Profession historienne de l'art
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Profession historienne de l'art

  1. 72 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Profession historienne de l'art

À propos de ce livre

Émancipée des récits de vie d'artiste et d'un statut de « fille de l'archéologie » qui, de la Renaissance au xixe siècle, en ont orienté les pratiques, l'histoire de l'art traverse depuis une trentaine d'années un moment important dans sa constante redéfinition disciplinaire. L'auteure aborde cette question en voyant comment la notion d'histoire et la notion d'art connaissent d'importantes remises en question qui, au sein de la discipline de l'histoire de l'art, ébranlent aussi bien la construction des récits que la définition de ce qui constitue désormais son objet élargi. C'est en même temps l'occasion de réfléchir sur la façon dont s'articulent, dans l'histoire et dans le temps présent, les deux grandes institutions porteuses de cette discipline: le musée et l'université.Johanne Lamoureux est professeure titulaire au Département d'histoire de l'art de l'Université de Montréal. Ses domaines de recherche sont: l'art contemporain et l'art actuel; l'histoire, la critique et la théorie; la peinture française des XVIIIe siècle et début du XIXe siècle; l'histoire de l'art et l'interdisciplinarité. Elle est aussi directrice du département.

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Informations

Une institution bicéphale
Si l’histoire de l’art est redéfinie sous l’impact de la concurrence entre l’art et la culture visuelle, elle est aussi aux prises avec des tensions internes, liées non seulement aux divergences méthodologiques et idéologiques qui dynamisent la plupart des disciplines en sciences humaines, mais aussi au fait qu’elle est portée par deux institutions dont les visées et les méthodes sont historiquement divergentes et dont les rapports n’ont pas été toujours harmonieux : le musée et l’université. Or, dans la formation de cette incarnation bicéphale, l’histoire de l’art universitaire s’avère un joueur tardif.
Qui plus est, l’histoire de l’art a connu ses premiers balbutiements en dehors de l’institution, qu’elle soit muséale ou universitaire. En effet la protohistoire de la discipline, qu’on pense aux vies des meilleurs artistes de la Renaissance par Vasari (1550) ou à l’histoire « systématique » de l’art de l’Antiquité par Winckelmann, n’est pas le fait de professionnels de la discipline au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Les biographies de Vasari sont étayées sur un discours à la fois théorique (il conçoit le développement de l’art de son temps comme une progression de l’imitation), critique (il juge le talent des artistes, à la fois par rapport à leur temps et par rapport à l’ensemble des artistes de la « manière moderne ») et historique (il présente et organise une série de faits). Mais sa conception organique du développement de l’art mélange des considérations factuelles vérifiables (le lieu de naissance des artistes, la date de leur décès, la succession de leurs pérégrinations, une liste de leurs œuvres et parfois de leurs commanditaires) avec des fragments souvent erronés de la tradition orale et une ornementation rhétorique qui recourt à des topoï, motifs récurrents d’une vie à l’autre, que Vasari emprunte à des récits similaires de la tradition antique, notamment l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien.
Vasari tire une bonne part de son autorité de commentateur de l’art de sa pratique picturale et du fait d’être artiste. À l’époque de Winckelmann, le nombre de publications rédigées par des érudits, des connaisseurs ou des amateurs est plus grand qu’au XVIe siècle. Les auteurs de ces recueils sur l’art sont loin d’être tous indépendants de fortune et ils gagnent leur vie en assumant des charges cléricales : ils sont secrétaires particuliers ou, comme Winckelmann, bibliothécaire de collections privées. La plupart d’entre eux n’ont ni renommée ni talent artistique préalables. D’ailleurs, la toute première réception française de l’ouvrage de Winckelmann, particulièrement telle que formulée par le milieu des Encyclopédistes dont on connaît la défense des métiers, dénoncera l’auteur allemand comme quelqu’un qui ne sait pas de quoi il parle parce qu’il n’est pas artiste et qu’il ne maîtrise pas le savoir technique des œuvres dont il prétend faire l’histoire.
L’institutionnalisation de l’histoire de l’art au sein de l’université est un phénomène relativement récent, du moins dans les traditions française et anglo-saxonne, ce phénomène ayant débuté au sein de l’université allemande. En France, l’histoire de l’art s’enseigne d’abord au sein de l’École des beaux-arts dès 1863. Le Collège de France inaugure une première chaire d’esthétique et histoire de l’art en 1878 et l’École du Louvre ouvre ses portes en 1882. La Sorbonne enseigne l’archéologie à partir de 1876 et les enseignements relatifs à l’art resteront longtemps, comme souvent en Europe, tributaires d’une conception où l’histoire de l’art est fille de cette discipline. Un historien de l’art anglais comme Sir Anthony Blunt, pionnier du prestigieux Institut Courtauld et responsable de la collection royale qui fut dénoncé pour son implication dans un réseau soviétique d’espionnage, reçut sa formation à Cambridge à la fin des années 1920 au sein d’un département de lettres où il lui fallut imposer son choix de travailler sur les beaux-arts. C’est durant la décennie suivante que, à la suite de l’exil politique de plusieurs historiens de l’art juifs allemands et autrichiens en direction de l’Angleterre et des États-Unis, la discipline prit son essor universitaire dans le monde anglo-saxon. À l’Université de Montréal, plusieurs des collègues auprès desquels j’enseigne ont connu, des décennies plus tard, une situation similaire à celle d’Anthony Blunt et reçu leur formation dans un contexte où l’enseignement de la discipline se faisait dans divers départements (histoire puis études françaises), le secteur n’étant devenu département autonome que durant les années 1970.
