Cottage des dunes
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Cottage des dunes

  1. 210 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Cottage des dunes

À propos de ce livre

« Le 4e bataillon - celui de Marius - partira ce soir de Briançon. Henriette n'y tient plus, à la nuit tombée elle est sortie, elle descend les ruelles, elle s'aventure jusqu'à la barrière face aux convois quiattendent. ''Marius! Je suis là... as-tu tout ce qu'il te faut...? '' Elle court... elle croise ses pieds dans le fourreau noir de sa robe, elle tient son chapeau et elle court. Là-bas le train crachant des étincelles dans un panache de vapeur blanche, doucement, s'en va, disparaît. »Être une femme en 1914 n'est pas la meilleure place pour exercer l'art d'être libre, aimer à sa guise, mépriser une guerre mondiale que l'on juge insensée. Henriette vient d'épouser Marius, l'amour de sa vie. Contre la mort qui rôde, elle engage un combat personnel.Cent ans plus tard, Cottage des Dunes revient sur l'histoire de ces deux amoureux face à la déchirure. Une histoire vraie, celle d'une femme en guerre, nous parlant de courage sans compromis, de la bêtise des uns, de la souffrance des autres, d'une nation qui n'en revient pas - et, malgré tout, de vie.

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Informations

1

Il ne lui restait plus que deux mois de service militaire avant d’être libre. Mais la guerre est arrivée. Tout juste pour ses 23 ans. Quatre mois à peine après son mariage avec la belle Henriette, le sergent Marius Cadoux fut mobilisé et envoyé à la bataille en pleine lune de miel. Des millions d’histoires d’amour vont ainsi se faire égorger. On n’aura rien à dire, et l’on se dit, cent ans après, que les temps ont changé bien sûr, que c’est de l’histoire ancienne et qu’on peut dormir en paix.
En 1914 on pouvait vivre ça, une vie normale, un travail, un amour, des envies de bonheur et d’enfants… et puis non, il fallait tout quitter, se séparer, se déguiser avec un uniforme, marcher en rangs et aller tuer des gens que l’on ne connaissait même pas, obéir sans parler et courir dans les champs un peu comme les lapins un matin d’ouverture. Très vite il fallut se rendre à l’évidence : on mourait beaucoup, ou bien on perdait un bras, ou la jambe arrachée comme ça, ou un œil, on disait « c’est pour la patrie », on tombait – mais au champ d’honneur, hier on n’était rien, et demain des héros avec médaille et bons points par paquets que distribuaient des messieurs à chapeaux en disant des choses joliment arrangées, ils avaient fait l’École de guerre, on allait s’en rendre compte.
Le 3 août 1914, Marius a 23 ans, il est « mobilisé », il ne soufflera pas ses bougies d’anniversaire, il ne pourra pas consoler Henriette qu’il a épousée le 19 mars et qui doit pleurer dans la chambre de cet appartement loué en ville à Briançon, au cœur des Alpes. C’est l’été, le soleil du matin allume les flancs de la montagne, Briançon grouille des bruits d’une mobilisation guerrière, le sergent Marius Cadoux est amoureux, mais il sait que c’est hors sujet, il y a le devoir à faire, la patrie, on boucle les paquetages, la couverture roulée sur le sac et la gamelle brillant sur le dessus, ce sera une cible idéale, des paquets de balles pour ce long fusil Lebel qu’il faut trimballer partout, on ne prend pas les grenades, on les distribuera là-bas, on part à la guerre – à l’époque c’est assez fréquent –, vers l’est, dans des trains par centaines. À la gare Henriette est venue et sur le quai elle court. Elle court…
Marius s’en va au feu. Il n’a pas fini d’en voir. Henriette a disparu, là-bas, dans la vraie vie, avec sa révolte de femme, sa patience infinie, la peur au ventre, qu’on ne dit pas, dans cette fin d’été 1914 pendant la descente au carnage. On dira aussi « boucherie », « massacre », et les mots viendront à manquer, plus rien pour dire comment c’était.
