Profession philosophe
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Profession philosophe

  1. 71 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Michel Seymour a choisi la philosophie analytique comme champ de recherche. La philosophie analytique est un courant de pensée dominé par les intellectuels vivant dans les pays anglo-saxons. Les résultats des recherches effectuées dans ce domaine sont publiés généralement en anglais, et les auteurs qui contribuent à ce courant de pensée se servent du modèle de la science pour donner un sens à leur propre activité philosophique. Le courant dominant y est en outre d'inspiration individualiste. Michel Seymour décrit ici comment se vit l'expérience de la philosophie analytique pour un Québécois francophone anti-individualiste et nationaliste qui croit à la valeur de la diversité des cultures et à l'autodétermination du Québec.Michel Seymour est professeur titulaire au Département de philosophie de l'Université de Montréal. Il est l'auteur de plusieurs livres dont L'institution du langage (PUM, 2005).

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La philosophie analytique
Jusqu’ici, j’ai surtout décrit ce dont il ne sera pas question dans ce livre et j’ai explicitement reconnu qu’il y avait plusieurs façons de vivre son expérience de citoyen philosophe. Mais il faut que j’en arrive rapidement à préciser ce que j’entends traiter dans ces brèves pages. Je veux être beaucoup plus bavard à propos d’un secteur qui caractérise un autre pan important de la philosophie telle que pratiquée de nos jours à l’université. Je songe ici à la philosophie anglo-américaine, aussi connue sous le nom de « philosophie analytique ». Si j’ai évoqué d’autres secteurs philosophiques et d’autres tempéraments, c’est pour illustrer la variété irréductible des perspectives et des points de vue. Il y a tout un éventail d’attitudes et de postures philosophiques possibles à l’égard du politique. Il ne faut pas penser non plus que l’engagement social est nécessairement une vertu à cultiver. Certains philosophes ne sont tout simplement pas intéressés à assumer un rôle d’intellectuel, et c’est très bien qu’il en soit ainsi. Encore une fois, je me propose tout au plus de témoigner de ma propre expérience en ces matières : de mon expérience en tant que philosophe analytique et plus généralement de mon expérience en tant qu’intellectuel universitaire. Si je choisis de parler surtout de cette branche de la philosophie, c’est parce que j’œuvre dans ce secteur depuis de nombreuses années. J’y ai été amené dans un séminaire donné en 1978 au Département de philosophie de l’Université du Québec à Montréal par Jean-Paul Brodeur, avant que ce dernier ne bifurque vers la criminologie. J’ai aussitôt été frappé par la concision, la clarté, la précision et le professionnalisme de la philosophie analytique, telle que Brodeur la pratiquait, et je me suis vite rendu compte de l’ampleur de ce courant de pensée.
Ce mouvement est né au début du XXe siècle sous l’impulsion de certains penseurs britanniques tels que George Edward Moore et Bertrand Russell, mais aussi grâce à des philosophes allemands et autrichiens qui ont eu une influence importante sur les Britanniques. Je songe ici principalement à Gottlob Frege et à Ludwig Wittgenstein. Tout au long du XXe siècle, ce mouvement a connu un essor considérable. Il s’agit d’un phénomène unique dans l’histoire de la pensée. Des dizaines de revues sont nées, des milliers d’ouvrages ont été publiés et des dizaines de milliers d’articles sont parus. Je suis enclin à parler surtout de ce courant puisque j’en fais partie.
