Sade
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Sade

Un essai biographique

  1. 412 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Sade

Un essai biographique

À propos de ce livre

Laurence L. Bongie propose ici une lecture radicale de l'œuvre de Sade et met à mal nombre d'idées reçues sur l'auteur de La philosophie dans le boudoir. Qui oserait réhabiliter la belle-mère de Sade, la redoutable Présidente de Montreuil? Contester à Sade la qualité de philosophe? Avancer que les lettres de cachet l'ont, en quelque sorte, protégé de la justice, tout en menant à son enfermement? Cette réinterprétation du rôle de la Présidente n'est pas la seule proposée par l'auteur qui, à partir de recherches nouvelles en archives, invite notamment les lecteurs à repenser le rapport de Sade avec sa mère, dont on a dit longtemps qu'elle était absente de son œuvre. Pour Bongie, au contraire, la haine de la mère est capitale. Originellement paru en anglais, ce livre s'adresse évidemment aux spécialistes de Sade, mais aussi à un grand public friand de détails sur la vie aristocratique au siècle des Lumières. À la fois essai biographique et relecture de l'œuvre sadienne, il affirme haut et fort des positions loin de toutes les orthodoxies. Les nouveaux lecteurs, ni apôtres ni spécialistes, mais esprits curieux souhaitant se faire une idée par eux-mêmes sur un écrivain aujourd'hui devenu canonique, pourraient être étonnés.Laurence (Larry) Bongie est professeur émérite à l'Université de Colombie-Britannique (Vancouver), membre élu de la Société royale du Canada (Académie des lettres et des sciences humaines), et officier des Palmes Académiques. Il a écrit sur Hume, Diderot, Condillac, Bonnie Prince Charlie et le marquis de Sade.

