Politique mondiale
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Politique mondiale

  1. 304 pages
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Politique mondiale

À propos de ce livre

La fin de la domination coloniale européenne en Amérique latine, en Asie et en Afrique a provoqué des changements manifestes, sans qu'ils soient nécessairement accompagnés d'un renversement de l'ordre établi. Les nouveaux États-nations, pour soutenir leur indépendance et bien marquer leur identité propre, ont mis en place des politiques et des institutions. Dans un monde en constante mutation, quelles en sont les forces et les faiblesses? Abordant la question de la deuxième phase de décolonisation du Tiers-Monde – un espace bâti par la mise en solidarité des peuples dominés et par le rejet du mythe civilisateur de l'Occident –, les auteurs comparent les divers contextes et décrivent les répercussions concrètes des luttes anti-impérialistes du xx e siècle, tout en mettant au jour leurs convergences et leurs particularités.Maurice Demers et Patrick Dramé sont tous deux professeurs au Département d'histoire de l'Université Sherbrooke.Également avec les textes de: Brieg Capitaine, José Del Pozo, Alain Deneault, Magali Grolleau, Nakpane Labante, Olivier Mbabia, Jean-Bruno Mukanya Kaninda-Muana, Alain Saint-Victor, Nishant Upadhyay et María Fernandez Vásquez Vela.

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Chapitre 1

La genèse d’un État néocolonial:
Haïti (1804-1820)

Alain Saint-Victor

Au lendemain de l’indépendance, le nouvel État haïtien fait face à une double réalité qui semble incontournable et déterminante: l’héritage colonial et l’isolement international. Cette double réalité détermine la structure et l’organisation sociales de façon si importante que les nouvelles classes dirigeantes trouvent tout à fait naturel de reproduire l’économie des plantations – malgré le rejet de celle-ci par la grande masse des anciens esclaves – et d’élaborer un cadre juridique qui renforce l’exclusion politique des nouveaux libres. Dans un même temps, le nouvel État véhicule une idéologie antiesclavagiste et indépendantiste et poursuit une quête de reconnaissance politique par les puissances esclavagistes de l’époque. Dans de telles circonstances, le sort de l’État haïtien semble scellé d’avance: les contradictions sur lesquelles il se fonde paraissent insurmontables et la nation ne peut être conçue hors d’une structure concrètement néocoloniale.
De points de vue politique et idéologique, ce régime veut marquer sa différence et son unicité. La Constitution de 1805 déclare que «l’esclavage est à jamais aboli» et que «[l]es citoyens haïtiens sont frères chez eux; l’égalité aux yeux de la loi est incontestablement reconnue, et il ne peut exister d’autre titre, avantages ou privilèges, que ceux qui résultent nécessairement de la considération et en récompense des services rendus à la liberté et à l’indépendance»1. Comme le fait remarquer Michel-Rolph Trouillot2, cette Constitution est unique en son genre parce qu’elle est la seule (à l’époque coloniale dans les Amériques) qui ne soit pas fondée sur l’exclusion raciale. Tout en héritant et en conservant la structure économique basée sur les grandes plantations de l’époque coloniale, le jeune État affirme son refus de l’esclavage et sa volonté de maintenir par tous les moyens son indépendance.
Toutefois, l’idéologie antiesclavagiste et indépendantiste véhiculée par les différents régimes au pouvoir de 1804 à 1820 a failli à développer une conscience collective qui aurait pu être à la base d’un État-nation. Les causes de cet échec ne sont pas liées uniquement à la reproduction de l’économie de plantations (quoique cette dernière fût déterminante), elles viennent également de l’héritage de la structure sociale qui prédominait à Saint-Domingue.
À l’époque coloniale, les intérêts des deux classes sociales (les grands propriétaires et les esclaves) sont fondamentalement opposés: il ne pouvait y avoir de compromis ni de considération pour le sort des esclaves sous peine de diminuer la rentabilité de la colonie, ces derniers devaient travailler jusqu’à l’épuisement total, sans même tenir compte de la reproduction de leur force de travail puisque ces esclaves, grâce à la traite, étaient facilement remplaçables. Entre ces deux classes, il y avait les petits Blancs qui exerçaient les métiers d’artisans, boutiquiers et autres petits boulots. Ces artisans aspiraient à devenir grands propriétaires. Les affranchis (dont certains étaient grands propriétaires et très riches) réclamaient leurs droits civiques et les hauts fonctionnaires représentants de la métropole assuraient la pérennité du régime colonial et du système exclusif. Jusqu’en 1791, les luttes d’intérêts qui se développèrent entre ces différents groupes sociaux ne remirent jamais en question le système esclavagiste; au contraire, l’enjeu était tout autre: il s’agissait de savoir qui allait profiter au maximum de ce système.
Dans cette recherche, nous tenterons de comprendre la nature de l’État haïtien au lendemain de l’indépendance et d’analyser son évolution jusqu’en 1820. Pourquoi les structures mises en place par cet État sont-elles semblables dans leur forme à celles qui existaient à l’époque coloniale? Quels étaient les objectifs des nouvelles classes dominantes au lendemain de l’indépendance alors que le pays demeurait profondément divisé et qu’un système social apparenté à l’apartheid se mettait en place3? La question du rapport de l’État à la nation reste essentielle pour comprendre la nature et le développement de l’État haïtien, car concrètement cet État se conçoit, se définit par opposition à cette nation (M.-R. Trouillot) pendant qu’il projette à la face du monde occidental la vision d’une grande nation nègre fière et capable de civilisation. Ce paradoxe est à la base de toute la problématique de l’idéologie dominante au cours de l’histoire haïtienne: montrer au monde que la première république noire constitue par son histoire et par ses accomplissements une réhabilitation de la race tout en valorisant et en prenant comme seuls critères de référence les valeurs occidentales que le peuple devrait faire siennes.
Pour les classes dominantes, l’existence d’Haïti est la preuve que la race noire est égale à la race blanche, que «[l]’indépendance d’Haïti importe donc à toute la race noire, parce que l’égalité sociale du Noir avec le Blanc, la suppression, sinon du préjugé individuel mais au moins du préjugé social, ne sera un fait accompli qu’en conséquence de la victoire morale de la République d’Haïti contre la mauvaise foi, contre l’antipathie internationale que celle-ci rencontre encore presque partout»4. Pourtant, au sein de cette nation modèle que les élites haïtiennes veulent construire, le peuple sur le dos duquel le nouveau pays se construit est asservi et aliéné de son droit de citoyen.

