Profession médiéviste
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Profession médiéviste

  1. 72 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Profession médiéviste

À propos de ce livre

Des chevaliers armés d'épées en mousse s'affrontent le dimanche sur les flancs du mont Royal. Game of Thrones et The Lord of the Rings séduisent les foules. Les jeux vidéo plongeant les joueurs dans le passé médiéval sont nombreux et populaires. On le voit: il y a un engouement pour le Moyen Âge. Francis Gingras montre comment cette période historique est aussi un objet d'étude pour beaucoup de disciplines: littérature, histoire, histoire de l'art, philosophie, etc.Le Moyen Âge nous paraît familier; l'auteur montre que c'est en fait une période très éloignée de la nôtre, étrangère à plusieurs égards, mais qui a encore des choses à nous dire.

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Les jouets des médiévistes

La tentation des premiers humanistes a largement été de s’inventer contre le Moyen Âge. Or, comme c’est souvent le cas des oppositions trop farouchement revendiquées, ce que l’on a appelé un peu rapidement la «Renaissance» s’appuie aussi tout contre le Moyen Âge qu’elle prolonge d’ailleurs à plus d’un titre. Mais au départ, et pratiquement jusqu’au xixe siècle, rares sont les érudits qui se consacrent à cette période. L’un de ces précurseurs d’exception est le poète et juriste Étienne Pasquier qui publie en 1596 des Recherches de la France où il présente l’histoire de France, de la langue et même de la poésie française non pas en rupture mais en continuité avec la période médiévale. Il s’intéresse, entre autres choses, à l’évolution de la langue française, à l’origine des proverbes, de certains mots ou même de la pratique du vouvoiement. Dans un pays profondément divisé par les guerres de religion, Étienne Pasquier cherche, à travers la continuité historique, des arguments pour refléter l’unité de la nation française.
Son contemporain, le magistrat Claude Fauchet, est nommé historiographe du roi Henri IV, ce qui le conduit à porter une attention particulière aux vieux manuscrits dont certains font d’ailleurs partie de sa bibliothèque personnelle. À partir de leur étude, il prépare une véritable histoire de la langue française (Recueil de l’origine de la langue et poésie française, 1581). Cette perspective historique sur le développement et l’évolution d’une langue était alors tout à fait originale. À titre de comparaison, il faut attendre 1815 et la parution du deuxième volume de l’History of England de Sharon Turner pour que paraisse une étude aussi systématique de la langue anglaise, l’historien anglais s’appuyant sur la connaissance qu’il avait des manuscrits alors dans les collections du British Museum et dans la bibliothèque constituée par le député bibliophile Robert Cotton.
Toujours dans le contexte des guerres de religion, le jésuite Héribert Rosweyde, qui assiste à la quasi-disparition du catholicisme au nord des Pays-Bas d’où il est originaire, sillonne les bibliothèques des monastères pour y récupérer les manuscrits qui présentent des vies de saint. En s’appuyant sur ces nombreux documents, un autre prêtre jésuite, Jean Bolland, entreprend la publication systématique et critique des vies de tous les saints composant le calendrier catholique romain. L’ampleur de la tâche l’amène à s’entourer de collaborateurs qui formeront la Société des bollandistes, toujours active aujourd’hui, laquelle a publié, entre 1643 et 1794, 53 volumes des Acta Sanctorum couvrant la vie des saints célébrés entre le 1er janvier et le 14 octobre. Après les troubles qui l’affectent au tournant du xviiie et au début du xixe siècle, la Société des bollandistes se reconstitue à Bruxelles et poursuit l’entreprise en ajoutant deux volumes parus en 1845 et 1884 pour compléter les mois d’octobre et de novembre. Il a fallu attendre 1940 pour que paraisse le dernier volume avec les saints du mois de décembre. On le voit, dès l’origine, et bien qu’elle suppose (ici au sens propre) un «travail de moine», la tâche du médiéviste est souvent collective et de très longue haleine.
Une congrégation de bénédictins, les moines de Saint-Maur, se lance elle aussi, dès le début du xviie siècle, dans l’inventaire des documents médiévaux, d’abord pour l’histoire de France (la Gallia Christiana, seize tomes publiés entre 1715 et 1865 et, surtout, le Recueil des historiens des Gaules et de la France, treize volumes parus entre 1737 et 1785). On doit aussi aux bénédictins de Saint-Maur la première Histoire littéraire de la France qui, entre 1733 et 1763, consacre 12 volumes à la littérature des origines jus­qu’au xiie siècle. Là encore, le projet ne prend sa pleine mesure que dans la durée, puisque, sous les auspices de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui poursuit le travail depuis 1814, le dernier volume sur le xive siècle n’a paru qu’en 1995.
Si les savants du siècle des Lumières ont dit beaucoup de mal du Moyen Âge, qui représentait pour eux tout ce qu’avaient de détestable la superstition et l’obscurantisme, certains y ont néanmoins consacré du temps et de l’énergie, surtout pour faire connaître des textes de la vieille littérature. C’est le cas, par exemple, de Nicolas Lenglet du Fresnoy, qui fait notamment paraître Le roman de la Rose et les Mémoires de Com­mynes, d’Étienne Barbazan, qui publie de nombreux contes et fabliaux, de Jean-Baptiste Le Grand d’Aussy, qui s’intéresse également aux fabliaux avant d’être nommé conservateur des manuscrits français à la Bibliothèque nationale de France ou de Jean-Baptiste La Curne de Sainte-Palaye, qui édite aussi bien la chantefable Aucassin et Nicolette que des documents historiques dans ses Mémoires sur l’ancienne chevalerie. On lui doit par ailleurs le tout premier Diction­naire historique de l’ancien langage françois, qui ne sera cependant publié qu’à titre posthume, près d’un siècle après la mort de son auteur. Là encore, le destin de l’œuvre de ce précurseur des philologues et des lexicographes enseigne que l’intérêt et la valeur du travail ne se mesurent pas dans l’instantanéité.
