Vers la guerre au Kosovo
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Vers la guerre au Kosovo

Octobre 1998 - Mai 1999

  1. 496 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Vers la guerre au Kosovo

Octobre 1998 - Mai 1999

À propos de ce livre

En mars 1999, l'OTAN intervenait militairement pour la premiĂšre fois de son histoire en bombardant la RĂ©publique FĂ©dĂ©rale de Yougoslavie. Les diplomates internationaux avaient pourtant essayĂ© d'Ă©viter la guerre en dĂ©pĂȘchant au Kosovo une « Mission de VĂ©rification », la plus importante opĂ©ration jamais mise sur pied par l'OSCE (Organisation pour la SĂ©curitĂ© et la CoopĂ©ration en Europe), puis en invitant tous les acteurs du conflit Ă  la ConfĂ©rence de Rambouillet, qui se termina par un Ă©chec.A la suite de ces Ă©vĂ©nements, le Kosovo, jusque-lĂ  province de la Serbie, passa sous mandat de l'ONU puis proclama son indĂ©pendance en 2008. Aujourd'hui, son prĂ©sident, accompagnĂ© des principaux chefs de la guerre d'indĂ©pendance, sont Ă  La Haye en attente de leur procĂšs pour crimes de guerre et crimes contre l'humanitĂ©.Le prĂ©sent document, rĂ©digĂ© par l'un des principaux dirigeants de cette mission « de la derniĂšre chance », retrace les derniers mois prĂ©cĂ©dant le conflit et dĂ©crypte sans complaisance le rĂŽle jouĂ© par ses principaux acteurs en racontant de l'intĂ©rieur le fonctionnement de la diplomatie multilatĂ©rale.