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CHAPITRE 1

Une mère mystérieuse

Mère mystérieuse? Tous les biographes du marquis le soulignent. «Ce que nous savons de la comtesse de Sade tient en deux pages», écrit Jean-Jacques Pauvert dans une biographie de trois volumes qui consacre plus de mille sept cents pages de texte et de notes au récit fascinant de la vie du célèbre fils de Marie-Éléonore1. Bien que ma propre étude fasse voir le jour au double des lettres connues de sa part jusqu’ici, la description de Pauvert du désert de renseignements entourant la mère du marquis est toujours valable, avec seulement des réserves mineures2.
La biographie de Maurice Lever, qui fait autorité, étant fondée sur des papiers de famille qu’il était en train de faire éditer3, a comblé plusieurs lacunes dans nos connaissances des dernières années de l’adolescence de Sade. Plus important encore, Lever a jeté une nouvelle lumière sur la relation étroite, symbiotique, émotionnelle et intellectuelle entre Donatien et son père, Jean-Baptiste, comte de Sade, en l’occurrence une figure très différente et beaucoup plus signifiante dans la vie de son fils qu’on ne l’avait pensé auparavant. Tandis que Lever peut parler de l’omniprésence du père dans la vie et dans l’œuvre de Sade, de son influence décisive sur l’imagination et sur la sensibilité de son jeune fils, le biographe le plus complet et objectif du divin marquis jusqu’ici remarque que le rôle du père revêt d’autant plus d’importance et de visibilité que «la mère n’existe pratiquement pas4».
Notre ignorance à l’égard de cette «figure aux trois quarts plongée dans l’obscurité la plus épaisse» (encore une fois Pauvert) est essentielle, surtout en ce qui concerne l’aspect émotionnel des choses: «Nous ignorons s’il a aimé sa mère, de même que nous ne savons rien des sentiments qu’elle a pu lui porter5.» J’ai eu la chance de dénicher quelques renseignements nouveaux, cachés jusqu’ici dans les archives, mais les lacunes qui persistent dans l’histoire d’une famille bien connue qui jouissait d’un grand prestige dans la capitale nationale pendant les jeunes années du marquis continuent de laisser perplexe et de surprendre. En réalité, ce que Simone de Beauvoir a écrit au sujet de l’enfance de Sade il y a presque quatre-vingts ans, bien avant Lely, ou que Pauvert et Lever ne publient leurs investigations biographiques exhaustives, reste essentiellement valable même aujourd’hui. Il est toujours vrai, malgré toutes les inférences nécessairement spéculatives – de Klossowski ou d’autrui – que nous sommes tentés de tirer des rôles monstrueux de victimes accordés aux mères détestées de Justine, Juliette, de La Philosophie dans le boudoir et des Cent Vingt Journées de Sodome, que les sources dans la vie réelle de ces fantasmes indéniablement pathologiques demeurent largement cachées. Il est vrai aussi, comme Simone de Beauvoir le fait remarquer, que ce n’est que a priori, «d’après des schémas généraux, que nous soupçonnons l’importance des rapports de Sade avec son père (grâce à Maurice Lever, ceci est beaucoup moins vrai aujourd’hui), avec sa mère (ce qui est toujours un énorme problème); dans leur détail singulier ils nous échappent. Quand nous commençons à découvrir Sade il est fait déjà et nous ne savons pas comment il est devenu ce qu’il est […] De cette regrettable lacune, il résulte que l’intimité de Sade nous échappera toujours; toute explication laissera derrière elle un résidu que seule l’histoire infantile de Sade aurait pu éclairer6.» Beauvoir pensait surtout aux faits psycho-physiologiques manquants qui, on le suppose, ont donné lieu aux aberrations sexuelles réelles de la vie de l’écrivain, multipliées mille fois dans les excès grotesques de ses personnages romanesques, entre autres les Noirceuil, les Blangis, les Gernande. Mais, mis à part tout doute sceptique que l’on doit inévitablement entretenir à l’égard d’une identification possible de facteurs de causalité qui expliqueraient l’imagination singulière de l’écrivain, il faut reconnaître que même les faits physiques les plus fondamentaux de l’enfance de Sade sont aussi inconnus aujourd’hui que leurs équivalents «psychiques» déjà mentionnés.