« C’est du 105 sergent, ils ont réussi à poster une batterie vers Altkirch, on va déguster… » On déguste. La journée du 19 août 1914 sera la dernière sur terre pour 27 000 petits Français tout juste débarqués et morts du premier coup. Hachés menu entre les vignes d’Alsace et la ligne bleue des Vosges. Dans les rangs du 159e alpin Marius est venu, et il court lui aussi, plié en deux, s’arrête, aveuglé par la poussière : « Avancez ! sortez d’là ! restez pas en arrière ! » Pour crier les ordres et donner les consignes il est trop essoufflé, les hommes se couchent comme des blés mûrs, le sergent Cadoux s’étrangle, de peur, de rage, voit passer sa section, deux ombres désarticulées, un qui demeure saignant sur place, un autre, là, qui hurle avec les mains dans le ventre, mais voilà le soldat Pochon qui revient, ignorant les balles qui claquent : « Sergent ! on tient Tagsdorf, le village est à nous, c’est-y vrai ? Les Boches ont détalé ! — Mais Pochon vous êtes ivre ! — Oui sergent c’est du kirsch vous en voulez un peu ? On est bon, on est bon ! On est vivant… » Sur le sentier qui monte vers l’église divague une armée de fantômes. Sous le béret alpin le regard brille, halluciné. « Sergent nous avons des tués… — Je sais, Pochon, je sais, je veux un rapport, nous allons à couvert, y a une grange sur la gauche, à couvert sacré nom ! »
Le soir tombe et l’air fraîchit. En bas les bois sont en feu, quelque chose vient de commencer. Marius sort de la grange où sa section installe un poste avancé, le haut du bourg est désert, le chemin flotte dans une lumière que le couchant rougit, le sergent Cadoux marche, automate frissonnant, contourne un cheval béant, glisse sur des sacoches abandonnées, des éclats d’acier ont griffé à mort un verger de cerisiers, Marius avance, comme avant, comme là-bas chez les vivants, se promène au cœur de l’enfance, à La Buissière, son village, dominant la vallée de l’Isère entre Grenoble et Chambéry. Il a 9 ans et le xxe siècle lui ouvre les bras, il marche à flanc de montagne, avance dans les prés fumants, il est le roi du monde face aux neiges de Belledonne piquant le ciel là-bas vers l’est. Il va parfois jusqu’au chemin de fer, à trois bornes de la maison, ici passe la ligne Chambéry-Grenoble, de l’autre côté de l’Isère. Il y guette le convoi crachant sa vapeur dans la petite gare du Cheylas. Sur le quai le chef de poste lui prête parfois son sifflet tandis qu’à la barrière, un vagabond lui pose toujours la même question : « Alors Marius ! Qu’est-ce que tu attends ! Quand est-ce qu’on ira dans la lune ? dans la lune !…
— Oh, sergent ! c’est-y bon pour vous ? Sergent ! on a encore du kirsch… Sergent ! on est bon, on est là ! » Adossé contre un talus face à la colline Marius a lu le rapport transmis par son télégraphiste, il sait déjà que rien, non rien, ne se passera comme le claironnaient les journaux. Premier soir de bataille, on va devoir se replier, Berlin n’a jamais été aussi loin et c’est à Henriette qu’il pense. L’été de leur lune de miel a plongé dans la nuit. On est en août et il fait froid. Avec les étés d’avant s’annonçait le pur bonheur de ces « grandes vacances » pour enfant ; le temps de son anniversaire, on déjeunait sur le pré au-dessus de La Buissière, on allait sulfater les vignes – bientôt viendraient les vendanges aux Bayettes et aux Larmuses, on embaucherait pour couper les grappes. Le vin emplira les barriques chez le tonnelier de Pontcharra.
