Profession lexicographe
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Profession lexicographe

  1. 71 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Profession lexicographe

À propos de ce livre

Quand Richelieu fonda l'Académie française en 1635, il demanda aux membres de cette auguste assemblée de dicter le bel usage. Aujourd'hui, les lexicographes décrivent-ils le bon usage ou tout simplement l'usage? Leur revient-il de définir la norme d'une langue? Comment établissent-ils cette représentation de la langue qu'est le dictionnaire? Ce texte qui décortique la pratique lexicographique et les défis des lexicographes montre comment le dictionnaire reste le radar de la langue puisque les lexicographes doivent observer les usages lexicaux et tenir compte à la fois du travail de leurs prédécesseurs, des auteurs, des journalistes et de l'émergence de nouveaux mots et de sens nouveaux.Marie-Éva de Villers est chercheuse agrégée à HEC Montréal. Elle a écrit notamment: Le multidictionnaire de la langue française (4e édition, 2003), La nouvelle grammaire en tableaux (4e édition, 2003), Le vif désir de durer. Illustration de la norme réelle du français québécois (2005).

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La pratique lexicographique
Une bibliothèque de mots ?
La lexicographie est la branche de la linguistique appliquée qui a pour objet d’observer, de recueillir, de choisir et de décrire les unités lexicales d’une langue et les interactions qui s’exercent entre elles. L’objet de son étude est donc le lexique, c’est-à-dire l’ensemble des mots, des locutions en ce qui a trait à leurs formes, à leurs significations et à la façon dont ils se combinent entre eux.
Les lexicographes se contentent-ils d’établir le « catalogue de tous les mots d’une langue », comme l’écrit Antoine Furetière en 1690 ? Au terme de leurs recherches et de leur analyse, se limitent-ils à caser les mots et leurs significations dans leur ouvrage comme sur les rayons bien ordonnés d’une bibliothèque ?
Comme Furetière, les auteurs de dictionnaires caressent l’ambition de répertorier tous les mots d’une langue. Bien sûr, cette exhaustivité relève de l’utopie. En conséquence, les lexicographes se voient forcés d’opérer des choix, des choix subjectifs, par définition. Même s’ils adoptent une démarche descriptive, ils participent indirectement à la définition de l’usage dominant parce qu’ils ont le pouvoir de reconnaître officiellement un mot, une expression, un sens par sa seule intégration à la nomenclature de leur dictionnaire. Ils deviennent ainsi des arbitres qui consacrent l’existence de certains mots, de certains emplois dans la langue.
La description lexicographique est difficilement neutre : d’abord, par le choix des unités lexicales ; puis, par les marques d’usage qui les accompagnent ; par la sélection et l’organisation des sens retenus ; par l’homogénéisation des données recueillies. Elle se trouve toujours à légitimer un certain usage : en cela, elle constitue toujours, mais à divers degrés, une activité normative.
Du bel usage au bon usage : la représentation de la norme dans les dictionnaires
La fonction du dictionnaire est de fournir à ses usagers une référence sur la norme.
ALAIN REY, « Norme et dictionnaires », La Norme linguistique, 1983
Ainsi que le rappelle Alain Rey, le dictionnaire constitue un ouvrage de référence dont l’objet est de représenter le plus fidèlement possible la norme de la communauté linguistique à laquelle il est destiné, une norme qui s’inscrit dans le temps et dans l’espace. C’est le grand défi que doivent relever les lexicographes.
En 1680, Richelet, auteur du premier dictionnaire français monolingue, s’inspire de Vaugelas et définit le bon usage comme « le Tyran, ou le Roi, ou l’Arbitre, le Souverain, ou le Maître des langues ». Cette formule sera reprise dans les deux autres dictionnaires du Grand Siècle, le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière (1690), ainsi que la première édition du Dictionnaire de l’Académie (1694). Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour que paraisse la monumentale Encyclopédie (1751-1772) dont Diderot et D’Alembert furent les concepteurs en même temps que les principaux rédacteurs. Sous la plume éclairée des Encyclopédistes, le statut de l’usage se modifie : le tyran des langues devient le « législateur naturel ». Le bel usage perd son monopole et « la totalité des usages propres à une nation » est maintenant prise en compte.
Dans le Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey date de 1165 l’attestation la plus ancienne du nom norme, emprunté au latin norma, signifiant, au sens propre, « équerre » et, au sens figuré, « règle, ligne de conduite ». Le terme norme est âgé de près d’un millénaire, mais il ne figure pas dans le dictionnaire d’Antoine Furetière ni dans les six premières éditions du Dictionnaire de l’Académie ; il faut attendre qu’Émile Littré le consigne dans son Dictionnaire de la langue française publié de 1863 à 1873.
Si le mot norme est peu usité jusqu’à la fin du XIXe siècle, la pratique normative, par contre, existe depuis longtemps, mais sous une autre étiquette, celle du bel usage, celui de la Cour. Pour définir cet usage, le cardinal de Richelieu fonde l’Académie française en 1634 et lui assigne la mission « de fixer la langue française, de lui donner des règles, de la rendre pure et compréhensible par tous », selon les statuts et règlements établis par le Cardinal et les lettres patentes signées par Louis XIII en 1635. La première tâche de l’Académie est de composer un dictionnaire de la langue française.
