
- 190 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Epiphanie
Ă propos de ce livre
«On ne fait jamais son deuil d'une mĂšre, je crois. On la porte en soi comme elle nous a portĂ©. On enfante de sa mort, dans un corps recréé, visitĂ© par ce que l'on a cru percevoir au moment de son dĂ©part.Tout s'entremĂȘle, tout est liĂ©.Commencer par la fin me donne envie de te redonner vie, comme une conteuse le ferait Ă partir de ce qu'elle a entendu, reçu, avec mes mots, mon histoire, ce que tu m'as racontĂ©, ce que tu as omis, ce qui m'a Ă©chappĂ© et ce qui me reste de ton passage.»Un premier livre tout en pudeur, adressĂ© aux mĂšres toujours trop tĂŽt disparues.
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Sujet
Sciences socialesSujet
Sociologie1.
Tout est parti de lĂ .
De ton corps, ramassĂ© sur lui-mĂȘme, recroquevillĂ© sous les draps, de ta peau si fine quâelle laissait voir lâarborescence des veines, de ton souffle court et saccadĂ©, de tes efforts surhumains pour laisser entrer un peu dâair dans tes poumons asphyxiĂ©s, de ta tĂȘte rase oĂč quelques cheveux gris repoussaient, de tes yeux fermĂ©s sur ton visage amaigriâŠ
Câest Ă tes cĂŽtĂ©s, dans cette fin annoncĂ©e, que quelque chose a commencĂ©.
Je crois que je peux lâĂ©crire ainsi, « quelque chose a commencé », sâest manifestĂ©. Dans lâair saturĂ© par la pesanteur, je sentais quâune part de toi se dĂ©tachait petit Ă petit, lĂ©gĂšre et frĂȘle.
Tout Ă©tait liĂ©, entremĂȘlĂ©.
Commencer par la fin.
Nous Ă©tions trois, papa, ma sĆur et moi autour de ton lit.
Nous avions renvoyĂ© enfants et maris pour vivre ces derniers instants dans lâintimitĂ© de cette cellule recréée, cette famille Ă quatre Ă laquelle tu tenais tant. Elle nous avait tant servi dâappui, de navire. Ses voiles avaient Ă©tĂ© mille fois raccommodĂ©es, rĂ©parĂ©es au fil des tempĂȘtes et des courants.
Nous assistions au miracle dâune vie qui ne tient plus quâĂ un fil, quâĂ un souffle, Ă cette Ă©nergie dĂ©ployĂ©e pour rester encore quelques instants.
Le temps sâĂ©tait comme suspendu.
Nous aurions pu ĂȘtre le soir alors que la lueur matinale venait tout juste de poindre.
Le silence avait pris place.
Nous poursuivions, chacun dans nos pensĂ©es, des routes sĂ©parĂ©es, sur la rive, en regardant lâembarcation fragile sâĂ©loigner.
Nous savions, et je me dis que toi aussi, tu sentais lâheure proche des adieux.
Une larme avait perlĂ© sur ton visage la veille ou peut-ĂȘtre le jour dâavant.
Je lâavais recueillie comme le plus douloureux des prĂ©sages.
On croit connaĂźtre lâavenir, il nous Ă©chappe toujours.
Ce qui se vit, se vit dans le présent.
Tu ressemblais Ă une nouvelle nĂ©e dans ce corps qui avait rĂ©trĂ©ci. Tu nâoccupais plus quâun tout petit espace dans ce lit devenu trop grand.
Tu Ă©tais retournĂ©e Ă lâenfance.
Cette image me bouleversait. Encore aujourdâhui, elle est lĂ , prĂ©sente.
Comme il est fort ce mouvement de revenir au moment de partir.
Revenir Ă quoi, Ă ce que lâon a Ă©tĂ© avant, Ă ce que lâon aurait pu ĂȘtre, Ă ce quâon aurait aimé ?
Tu tâenfonçais petit Ă petit dans la terre au moment de tâĂ©lever et nous ne pouvions te suivre, ça aussi je lâai rĂ©alisĂ©.
Comme chaque matin de chaque nouveau jour, dans ce temps qui sâĂ©grainait ainsi depuis ton retour Ă la maison, deux femmes, deux soignantes sont arrivĂ©es pour faire ta toilette, te laver, te parfumer. Elles avaient le geste sĂ»r et dĂ©licat de celles qui connaissent.