Impossible de ne pas voir aussi que la plupart des biographes du marquis ont, à un moment ou à un autre, gommé la plupart des lacunes matérielles qui sautent aux yeux. Quand, par exemple, la «privation maternelle» de Donatien commença-t-elle? Combien de temps, dans les années 1740, la Marie-Éléonore «absente» passa-t-elle réellement loin de son nourrisson? Ne le vit-elle jamais, ne lui rendit-elle jamais visite pendant les cinq ou six ans que nous le supposons absent en Provence – c’est-à-dire avant qu’on le ramène à Paris à l’âge de neuf ou dix ans en 1749 ou 1750? À quel moment la mère et le père se séparèrent-ils définitivement, et quand, surtout, Marie-Éléonore se retira-t-elle dans un appartement du couvent des Carmélites de la rue d’Enfer? Les conjectures des biographes, à l’égard de cette question d’une importance critique, admettent une différence de jusqu’à dix ans! Le jeune Donatien se trouvait-il parmi environ six cents internes au collège Louis-le-Grand pendant ses années d’écolier (1750-1754), ou bien était-il externe? Dans ce dernier cas, habitait-il avec sa mère dans l’appartement du couvent à côté, ou avec son père dans une série de résidences différentes, ou bien seulement avec son précepteur l’abbé Amblet dans la rue des Fossés Monsieur le Prince? Ne trouva-t-il pas l’abri d’une seule oasis d’affection maternelle dans le vaste désert émotionnel censé l’avoir entouré pendant son enfance et les premières années de son adolescence? Ne le ramena-t-on pas à Paris, même une seule fois peut-être, pour une visite pendant les vacances, vers la fin des années 1740? Marie-Éléonore n’alla-t-elle jamais à Avignon où son fils séjournait avec sa grand-mère paternelle – une femme avec qui elle s’entendait très bien – ou à Ebreuil où il vécut pendant un moment avec son oncle, l’abbé Paul-Aldonce de Sade? L’abbé était le frère cadet de Jean-Baptiste. C’était aussi un prêtre libertin qui avait toujours des gaillardes complaisantes qui traînaient autour de la maison, une situation qui n’échappait pas à l’attention de son jeune, précoce et alerte neveu, qui profita probablement furtivement de toute occasion de se rincer l’œil: «Est-ce un sérail que son château?» le neveu, narquois, allait demander plus tard. «Non, c’est mieux, c’est un b[ordel]7
L’abandon précoce par la mère a été un lieu commun, mais extrêmement problématique, de la biographie sadienne. Mon étude offrira de nouvelles recherches qui montreront que, du moins pendant les premières quatre années de sa vie – des années d’une importance critique pour le développement de l’enfant selon la plupart des psychologues – le jeune marquis a très probablement bénéficié de la présence d’une mère aimante (même si chroniquement malade). Les preuves d’une affection paternelle ou du moins des attentions d’un père sont, cependant, moins claires.
Sade lui-même, dans plusieurs passages de son roman pseudo-autobiographique Aline et Valcour (moins pseudo, nous le verrons, qu’on ne l’a souvent pensé) est le premier auteur de cette théorie de l’«orphelin psychologique»: «Abandonné dès mon enfance, n’ayant vécu que pour souffrir…», ainsi se lamente Valcour à son ami Déterville dans la dernière lettre de ce roman épistolaire publié en 17958. De la même manière, dans la correspondance de sa vie réelle, depuis sa cellule de la prison de Vincennes, Sade revient, de temps à autre, à ses jeunes années, se souvenant avec orgueil de sa nature profondément insoumise. L’autorité ne lui avait jamais réussi, et les punitions n’allaient guère dompter son esprit rebelle: «Tel est mon personnel qui n’a jamais changé même depuis mon enfance – Amblet qui m’a élevé peut le dire9…» Sade passe sur le fait indéniable qu’il avait au moins neuf ans au moment où Amblet entra en scène10; l’essentiel est que le marquis suggère que son précepteur, plutôt que son père et sa mère, était principalement responsable de sa formation et de son développement11.
Il est clair que beaucoup trop d’éléments subtils de ce puzzle biographique complexe manquent encore pour nous permettre de nous lancer dans la voie de conclusions définitives, mais ce que nous savons avec certitude rend possibles du moins des spéculations légitimes. Il est vrai que les enfants des familles aristocratiques du XVIIIe siècle voyaient souvent davantage leurs nourrices, précepteurs et gouvernantes qu’ils ne voyaient leurs parents – sans pour autant finir sadiques –, mais il n’est pas clair que Sade lui-même n’eût subi aucune conséquence néfaste à cause d’arrangements semblables. Nous verrons que plus tard dans sa vie, et plus d’une fois, il se plaignit amèrement de l’idée même de parents absents. Étant donné le thème de la haine violente pour la mère, se trouvant avec insistance en filigrane dans ses romans, étant donné aussi sa conduite indéniablement pathologique envers les femmes dans certaines circonstances, il faudra étudier sérieusement la question de l’absence ou de la présence de sa propre mère pendant ses jeunes années.