En 1647, Claude Favre, seigneur de Vaugelas, publie ses Remarques sur la langue française. Qui est Vaugelas ? C’est un protégé de Richelieu qui fréquente le salon de Mme de Rambouillet où son goût et son jugement sur les questions linguistiques étaient reconnus. Vaugelas dirige les travaux de mise en route du Dictionnaire de l’Académie, dont la première édition ne paraîtra qu’en 1694, alors que le grammairien est disparu depuis 1650. Malgré cela, Vaugelas exercera une influence considérable sur la constitution de la norme du français, car ses Remarques ont été reprises dans toutes les éditions du Dictionnaire de l’Académie et dans la majorité des autres dictionnaires français.
Il est intéressant de suivre l’évolution du concept de bel usage, puis de celui du bon usage, tel qu’il est défini dans les dictionnaires français au fil des siècles. Premier dictionnaire monolingue, le Dictionnaire françois de Pierre Richelet paraît en Hollande en 1680. Pourquoi en Hollande ? Parce que Louis XIII a conféré à l’Académie française le privilège exclusif de publier un dictionnaire en France. Voyons comment le premier lexicographe définit le nom usage :
USAGE. Ce mot se dit en parlant du langage. […] Il y a deux sortes d’usages. Le bon et le mauvais. Le mauvais se forme du plus grand nombre des personnes qui ne parlent ni bien ni exactement. Mais le bon usage est la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des Auteurs du temps. Le bon usage est le Tyran, ou le Roi, ou l’Arbitre, le Souverain, ou le Maître des langues.
RICHELET, Dictionnaire françois, 1680
Tout est déjà fixé, dès la publication de ce Dictionnaire françois qui emprunte aux Remarques sur la langue française de Vaugelas la définition du nom usage. Le Dictionnaire universel de Furetière (1690) ainsi que le Dictionnaire de l’Académie française (1694 et éditions subséquentes) reprendront aussi fidèlement la formulation de Vaugelas.
Le deuxième lexicographe du Grand Siècle, Antoine Furetière, est admis à l’Académie française en 1662, mais il en est exclu en 1685 pour avoir voulu publier son propre dictionnaire et faire ainsi concurrence à celui que préparait l’auguste assemblée des Académiciens. Dans son ouvrage, Furetière ne se limite pas à la description du vocabulaire général de la langue française qui compose la nomenclature du Dictionnaire de l’Académie. Le lexicographe ajoute les vocabulaires spécialisés, c’est-à-dire les termes techniques et pratiques, ce qui rend son Dictionnaire universel, qui paraîtra à titre posthume deux ans après sa mort, infiniment plus riche et complet que celui de l’Académie. Voici comment Furetière définit le mot usage et cite Vaugelas :
USAGE. […] En ce sens, on le dit particulièrement des langues, de la manière de les parler. Les langues vivantes s’apprennent plutôt par l’usage, que par l’étude. Vaugelas a montré la différence du bon & du mauvais usage, comment il fallait juger du bel usage ; que l’usage était le roi, le tyran, le maître, l’arbitre souverain des langues ; que l’usage l’emportait sur la raison, sur les règles de la Grammaire.
ANTOINE FURETIÈRE, Dictionnaire universel, 1690
La définition du Dictionnaire de l’Académie est très succincte et reprend simplement les mots de Vaugelas sans nommer le grammairien, contrairement à celui de Furetière. Il s’agit là d’une pratique constante de l’Académie depuis sa création jusqu’à nos jours : elle s’inspirera souvent d’autres lexicographes et auteurs, mais sans jamais le reconnaître nommément parce qu’elle mise sur le prestige et l’autorité de ses Immortels :
USAGE. s. m. Coutume, pratique reçue. L’usage est le maître des langues vivantes. Ce mot n’est pas du bel usage, n’est plus en usage. L’usage l’a reçu. Cela est hors d’usage.
Dictionnaire de l’Académie française, 1694
L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers est le premier ouvrage qui remet en question la conception de l’auteur des Remarques sur la langue française, Vaugelas, à propos de l’usage. Voici ce qu’écrivent les encyclopédistes à cet égard :
USAGE. L’idée de tyrannie emporte chez nous celle d’une usurpation injuste & d’un gouvernement déraisonnable ; et cependant rien de plus juste que l’empire de l’usage sur quelque idiome que ce soit, puisque lui seul peut donner à la communication des pensées, qui est l’objet de la parole, l’universalité nécessaire ; rien de plus raisonnable que d’obéir à ses décisions, puisque sans cela on ne serait pas entendu, ce qui est le plus contraire à la destination de la parole.
L’usage n’est donc pas le tyran des langues, il en est le législateur naturel, nécessaire et exclusif ; les décisions en sont l’essence : & je dirais d’après cela, qu’une langue est la totalité des usages propres à une nation pour exprimer les pensées par la voix.
Encyclopédie, 1751-1772
De 1863 à 1873 paraît le Dictionnaire de la langue française, œuvre remarquable d’Émile Littré. Le grand lexicographe rompt avec le conservatisme linguistique de l’Académie française du XIXe siècle, un purisme qui se fonde sur des arguments subjectifs tels le talent et le goût. Il ne fait plus état du bel usage ni même du bon usage ; il définit plutôt l’usage comme l’« emploi ordinaire des mots, tel qu’il est dans la bouche du plus grand nombre ». À l’appui de cette définition, Littré cite, entre autres, le philosophe et mathématicien D’Alembert : « En matière de langue, il est une infinité de nuances imperceptibles et fugitives, qui, pour être démêlées, ont besoin, si on peut parler de la sorte, du frottement continuel de l’usage. » En outre, le lexicographe innove lorsqu’il inclut dans son dictionnaire le nom norme qu’il définit ainsi : « Se dit quelquefois pour règle, loi, d’après laquelle on doit se diriger. »
Né en 1817 dans le village de Toucy, en Bourgogne, Pierre Larousse publi...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page titre
  3. La collection
  4. Copyright
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 - La pratique lexicographique
  7. Chapitre 2 - Quel type de dictionnaire concevoir ?
  8. Chapitre 3 - La boîte à outils du lexicographe
  9. Chapitre 4 - Les défis du lexicographe
  10. Conclusion
  11. Lectures complémentaires