Mais avant même ce développement universitaire que connaissaient parallèlement plusieurs des sciences humaines, l’histoire de l’art s’est d’abord institutionnalisée, durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, en un lieu exemplaire des prémisses de la modernité : le musée d’art. C’est au musée que les œuvres, décontextualisées et dégagées de leur valeur cultuelle initiale, se déploient dans une première mise en espace de leur histoire propre. Cette mise en espace du temps de l’art trouve son emblème dans le dispositif architectural de la galerie qui favorise un parcours linéaire. L’histoire de l’art occidental emprunte ainsi, pour l’exposition des œuvres occidentales que le Siècle des lumières considère comme l’art universel, une mise en scène généalogique que, dès la fin de la Renaissance, les galeries de portraits de certains châteaux avaient privilégiée dans la présentation des portraits d’ancêtres de la famille. Mais, cette fois, la succession dynastique dont la galerie fait l’inventaire et la secrète apologie n’est plus fondée sur le contenu de la représentation (l’ancêtre, la lignée), mais sur l’historicité de la forme artistique.
Contrairement aux musées d’art d’aujourd’hui pour lesquels les expositions temporaires semblent désormais le principal enjeu, les premiers musées publics sont pensés à partir de leurs collections. Ces collections permanentes ne furent pas, à l’origine, constituées pièce par pièce, mais généralement acquises massivement par transferts, appropriations, puis plus tard par donations et par legs. Ainsi, au moment de la Révolution française, la collection royale devient le point de départ du Muséum national ; s’y ajouteront des prises révolutionnaires, des trésors provenant de fouilles archéologiques et les trophées des campagnes napoléoniennes.
Yveline Cantarel-Besson a publié, il y a une vingtaine d’années, les minutes des réunions des premiers conservateurs du Louvre, presque tous des artistes. (Un rapport adressé à ce conservatoire par l’artiste révolutionnaire Jacques Louis David, membre du Comité du salut public, souligne d’ailleurs que les conservateurs du Muséum doivent leur nomination à leur statut d’artiste et il les remercie du sacrifice qu’ils consentent à faire pour la Nation, en négligeant leur production au nom de leur mandat public.) Par la publication de ce document tout à fait révélateur, on connaît mieux les responsabilités des premiers conservateurs, les ambitions de la muséographie naissante et le quotidien muséal dans le contexte de pénurie généralisée des guerres révolutionnaires de la dernière décennie du XVIIIe siècle. Toutes sortes d’opérations et d’enjeux sont déjà dans la mire des conservateurs : l’aménagement des salles du Louvre et particulièrement de la Grande galerie de peinture (faut-il percer son toit et l’éclairer, selon une nouvelle tendance, par un jour « zénithal » ?) ; l’entretien des locaux (les conservateurs peuvent-ils apporter des chiffons de leur domicile afin de faciliter le nettoyage des lieux ?) ; la circulation des visiteurs (est-il bon que ceux-ci aient accès aux salles pendant que de jeunes artistes se forment au grand art par la copie des chefs-d’œuvre ?) ; la disposition des œuvres en écoles (comment rendre visible par la seule succession des œuvres dans l’espace la « suite ininterrompue des progrès de l’esprit humain » ?) ; la séparation des techniques (doit-on mettre des sculptures dans la Grande galerie de peinture ?) ; le développement des collections (doit-on acquérir davantage d’œuvres des écoles « nordiques », flamande ou hollandaise ?). Il faut ajouter à ces enjeux d’importance variable le problème difficile des attributions, la compréhension de sujets devenus opaques et la nécessité de distinguer les copies des originaux, sans parler de l’urgence d’un inventaire des collections et d’un resserrement de la sécurité durant la nuit. Enfin, on y trouve énoncé le projet d’un musée idéal où chaque œuvre exposée serait dotée d’une étiquette identifiant l’auteur et le sujet (jugé souvent difficile à reconnaître même à cette époque).
À la lumière de ce qui précède, il est plus facile de comprendre sur quoi s’étaieront les tensions entre l’histoire de l’art muséale et l’histoire de l’art universitaire, tensions qu’on peut appréhender sous trois rapports : le rapport à l’objet, le rapport à la recherche et le rapport au destinataire.
L’objet
Le mandat des conservateurs leur impose des responsabilités patrimoniales. Leurs préoccupations et leurs tâches sont en conséquence centrées sur la mise en valeur de l’objet et de la collection. Les objets entrent dans une collection à cause de leur singularité ou de leur exemplarité. Le rôle central de l’œuvre d’art dans les activités du conservateur s’impose en tant que ce dernier est chargé de garantir l’authenticité, d’assurer la documentation et de voir à la préservation matérielle de chaque artefact du segment de la collection placé sous sa responsabilité. C’est le conservateur qui traditionnellement, et en accord avec le restaurateur du musée, décide qu’une œuvre est ou non en condition d’être exposée ou mise en circulation dans une exposition hors les murs de l’institution qui la possède. Le conservateur connaît la collection, ses atouts et surtout ses faiblesses, et il s’informe auprès des artistes ou de leurs héritiers, des marchands et des collectionneurs dans la perspective de pouvoir combler certaines de ces lacunes, malgré la maigreur des budgets dont il dispose.
Les conservateurs assument aussi des responsabilités liées à l’exposition des œuvres de la collection. Ils gèrent les demandes de prêt en fonction de problématiques qui sont à la fois matérielles, socioéconomiques, voire politiques et « morales ». Avant qu’ils n’accordent le prêt d’une œuvre de la collection, d’autres facteurs que l’évaluation des conditions matérielle...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Page titre
  3. La collection
  4. Copyright
  5. Épigraphe
  6. L’histoire de l’art, hic et nunc
  7. Une institution bicéphale
  8. Changement de perspective
  9. Positions
  10. Lectures complémentaires
  11. Crédits iconographiques