Corpus
  1. 348 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

À propos de ce livre

Qui connaît vraiment les intellectuel.les hors du cercle restreint des historiens et des littéraires? Quelle mémoire avons-nous de celles et ceux qui, au Québec, eurent recours à la parole comme « mode d'action »? Qui, comme Hubert Aquin, entreprirent et entreprennent encore de « comprendre dangereusement » la culture et la société de leur époque, remuant idées et images, bousculant pouvoirs et doxa?Ce dictionnaire est conçu pour combler les lacunes d'une mémoire collective quelque peu défaillante, mais aussi pour donner envie de lire ou de relire les textes de ces femmes et hommes passionnés par les idées, qui ont contribué - et qui contribuent toujours - à bâtir la société québécoise. On y trouvera les noms de celles et ceux qui, depuis trois siècles, interviennent sur la place publique et soulèvent des questions d'intérêt civique et politique à propos d'enjeux collectifs importants; de celles et ceux qui promeuvent ou incarnent la liberté de parole et la défendent contre différents pouvoirs et structures organisationnelles. Ce dictionnaire comprend 137 entrées exhaustives sur des femmes, des hommes, des publications et des institutions du XVIIIe au XXIe siècle, écrites par plus de 80 spécialistes, ainsi qu'un index.

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Informations

Dictionnaire

ACTION FRANÇAISE (1917-1928) /
ACTION NATIONALE (1933- )

