198)
Du côté de l’économie des genres littéraires, la poésie commence à perdre sa relative prépondérance au profit du roman. Ce nouveau partage des capitaux et des valeurs se cristallise autour d’un nom: Maria Chapdelaine. La réédition du roman par la maison Grasset à Paris, en 1921, consacre le texte et le nom de Louis Hémon sur le plan international. Au Québec, l’«effet Maria-Chapdelaine» se vérifie dans la réception critique, prête à mesurer chaque titre à l’aune du chef-d’œuvre inégalé (Chartier, 2000). D’autres faits tendent à promouvoir l’écriture et la lecture du roman: le développement du champ éditorial, notamment par le biais des collections proposées par les éditeurs; ou encore, la massification des médias, notamment les revues et magazines. La poésie n’en demeure pas moins un genre pratiqué, consacré et largement apprécié. En témoignent de façon éloquente les mutations des formes et du langage lyrique – on pense aux poèmes de Jean Narrache (pseud. Émile Coderre) – ou du support de diffusion, comme la radio (Cambron, 2015). Par ailleurs, dans bien des cas, les poètes sont ou deviennent des romanciers, de la même manière que poésie et roman tendent à se rejoindre dans les années 1930 par les médias radiophoniques et magazines qui servent de relais aux deux pratiques discursives. Aussi, l’écrivain est souvent multidisciplinaire, allant et venant entre les genres consacrés et les pratiques jugées plus populaires, jouant avec les moyens de diffusion de l’écriture et tendant, au moment où le champ médiatique s’autonomise vis-à-vis du champ littéraire, à faciliter les interfaces et la circularité entre les deux sphères.
La reconfiguration des sensibilités et des pratiques littéraires est intimement liée au brassage qu’apportent les médias de masse. La modernité culturelle qui se met en place naît directement de la friction et de l’hybridation des pratiques et des discours, de la difficile structuration d’un champ médiatique vis-à-vis du champ littéraire, ainsi que du développement d’un marché du livre oscillant entre les voies générales et une stratégie de la spécialisation auprès d’un lectorat cible. Un autre élément marquant de la période réside dans la consolidation d’une culture moyenne qui se loge entre le champ de production élargie et celui de la production restreinte. Favorisée par l’expansion des magazines ainsi que par la radio, l’émergence de la culture moyenne se fait en marge de l’institution littéraire, tout en étant intensément visible à travers la naissance du vedettariat local qui permet l’avènement de célébrités comme La Bolduc, Alys Robi ou encore Gratien Gélinas.
Rapidement évoqués, ces bouleversements structurels dans la vie culturelle ainsi que dans l’espace social favorisent l’émergence d’une parole féminine moderne et autonome (Robert, 1987) tout comme ils en sont tributaires. En effet, c’est dans ce contexte de bouillonnement social, littéraire et culturel que les femmes investissent en grand nombre les différents espaces d’un champ littéraire qui rêve à son autonomie. À la croisée de la «première vague féministe» et des répercussions de la Première Guerre mondiale sur la production littéraire, elles profitent de paramètres globaux qui, somme toute, font vaciller l’hégémonie clérico-conservatrice et reformulent les cadres de la condition féminine. Par ces nombreuses brèches – dans un champ marqué par la stabilisation, quoique précaire, de plusieurs circuits de production et de réception –, arrive un certain nombre de femmes qui naviguent entre acceptation des contraintes socioculturelles et innovations discursives et formelles, négociant dans le même temps leur acceptabilité en tant qu’auteures.

De la femme de lettres à l’écrivaine

Les femmes sont nombreuses à envisager une carrière dans l’écriture, empruntant pour ce faire la voie du journalisme, puis celles de la poésie et du roman. «Cet élan féminin, presque féministe» dans le paysage des lettres canadiennes-françaises (Dantin, 2002 [1931]: 446), amène une série de changements qui affectent la littérature, mais aussi, en retour, le statut des productrices. À la suite de sa lecture des Lettres de Fadette, Chantal Savoie remarque que «la femme de lettres s’estompe au profit de l’écrivaine» (2014b: 182), ce qui semble inaugurer un nouveau régime littéraire féminin. Ce point de bascule redistribue les cartes en matière de capital symbolique, notamment en ce qui a trait au capital de visibilité. Les stratégies enchâssées du succès et de la réussite (Viala, 1985: 178-238) guident l’évolution du régime d’écriture des femmes, tout comme elles calquent ce même régime sur des stratégies similaires observables dans le reste de la vie littéraire. Je prolongerai ici l’analyse en abordant la question de la mutation de ce statut en fonction de deux variables: celle du support de diffusion et de ses médiations, et celle de la pratique d’écriture. En effet, l’émergence de la figure de l’écrivaine durant l’entre-deux-guerres est liée au développement de l’édition qui, dans un contexte d’autonomisation de la littérature, participe de la structuration du champ des possibles et, de fait, de la délimitation des frontières de la sphère littéraire. Or, cette naissance de l’édition moderne favorise autant qu’elle accompagne une diversification des pratiques discursives. Après la chronique, qui avait contribué à accroître leur visibilité dans la sphère médiatique, les femmes se tournent vers les formes plus consacrées et publiées en livre. Ce déplacement vers la poésie et le roman notamment jalonne les décennies 1910 et 1920, accélérant un peu plus la professionnalisation du métier d’écrivaine.
En guise d’introduction, il n’est pas anodin de revenir sur le cas d’une écrivaine qui donne le ton à l’économie des supports qui nous intéresse: Laure Conan. Comme l’écrit Marie-Pier Savoie, Conan (pseud. Félicité Angers) trace les repères d’une professionnalisation de l’écriture des femmes dès la fin du xixe siècle (2015: 65). Point de départ de cette trajectoire de «pionnière», le roman Angéline de Montbrun est publié en deux temps: d’abord, en 1881-1882 en feuilleton dans les pages de la Revue canadienne; puis, en 1884, en volume. Marie-Pier Savoie et, avant elle, Nicole Bourbonnais (2007) ont bien montré comment l’initiateur du «mouvement littéraire en Canada», l’abbé Henri-Raymond Casgrain, avait joué les rôles de mentor et d’agent littéraire en conseillant à Conan de publier sous une forme remaniée le roman, qui avait alors reçu un succès important dans la presse. Ce passage du support de la revue au support du livre illustre une hiérarchie du médium conditionnelle à l’émergence d’une institution littéraire. Si la presse favorise l’entrée de Conan en littérature, c’est le livre qui la consacre et lui permet d’envisager une carrière d’écrivaine sur le plan symbolique comme sur le plan économique.
Pour le dire avec Lucie Robert, «publier, c’est se définir comme écrivain et prendre les moyens qui s’imposent pour conquérir ce statut» (2010: 125). Cette vérité générale n’a rien de réductible à la littérature des femmes, cela va de soi. Or, comme l’a montré Isabelle Boisclair, l’accès des femmes...

Table des matières

  1. REMERCIEMENTS
  2. LISTE DES ABRÉVIATIONS
  3. INTRODUCTION
  4. CHAPITRE 1
  5. CHAPITRE 2
  6. CHAPITRE 3
  7. CHAPITRE 4
  8. CONCLUSION
  9. BIBLIOGRAPHIE
  10. DANS LA COLLECTION NOUVELLES ÉTUDES QUÉBÉCOISES