
- 300 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Opéré d'un cancer du poumon il y a quinze ans, l'auteur réexamine son expérience à partir de notes prises au cours de cette période. Après avoir exposé lesrepères biographiques et méthodologiques, il montre comment les représentations intériorisées du cancer forment un contenu symbolique, relativement autonome et en partie indicible, qui - après la guérison médicale - prolonge dans son imaginaire les effets traumatisants de cette épreuve liminale.
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Informations
TROISIÈME PARTIE
RESTAURATION DE SOI ET NORMATIVITÉ
« Vous ne pouvez pas empêcher
les oiseaux du malheur
de voler au-dessus de vos têtes,
mais vous pouvez les empêcher
de faire leurs nids dans vos cheveux. »
(Proverbe chinois)
les oiseaux du malheur
de voler au-dessus de vos têtes,
mais vous pouvez les empêcher
de faire leurs nids dans vos cheveux. »
(Proverbe chinois)
CHAPITRE 7
LA PÉRIODE POST-LIMINALE :
L’AUTRE FORME DE L’EXPÉRIENCE DU CANCER
La fin du traitement du cancer ouvre une nouvelle période, post-liminale, en référence à la terminologie de Van Gennep, orientée par l’espoir de la confirmation de la guérison. J’ai proposé, dans un graphique au chapitre 4, une vision d’ensemble de mon parcours, depuis le diagnostic jusqu’en 2020. Dès la sortie de l’hôpital, sans aucun traitement, soit deux mois après le diagnostic, j’étais en situation de rémission complète. Quatre années plus tard, en décembre 2010, le chirurgien estimait, sans le dire, que j’étais guéri. Selon lui, on pouvait maintenant arrêter les contrôles si je le souhaitais. La guérison, qui « fait rarement partie du vocabulaire d’un médecin dans ses échanges avec ses patients traités pour un cancer » (INCa, 2020), devait clore mon parcours de malade. À l’inverse de l’entrée dans la maladie, qui avait été soudaine et brutale, la sortie s’est faite très progressivement. Il y a eu un décalage permanent entre le désir de sortir de l’expérience de la maladie et la lenteur des progrès constatés pour s’en dégager. Je ne me suis vraiment perçu comme guéri qu’à partir de 2015, huit années après le début de la rémission complète. Certes, l’incertitude ne disparaît jamais, mais elle reste très occasionnelle car il m’est possible de l’esquiver assez facilement ou de la renvoyer dans un “oubli superficiel”.
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I.L’APRÈS TRAITEMENT : UNE LONGUE PÉRIODE
ENTRE L’INCERTITUDE D’UNE RÉCIDIVE
ET LE SENTIMENT DE GUÉRISON
ENTRE L’INCERTITUDE D’UNE RÉCIDIVE
ET LE SENTIMENT DE GUÉRISON
Plusieurs termes sont utilisés pour caractériser les différents statuts au cours de cette nouvelle période : survivant, après-cancer, rémission partielle, récidive, rechute, rémission complète, guérison. Si l’on tient également compte des différents traitements, de leurs complexités, de leurs combinaisons et de leur durée, le « cancer [devient une] expérience de la maladie chronique » pour reprendre le titre d’un chapitre d’ouvrage récent (Amsellem et Bataille, 2018, p. 13). L’Organisation mondiale de la santé, dans son Rapport mondial sur le cancer (OMS, 2003), classait désormais celui-ci parmi les maladies chroniques, ces « affections de longue durée qui, en règle générale, évoluent lentement ». Il n’est plus un état transitoire, il pourrait devenir un état permanent, du moins dans certains cas. Les évolutions récentes des traitements de la maladie n’invalident pas les types de trajectoires que Marie Ménoret avait définis (Ménoret, 1999), mais ceux-ci se diversifient très fortement avec cette tendance à l’individualisation des traitements. Les études sur l’expérience de la maladie se trouveront renouvelées en déplaçant leur objet de la phase aiguë, située après le diagnostic, vers des périodes de survie de vingt à trente années suivant la première déclaration de la maladie. Il faut cependant contextualiser cette perspective selon l’âge médian au diagnostic, proche de 70 ans, qui rend plus complexe l’observation des effets spécifiques du cancer dans ces études sur le long terme pour une moitié de la population ayant eu cette affection.