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Informations

QUATRIÈME PARTIE

La négociation

FĂ©vrier – 15 mars 1999
Passage des clandestins — Aggravation de la situation sĂ©curitaire dans la province — ManƓuvres amĂ©ricaines Ă  Rambouillet — Dissensions Ă  l’UÇK — Voitures de la MVK bloquĂ©es Ă  la frontiĂšre — Un pseudo accord — Vers KlĂ©ber
Le nombre d’observateurs internationaux dĂ©passe le millier ce 2 fĂ©vrier, auxquels s’ajoutent 1150 recrutĂ©s locaux. Dans une province grande comme le dĂ©partement de la Gironde, il devient difficile de faire un trajet sur la route sans apercevoir un ou plusieurs vĂ©hicules orange. C’est ce que nous cherchons, et nos effectifs devraient encore doubler, pour peu qu’on nous en laisse le temps.
Hier, une patrouille de la mission s’est encore vue refuser l’accĂšs Ă  la zone frontiĂšre. Aujourd’hui, on nous signale qu’à Zilivoda, au sud de Vučitrn, l’UÇK a interdit le passage Ă  une de nos patrouilles, en prĂ©tendant qu’il fallait dĂ©sormais que nous informions Ă  l’avance le « commandement gĂ©nĂ©ral » de nos intentions, et qu’un laissez-passer serait dorĂ©navant nĂ©cessaire. Nous passerons outre, naturellement, et protesterons au niveau appropriĂ©, mais ces deux incidents traduisent une nouvelle dĂ©rive : ce ne sont plus seulement les rĂ©solutions du Conseil de SĂ©curitĂ© qui sont violĂ©es, mais l’accord fondateur de notre mission, et c’est le fait des deux parties. Notre travail en est mis en pĂ©ril, pour la premiĂšre fois.
La tuerie de Rogovo, oĂč 25 Albanais ont trouvĂ© la mort, commence Ă  livrer ses secrets et ses consĂ©quences empoisonnĂ©es : selon le parti LBD de Qosja, tous Ă©taient des membres de l’UÇK, ce que corrobore la guĂ©rilla elle-mĂȘme. Fort de ces aveux, le gouvernement serbe nous accuse d’avoir prĂ©cipitamment condamnĂ© cette tuerie, simple acte de guerre selon lui.
Poursuivant avec Christian notre tournĂ©e des leaders albanais et serbes de la province, pour connaĂźtre leur Ă©tat d’esprit Ă  la veille de la confĂ©rence de paix, nous rencontrons Ă  nouveau Demaci, qui n’a pas encore fait connaĂźtre sa position sur la participation de l’UÇK.
Il nous reçoit, souriant et cordial comme Ă  l’accoutumĂ©e. Son aspect physique n’est pas banal : c’est un petit bonhomme Ă  la tĂȘte ronde et aux yeux grossis derriĂšre des verres loupe. De temps en temps, il prend un air hallucinĂ© et une voix de fausset, arborant parfois un drĂŽle de sourire forcĂ©, comme pour cacher sa mauvaise humeur. Il jouit d’une grande estime en raison de son passĂ© de rĂ©sistant, sans ĂȘtre pour autant trĂšs populaire, dans la population albanaise du Kosovo. Il est connu pour ses prises de position inattendues et souvent contradictoires, et serait depuis longtemps sur la touche, sans ses rĂ©fĂ©rences patriotiques incontestables.
Aujourd’hui, son discours est d’un radicalisme inhabituel. En fait, il en veut aux Français : Ă  Alain Richard, qui avait stigmatisĂ© les violations du cessez-le-feu par l’UÇK, Ă  moi pour le communiquĂ© de presse du 9 janvier qui ne disait rien d’autre. Il n’entend pas dissimuler sa rancƓur.
D’emblĂ©e, il se montre critique Ă  l’égard des initiatives du groupe de contact : « Le moment n’est pas Ă  la nĂ©gociation » dit-il, tandis que sa voix se perche dans les aiguĂ«s. « La communautĂ© internationale doit condamner clairement les agresseurs et les auteurs de massacres, au lieu de les convier autour de la table comme des interlocuteurs respectables. C’est la guerre ! Il faut bombarder les Serbes, et ensuite donner l’indĂ©pendance au Kosovo. Que nĂ©gocier aujourd’hui ? Nous n’avons plus aucune confiance dans les Serbes. » Plus gĂȘnant encore, son discours est violent Ă  l’égard de Rugova : « Il irait nĂ©gocier sur la planĂšte Mars si on le lui demandait ! Il ne reprĂ©sente plus rien aujourd’hui ! »