Les trois quarts des Français vivent à la campagne, les bœufs et les chevaux tirent les charrues au labour, l’électricité est encore peu connue et les premières automobiles pétaradent dans la poussière des chemins, les trains forment partout des tortillards, des omnibus lâchant leur panache à petite vitesse. Les soirs d’été on va au bal, on se marie au pays, les enfants naissent et meurent souvent. Mais, en buvant du vin qui pique, on chante beaucoup et l’on célèbre l’avènement du nouveau siècle, charmé par une belle époque aux couleurs impressionnistes, plus près du Moyen Âge que de ce qui vient à grands pas.
Ce qui vient, c’est la lumière dans l’ampoule au plafond, les premiers téléphones, l’auto filant sur une vraie route et divisant presque par dix la distance entre deux bourgs – mais viennent aussi les obus, leurs éclats par millions déchirant en lambeaux les hommes, le gaz brûlant leurs poumons et la mitrailleuse balayant les vies comme au tir forain tandis que chacun pense à cette Alsace-Lorraine confisquée depuis 1871 par les « affreux Prussiens ».
La paix semble éternelle. Les Cadoux se sont installés près de Grenoble en plein XIXe siècle, venus en Dauphiné après des générations grandies du côté de Chambéry, à Saint-Cassin, dans cette Savoie italienne jusqu’en 1860. Jean-Baptiste, le père de Marius, est le premier de la lignée à naître en France, le 24 mars 1857. Il sera militaire. L’armée en cette fin du Second Empire est omniprésente, voie royale pour quitter les champs et aller « faire carrière ». Jean-Baptiste réussira ; sous-officier en 1885 au 2e régiment de génie à Montpellier, il va décrocher l’un des quatre postes d’officiers instructeurs détachés à l’École polytechnique. À Paris il apprendra aux futurs ingénieurs polytechniciens à devenir de bons cavaliers.
Chaque été Jean-Baptiste redescend à Grenoble et passe ses congés à La Buissière. C’est là qu’en 1889 il va rencontrer la belle Camille Lambert, de neuf ans sa cadette. Camille est née ici, en 1866, mais elle a grandi à Marseille où son père travaillait aux chemins de fer pour la compagnie Paris-Lyon-Méditerranée. Le père Lambert étant mort jeune, Camille est partie poursuivre ses études au pensionnat chez les bonnes sœurs trinitaires de Valence, dans la Drôme. Mais vivre dans la Drôme ne plaira pas longtemps à la jeune Marseillaise. Après son brevet supérieur elle revient au pays natal, la voici à La Buissière, elle a 22 ans, elle va tomber dans les bras de Jean-Baptiste Cadoux, l’officier instructeur aux belles moustaches. Sur les photos prises à Lyon, Camille, même quand elle se veut sérieuse, semble garder le sourire, avec un petit bouquet agrafé au col de son corsage et ses cheveux noirs nattés dans le cou.
Les époux Cadoux-Lambert s’installent à Paris. Le 3 août 1891 en plein congé d’été à La Buissière vient au monde le petit Marius, baptisé du prénom d’un oncle de Marseille. Quand finit l’été on remonte à Paris. Logée à l’École polytechnique, la famille vivra durant quinze ans dans la capitale, à l’ombre du Panthéon, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève. C’est une vie heureuse et dans l’aisance, avec logement de fonction, officier d’ordonnance, gaz d’éclairage au tiers du prix. Une employée de maison, Mathilde, est venue de Savoie pour s’occuper de Marius pendant que sa mère travaille au secrétariat de l’École : ayant appris au pensionnat la calligraphie et le dessin, elle aura la charge de polycopier les cours sur une machine à alcool. Le photographe de Polytechnique, monsieur Gershel, tire le portrait du sous-lieutenant Cadoux : Jean-Baptiste croise les bras, serré dans sa veste ornée de brandebourgs, le cheveu court, il en impose. Chaque jour avec ses élèves ingénieurs il monte à cheval au manège militaire de la rue Lhomond. Marius y vient bientôt le rejoindre ; c’est un enfant curieux de tout, il dévore la bibliothèque, s’initie à la photographie, visite le chantier du métro avec l’ingénieur monsieur Bienvenüe, apprend à se servir d’un phonographe pour écouter des chansons et découvre le cinématographe quand sa mère l’emmène boulevard des Capucines dans ce café où les frères Lumière présentent leurs premiers films. Au programme L’Arroseur arrosé et Entrée d’un train en gare – Marius est aux anges.
Comme tout le monde à l’époque Marius marche beaucoup, pour aller à l’école il descend la rue Soufflot, traverse le boulevard Saint-Michel et passe par le jardin du Luxembourg pour rejoindre sa classe à l’école privée Saint-Sulpice. Au retour il s’arrête chez le fromager rue Soufflot, goûte d’un fromage blanc à quatre sous et demande deux sous de crème en plus payés sur son argent de poche. Au début des années 1900, le sous-lieutenant Cadoux est pressenti pour la Légion d’honneur. Mais l’administration française est alors secouée par la crise des idées entre la République laïque renaissante et le conservatisme catholique, entre les progressistes « bouffeurs de curés » et les « royalistes bondieusards ». Aussi fait-on savoir au père de Marius qu’il n’aura pas sa médaille si son fils reste inscrit à l’école religieuse. La famille ne cède pas, Marius reste à Saint-Sulpice, son père ne sera décoré de la Légion d’honneur que bien plus tard dans les années 1920.
En 1904 Marius a 13 ans ; chaque été le petit Parisien descend à La Buissière avec ses parents. Mais cette année tout va changer, son père vient de passer le cap des vingt-cinq ans de service actif dans les rangs de l’armée, il est libre de partir. L’École polytechnique lui propose de prolonger son engagement mais Jean-Baptiste ne le souhaite pas. Il a 47 ans, le couple vient d’avoir un second enfant, la petite Lucienne ; on veut retourner au pays. Après l’été 1904 voici donc la famille installée à Grenoble au 38 quai Xavier-Jouvin sur les bords de l’Isère. Jean-Baptiste a trouvé un poste à l’École pratique de commerce et d’industrie de Grenoble (Vaucanson) et Marius a réussi son certificat d’études, premier sur quatorze. Il va mettre les bouchées doubles, marqué par sa petite enfance dans l’ombre de l’École polytechnique il veut devenir ingénieur. Après les études secondaires il enchaîne les concours de l’École électrotechnique de Grenoble (qui deviendra plus tard l’Institut polytechnique) et en sort premier de sa promo. En stage avec sa classe en juin 1908, il écrit à sa famille : « Chers parents, j’ai reçu votre lettre, je suis admissible et je passe l’oral aujourd’hui et demain, je pense bien réussir. Embrassez bien Lucienne pour moi et à samedi soir… »
Sur la photo, les élèves sont en uniforme comme les ingénieurs des Arts et Métiers, et Marius salue avec sa casquette, il n’a pas encore 18 ans. L’époque est aux découvertes, aux expéditions lointaines, aux Expos universelles ; les héros ne sont pas à l’armée mais dans les laboratoires ; on célèbre Pasteur et Edison, on lit Jules Verne, on veut la paix, la santé et le « progrès ». Marius veut construire, innover, il ajoute à sa formation des cours par correspondance pour obtenir un certificat d’ingénieur des ponts et chaussées, il travaille quatorze heures par jour, l’avenir lui appartient.
Dans Grenoble sur les quais de l’Isère, les parents Cadoux regrettent parfois un peu leur vie parisienne et ses facilités. Ici fini les places gratuites pour le concert et le théâtre. Mais il y a La Buissière et la maison de famille. Jean-Baptiste y vient soigner ses vignes et vend son vin ; la petite sœur, Lucienne, est de santé fragile, elle respire l’air des Alpes. Quand Marius n’est pas dans ses livres il continue de marcher ; de la gare du Cheylas jusqu’à celle de Barraux, passant par le château de La Buissière où il a ses entrées. Ne manquant pas d’audace il y annexe une petite salle pour installer son matériel photographique, bacs de révélateur, plaques de développement, glaceuse… Il devient photographe amateur. On lui prête un vélocipède, un « grand-bi » idéal pour frimer, avant de se casser la figure ; ce sera la même chose en montagne où la famille retrouve la neige et les descentes sur de lourdes luges en bois.