Le régime louverturien

De 1791 à 1804, une série d’événements bousculent l’ordre colonial à Saint-Domingue: les bouleversements et contradictions générés par la Révolution française exacerbent les conflits entre les représentants de la métropole, les petits Blancs, les grands Blancs et les affranchis. Comme le remarque Gérard Pierre-Charles, «la lutte acerbe entre les classes, expression permanente des relations de production de la société esclavagiste, à laquelle s’était ajouté avec tout son poids l’antagonisme racial, entra dans une nouvelle étape, au sein de laquelle les idées de la Révolution française purent prospérer»5. Ces conflits génèrent une crise sans précédent dans la colonie, et on assiste à une remise en question de l’esclavage lui-même, mais qui cette fois-ci se fait par les esclaves eux-mêmes (révolte générale de 1791, révoltes dans le sud, etc.). À la faveur de ces événements, un groupe d’affranchis et de nouveaux libres, sous le leadership de Toussaint Louverture, va jouer un rôle fondamental dans la destinée de la colonie. Né esclave le 20 mai 1743 sur l’habitation Bréda, propriété située près du Cap-Français, la capitale coloniale, Toussaint bénéficia dans sa jeunesse d’une importante éducation: grâce à son père, il apprit la langue et l’histoire de la tribu des Aradas6, dont il est le descendant, tandis que son parrain, Pierre Baptiste, un affranchi, lui enseigna des notions de géographie, de français et d’histoire. Louverture est affranchi en 1776 et, en 1789, au début de la révolution en France, il dispose d’une propriété plantée en caféiers, sur laquelle travaillent treize esclaves7.
À la fin du XVIIIe siècle, l’économie saint-dominguoise rentre dans une crise profonde. La production sucrière est presque inexistante: de 1790 à 1795, elle passe de 93,2 millions à 1,2 million de livres et l’exportation du café diminue durant cette même période de 76,8 millions à 2,2 millions de livres8. De plus, l’abolition de l’esclavage crée des tensions sociales: les grands planteurs ainsi que les gens de couleur propriétaires de grandes plantations manquent de main-d’œuvre et assistent impuissants à la déchéance de leurs habitations. Certains affranchis accusent Sonthonax de créer le désordre et de vouloir détruire la colonie. Le mulâtre Savary de Saint-Marc voit dans la décision d’affranchir les esclaves l’objectif «d’enlever à la France la possession de cette colonie puisqu’un pays peuplé exclusivement d’Africains, de Noirs, ne peut être une colonie française»9. L’image de l’Africain indiscipliné, ingrat et utilisateur de sortilèges se précise dans l’imaginaire des Créoles. Pour les planteurs, les nouveaux libres (les Africains) ne comprennent pas la signification de leur liberté: «Rigaud parle, dans son règlement de culture, de l’ingratitude des Africains qui refusent de comprendre qu’ayant obtenu de la république le bénéfice de la liberté, ils doivent lui rendre la réciprocité par leur travail»10.