Christopher Hill n’est pas Ă©pargnĂ© non plus ; il est vrai que certaines dĂ©clarations relatives Ă  l’UÇK (« ce n’est pas une armĂ©e, mais une rĂ©union de groupes armĂ©s », en plus des apprĂ©ciations dĂ©jĂ  mentionnĂ©es sur son Ă©tat-major) ne peuvent qu’avoir dĂ©plu.
Son anglais s’est peaufinĂ© depuis trois ans. Autrefois, il nous parlait en serbe, sans façon, et de maniĂšre impeccable. Son lĂ©ger accent me le rendait mĂȘme plus comprĂ©hensible. Aujourd’hui, la langue serbe est devenue celle de l’occupant, pour l’UÇK en particulier. Dans les zones contrĂŽlĂ©es par la guĂ©rilla, le serbe a disparu de l’enseignement des Ă©coles.
C’est donc en anglais qu’il me dit, ou plutĂŽt qu’il crie d’une voix haut perchĂ©e : « No negociation ! Bombing, then independence ! »
Il est flanquĂ© de ses inĂ©vitables adjoints Kastrati et Kurti ; ce dernier, le jeune pĂ©remptoire Ă  bouclettes, renchĂ©rit sur les paroles de son maĂźtre ; de la tĂȘte, il fait non Ă  mes questions avant mĂȘme que Demaci ait eu le temps de rĂ©pondre. Au bout d’un moment, voyant que je n’arriverais Ă  rien, et me demandant s’il n’y a pas un phĂ©nomĂšne de surenchĂšre entre eux, je demande Ă  parler en tĂȘte Ă  tĂȘte avec Demaci, prĂ©textant un message confidentiel du ministre.
Il accepte, fait sortir ses collaborateurs non sans que Bouclettes me jette un regard noir, puis nous recommençons à parler.
« Allez-vous vraiment refuser de venir Ă  Rambouillet ? » demandĂ©-je. « Le ministre VĂ©drine souhaite sincĂšrement la prĂ©sence de l’UÇK, sans laquelle il manquerait une composante essentielle de l’échiquier albanais. »
« Les dirigeants militaires de l’organisation m’ont proposĂ© de prendre la dĂ©cision moi-mĂȘme » dit-il, « mais je prĂ©fĂšre la leur laisser, car c’est eux qui risquent leur vie pour la cause, et ils reprĂ©sentent donc la lĂ©gitimitĂ©. Mais je peux vous assurer que je leur recommanderai la non-participation. Je vous remercie du message de votre ministre, mais pour moi, c’est non ! »
« Ne le regretterez-vous pas, plus tard ? Prendrez-vous la responsabilitĂ© de l’isolement, devant la communautĂ© internationale ? En cas d’échec de nĂ©gociations tenues sans vous, vous en serez tenu responsable, et en cas de succĂšs, l’UÇK n’y aura pas sa part, par votre faute ! »
Rien n’y fait, il tient bon, l’UÇK ne doit pas participer à ce qu’il considùre comme une parodie.
Nous nous quittons cordialement malgrĂ© tout. Il voit que je suis affectĂ© par ses propos, et essaie de conclure par des paroles aimables : « Dites Ă  M. VĂ©drine l’estime que j’ai pour lui et pour ses efforts ».
De retour au bureau, je commence Ă  rĂ©diger mon compte-rendu pour Walker (et pour mon ministĂšre), lorsqu’on m’apporte une dĂ©pĂȘche annonçant que l’état-major de l’UÇK a dĂ©cidĂ© de participer Ă  la confĂ©rence de paix ! Encore heureux que je n’aie pas eu le temps de faire partir, quelques heures avant d’ĂȘtre dĂ©menti, un tĂ©lĂ©gramme annonçant que l’UÇK refusait de faire le voyage de Rambouillet ! J’en tire au moins un enseignement : Demaci ne reprĂ©sente plus grand-chose Ă  l’UÇK. C’est une relique, certes respectĂ©e, mais l’opportunisme ambiant le condamne Ă  ĂȘtre pĂ©riodiquement mis sur la touche.
La dĂ©lĂ©gation albanaise sera donc complĂšte, reste maintenant Ă  savoir si les Yougoslaves accepteront de venir. En fait, je n’ai guĂšre de doute lĂ -dessus, mĂȘme s’ils font officiellement durer le suspense. Depuis la visite de Robin Cook Ă  Belgrade le week-end dernier, le ton de la presse Ă  l’égard des tentatives de rĂšglement du conflit s’est singuliĂšrement adouci. On ne fait plus guĂšre mention des menaces de frappes, pour souligner la « volontĂ© de rĂšglement pacifique » de la communautĂ© internationale. Une rĂ©union du parlement serbe est annoncĂ©e pour le 4 fĂ©vrier. Je prends le risque, Ă  vrai dire lĂ©ger, de pronostiquer par Ă©crit que le gouvernement yougoslave acceptera l’invitation du groupe de contact. J’en saurai plus demain, devant rencontrer Ć ainović Ă  sa demande.