Lancée une dizaine d’années après l’affaire Dreyfus, L’Action française (AF) de Montréal existe toujours sous le titre L’Action nationale (AN). C’est dire la place de la revue pour l’histoire des intellectuels, d’autant plus qu’au-delà de La Revue canadienne (1864-1922) et des journaux nationalistes du début du siècle – Le Nationaliste (1903) d’Olivar Asselin*, L’Action (1911-1916) de Jules Fournier*, Le Devoir (1910) d’Henri Bourassa* –, elle a été la matrice de ces revues – Vivre, La Relève, Les Idées – qui, au fil de crises, ont créé un forum pour ceux qui décident d’intervenir dans l’espace public.
Les trois prêtres (Joseph-Papin Archambault, Lionel Groulx*, Philippe Perrier), les deux avocats (Antonio Perrault et Anatole Vanier), le Dr Joseph Gauvreau et le journaliste du Devoir Omer Héroux qui lancent l’AF en 1917 connaissent certes son pendant parisien, mais ils ont de multiples raisons d’alerter leurs concitoyens en faveur d’une «action française»: partout au Canada, les écoles catholiques et françaises ont été fragilisées, sinon abolies; l’industrialisation, l’urbanisation, l’impérialisme britannique et l’américanisation de la culture et du loisir menacent la langue du Canada français et plus globalement sa culture. Le défi des rédacteurs consiste à formuler «une doctrine» forte et à l’appliquer dans «une action» soutenue et diversifiée. La stratégie globale de l’AF indique clairement la nouveauté du projet qui est éditorial de part en part: par la revue elle-même, la maison d’édition, la librairie et l’organisation d’assemblées et de conférences. Cette prise de parole a les moyens de sa politique; la pensée est médiatisée.
À compter de 1920, le nouveau directeur, l’abbé Lionel Groulx, imprime sa marque sur l’orientation et le contenu de la revue et du mouvement, lui qui a cherché à établir des liens entre «les intellectuels du pays» et les «intellectuels du no 14 de la rue de Rome» (adresse de L’Action française à Paris). Au début de la décennie, les milieux catholiques commencent à adopter pour eux-mêmes le nom d’«intellectuels» jusqu’alors négativement connoté. La meilleure façon d’éviter l’intellectualisme est précisément de lier de façon nécessaire doctrine et action; mais le prosélytisme en faveur de la doctrine exclut toute action politique. Le mouvement reprend l’idée que depuis 1867 la politique a annexé les forces vives et que la partisanerie s’est servie du nationalisme en l’instrumentalisant en vue de gains électoraux. Les intellectuels de l’AF se font fort de prescrire un nationalisme «au-dessus des partis» qui complique évidemment leur rapport à la politique et au politique. C’est là l’origine d’une position soutenue dans les années 1930 et qu’on a qualifiée «d’apolitisme», trame que nourrit, à vrai dire, une pensée déterminée par la religion, une doctrine où n’est pas réglé le problème des rapports entre l’État et l’Église, celle-ci cherchant à perpétuer son pouvoir temporel.
L’intellectuel d’AF, soucieux de concilier foi et langue française, religion et nationalisme, veille néanmoins sur la politique comme l’indique l’enquête que mène la revue tout au long de 1921 sur «Notre avenir politique». Prêtres et théologiens y dédouanent un projet de séparation politique du Canada français au cas où la Confédération faillirait, maints signes le donnant à penser.
La condamnation par Rome en 1926 de l’AF de Paris ne peut qu’embêter la direction de la revue de Montréal dans la mesure où ce sont précisément les rapports entre la religion et le nationalisme qui sont en cause. L’événement introduit un nouveau penseur dans le milieu des intellectuels catholiques canadiens-français, Jacques Maritain, qui esquisse en 1927 dans son ouvrage Primauté du spirituel une nouvelle dialectique entre le spirituel et le temporel, donnant toute son extension au dernier, mais toujours à l’enseigne de la primauté du premier.
La tribune éditoriale des intellectuels catholiques disparaît pour de multiples raisons, pratiques et intellectuelles, en 1928, à la veille de la Crise. Mais avant même que ne prolifèrent, paradoxalement, les revues des années 1930, on veille à relayer l’AF en créant une nouvelle ligue, d’Action nationale et non plus française, qui lance L’Action nationale en 1933. C’est un ancien de l’AF, l’économiste Esdras Minville, qui assure la relance de l’AN, puis un autre, Arthur Laurendeau, qui en assume la direction de 1934 à 1937. Si les collaborateurs du premier numéro sont pour moitié d’anciens de l’AF, le nouveau directeur (1937-1944, 1948-1954), André Laurendeau*, fils d’Arthur, en fait une revue de combat, ouverte sur le social, «qui ne nie pas le national» et qui cherche «l’humain partout», ce que fera, à sa façon, le plus récent directeur (1999- ), Robert Laplante. Laurendeau s’entoure de Gérard Filion, Roger Duhamel, François Hertel*, Guy Frégault et ne cesse de chercher la diagonale pertinente entre nationalisme et religion, tout en prenant position dès 1938 contre toute éventuelle conscription, en menant des enquêtes et en appuyant la création de la Ligue pour la défense du Canada qui deviendra le Bloc populaire canadien dont Laurendeau sera le député et chef provincial de 1944 à 1948.
Perspicace et fort d’une solide conscience historique, Laurendeau pose après 1950 la double question: y a-t-il un cas Cité libre*? Y a-t-il une crise du nationalisme? Sa réponse est affirmative: «l’unité factice» du Canada français est déchirée par l’industrialisation, l’urbanisation et la modernité, c’est-à-dire la conscience aiguë du fait qu’il peut y avoir «un mauvais passé». La charge antinationaliste de Cité libre, l’épuisement du nationalisme de Maurice Duplessis et de son «autonomie provinciale», la montée d’un nouveau séparatisme de droite, la polarisation gauche-droite dans les milieux catholiques après la démission de Mgr Charbonneau en 1950 alimentent sous le directorat (1954-1959) de Pierre Laporte et la réflexion de Jean-Marc Léger* une profonde remise en question de la revue à compter de 1956. Lionel Groulx*, qui ne se reconnaît plus dans les orientations de la revue, la quitte en 1958. Le séparatisme prend alors des couleurs de gauche avec le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), le nationalisme devient politique avec le «Maîtres chez nous» de Jean Lesage et le Parti québécois (1968) de René Lévesque. Laurendeau a alors quitté la revue depuis trois ans.
C’est un autre vieux routier de l’AN, l’économiste et disciple de Minville François-Albert Angers*, qui prend la direction (1959-1967) de la revue à un moment où elle cherche sa doctrine et sa vocation, dépassée dans son nationalisme par le mouvement souverainiste et dans son conservatisme par une mouvance laïque relativement importante.
Si davantage de figures intellectuelles que d’intellectuels ont animé les deux revues sur presque cent ans, l’AF et l’AN n’en ont pas moins dessiné la trame de l’intellectuel catholique et nationaliste qui a eu à s’autonomiser par rapport à une «doctrine» contraignante et à se dégager d’une dialectique serrée entre religion et nationalisme.
Yvan Lamonde
** Jean-Claude Dupuis, «Nationalisme et catholicisme. L’Action française de Montréal, 1917-1928», mémoire de maîtrise (Histoire), Université de Montréal, 1992; Catherine Pomeyrols, Les intellectuels québécois. Formation et engagements, 1919-1939, Paris, L’Harmattan, 1996; Pierre Trépanier, «Le maurrassisme au Canada français», Les Cahiers des Dix, 53 (1999): 167-234; Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec, t. II: 1896-1929, Montréal, Fides, 2004, chapitres VIII, X-XII; Pascale Ryan, Penser la nation. La Ligue d’action nationale, 1917-1960, Montréal, Leméac, 2006; Olivier Dard, «De la rue de Rome au Canada français: influences ou transferts?», Mens: revue d’histoire intellectuelle de l’Amérique française, 8, 1 (automne 2007): 7-66; Patrick Dionne, «Éclaircissements sur les prétendues mauvaises fréquentations littéraires de Lionel Groulx: le cas de Charles Maurras et de l’Action française de Paris», Études d’histoire religieuse, 74 (2008): 7-27.