Ce jour-là , tu as juste attendu que nous nous éloignions de quelques pas.
Jâavais enfoncĂ© des Ă©couteurs sur mes oreilles, je mâĂ©tais isolĂ©e un peu du bruit de ta respiration, de tes poumons qui halĂštent.
Soudain, une parole, quelques mots, ceux de mon pĂšre que jâai lus comme une sourde sur ses lĂšvres, une main peut ĂȘtre sur lâĂ©paule, je ne me souviens pas.
« Câest fini. »
Tu étais partie comme ça dans un soupir, entre les bras de deux étrangÚres.
Je nâavais rien vu, rien entendu de ton dĂ©part.
Jâai accouru vers ton corps et me suis Ă©criĂ©e. Je ne cessais de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes mots, la mĂȘme phrase, comme une litanie : « Elle est partie vers la lumiĂšre. »
En les profĂ©rant haut et fort, je voulais conjurer le sort qui te faisait tâenfoncer dans les tĂ©nĂšbres, entendre mes paroles, ma voix tâaccompagner encore un peu. Je voulais allumer une veilleuse dans une chambre noire, comme une enfant apeurĂ©e. La troisiĂšme personne du singulier me permettait juste de me tenir encore un peu Ă lâĂ©cart de ce qui venait de se passer.
Ma sĆur criait sa douleur, mon pĂšre pleurait.
Jâai vu ta gorge une derniĂšre fois se contracter et ce rĂ©flexe mâa fait peur. Ătait-il possible que tu reviennes Ă la vie, que lâagonie ne soit pas finie ?
Et puis tout sâest arrĂȘtĂ©, plus aucun bruit.
Un silence assourdissant a envahi la piĂšce.
Jâai demandĂ© aux deux femmes qui sâĂ©taient mises en retrait si on pouvait tâallonger quelques instants sur le cĂŽtĂ© droit ; jâavais lu ça quelque part. JâĂ©tais soucieuse que ton Ăąme, que ton souffle de vie sâen aille correctement, par cette fente qui sâĂ©tait Ă nouveau creusĂ©e, au milieu de ton crĂąne.
Ătrangement, tu avais retrouvĂ© ta fontanelle au moment de perdre la vie. Elle Ă©tait visible au sommet de ta tĂȘte, fragile membrane entre tes deux hĂ©misphĂšres.
Câest cette proximitĂ© entre fin et dĂ©but qui mâa tant retournĂ©e, qui a converti mon regard.
Gestation, agonie, nouveau-né, jour du grand départ.
Il sâest passĂ© neuf mois entre la dĂ©couverte de la maladie qui allait tâemporter et le jour oĂč tu as choisi de partir car, de ça aussi, je suis habitĂ©e. Au milieu de ce qui tâaccablait, tu es restĂ©e actrice de cette vie, jusquâau bout, jusquâau moment de la quitter.
Cette date comme celle de ta naissance est désormais gravée sur la pierre tombale.
Tu es nĂ©e un 11 mars, tu es partie le jour de lâĂpiphanie. « Epiphanie »⊠Il y a des mots, des noms qui rĂ©veillent la mĂ©moire.
Comme un clin dâĆil de la vie, jâavais appelĂ© mon premier ours en peluche, celui qui Ă©tait blanc avec le museau beige, de ce nom qui ressemblait tellement Ă celui dâune de mes amies. Jâen aimais la sonoritĂ© sans en comprendre le sens. « StĂ©phanie, Epiphanie », il suffisait de changer quelques syllabes. Sa seule prĂ©sence dans mon lit suffisait Ă me consoler. Jâenfouissais mon visage, mes pleurs et mes peurs dans son pelage blanc et lâinstant dâaprĂšs, jâĂ©tais apaisĂ©e. Je ressortais la tĂȘte de dessous les draps, jâaffrontais la nuit, rassurĂ©e.
Câest Ă une autre plongĂ©e obscure que tu nous as conviĂ©s en ce jour dâĂpiphanie. Je nâavais plus mon ours blanc, jâavais grandi. Il me fallait affronter seule tes yeux inexorablement fermĂ©s.
Quelque chose sâest manifestĂ© cependant, est apparu Ă cette date ; quelque chose quâon croyait fini a commencĂ©, pour chacun.
Plus rien ne nous était épargné, nous étions vulnérables.
Et câest cette vulnĂ©rabilitĂ© qui mâa fait naĂźtre aussi, une deuxiĂšme fois, dans une gestation qui a durĂ© de longs mois, bien aprĂšs que tu fus partie.