J’éprouve un soulagement de taille en fin de journĂ©e quand mon ami HervĂ© Ladsous188 m’informe qu’à la suite de conversations avec son collĂšgue norvĂ©gien, il sait que la prĂ©sidence de l’OSCE n’a aucune intention de laisser Ă  Walker la moindre marge d’initiative quant Ă  un Ă©ventuel retrait de la MVK, et que l’intĂ©ressĂ© en a Ă©tĂ© clairement prĂ©venu.
Le lendemain 3 fĂ©vrier, je reçois l’instruction de mettre au point le dĂ©part pour Rambouillet de la dĂ©lĂ©gation albanaise : elle doit embarquer au complet (y compris les dĂ©lĂ©guĂ©s de l’UÇK) sur un avion militaire français pour un vol direct PriĆĄtina-Paris !
Cette fois, j’ai l’impression que nous allons tomber sur un os. Je vois difficilement les Yougoslaves, procĂ©duriers comme ils savent l’ĂȘtre, dĂ©livrer des documents de voyage pour des passagers dont la tĂȘte est mise Ă  prix. Mais je n’ai pas le choix. La demande officielle devra passer par notre Ambassade Ă  Belgrade, et j’essaierai d’actionner de mon cĂŽtĂ© toutes les sonnettes possibles.
Je rejoins Ć ainović Ă  son bureau, dĂ©cidĂ© Ă  obtenir de lui le maximum d’informations. Il paraĂźt sombre Ă  la perspective d’une nĂ©gociation qui s’annonce difficile.
« Le gouvernement a l’impression de mettre le doigt dans un engrenage sans savoir quand il s’arrĂȘtera de tourner. Nous avons acceptĂ© les principes de base de la nĂ©gociation, considĂ©rĂ©s par Hill et le groupe de contact comme des prĂ©alables Ă  leur ouverture. Or, l’autre partie ne l’a toujours pas fait, et c’est par lĂ  qu’il faudrait commencer. »
« Nous avons besoin d’un soutien plus affirmĂ© de votre gouvernement sur ce point » continue-t-il. « Comment croire Ă  la bonne foi des nĂ©gociateurs, si nous devons envisager la rĂ©ouverture de la question des principes sous la menace de bombardements ? Avec qui sommes-nous en train de nĂ©gocier ? »
« Avec le groupe de contact, mais encore faut-il que de votre cĂŽtĂ©, il y ait une position unifiĂ©e jusqu’au bout », lui dis-je. « Les radicaux ont promis de quitter le gouvernement si vous acceptiez le principe de troupes Ă©trangĂšres au Kosovo. Comment comptez-vous gouverner sans eux ? » RĂ©ponse : « Cela n’est pas un problĂšme d’actualitĂ©. Nous verrons bien. »189
« Mais pour vous qui allez négocier, cette présence est-elle acceptable ou non ? »
« Vous connaissez la réponse », me dit-il simplement.
« Je connais les prises de position autorisées sur cette question, mais je voudrais en savoir plus. »
« Nous sommes favorables Ă  une prĂ©sence Ă©trangĂšre (il ne dit pas “armĂ©e”) pour surveiller le dĂ©sarmement de l’UÇK » biaise-t-il.
« J’imagine en effet que ce serait une satisfaction pour vous de voir l’UÇK dĂ©sarmĂ©e, mais vous ne l’imaginez tout de mĂȘme pas remettant ses armes Ă  votre armĂ©e et Ă  votre police ? »
« Vous savez, dĂ©jĂ , en octobre, il y a eu des remises d’armes par la guĂ©rilla. Cela dĂ©pendait des endroits. »
Il tente d’amener la conversation sur la confiance que la population civile albanaise Ă©prouverait Ă  l’égard des autoritĂ©s, et sur l’influence Ă©trangĂšre malsaine qui serait Ă  l’origine du problĂšme. Mais il voit que je n’accroche pas. Il emprunte un autre chemin :
« Il faut montrer qu’il n’y a pas de place pour l’indĂ©pendance. Que ce soit clair pour l’avenir. Pourquoi les gens de Djakovica a n’ont-ils pas pris les armes, alors qu’ils sont presque tous Albanais, que la frontiĂšre est toute proche et la guĂ©rilla aux abords immĂ©diats ? Parce qu’ils ont un bien Ă  dĂ©fendre, une Ă©conomie, des boutiques, des ateliers. »