ANGERS, François-Albert (1909-2003)

Le nom de François-Albert Angers est indissolublement lié à l’École des hautes études commerciales (HEC) de Montréal, où il est formé par ses mentors Édouard Montpetit et surtout Esdras Minville, avant d’y enseigner de 1937 à 1974, et à la Ligue d’action nationale, dont il est membre de 1940 à sa mort et dont il dirige la revue de 1959 à 1968. Ces institutions marquent les deux axes de sa carrière – la science économique et le combat national –, axes qu’il a voulus distincts, nonobstant les passerelles fréquentes entre les deux.
Angers entre aux HEC avec l’intention de devenir comptable. Il s’aperçoit que la science économique est sa véritable vocation. Très tôt prend forme chez lui une triple conception de l’économie. Elle doit être rivée au réel, ne pas s’égarer dans des chemins théoriques globalisants, mal assortis au vécu des sociétés et des époques. Il refuse autant la main invisible d’Adam Smith que le vent de l’histoire des socialistes. L’économie doit aussi être humaniste, se concevoir comme un moyen d’orienter les rapports matériels vers l’amélioration de la condition humaine. Elle doit enfin être infusée de valeurs éthiques, même spirituelles. Angers demeurera toute sa vie un disciple de la doctrine sociale de l’Église, systématisée par Léon XIII en 1891 et actualisée par Pie XI en 1931. Cette doctrine postule que les leviers de contrôle doivent être aussi proches que possible des personnes. Angers ne fut ni libéral – il a toujours récusé ce terme –, ni keynésien, sauf comme pis-aller. «Quand l’État est maître partout, le peuple n’est maître nulle part», croit-il. Il se voue à la recherche d’une troisième voie se traduisant, par exemple, par l’appui aux coopératives, qu’elles soient de crédit, d’alimentation ou d’énergie, et au corporatisme qui se muera, avec les années, en «concertation». À sa manière, l’approche d’Angers n’est pas sans parallèles avec l’économie à taille humaine, l’investissement éthique, les vertus de transparence et le commerce équitable prônés aujourd’hui par les altermondialistes.
Angers expose ses vues dans L’Actualité économique, qu’il dirige de 1938 à 1948, et dans des ouvrages comme Initiation à l’économie politique (1948, plusieurs rééditions) ou dans de volumineuses annexes du Rapport de la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (commission Tremblay, 1956).
Il s’engage dans le combat national dès son premier texte dans L’Action nationale*, en 1938, qui dénonce le Crédit social comme une fausse panacée. Pendant six décennies, il égrène des centaines d’articles de revue, mode d’expression où il excelle, n’étant pas enclin aux essais de longue haleine ni, avec sa prose grammaticalement impeccable mais toujours un peu professorale, aux épigrammes et petits textes percutants.
Dans les pages de L’Action nationale, Angers devient un intellectuel public qui embrasse tous les aspects de la vie nationale canadienne-française. Son premier combat majeur: la Seconde Guerre et ses modalités. Il s’oppose non seulement à la conscription, mais à la participation, préférant, selon un pacifisme raisonné qui ne le quittera pas, suivre l’exemple de la Suisse ou de la Suède plutôt que prendre parti dans un combat de titans dont rien de bon ne saurait sortir.
Sitôt la guerre terminée, il reprend le bâton de pèlerin en fustigeant la centralisation fédérale, qu’il voit à l’œuvre depuis le retour au pouvoir de Mackenzie King en 1935, les conclusions de la commission Rowell-Sirois et l’essor d’une classe de mandarins ottaviens épris de modernisation gouvernementale et d’affirmation Canadian. Il s’y oppose à la fois par répugnance de principe pour le «Grand État» (selon le mot de Charles De Koninck*) qu’en raison de la condition particulière des francophones dominés par un autre peuple. La centralisation est, pour Angers, un péril protéiforme se déployant dans l’administration publique, la fiscalité, le pouvoir judiciaire (abolition des recours au Conseil privé de Londres), l’éducation et la culture (pensons aux recommandations de la commission Massey-Lévesque). L’autonomisme trouve en Angers son défenseur le plus constant, plus combatif que son allié le père Richard Arès, moins sentimental que le chanoine Groulx*, exempt de la partisanerie d’un Robert Rumilly*.
Le mitan des années 1960 verra une mue chez Angers, qui épouse la thèse de l’indépendance. Il entraîne dans son sillage la mouvance des Sociétés Saint-Jean-Baptiste et des ex-membres de l’Ordre de Jacques-Cartier − l’aile droite de la coalition indépendantiste née vers la fin de la Révolution tranquille. Il franchit ce Rubicon après avoir, dans sa jeunesse, adhéré au bourassisme, rêvant d’une séparation d’avec la Grande-Bretagne et du maintien des droits scolaires et linguistiques des Canadiens français, puis s’être rallié à l’«État français» non constitutionnellement limpide des groulxistes.
Angers n’épouse pas pour autant tout le crédo néonationaliste. Certes, il appuie sans réserve l’idée d’indépendance; les défaites référendaires de 1980 et 1995 ne l’ébranlent pas. Il se range aussi parmi les unilinguistes sans compromission. À la tête du Mouvement Québec français, il fédère les partisans de l’adoption du français comme seule langue officielle. Angers louera la promulgation de la loi 101 comme «le plus grand moment de notre histoire depuis […] la fondation de Québec, en 1608». Il résiste cependant aux changements moraux et paradigmatiques. Durant les années 1960, il défend l’école confessionnelle et s’érige contre le bon-ententisme modernisateur d’un clergé imbu des idées de Vatican II. Il y perçoit un danger de glissement vers la déchristianisation, perte morale autant qu’abandon d’un élément vital de l’identité nationale. Enfin, il déplore le virage «civique» qu’il juge asséchant, naïf et amnésique. Si on ne saurait le taxer d’ethniciste – la nation comprend pour lui les «Canadiens français de nationalité avec tout ce que cela comporte d’intégration d’Anglais, d’immigrants, d’Amérindiens» –, la question du Québec demeure, pour Angers, une lutte pour renverser la conquête de 1760 et libérer un peuple de son assujettissement.
xavier gélinas
** Xavier Gélinas, La droite intellectuelle québécoise et la Révolution tranquille, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007; John Grube, Bâtisseur de pays. Étude sur le nationalisme au Québec, Montréal, Éditions de l’Action nationale, 1981; Jean-Marc Léger (dir.), «François-Albert Angers, l’économiste et le combattant», Les Cahiers d’histoire du Québec au XXe siècle, 5 (printemps 1996): 45-113.