On ne fait jamais son deuil dâune mĂšre, je crois, on la porte en soi comme elle nous a portĂ©s. On enfante de sa mort, dans un corps recréé, visitĂ© par ce que lâon a cru percevoir au moment de son dĂ©part.
Tout sâentremĂȘle, tout est liĂ©.
Commencer par la fin me donne envie de te redonner vie, comme une conteuse le ferait Ă partir de ce quâelle a entendu, reçu, avec mes mots, mon histoire, ce que tu mâas racontĂ©, ce que tu as omis, ce qui mâa Ă©chappĂ© et ce qui me reste de ton passage.
Il ne sâagit pas pour moi de coller Ă la vĂ©ritĂ©, le pourrais-je seulement, mais de transformer la glaise en matiĂšre vivante, de crĂ©er Ă partir de ce que tu as laissĂ©, de chercher sous tes paupiĂšres closes ce qui tâa animĂ©e et tâa gardĂ©e vivante, de laisser une trace, la mienne de ce que tu as Ă©tĂ©. Je sens bien quâil y aura des allers et retours incessants entre ce que tu as Ă©tĂ© et ce que jâen raconterai, ce qui manquera toujours et ce que jâajouterai, ce qui sera rĂ©el et ce qui sera reconstruit.
Jâassume ce qui naĂźtra.
Il mâest devenu impĂ©rieux de transcrire, de retrouver dans mes mots incomplets, maladroits les inflexions de ta voix, comme dans le ventre qui mâa portĂ©e, Ă travers les parois. Alors, je rĂ©ponds oui, non sans apprĂ©hension Ă ce qui me tiendra Ă©veillĂ©e, Ă ce qui me fera Ă©crire. Jâen accepte dĂ©jĂ les imperfections, les maladresses.
Câest un chemin Ă rebours, sinueux fait de bosses et de trous que jâemprunterai.
Je vais, avec toi, retourner Ă la source, Ă la petite fontaine qui sâĂ©tait rouverte au sommet de ton crĂąne, au moment de partir. Je laisserai sâĂ©couler la vie par cette brĂšche qui ne sâest jamais complĂštement refermĂ©e et je me laisserai guider au fil des mots, dans la trame de ta vie.
2.
Quand je pense Ă ta naissance, câest de plain-pied que je te vois entrer dans la vie, avec force et fracas, la bouche grande ouverte, dans un cri.
Tu tâes extraite seule des entrailles de ta mĂšre, tu tâes frayĂ© un passage pour sortir du ventre de celle qui en Ă©tait dĂ©jĂ Ă son quatriĂšme enfantement. De ces trois prĂ©cĂ©dentes grossesses, il ne restait quâune fille, la premiĂšre. Les deux autres Ă©taient morts. Dâeux, il ne restait que des prĂ©noms et le chevrotement dans la voix de celle qui aurait du mal Ă se faire appeler maman.
Pour faire entendre que tu Ă©tais bien lĂ , le cordon une fois desserrĂ© de ton cou quâil Ă©tranglait, tu as hurlĂ©, au milieu des glaires et du sang pour faire rĂ©sonner ta voix de nouvelle nĂ©e.
Je tâimagine le visage tout fripĂ©, les yeux Ă demi ouverts, gigotant sur le drap quâon avait dĂ©pliĂ© pour te dĂ©poser et, dans ce tableau, ta mĂšre disparait⊠Elle nâentend pas les cris de sa vivante. Elle devrait pourtant ĂȘtre lĂ , Ă lâautre bout du cordon.
Mais elle est absente.
Quelques mois sâĂ©taient Ă©coulĂ©s depuis la mort de son pĂšre. En tous cas, câest ce que tu mâas racontĂ©.
Il y a eu ses enfants et celui qui lâa engendrĂ©. Trop certainement pour un ĂȘtre, dĂ©jĂ , que remplissait la tristesse. Sur les photos, jamais on ne la voit rire Ă gorge dĂ©ployĂ©e. Un lĂ©ger sourire, juste pour la pose, et puis tout sâen vaâŠ
Un visage qui aurait pu ĂȘtre beau sâil sâĂ©tait dĂ©ployĂ©.
Ă lâinverse, tout en toi Ă©tait ouvert. Des pommettes saillantes, une bouche large et gĂ©nĂ©reuse, des petits yeux lĂ©gