Profession sinologue
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Profession sinologue

  1. 71 pages
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Profession sinologue

À propos de ce livre

Être sinologue, c'est chercher Ă  comprendre et Ă  faire comprendre les multiples facettes de la sociĂ©tĂ© et de la culture de la Chine. Par son isolement physique et culturel Ă  l'autre bout de l'Eurasie, la Chine se donne comme l'Autre du monde indo-europĂ©en. Il incombe au sinologue de « traduire » cette diffĂ©rence pour Ă  la fois comprendre et respecter la spĂ©cificitĂ© chinoise, enrichir l'esprit et le cƓur de l'Occident, et favoriser la communication la plus ouverte entre deux pĂŽles incontournables de la planĂšte. C'Ă©tait bien lĂ  les valeurs que prĂ©conisait Jean Pierre Abel-RĂ©musat (1788-1832), titulaire de la premiĂšre chaire d'Ă©tudes chinoises en Occident au CollĂšge de France en 1814 et fondateur de l'Ă©tude scientifique de la Chine: la sinologie.Charles Le Blanc est professeur Ă©mĂ©rite de philosophie chinoise Ă  l'UniversitĂ© de MontrĂ©al. Aux PUM, il dirige la collection « SociĂ©tĂ©s et cultures de l'Asie », il a publiĂ© Le Wen zi (2000) et a traduit Confucius (2004) et La population chinoise (2006). Il a aussi publiĂ©, avec RĂ©mi Mathieu, Philosophes taoĂŻstes II: le Huainan zi (Gallimard, « BibliothĂšque de la PlĂ©iade », 2003).

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ThĂšmes et enjeux
En examinant les Ɠuvres des sinologues d’hier et d’aujourd’hui, des thĂšmes et des enjeux rĂ©currents Ă©mergent. Fait remarquable, les questions d’antan animent et alimentent encore les dĂ©bats d’aujourd’hui. MalgrĂ© des progrĂšs indĂ©niables, les rĂ©ponses dĂ©ïŹnitives Ă  ces questions – si une telle chose existe – sont encore pour demain. Voyons quelques-uns des thĂšmes de recherche qui ont Ă©tĂ© au cƓur des dĂ©bats sinologiques depuis leurs dĂ©buts et qui le restent : langue, Ă©criture et genres littĂ©raires ; histoire, chronologie et calendrier ; conception du monde et philosophie ; sociĂ©tĂ© et politique.
Le premier thĂšme, portant sur la langue et l’écriture, est le plus important, parce qu’en plus de son intĂ©rĂȘt intrinsĂšque comme phĂ©nomĂšne linguistique, c’est par lui que nous connaissons les autres branches du savoir. L’écriture, en particulier, mĂ©rite un traitement Ă  part.
Langue, écriture et genres littéraires
Le jour oĂč je pris la dĂ©cision d’étudier la philosophie chinoise, mon premier souci fut de maĂźtriser la langue et l’écriture chinoises. Pour moi, la langue n’était pas le simple instrument d’une pensĂ©e antĂ©rieure dĂ©jĂ  formĂ©e ; c’était, d’une certaine maniĂšre, la pensĂ©e elle-mĂȘme. C’est particuliĂšrement vrai en ce qui concerne la Chine. C’est ce qui explique que je passai trois ans et demi Ă  Taiwan, Ă  l’Institut de langue chinoise que dirigeaient les JĂ©suites, puis Ă  l’UniversitĂ© nationale de Taiwan, sous la direction d’un grand maĂźtre de la philosophie chinoise ancienne, le professeur Fang Dongmei. (Avant 1973, les relations diplomatiques entre le Canada et la RĂ©publique populaire de Chine ne laissaient pas d’autre choix que Taiwan Ă  qui voulait Ă©tudier sur place.)