Diplôme d’ingénieur en poche, Marius a fêté ses 18 ans et se lance dans le métier. Des amis le présentent à un ingénieur des chemins de fer, monsieur Couturier, qui conduit les travaux sur la ligne du tramway électrique entre Grenoble et le plateau du Vercors ; on ne perd pas de temps, il y a du travail, juste un contrat à signer et voilà le jeune ingénieur sous-chef de section en Vercors pour préparer le tronçon de Villard-de-Lans à Saint-Nizier-du-Moucherotte.
Sur la photographie, prise en 1910 au pic de la Praz, on voit Marius coiffé d’un panama rabattu d’un côté, canne à la main, avant son départ pour Villard. Là-haut, à mille cents mètres d’altitude, il faut tracer la suite de la ligne, on travaille sept jours sur sept, Marius économise sou à sou et se fait héberger à prix d’ami au meilleur hôtel de Villard-de-Lans ; il y recevra d’ailleurs ses parents pour trois jours. L’équipe du Vercors doit établir les calculs de cubage des terrassements nécessaires pour tracer la ligne de montagne. Le 23 avril 1911 est inauguré le premier tronçon à l’autre bout de la ligne entre Grenoble et Seyssins. Marius est là, sur la photo, coiffé de son panama, toujours tiré à quatre épingles – costume trois-pièces, montre glissée dans la poche du gilet, faux col amidonné. Au-dessus de la voie on a tendu une banderole proclamant « Salut au progrès ». Le jeune ingénieur ne peut savoir que dans trois ans les premiers wagons de ce tramway tout neuf seront réquisitionnés par l’armée française et envoyés comme lui à la guerre pour les transports de troupes. Marius ignore aussi que les rails qu’il a vu poser en 1911 ont failli être arrachés en 1917 pour fournir de l’acier aux militaires ; les protestations du préfet de l’Isère permettront d’éviter la démolition et des soldats allemands prisonniers de guerre seront amenés en Vercors pour achever la ligne en 1920.
Mais en 1911 Marius fête ses 20 ans, la vie est belle, il la gagne, il vient même d’acheter quelques actions, plaçant un peu de son salaire dans le capital d’une entreprise ambitieuse, peu connue encore, car il s’agit d’utiliser la force des chutes d’eau en montagne pour produire cette « chose » nouvelle : l’électricité. Cette entreprise de la Haute-Bourne, en plein massif du Vercors, annonçait l’âge d’or des barrages et de l’énergie hydroélectrique. Après avoir passé dans la foulée ses derniers examens d’ingénieur des travaux publics, Marius va quitter ses Alpes et retrouver le Paris de son enfance. Une aventure nouvelle commence, ce ne sera pas longtemps ce qu’il avait prévu ; quand on a 20 ans on ne pense pas aux guerres mondiales.
Le jeune diplômé est nommé ingénieur à la Compagnie des chemins de fer de l’État sur le chantier de rénovation des voies de Paris-Saint-Lazare. Une mission de responsabilité – la première pour lui –, ce qui lui vaudra quelques belle...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Avant de partir
  7. Exergue
  8. Chapitre 1
  9. Chapitre 2
  10. Chapitre 3
  11. Chapitre 4
  12. Chapitre 5
  13. Chapitre 6
  14. Chapitre 7
  15. Chapitre 8
  16. Chapitre 9
  17. Chapitre 10
  18. Chapitre 11
  19. Chapitre 12
  20. Chapitre 13
  21. Chapitre 14
  22. Chapitre 15
  23. Chapitre 16
  24. Chapitre 17
  25. Chapitre 18
  26. Chapitre 19
  27. Après la guerre