C’est dans ce contexte de crise généralisée que Toussaint Louverture prend le contrôle de la colonie en devenant dans un temps record gouverneur général de l’île. L’ascension sociale et politique de Toussaint est fulgurante et cela lui confère auprès des nouveaux libres un grand respect, qu’il saura utiliser au moment opportun. En prenant le pouvoir, Louverture a pour objectif essentiellement la restauration de la richesse de la colonie. À cette fin, un nouveau contrat social s’avère nécessaire et celui-ci, pour Toussaint, passe nécessairement par un compromis. Comme le note Claude Moïse, ce compromis consiste «à stabiliser le régime postcolonial esclavagiste autour d’un nouveau contrat social qui garantit la liberté générale des anciens esclaves, élargit l’espace d’autonomie de l’État, reconstitue la grande exploitation des travailleurs fixés sur les plantations et militairement organisés, avec des fractions d’anciens colons et la couche privilégiée des nouveaux libres comme partenaires dominants»11. La base économique de la colonie étant les grandes plantations, il faut nécessairement les remettre en valeur, mais la réalisation d’un tel projet n’est pas simple. Toussaint en est conscient. Avec lui, une nouvelle classe de propriétaires voit le jour: les nouveaux libres ou du moins une certaine élite noire avide de partager les richesses de la colonie.
Cette classe émergente est particulièrement agressive quant à l’acquisition des habitations. À ce sujet, Paul Moral écrit: «Partout où ils [les lieutenants de Toussaint] interviennent, ils s’opposent aux anciens libres, comme candidats à l’acquisition des fermes. L’affermage des habitations vacantes, qui n’a pas eu beaucoup de succès jusqu’en 1797, va devenir par la suite le régime le plus répandu et alimenter la rivalité des castes»12. Il est important de préciser que la position de cette nouvelle classe se caractérisait par une certaine dualité: d’une part, elle veut démanteler le système esclavagiste qui la met dans une situation inférieure à celle des Blancs; d’autre part, elle lutte du même coup pour conserver ses privilèges et par conséquent elle s’oppose «aux revendications radicales des esclaves»13.
Cette classe constituée de nouveaux libres étant le pilier principal du pouvoir louverturien, le gouverneur général ne peut en aucun cas s’en aliéner et propose même un cadre légal pour asseoir son pouvoir, codifiant du même coup les nouveaux règlements de travail. En effet, après que fut constituée cette «nouvelle aristocratie noire», Toussaint promulgue un nouveau règlement de culture quelques mois après la promulgation de la Constitution de 1801. Dans ce règlement, il déclare: «Tous les cultivateurs et cultivatrices qui sont dans l’oisiveté, retirés dans les villes, bourgs ou dans d’autres habitations que les leurs, pour se soustraire au travail de la culture, même ceux ou celles qui depuis la révolution ne s’en seraient pas occupé, seront tenus de rentrer immédiatement sur leurs habitations respectives»14.
Le régime louverturien exige que les anciens esclaves se transforment en cultivateurs travaillant obligatoirement sur leurs anciennes habitations. Cette disposition pour être valide doit nécessairement aliéner la masse des nouveaux libres de leurs droits de citoyens, principalement le droit de disposer de leur personne en toute liberté et de vendre leur force de travail librement. Cette structure agraire qui constitue la base économique de la colonie au début du XIXe siècle va façonner...

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Première partie
  3. Chapitre 1
  4. Chapitre 2
  5. Chapitre 3
  6. Deuxième partie
  7. Chapitre 4
  8. Chapitre 5
  9. Chapitre 6
  10. Troisième partie
  11. Chapitre 7
  12. Chapitre 8
  13. Quatrième partie
  14. Chapitre 9
  15. Chapitre 10
  16. Chapitre 11
  17. Épilogue
  18. Les collaborateurs
  19. Bibliographie