L’écriture chinoise participe au mythe de l’anciennetĂ© de la civilisation chinoise : elle Ă©tait, croyait-on, la plus ancienne Ă©criture inventĂ©e par l’homme, et sans rivale, puisque les hiĂ©roglyphes Ă©gyptiens et les cunĂ©iformes sumĂ©riens n’avaient pas encore Ă©tĂ© dĂ©chiffrĂ©s. Selon certaines traditions anciennes, ce fut Cang Jie, un ministre de Huang di (l’empereur Jaune, au ~IIIe millĂ©naire), qui en fut l’inventeur, aprĂšs avoir remarquĂ© que chaque espĂšce d’oiseaux pouvait ĂȘtre reconnue aux traces distinctives qu’elle laissait sur le sol ou sur la neige. Ainsi, des sinologues des XVIIe et XVIIIe siĂšcles, appelĂ©s « ïŹguristes », crurent trouver dans le caractĂšre pour « bateau », èˆč (chuan), une allusion Ă  l’arche de NoĂ©, puisque ce caractĂšre complexe est composĂ© de trois caractĂšres simples plus anciens, soit « barque », 舟 (zhou), « huit », ć…« (ba) et « bouche », 揣 (kou). Le mot « bouche » est ici pris dans un sens mĂ©tonymique et reprĂ©sente un individu, comme on dit en français « huit bouches Ă  nourrir ». Selon les ïŹguristes, le caractĂšre èˆč signiïŹe « huit personnes dans une barque » ; or il y avait bien huit personnes dans l’arche de NoĂ© !
Plus sĂ©rieusement, on s’intĂ©ressa, comme en tĂ©moigne Matteo Ricci, Ă  la composition des caractĂšres, Ă  leurs Ă©lĂ©ments structurels Ă  la fois sĂ©mantiques et phonĂ©tiques, et au rapport entre l’écriture et la langue parlĂ©e. Ces questions touchaient Ă  des points essentiels et elles ont alimentĂ© les recherches, toujours plus rafïŹnĂ©es, des sinologues jusqu’à nos jours. La dĂ©couverte des inscriptions sur os divinatoires et sur bronzes rituels au tournant du XXe siĂšcle et l’apport de la linguistique comparative ont toutefois ouvert de nouvelles pistes de recherche, inaccessibles aux premiĂšres gĂ©nĂ©rations de sinologues, et ont permis des progrĂšs inespĂ©rĂ©s dans ce domaine.
Prenons un exemple. Les opinions des sinologues ont variĂ© considĂ©rablement au cours des siĂšcles sur la nature linguistique du caractĂšre chinois ; pour certains, il s’agissait d’un pictogramme (le dĂ©calque ou dessin plus ou moins stylisĂ©, mais direct, d’un objet physique) ; pour d’autres, il s’agissait d’un idĂ©ogramme (le symbole direct d’une idĂ©e ou d’un objet) ; pour d’autres encore, il s’agissait d’un phonogramme (le symbole direct d’un son). On peut apporter des arguments pour appuyer, au moins en partie, chacune de ces positions. Mais des sinologues contemporains proposent de voir le caractĂšre plutĂŽt comme un logogramme (le symbole direct d’un mot de la langue parlĂ©e et indirect de la prononciation et du sens de ce mot). Cette hypothĂšse situe pleinement le caractĂšre par rapport Ă  la langue parlĂ©e, qui, aprĂšs tout, est le phĂ©nomĂšne linguistique toujours prĂ©supposĂ©, et elle garde au caractĂšre sa fonction de symbole du son et du sens.
Par ailleurs, avant les recherches de linguistique comparative de Wilhelm von Humboldt, les savants, sinologues ou autres, n’avaient pas rĂ©ussi Ă  situer le chinois parmi les familles de langues connues. Humboldt proposa une distinction tripartite des familles de langue, soit les langues Ă  ïŹ‚exions (comme l’indo-europĂ©en), les langues agglutinantes (comme le turc) et les langues isolantes (comme le chinois). L’aspect isolant du chinois lui venait essentiellement de son monosyllabisme et de l’invariance totale des mots, mĂȘme des verbes. Cette hypothĂšse permet de comprendre plus facilement deux des problĂšmes les plus Ă©pineux de l’écriture chinoise, abordĂ©s mais non rĂ©solus par les premiers sinologues, soit l’emprunt phonĂ©tique et les mots composĂ©s ou binĂŽmes.