Si l’on excepte les quelques grandes figures représentatives que je viens de nommer, auxquelles il faut sans doute ajouter Alfred J. Ayer, Robert Brandom, Rudolf Carnap, Donald Davidson, Michæl Dummett, Jerry Fodor, Nelson Goodman, Saul Kripke, David Lewis, John McDowell, Hilary Putnam, Willard Van Orman Quine, John Rawls, John Searle, Peter Strawson et Wilfrid Sellars, le mouvement se caractérise par une prolifération d’auteurs « secondaires » qui ont une notoriété toute relative et des contributions plus ponctuelles. C’est que la recherche s’est faite de plus en plus dans un esprit qui ressemble à celui de la science et de moins en moins sous la forme d’un système de pensée élaboré, comme chez ceux que l’on a coutume de nommer les « grands penseurs » de la philosophie grecque ou allemande. La recherche en philosophie analytique s’est pour une très large part manifestée sous la forme d’articles dans des revues. On a ainsi souvent décrit la philosophie analytique comme de la piecemeal philosophy, c’est-à-dire de la philosophie en pièces détachées. Les auteurs interviennent dans un article pour résoudre une question particulière : clarifier un concept, développer une thèse, discuter d’un argument. À tel point que Dummett finira par se demander dans un article célèbre paru en 1975 (« Can Analytic Philosophy Be Systematic, and Ought It to Be ? ») si la philosophie analytique peut aspirer à être systématique ou si elle n’est pas plutôt condamnée à n’être rien d’autre que fragmentée. Je crois en fait qu’à notre époque, c’est la question inverse qui doit être posée : la philosophie peut-elle être autre chose que systématique ?
Quoi qu’il en soit, cet éclatement de la recherche sous la forme de contributions ponctuelles dans des revues spécialisées reproduit un peu le modèle de la science pure, et c’est ce qui permettra à des auteurs relativement méconnus d’accéder parfois à la gloire avec la publication d’un article qui attire l’attention. La recherche se spécialise, mais en même temps il n’est pas nécessaire de produire une œuvre volumineuse pour se faire connaître et remarquer. Grâce à une transmission efficace de l’information rendue possible par les progrès réalisés dans le secteur de l’édition, un auteur peut faire carrière et être reconnu internationalement à cause d’un article devenu classique. Ce phénomène est complètement nouveau et n’a jamais existé auparavant dans l’histoire de la philosophie.
La philosophie analytique se caractérise surtout par sa méthode. Le travail philosophique doit pour une large part être marqué par l’analyse des concepts, des thèses, des arguments et des théories philosophiques et scientifiques. Plus exactement, le philosophe analytique manifeste une sensibilité à l’égard du langage dans lequel sont formulés ces concepts, thèses, arguments et théories. Ce courant de pensée ne se caractérise pas à partir d’un ensemble de thèses et de doctrines. Tous les sujets philosophiques donnent lieu au sein de ce courant à de vifs débats et à d’importantes controverses sans que jamais des consensus ne surgissent clairement. La philosophie analytique ne peut être définie à partir d’un ensemble de doctrines philosophiques particulières telles que l’idéalisme, le conventionnalisme, l’empirisme, le rationalisme, le réalisme ou l’antiréalisme. Dans chaque domaine à l’étude, des écoles de pensée opposées existent, mais elles se réclament toutes d’un seul et même héritage. Quel peut bien être cet héritage, si ce n’est justement la méthodologie adoptée ?
Bien entendu, il n’existe pas à strictement parler une seule approche méthodologique au sein de ce vaste courant de pensée. Certains philosophes analytiques utilisent les méthodes formelles de la logique, alors que d’autres s’inspirent des langues naturelles pour l’analyse des concepts. Certains développent une attitude critique radicale à l’égard de la tradition philosophique, alors que d’autres sont plus modestes dans leurs ambitions. L’utilisation du langage peut aussi varier d’un auteur à l’autre. Mais on peut quand même tenter une définition approximative de la philosophie analytique. Il s’agit d’une conception globale de ce qu’est la philosophie (une conception métaphilosophique), née au début du XXe siècle, qui affirme le caractère central de la philosophie du langage au sein de l’ensemble des disciplines philosophiques et qui fait intervenir l’analyse du langage comme méthode de découverte philosophique, d’où son caractère « analytique ». Si la métaphysique (la science de l’être en tant qu’être) était conçue comme la discipline fondamentale à l’époque antique, et si la théorie de la connaissance a joué un rôle prépondérant au sein de l’ensemble des disciplines philosophiques à l’époque moderne, c’est la philosophie du langage qui a occupé au XXE siècle cette place primordiale pour les philosophes analytiques.