Que savons-nous donc de la vie de Marie-Éléonore de Maillé de Carman, comtesse de Sade? Née à Paris en 1712, elle pouvait compter parmi ses ancêtres Claire-Clémence de Maillé de Brézé, nièce du cardinal Richelieu et femme du Grand Condé. Par sa lignée, c’était une aristocrate parmi des aristocrates, liée de façon tangentielle à la famille Bourbon régnante par le truchement d’une de ses branches les plus puissantes. En vérité, sa lignée, en contraste avec la pauvreté relative de la famille Maillé et ses espoirs très modestes de dot, devait lui sembler un lourd fardeau quand elle soupesait ses chances d’un bon mariage. Quand Marie-Éléonore eut seize ans, et fraîche sortie du couvent (où une de ses amies les plus proches était Marie-Anne de Nesle, future duchesse de Châteauroux et maîtresse de Louis XV), sa mère, la marquise de Carman, fut nommée dame d’honneur de Caroline-Charlotte, quatorze ans et princesse de Hesse-Rheinfeld-Rothenberg, qui allait bientôt devenir la seconde épouse de Louis-Henri, duc de Bourbon, prince de Condé. Monsieur le Duc, comme on l’appelait, était l’arrière-petit-fils de l’illustre général du XVIIe siècle. Avec sa maîtresse, Mme de Prie, il avait gouverné la France comme premier ministre après la mort du Régent en 1723.
Aux yeux de la mère de Marie-Éléonore, le privilège d’exercer ses devoirs de dame d’honneur lors des réunions dans les vastes appartements de l’Hôtel de Condé ou au château magnifique de Monsieur le Duc à Chantilly ne semble pas avoir été un bonheur sans mélange, et bientôt surgirent beaucoup de petits et pourtant ennuyeux problèmes, ayant un rapport direct avec son sentiment suraigu d’appartenir à la plus grande noblesse. Il y a peu de doute, aussi, qu’une telle conscience de classe finit par devenir un des traits les plus fondamentaux de sa fille. Passer minutieusement en revue de minuscules distinctions sociales et degrés d’hérédité noble était à la fois une science solennelle et le passe-temps favori des sangs bleu. C’était aussi un problème épineux qui tracassait constamment les officiers de protocole de Versailles, donnant lieu aux nombreuses petites escarmouches à propos de questions de préséance et de privilège cérémonial, qui sont relatées dans un détail d’une monotonie exquise dans les indispensables Mémoires sur la cour de Louis XV du duc de Luynes.
Pour la marquise de Carman, le problème critique avait surgi parce que la très jeune femme de Monsieur le Duc, la duchesse de Bourbon, recevait de nombreux visiteurs, tous distingués, bien sûr, mais il était clair que peu d’entre eux étaient de meilleure maison que sa propre dame d’honneur! Que devait faire une dame d’honneur dont la fierté et la dignité étaient si légitimes? Comment exécuter toutes ces tâches où il fallait s’occuper de ses inférieurs sociaux sans violer le sentiment profondément enraciné de sa naissance noble et de la nécessité immuable des bienséances?
Même Monsieur le Duc vit le dilemme difficile et délicat de la pauvre Mme de Carman. Répondant dans une lettre du 17 juillet 1729 à une protestation digne et passionnée de la part de sa cousine pauvre mais fière, cet ancien premier ministre, un des premiers princes du sang et toujours l’un des personnages les plus puissants du royaume, fit tout pour calmer les susceptibilités blessées de la dame d’honneur de son épouse. Il commença par demander, presque en s’excusant, qu’elle continuât de faire le sacrifice nécessaire pour accommoder les visiteurs de sa femme de moindre distinction qui venaient de l’extérieur. Il s’agissait, après tout, de noblesse oblige. «Je sais mieux que personne que vous êtes de meilleure maison que beaucoup qui sont à portée de venir chez Madame la duchesse. Mais ayant bien voulu être sa dame d’honneur,...

Table des matières

  1. PRÉFACE POUR LA TRADUCTION
  2. ABRÉVIATIONS
  3. AVANT-PROPOS
  4. INTRODUCTION
  5. PREMIÈRE PARTIE
  6. Antécédents
  7. CHAPITRE 1
  8. CHAPITRE 2
  9. CHAPITRE 3
  10. CHAPITRE 4
  11. CHAPITRE 5
  12. DEUXIÈME PARTIE
  13. Transgressions
  14. CHAPITRE 6
  15. CHAPITRE 7
  16. CHAPITRE 8
  17. CHAPITRE 9
  18. CHAPITRE 10
  19. CHAPITRE 11
  20. CHAPITRE 12
  21. CHAPITRE 13
  22. TROISIÈME PARTIE
  23. Des mères, des putains et de la politique postiche
  24. CHAPITRE 14
  25. CHAPITRE 15
  26. CHAPITRE 16
  27. CHAPITRE 17
  28. CHAPITRE 18
  29. CHAPITRE 19
  30. CHAPITRE 20
  31. CONCLUSION
  32. APPENDICE I
  33. APPENDICE II
  34. APPENDICE III