JOSEPH DELTEIL & LES AUTRES
eBook - ePub

JOSEPH DELTEIL & LES AUTRES

  1. 276 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

À propos de ce livre

Joseph Delteil (1894-1978) est un écrivain français dont la trajectoire a été fortement marquée par un ensemble de rencontres faites à la croisée de milieux géographiques, linguistiques et culturels trèsdifférents. Ce sont ces rencontres que ce volume souhaite éclairer afin d'interroger les problématiques soulevées par l'œuvre de cet écrivain si singulier et de mettre en lumière son actualité.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à JOSEPH DELTEIL & LES AUTRES par Mathieu Gimenez,Marie-Françoise Lemonnier-Delpy en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Littérature et Linguistique. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Éditeur
Academia
Année
2020
ISBN de l'eBook
9782806123565

Deuxième partie

Delteil et ses modèles, ses disciples et ses frères

« La bande à Delteil »

Au jardin d’Épicure :
Delteil antique

Mathieu Gimenez
École Navale
Université de Picardie Jules Verne
CERCLL
Fortunatus et ille deos qui nuit agrestis, Panaque Siluanumque senem Nymphasque sorores !

Virgile, Géorgiques, Livre II.
Virgile utilise deux mots pour définir l’état de paysan dans les Géorgiques : « felix » et « fortunatus ». L’homme de la terre, pour Virgile, est celui qui connaît et le bonheur et la fortune. Et Delteil est de ces hommes dont les mains salies par la terre servent aussi à écrire, dont les pieds salis par le jus des raisins qu’on écrase servent aussi à « chanter ». Delteil et Virgile, donc, sont le point de départ de cette réflexion, une réflexion qui porte sur le chant du monde et sur l’idée de sagesse. La sagesse de Delteil trouve sa source pour une large part dans sa lecture assidue des auteurs de l’antiquité gréco-romaine : Héraclite, Virgile, Lucrèce, Horace, Ovide, Pythagore, Épictète, Aristophane ou encore Homère, tels sont notamment les auteurs avec lesquels l’imaginaire de Joseph Delteil dialogue dès le collège et jusqu’à ses derniers ouvrages. Allons jusqu’à dire qu’il est pétri de cette culture et que cela explique que l’on trouve nombre de mentions, citations et autres échos tout au long d’une œuvre qui s’écrit sur plus de cinquante ans.
Homme des bois certes, mais aussi homme des livres. Ces sages antiques, notre fort en thème audois les a pratiqués toute son adolescence au collège Saint Stanislas de Carcassonne, et tout porte à croire qu’il ne leur a pas totalement tourné le dos par la suite. Ils ont été pour lui une source d’inspiration et d’influences. Maryse Choisy, dans son essai Delteil tout nu ne dit-elle pas qu’un « écrivain est un parallélogramme d’influences, un résidu d’incarnations collées à la peau, à la chair, aux nerfs, un tiroir secret, plein d’atavismes, de coquillages intellectuels, d’écailles sentimentales, de reliquats, de stocks tendres et cruels » (Choisy 1930 : 99). Avec elle, je crois que l’homme est une mémoire et c’est cette mémoire que je souhaite interroger ici.
Mémoire épicurienne donc, chez Joseph Delteil, depuis Le Cœur grec jusqu’au Sacré Corps. Nous nous poserons trois questions : Que retient-il de cette philosophie ? Dans quelle mesure l’influence-t-elle ? Et enfin, la pensée de Joseph Delteil est-elle un art de vivre, une sagesse plus ou moins rudimentaire ou bien un système cohérent ? Nous cherchons ici à montrer que la présence de motifs et de critères épicuriens conduit Joseph Delteil à exprimer une pensée d’ordre politique, une conception du monde structurée et cohérente.
Nous retiendrons trois auteurs : Épicure et sa Lettre à Ménécée, Lucrèce et son De rerum natura et enfin Virgile, auteur des Bucoliques et des Géorgiques. Quant à Delteil, nous convoquerons l’ensemble de son œuvre. Quatre éléments retiendront particulièrement notre attention : la digestion, le repos, le chant du monde et la vie en société.