Le monosyllabisme et l’invariance des mots chinois engendrĂšrent un trĂšs grand nombre d’homonymes. L’homonymie est un phĂ©nomĂšne phonĂ©tique et non graphique. La centaine de mots prononcĂ©s qi en chinois sont chacun Ă©crits avec un caractĂšre diffĂ©rent. L’ambiguĂŻtĂ© des mots homophones n’affecte ni l’écriture ni la lecture, mais seulement la langue parlĂ©e. C’est un peu comme l’homonymie en français : mĂšre/mer/maire ne posent aucune Ă©quivocitĂ© Ă  la lecture, mais parfois dans le discours, si le contexte est insufïŹsant. Parmi les mots qui se prononcent qi en chinois, certains, plus abstraits ou exprimant une relation, sont difïŹciles Ă  reprĂ©senter par un signe graphique ; c’est le cas, par exemple, du pronom possessif Ă  la troisiĂšme personne (son, sa, ses, leur, leurs), qui se prononce qi ; or, pour reprĂ©senter cette fonction de pronom, on se servit d’un caractĂšre dĂ©jĂ  existant bien connu, qui se prononçait aussi qi et qui s’écrivait ć…¶, soit un panier Ă  vanner. Ainsi, un seul caractĂšre avait deux sens bien distincts, un sens originel, concret, facile Ă  reprĂ©senter (van) et un sens dĂ©rivĂ© abstrait (pronom possessif). Le contexte permettait habituellement de dĂ©cider le sens voulu par l’auteur. Ces caractĂšres utilisĂ©s dans un sens dĂ©rivĂ© s’appellent des emprunts phonĂ©tiques, parce que le caractĂšre est empruntĂ© non pas en raison de son sens, mais en raison de sa phonĂ©tique. Plus tard, on ajouta au caractĂšre le radical de l’herbe pour bien indiquer qu’il s’agit d’un van 萁 et non du pronom possessif ć…¶. Ce phĂ©nomĂšne d’emprunt fut trĂšs frĂ©quent durant toute la pĂ©riode ancienne et jusqu’aux premiers siĂšcles de notre Ăšre. L’ajout du radical fut un moyen d’éliminer toute ambiguĂŻtĂ© dans l’écriture.
Mais, dans la langue parlĂ©e, Ă  mesure que le nombre de nouveaux mots monosyllabiques se multipliait avec le dĂ©veloppement des connaissances et de la sociĂ©tĂ©, l’homonymie faisait tache d’huile, augmentant d’autant l’imprĂ©cision de la langue parlĂ©e. L’un des moyens inventĂ©s par les Chinois pour enrayer l’imprĂ©cision du langage fut la crĂ©ation des mots composĂ©s ou binĂŽmes. Il s’agissait de combiner deux mots prĂ©existants et indĂ©pendants pour former une nouvelle expression de deux syllabes. Par exemple, il y avait deux mots, fang et fa, qui signiïŹaient, Ă  quelques nuances prĂšs, « maniĂšre de faire ». UtilisĂ© seul, chacun de ces mots laissait souvent place Ă  l’ambiguĂŻtĂ©, parce qu’il y avait des dizaines de mots qui se prononçaient fang et des dizaines de mots qui se prononçaient fa. Mais, en les combinant ensemble pour former une seule expression, fangfa (maniĂšre de faire, mĂ©thode), l’imprĂ©cision Ă©tait levĂ©e, puisqu’il n’y avait qu’une expression qui se prononçait fangfa. Au cours des siĂšcles, plus de 90% des mots chinois d’usage courant dans la langue parlĂ©e furent des expressions binomiales de cette sorte.