À la même époque, le marquis de Paulmy cherche aussi à faire connaître des textes médiévaux, entre autres à travers une Bibliothèque universelle des romans qui proposait des «notices», sortes de résumés «de tous les romans, anciens et modernes, français et étrangers». Mieux, le marquis avait réuni une bibliothèque personnelle remarquable où figuraient de nombreux manuscrits médiévaux. Après la Révolution, cette bibliothèque particulière fut déclarée «Biblio­thèque nationale et publique» et constitue le fonds de ce qui est désormais la Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, l’une des composantes de la Bibliothèque nationale de France et aujourd’hui l’une des salles de jeu préférée des médiévistes.
Il y a bien une part de jeu dans le travail avec les manuscrits, car leur lecture est d’abord affaire de décryptage. En effet, ces livres anciens, copiés par des scribes il y a plusieurs centaines d’années, sont plus ou moins facilement lisibles, puisque les copistes, même lorsqu’ils s’appliquent, ont leur propre main d’écriture, ces variations individuelles s’ajoutant aux variations qu’ont connues les formes des lettres à travers le temps (la minuscule, par exemple, n’est apparue que dans les manuscrits médiévaux). Les copistes utilisent par ailleurs un certain nombre d’abréviations et ne procèdent pas nécessairement au découpage des mots de la même manière que nous le ferions aujourd’hui. La paléographie est l’étude de toutes ces particularités des écritures manuscrites anciennes. Elle constitue une des bases les plus fondamentales dans la formation du médiéviste: elle seule permet un accès direct aux nombreux documents écrits grâce auxquels il est possible d’entrer en contact avec une part importante de ce qui nous reste du Moyen Âge.
Parmi la communauté des bénédictins de Saint-Maur, dont on a déjà souligné l’importance du travail sur les sources médiévales, un assistant du bibliothécaire de l’abbaye Saint-Germain des Prés, dom Jean Mabillon, développe, à la fin du xviie siècle, une véritable expertise dans l’étude des documents anciens. En 1681, il publie le De Re Diplomatica, fondant ainsi une nouvelle discipline, la diplomatique, c’est-à-dire l’examen critique des documents officiels, les diplomata, «diplômes», afin de les dater et d’en vérifier l’authenticité. Dans son ouvrage, dom Mabillon propose aussi une typologie de différents types d’écriture, basée sur des données chronologiques et géographiques.
Encore aujourd’hui, la paléographie distingue plusieurs types de lettres. On trouve notamment la capitale (notre majuscule), à l’aspect géométrique, utilisée par les Anciens pour graver les monuments. Elle est longtemps la seule forme connue d’écriture et demande un temps considérable au copiste. Dans les documents de la vie quotidienne, on écrit plus rapidement en liant les lettres entre elles: cette écriture est dite cursive (du latin cursus, «courir»). En s’inspirant à la fois de la capitale et de la cursive romaines, les scribes du Haut Moyen Âge développent une écriture plus arrondie qu’on a appelée onciale. Empruntant aux formes rondes de l’onciale, la minuscule évolue entre l’époque mérovingienne et celle de Charlemagne, où l’école palatine contribue à répandre une écriture unifiée et plus régulière. Cette écriture, dite caroline, s’impose dans toute l’Europe jusqu’au xiie siècle, alors que se développe en Angleterre une forme plus anguleuse que l’on appellera écriture gothique. Cette dernière règne sur l’Europe pratiquement jusqu’à la fin du Moyen Âge, en variant suivant les régions et les époques (sa forme cursive, par exemple, en usage en France et dans le nord de l’Europe à partir du xive siècle est qualifiée de bâtarde). Au xve siècle, les humanistes italiens reviennent à des lettres plus arrondies et très lisibles, inspirées de la minuscule caroline, combinées à un usage restreint des capitales antiques. Cette écriture, dite humanistique, est à la base des caractères typographiques que les imprimeurs italiens développent sous le nom de caractères romains, ceux-là mêmes que vous lisez en ce moment. (Leur version inclinée, plus cursive, développée en Italie à l’initiative d’Aldo Manuce, afin de réduire la taille des livres, est appelée italique.)
Si la paléographie permet d’abord de déchiffrer la morphologie des lettres, elle permet aussi de connaître les différents systèmes sténographiques utilisés par les scribes, comme les notes dites tironiennes (du nom de Tiron, secrétaire de Cicéron). La plus connue, toujours en usage, est l’esperluette (&), issue de la fusion du e et du t (∈t) dans la conjonction et. De même, le tilde, toujours en usage en espagnol avec une valeur différente (ñ), sert au Moyen Âge à remplacer les consonnes nasales m ou n (on écrira õ pour on ou ã pour an). D’autres usages sont plus caractéristiques des manuscrits médiévaux, par exemple le 9 tironien, d’abord utilisé pour noter l...

Table des matières

  1. Introduction
  2. 1
  3. 2
  4. 3