Il s’agit donc de l’un des plus importants courants de pensée du XXe siècle, développé surtout (mais pas exclusivement) dans les pays anglo-saxons et s’exprimant presque toujours (mais pas exclusivement) dans des ouvrages et des revues de langue anglaise. Il s’agit d’un courant de pensée rassemblant des philosophes de tendances très diverses. Mais tous conviennent que les réflexions sur le langage en général ou les analyses linguistiques particulières peuvent servir à résoudre ou à dissoudre, en totalité ou en partie, la plupart des problèmes philosophiques traditionnels. En effet, quelles que soient leurs idées, les auteurs partagent pour la plupart un même souci de rigueur analytique dans la clarification des concepts, l’élucidation des thèses philosophiques et la formulation des théories. Leurs contributions prennent la forme d’arguments clairs sous la forme de prémisses et de conclusions explicitement formulées. Un bon article de philosophie analytique est un texte qui cible une problématique bien délimitée et qui présente un argument nouveau, ou une réfutation nouvelle pour un argument ancien. Ainsi compris, le travail en philosophie analytique peut donner lieu à un savoir cumulatif d’hypothèses, de réfutations et de répliques. C’est cela qui invite et permet un travail de collaboration mobilisant la communauté internationale des chercheurs. Sans aller jusqu’à parler de collégialité ou d’équipes de recherche, on a affaire quand même à une façon de concevoir la philosophie qui incite à penser ce travail comme le résultat d’une collaboration à l’échelle internationale.
Or, ce courant de pensée n’aurait jamais vu le jour si des faits nouveaux n’étaient pas survenus à l’échelle internationale. Dans le contexte d’une hégémonie anglo-américaine au XXE siècle coïncidant avec un essor sans précédent de la science, de la technologie et des communications, la philosophie analytique apparaît comme l’inévitable produit dérivé de l’époque, et le mouvement a en retour eu un impact considérable sur la pratique philosophique dans son ensemble. La philosophie analytique est le courant de pensée qui, pour le meilleur et pour le pire, reflète le plus la réalité de l’époque. On peut même dire qu’elle est la fille de son époque. Ses traits caractéristiques les plus importants sont un miroir de notre temps. J’ai dit en effet que la philosophie analytique est surtout pratiquée dans les pays anglo-saxons, qu’elle est présente surtout dans des ouvrages écrits en langue anglaise et qu’elle subit l’influence importante du modèle de la recherche en sciences pures. Voilà autant de traits caractéristiques qui reflètent des réalités sociopolitiques du XXe siècle. Sur le plan des contenus, elle traduit parfois aussi les valeurs, préjugés et opinions d’une mentalité typiquement anglo-américaine. Même si elle ne se laisse pas caractériser à partir d’un ensemble de doctrines philosophiques, certaines idées exercent une influence déterminante sur les esprits. Je songe ici à l’individualisme qui caractérise bien la mentalité anglo-américaine et qui se décline de différentes façons en philosophie de la biologie, en ontologie sociale, en épistémologie des sciences humaines, en philosophie politique, en philosophie de l’esprit et en philosophie du langage.
2
Le philosophe dans la Cité
Sans reprendre à la lettre le credo du regretté Pierre Bourdieu, on peut quand même reconnaître que l’environnement social premier du chercheur est l’institution rassemblant les chercheurs opérant dans le même domaine que lui...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page titre
  3. La collection
  4. Copyright
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - La philosophie analytique
  7. Chapitre 2 - Le philosophe dans la Cité
  8. Chapitre 3 - La science comme modèle ?
  9. Chapitre 4 - Une lingua franca ?
  10. Chapitre 5 - L’individualisme en philosophie politique
  11. Chapitre 6 - Le libéralisme individualiste
  12. Chapitre 7 - L’intellectuel dans la Cité
  13. Conclusion
  14. Lectures complémentaires