1. De la digestion

Si l’on devait résumer l’épicurisme, le plaisir serait le premier mot qui surgirait. Dans ses Fragments, Épicure annonce : « Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse ». Ce qu’Épicure appelle un plaisir constitutif, hêdone katastematikè, désigne un état de stabilité et d’équilibre de l’organisme vivant. Cet équilibre constitue la santé, ugieia, de ce même organisme vivant, condition du plaisir constitutif. Il y a plaisir dès lors que le jeu naturel des organes est équilibré, que l’équilibre physiologique est établi dans un être vivant. Et puisqu’il résulte de l’équilibre de la chair, katastéma tês sarkos, il s’agit d’un plaisir corporel dont la condition essentielle est l’alimentation. D’où le fait que dans l’épicurisme, la satisfaction du plaisir passe essentiellement par le ventre, gastêr. En effet, pour Épicure, la racine de tout plaisir est la satisfaction « du ventre », c’est-à-dire le plaisir que ressent le corps, lorsque celui-ci est satisfait dans ses besoins essentiels, ceux qu’on ne peut lui refuser sans le mettre en péril de mort. Or, le ventre et son corolaire la digestion sont des éléments constitutifs de l’imaginaire delteillien. Pour Joseph Delteil, la faim et l’appétit sont l’origine et le moteur du monde. François d’Assise s’exprime ainsi lors de son discours aux oiseaux : « -… Faim ? s’écria-t-il. Vous avez encore faim ? Bienheureuse la faim, mes frères, parce qu’elle est à l’origine du mouvement, et qu’elle est la vaste règle du monde. La faim engendre l’amour. » (Delteil 1961 : 619) La faim engendre l’amour. J’aime à retrouver dans cette phrase les principes d’Aristote : la sensation, le plaisir, la douleur, l’imagination et l’appétit forment le vaste ensemble des facultés de l’âme. Si la faim peut engendrer l’amour c’est parce qu’elle fait naître dans l’imagination de l’homme le désir, la convoitise, le besoin de l’autre : une autre chair, une autre nourriture, une autre pensée. Mais Joseph Delteil va plus loin et mêle alimentation, digestion et communion avec le monde. Et ce, au moins à deux reprises. Chez La Fayette d’abord, avec le combat de la couleuvre et du lézard :
Et dame couleuvre se met en mesure de l’avaler, de l’engloutir, toute la mâchoire béante décrochée, large repas torride de deux heures qui sera suivi d’une digestion de deux jours, d’une digestion éclatante et fantastique qui prend à la face du ciel le charme, le développement, la signification d’une sorte d’étrange bercement métaphysique et sacré… (Delteil 1928 : 39)
Puis une seconde fois dans La Cuisine paléolithique :
L’alimentation n’est que la respiration de l’estomac, une fonction, un jeu. L’homme mange comme le lion, la libellule, la dionée ou l’H2O. […] À ces naïves époques attraper un poisson était aussi important que de faire l’amour, et roupiller au soleil aussi savoureux que de lire Baudelaire. Entre la nature et la nature de l’homme il y a exquis métabolisme, entière transsubstantiation, par longueur d’onde, ambiance, osmose, sympathie, écho. D’où que la nourriture a double fonction, elle répond au rêve de notre âme comme à l’appétit de nos entrailles. Elle nourrit, mais aussi, mystérieusement, elle guérit. Voici que la proie prend le nom de Victime, et que la Victime sauve l’humanité. « Prenez et mangez, ceci est mon corps. » (Delteil 1964 : 14)
Métaphysique, sacré, mystère, transsubstantiation. Il est intéressant de remarquer que la pensée de Delteil est syncrétique avec, ici, le christianisme en arrière-plan. L’estomac permet ce moment où la matière se transforme en autre chose, soit incorporée soit rejetée, et l’on sait assez l’importance de ce mystère pour Delteil. Avaler et digérer réjouissent l’âme et le corps, unissent la matière et la pensée, abolissent la séparation de l’âme et du corps. La réalisation de ce plaisir permet de concilier ce qu’il y a de primitif et de sacré en l’homme. Jouissance supérieure car inscrite dans la mémoire, souvenir de joies passées prolongées dans le présent, c’est toute la philosophie de La Cuisine paléolithique.