Récemment, l’INCa a produit deux rapports d’étude sur l’après-cancer : La Vie deux ans après un diagnostic de cancer. De l’annonce à l’après-cancer (INCa, 2014), et La Vie cinq ans après un diagnostic de cancer (INCa, 2018). La notion d’après-cancer y est clairement indiquée par le titre lui-même. L’échantillon comprend des personnes ayant vécu des récidives, des personnes sans traitement et d’autres en cours de traitement. Dans ce Rapport, les auteurs distinguent clairement deux périodes : la première correspond à la phase de traitement et la seconde débute après la fin de ces traitements : « l’enquête VICAN2, qui s’est appuyée sur une nouvelle méthodologie, a eu pour objectifs […] d’évaluer la mise en œuvre de mesures d’accompagnement et de prises en charge initiées par les plans cancer, et d’accroître les connaissances scientifiques sur la vie après le cancer [souligné par nous], notamment l’enjeu clé que constitue le retour à la vie professionnelle » (INCa, 2014, p. 8). Le choix de deux années après le diagnostic situe le champ d’investigation, selon les auteurs, dans le cadre du temps de « survie », c’est-à-dire au-delà de la phase aiguë de traitement, dans la plupart des cas n’excédant pas les douze premiers mois après le diagnostic » (ibid., p. 23).
Dans l’étude VICAN5, le titre est réduit seulement à : « La Vie cinq ans après un diagnostic de cancer » (INCa, 2018) et l’expression l’« après-cancer » est quasiment absente du texte. Il semble que les auteurs, s’appuyant sur des travaux anglo-saxons, considèrent une plus grande continuité entre la phase aiguë du traitement et la période de suivi sans traitement : « Il est au contraire aujourd’hui de plus en plus admis et partagé par un grand nombre de professionnels que le suivi à moyen et long terme [souligné par nous] des patients après un diagnostic de cancer relève bien du domaine de la cancérologie » (ibid., p. 40). Ainsi, il n’y aurait plus d’« après-cancer », mais une « médicalisation » (Aiach, 1998) du suivi après la phase aiguë du traitement : « Pour les personnes atteintes de cancer, la question des traitements ne se limite pas uniquement aux traitements initiaux de la tumeur. Dans le temps de l’après-cancer, il convient de prendre en compte des besoins différents en traitements, et en faire précéder l’analyse d’une meilleure définition et compréhension des acteurs intervenant dans le suivi des personnes ayant survécu » (ibid., p. 53). Ce passage indique aussi clairement que l’« après-cancer » commence lorsque les traitements « initiaux » sont terminés, autrement dit après les thérapeutiques spécifiques prodiguées suite à l’annonce de la maladie. La période qui s’ouvre alors, après les traitements « initiaux » de la tumeur, n’est pas un simple retour à la vie sociale antérieure avec en plus les conséquences psychologiques et sociales de l’épreuve de la maladie, c’est aussi la continuation sous une autre forme de la médicalisation de la situation du patient, selon son niveau spécifique de risque, susceptible de développer soit des effets tardifs secondaires, soit des récidives.