Il poursuit : « Mais sommes-nous encore dans un processus de nĂ©gociation ? On nous dit : si vous ne nĂ©gociez pas – c’est-Ă -dire si vous n’acceptez pas les dĂ©cisions de la communautĂ© internationale — vous aurez l’OTAN par en haut (les bombes), tandis que si vous nĂ©gociez, vous l’aurez par en bas (l’entrĂ©e des troupes terrestres). »
Ses rĂ©ponses sont symptomatiques de la maniĂšre dont les Serbes abordent la confĂ©rence Ă  venir : ils s’y rendront contraints et forcĂ©s, car ils auraient prĂ©fĂ©rĂ© continuer Ă  jouer la montre avec les navettes de Hill, et pressentent que rien de bon ne les attend. Ils ne sont pas encore prĂȘts Ă  un vrai compromis, et une Ă©ventuelle solution politique devra leur ĂȘtre imposĂ©e sous la menace. Or, le compromis attendu suppose la mise en place d’une pĂ©riode intĂ©rimaire Ă  l’issue de laquelle il faudra bien prendre de nouvelles dĂ©cisions. Sans volontĂ© de coopĂ©rer de bonne foi, cette pĂ©riode ne serait qu’un rĂ©pit pour les uns et les autres, et les affrontements reprendraient ensuite de plus belle. Le gouvernement espĂšre sans doute que d’ici lĂ , la communautĂ© internationale se sera dĂ©tournĂ©e de la question, et qu’il pourra la rĂ©gler Ă  sa guise, en tirant Ă©ventuellement les leçons des erreurs de l’annĂ©e 1998.
Nous passons aux « affaires courantes ». Je déplore que les médias nous soient toujours aussi hostiles.
« Ah bon ? s’étonne-t-il. Regardez-vous « PriĆĄtina TV” ? Il me semble que c’est mieux qu’à l’époque de la dĂ©cision d’exclusion de Walker. » J’hĂ©site Ă  lui dire que le journal quotidien de RTS1 est une Ă©preuve suffisamment rude pour que je ne m’en inflige pas une de plus avec le journal tĂ©lĂ©visĂ© de PriĆĄtina ; il m’est arrivĂ© par hasard de tomber dessus : il est sinistre, et il faut bien de la patience pour le regarder sans zapper. Je suis sĂ»r que mĂȘme chez les Serbes, il compte peu de fidĂšles.
Je passe ensuite Ă  la libertĂ© de circulation pour la MVK, en le mettant en garde : « Nous sommes lĂ  pour vĂ©rifier. Les violations des rĂ©solutions ne remettent pas directement en cause notre prĂ©sence. Mais il en va autrement du non-respect de l’accord Geremek-Jovanović : si nous ne pouvons inspecter d’un bout Ă  l’autre du pays, nous n’aurons plus de raison de rester. » Il est trop malin pour ne pas voir le danger : « Bien sĂ»r, bien sĂ»r ! Nous vous demandons seulement d’annoncer Ă  l’avance vos intentions, car dans la zone de la frontiĂšre, il y a du danger et nous sommes responsables de votre sĂ©curitĂ©. Soyez en contact rĂ©gulier avec les commandants et tout se passera bien. Nous n’avons rien Ă  cacher Ă  la frontiĂšre. »
Je rĂ©cuse la notion mĂȘme de zone d’interdiction de cinq kilomĂštres, et fais valoir que nos vĂ©hicules blindĂ©s nous mettent Ă  l’abri de la plupart des mauvaises surprises.
Enfin, j’aborde la question la plus dĂ©licate du moment, celle de la sortie par l’aĂ©roport de PriĆĄtina des dĂ©lĂ©guĂ©s de l’UÇK en route pour Rambouillet. Il a l’air d’ĂȘtre au courant, mais ne se « mouille » pas. « On verra, nous serons comprĂ©hensifs » dit-il.
En conclusion, il me demande ce que je pense de l’article qui vient de paraĂźtre sur lui dans le « Washington Post ». Bien qu’affectant de le prendre sur le mode de la plaisanterie, il est affectĂ© par les accusations gravissimes qui pĂšsent sur lui : l’auteur prĂ©tend que des conversations tĂ©lĂ©phoniques interceptĂ©es par les services amĂ©ricains Ă©tabl...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. SOMMAIRE
  6. Avant-propos
  7. Introduction
  8. PremiĂšre partie : L’arrivĂ©e
  9. DeuxiÚme partie : PremiÚres difficultés, premiers succÚs
  10. TroisiĂšme partie : La tourmente
  11. QuatriÚme partie : La négociation
  12. CinquiÚme partie : La débùcle
  13. Annexes
  14. ÉlĂ©ments chronologiques sur l’Histoire du Kosovo
  15. Définitions des noms et acronymes cités
  16. Index des noms et acronymes cités