2. De l’art de la sieste

La sieste est-elle une vertu épicurienne ? Deux exemples trouvés chez Lucrèce et Virgile peuvent nous intéresser ici. Le premier est un sage, peint au chant II du De rerum natura. Le second est sa copie, dans la première églogue des Bucoliques. Ces deux personnages, tels qu’ils sont peints par leurs auteurs, sont étendus à l’ombre d’un grand arbre, sur un tendre gazon. Une rivière coule, toute proche. L’un et l’autre font l’expérience de ce qu’Épicure appelait une laeta paupertas :
Il nous suffit du moins, étendus entre amis sur un tendre gazon, le long d’une eau courante, sous les branches d’un grand arbre, de pouvoir à peu de frais apaiser agréablement notre faim ; surtout quand le temps sourit, et que la saison parsème de fleurs les herbes verdoyantes. (Lucrèce 1984 : 62)
Mollement étendu sous l’ombre de ce hêtre, Tu reposes, Tityre, et sur ton chalumeau Tu charmes tes loisirs au son d’un air champêtre Qu’accompagne à son tour le murmure de l’eau. (Virgile 1960 : 24)
Le motif est intéressant car il est une mise en récit de l’objectif épicurien de plaisir simple et de sensualisme. C’est en atteignant l’ataraxie que l’on arrive au bonheur. Pourquoi Joseph Delteil retiendrait-il ce motif précis ? Saint Don Juan peut nous aider à comprendre. À la toute fin du roman, lorsque Don Juan/Joseph Delteil imagine le « Paradis des sensibles », il se représente un jardin « naïf et fabuleux », à la verdure luxuriante, « un Paradis de forêts vierges et de grands fleuves innocents, tout farci d’animaux souverains, de fleurs idéales, le pelage des bêtes et l’écaille des poissons s’y mariant ». Et dans cet espace, entouré de ses amis, parmi lesquels Giono, Montherlant, Claudel, Chagall, Maritain, il revivra la scène épicurienne type : « Nous nous chamaillerons parfois, et parfois nous communierons, telle est l’amitié ; on fera de belles siestes sur les terrasses de pins en contemplant les fourmis, curieux microcosmes. » (Delteil 1961 : 458) Cet exemple porte le témoignage de la volonté toute delteillienne de prôner une vie naturelle, la vraie vie, celle que mènent les sages à l’esprit en paix, à l’équilibre dont nous parlions plus haut. Et les sages pour Delteil, ce sont les bergers et les paysans de Pieusse, ceux qui, selon Virgile, connaissent le vrai bonheur : « Felix qui potuit rerum cognoscere causas »1 nous annoncent les Géorgiques. « Fortunatus et ille deos qui nuit agrestis, Panaque Siluanumque senem Nymphasque sorores ! » dit-il encore. Cette représentation du paysan heureux (felix), c’est celle de l’homme qui connaît les causes et qui de fait ne craint pas la mort. Il a de la chance, il est fortunatus, celui qui connaît les dieux agrestes, Pan, Sylvain, les Nymphes… En bon épicurien, il divinise la nature dans ses formes les plus humbles, et jouit du symbole. La « fortune » s’associe à la contemplation. Est fortuné celui qui contemple le monde et jouit de sa contemplation. Pour Delteil comme pour Virgile, la contemplation est indissociable d’une transformation spirituelle. L’esprit donne vie au grand Tout, de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Perspective panthéiste héritée d’Épicure et que Delteil met en scène.

3. Du chant du monde

L’auteur des Bucoliques et des Géorgiques est cité à deux reprises dans Le Cœur grec et un poème du Cygne androgyne lui est consacré. Dans Choléra il est présenté comme étant « le divin Virgile ». Et c’est encore l’épitaphe de Virgile qui est choisie en exergue à l’anthologie En Robe des champs : « Cecini, pascua, rura, duces », à savoir « j’ai chanté les héros, les champs et les bergers ». Voici le portrait que Joseph Delteil donne de lui dans ses poèmes :
Il prend dans la nature une leçon secrète,
Interroge la terre, et s’initie aux lois
Qui gonflent sous l’écorce un désir de conquêtes. (Delteil 1921 : 13)
Virgile est celui qui, comme Joseph Delteil, cherche des réponses en auscultant le monde, en examinant attentivement chaque chose pour y trouver une leçon. Vertu didactique d’une œuvre écrite pour donner à voir un monde éloigné des villes, éloigné des littérateurs. Virgile partage avec Delteil ce rapport au monde et à l’œuvre : « la nature nous dépasse » dit-il, et nou...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Au cœur des textes
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Dédicace
  7. Remerciements
  8. Introduction
  9. Première partie – Delteil et ses milieux : Paris et le Midi « Une saison parisienne »
  10. Delteil & ses milieux Delteil et le Midi
  11. Deuxième partie – Delteil et ses modèles, ses disciples et ses frères « La bande à Delteil »
  12. Troisième partie – Delteil intermédiatique « À printemps et à contretemps »
  13. Notices bio-bibliographiques des contributeurs
  14. Table des matières