Ces rĂ©ïŹ‚exions sur l’emprunt phonĂ©tique et sur les binĂŽmes s’inscrivent dans une longue, et complexe, histoire. En effet, le monosyllabisme et l’absence de ïŹ‚exions de la langue chinoise n’ont pas manquĂ© de poser un sĂ©rieux problĂšme aux sinologues et aux linguistes. Certains ont niĂ© le monosyllabisme, accusant ses dĂ©fenseurs de faire de la « linguistique de dictionnaire ». D’autres soutinrent que le monosyllabisme fut la forme originelle des mots chinois. Bernhard Karlgren proposa plutĂŽt une approche Ă©volutive : la langue chinoise aurait connu des stages de ïŹ‚exion relative (verbes, pronoms, substantifs) des siĂšcles avant l’avĂšnement de l’écriture au ~XIIIe siĂšcle, mais ces ïŹ‚exions auraient Ă©tĂ© graduellement Ă©liminĂ©es par un processus de simpliïŹcation.
Selon Karlgren, les langues europĂ©ennes, notamment l’anglais, sont prĂ©sentement en voie de simpliïŹcation : la forme Ă  l’imparfait du verbe « to have » Ă  toutes les personnes est toujours « had » ; en anglais ancien, « had » s’écrivait diffĂ©remment et de maniĂšre plutĂŽt compliquĂ©e Ă  chaque personne. Cette simpliïŹcation n’a rien enlevĂ© Ă  la clartĂ©, Ă  la prĂ©cision et au pouvoir communicationnel de la langue anglaise. ProjetĂ© sur la longue durĂ©e, l’anglais pourrait aboutir Ă  une langue possĂ©dant un grand nombre de mots invariables, comme « had ». Pour Karlgren, la langue chinoise aurait parcouru toute la courbe linguistique : simplicitĂ© initiale – complexitĂ© mĂ©diane – simplicitĂ© ïŹnale. Le monosyllabisme chinois serait le rĂ©sultat d’une longue Ă©volution et non pas un phĂ©nomĂšne de dĂ©part. Lorsque les Chinois inventĂšrent leur Ă©criture vers le ~XIIIe siĂšcle, leur langue Ă©tait dĂ©jĂ  monosyllabique et sans ïŹ‚exions depuis longtemps.
Cette premiĂšre Ă©criture fut politicoreligieuse et divinatoire. Il s’agit de textes gravĂ©s sur des piĂšces osseuses (plastron de tortue, omoplate de bovidĂ©s) et, dans certains cas, sur des bronze rituels. Ces inscriptions couvrent la pĂ©riode des neuf derniers rois de la dynastie Shang (~1765-~1122) ; leur prĂ©servation est due Ă  leur support durable (os et bronze). Il est possible que d’autres textes, d’un usage diffĂ©rent, aient Ă©tĂ© Ă©crits sur des supports pĂ©rissables (bois, bambou) Ă  la mĂȘme Ă©poque, mais qu’ils n’aient pas survĂ©cu Ă  l’effritement du temps. Les inscriptions sur os dĂ©couvertes depuis le dĂ©but du XXe siĂšcle Ă©taient des textes spĂ©cialisĂ©s, rĂ©digĂ©s selon des rĂšgles strictes par des devins lettrĂ©s attachĂ©s Ă  la cour royale des Shang.
La divination basĂ©e sur les os (ostĂ©omancie) Ă©tait un rituel complexe. Elle faisait partie du culte aux ancĂȘtres, notamment Ă  l’ancĂȘtre s...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. Page titre
  3. La collection
  4. Copyright
  5. Avant-propos
  6. Introduction
  7. Les trois phases de la sinologie
  8. ThĂšmes et enjeux
  9. Conclusion
  10. Lectures complémentaires