L’ambiguïté d’usage de cette notion provient des représentations binaires que nous avons de la durée des maladies : marquées par un début et une fin, il y a donc l’avant et l’après la guérison. Nous imaginons également des maladies chroniques, sans limites de temps comme le diabète, dans ce cas il n’y a pas d’après, on est diabétique et on le reste. Le cancer renvoie à une troisième situation dont la fin de la maladie demeure floue et souvent non dite, aussi l’après-cancer ne correspond pas strictement à la période de guérison. L’intitulé du guide à l’usage des patients rédigé par la Ligue contre le cancer nous l’indique : l’après-cancer constitue la dernière de cinq phases : « l’annonce du diagnostic, la période d’entrée dans les traitements, les intervalles entre deux séances de traitement, la fin des traitements et l’après-traitement » (La Ligue et INCa, 2007, p. 6). On peut noter aussi que la notion d’après-cancer ne figure pas dans le « Glossaire : les mots et leur sens » de ce fascicule de la Ligue (ibid., p. 66). Le Plan Cancer de 2009-2013 proposait aussi un « ensemble d’actions pour développer une prise en charge personnalisée et accompagner l’après-cancer » (INCa, 2010, p. 8). Finalement cette notion englobe la période d’incertitude, c’est-à-dire la rémission, et la guérison qui vient après la rémission complète.
Mais les rechutes et les récidives éventuelles, les nouvelles thérapeutiques comme l’hormonothérapie brouillent ce schéma binaire qu’instaure la notion d’« après-cancer ». Lorsque le cancer était traité sur le modèle d’une maladie aiguë, la fin des traitements constituait un indicateur assez clair en distinguant deux périodes, celle de phase aiguë de la maladie et celle de l’« après-cancer », interrompues éventuellement par une ou plusieurs récidives de la maladie pour ceux qui en survivaient. Or, depuis quelques années, avec la diversité et la complexité des traitements, le parcours de nombreux patients s’apparente davantage à celui d’une maladie chronique. L’hormonothérapie, par exemple, avec un traitement au long cours, allonge sa durée classique qui était de cinq ans, selon les recommandations actuelles, pour atteindre au total dix ans de traitement. Dans ces conditions, l’« après-cancer » commencerait au moins dix ou douze années après l’annonce du diagnostic. On peut supposer que les situations, les parcours et la distribution des effets psycho-sociaux vont devenir de plus en plus individualisés.
Compte tenu des parcours très diversifiés et de la permanence d’incertitude sur la guérison définitive de la maladie, l’expression « après-cancer » correspond davantage à la distinction entre deux périodes du parcours du malade, la première allant du diagnostic à la fin des traitements initiaux et la seconde, l’après-cancer, commence après la fin la phase aiguë de la maladie et sa limite demeure le plus souvent indéfinie. Elle comprend des moments différents, désignés principalement par les termes de rémission, rémission complète, rechute, guérison, récidive qui peuvent se succéder ou non et construisent ainsi des parcours spécifiques des malades. Entre ma trajectoire de soins de moins de deux mois du diagnostic à la rémission complète, et toutes les combinaisons des différents moments possibles, la pluralité des parcours de malades est très grande. Dans le cadre de son Observatoire sociétal des cancers, la Ligue publiait récemment les résultats d’une étude intitulée : Après un cancer le combat continue. Si la distinction est faite entre la phase de traitement et après, ce titre, volontairement accrocheur, abolit la “frontière” subjective entre la période de traitement et celle d’après traitements. Entre ces dernières, il n’y a plus de changement qualitatif, le « combat » s’étend aux effets psycho-sociaux de la maladie, même quand celle-ci n’est plus présente.
La notion de « survivant » est également ambiguë. Ce terme, dans son champ linguistique, évoque le combat et la guerre, et désigne un individu qui, destiné à une mort imminente, a échappé à celle-ci. Comme « survivant », espérant vivre et même guérir, les malades du cancer n’auraient plus à faire face, dans l’immédiat, à l’imminence de leur mort (Saillant, 1988, p. 167) et souvent celui qui se considère comme « survivant » rappellera « qu’il n’est pas malade, qu’il n’a pas le cancer, et souvent aussi, qu’il est déjà guéri » (Saillant, p. 291). Récemment, dans une revue systématique des définitions proposées de « survivant du cancer », les auteurs de cette recherche constatent que, s’il n’y a pas de définition unique pour cette notion, la plus largement utilisée considère « la survie au cancer comme un processus qui commence au moment du diagnostic et se poursuit tout au long de la vie ». (Marzorati et al., 2017). Dans cette conception, la notion se distingue de celle d’« après-cancer » et elle donne une unité temporelle à l’après-diagnostic. Ces deux notions ne renvoient pas tout à fait à la même chose. Si la première, « après-cancer », définit une période, la seconde correspond à un nouveau statut du sujet et évoque des sentiments particuliers ainsi que la permanence liée au choc initial de l’annonce de la maladie.