ANTI-INTELLECTUALISME

L’anti-intellectualisme est protéiforme. Il peut être conservateur ou anarchiste, anti-élitiste, populiste, sexiste. Il peut refuser toute critique, toute remise en question, pour défendre «les choses telles qu’elles sont», les autorités en place. Il peut s’attaquer au pouvoir des intellectuels, jugé trop grand (on verra ainsi, à Québec, un maire chercher à mobiliser la population contre les «intellectuels de ce monde»), bourgeois ou même montréalocentriste (pensons par exemple à la dénonciation, par des stations de radio de la ville de Québec, de la «clique du Plateau»). Celui qui adopte cette posture peut être un intellectuel anti-intellectuel (Tardivel*, Groulx* ou, en France, Pierre Drieu la Rochelle, Maurice Barrès et Léon Bloy), un ex-intellectuel devenu anti-intellectuel (Pierre Elliott Trudeau*, par exemple), ou même un intellectuel s’opposant aux intellectuelles, à qui il déniera certains droits et prises de position.
Certes, l’anti-intellectualisme n’est pas l’apanage du Québec. Remontera-t-on, pour s’en convaincre, à la soi-disant sagesse de la petite servante thrace, dans le Théétète de Platon, qui, à la vue de Thalès tombé dans un puits, «fit cette plaisanterie, parfaitement dans la note et bien tournée: que dans son ardeur à savoir ce qu’il y a dans le ciel, il ignorait ce qu’il y avait devant lui, même à ses pieds» (174a, traduction Narcy)? Cette perspective, ancienne, ne doit pas permettre de faire l’impasse sur l...

Table des matières

  1. Introduction
  2. Dictionnaire
  3. Études sur l’intellectuel.le québécois.e
  4. Tableau chronologique
  5. Collaboratrices et collaborateurs
  6. DANS LA MÊME COLLECTION