Néanmoins, le point de vue du sujet ne correspond pas forcément aux définitions biomédicales. Dans une étude réalisée deux années après le diagnostic, à la question : « Actuellement, êtes-vous guéri ? », 43 % des personnes interrogées répondent par l’affirmative, 42 % par la négative et 15 % ne se prononcent pas. Or, selon les notions précédentes, dans le meilleur des cas, le patient est en rémission complète et, à compter de celle-ci, les médecins considèrent le plus souvent qu’il faut attendre environ cinq années, sans rechute, pour que le cancer soit déclaré « guéri » (Peretti-Wattel et al., 2008, p. 63). On peut aussi facilement imaginer l’inverse : se percevoir toujours malade bien que médicalement guéri et, dans ce cas, la perception de sa guérison semblerait indépendante des informations bio-médicales.
Actuellement, cinq ans après le diagnostic, 42 % déclarent consulter régulièrement pour un suivi en médecine générale, 33,1 % indiquent un suivi inexistant et 24,2 % un suivi rare, ce qui représente pour les deux dernières catégories un total de 57,3 % (INCa, 2018, p. 47). Ce sont 55 % des personnes ayant eu un cancer des poumons ou de la thyroïde qui déclarent consulter régulièrement leur médecin traitant. Concernant le suivi psychologique, une majorité (63,5 %) a indiqué avoir des troubles ou des séquelles consécutifs au cancer et à ses traitements. Parmi ces derniers une minorité 26,1 % bénéficient d’un suivi spécialisé, et seulement 2,8 % de ceux ayant déclaré des troubles bénéficient d’un accompagnement psychologique (ibid., p. 49). Ces résultats globaux, s’ils montrent des tendances fortes, laissent entrevoir des comportements et des attitudes plutôt diversifiés au cours des années qui suivent la phase du traitement. L’enquête VICAN5 distingue nettement trois groupes selon la déclaration de troubles psychologiques : la moitié de la population de l’échantillon (49,3 %) ne rapporte ni troubles anxieux ni troubles dépressifs, 33,6 % indiquent la présence de troubles anxieux suspectés ou avérés, sans troubles dépressifs. Enfin, pour le troisième groupe (6,6 %), on peut observer des troubles dépressifs certains (ibid., p. 122).
L’examen des différents vocables permettant de décrire les étapes dans l’évolution de la maladie, depuis l’annonce jusqu’à la guérison éventuelle, nous montre la diversité et la complexité des parcours des patients. Je peux considérer, au regard des définitions précédentes, que dès la sortie de l’hôpital, après l’opération, j’étais en « rémission complète » en 2006, n’ayant aucune trace de la maladie nécessitant un traitement complémentaire, et guéri quatre années plus tard (en 2010). Toutefois, comme je l’écrivais plus haut, je ne me suis réellement perçu comme guéri que huit années après la fin du traitement (en 2014-2015). C’est une durée importante puisqu’entre la fin de la période de rémission complète indiquant la guérison bio-médicale (2010) et le sentiment de guérison, il s’est écoulé également plus de quatre années. Ainsi le chemin a été encore long avant que je puisse cesser de m’identifier à ma...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Dédicace
- SOMMAIRE
- REMERCIEMENTS
- PRÉFACE Gilles FERRÉOL
- INTRODUCTION
- PREMIÈRE PARTIE MON PARCOURS DE MALADE ET MÉTHODOLOGIE DU RÉCIT
- DEUXIÈME PARTIE L’ALTÉRATION DE SOI
- TROISIÈME PARTIE RESTAURATION DE SOI ET NORMATIVITÉ
- CONCLUSION
- DANS LA MÊME COLLECTION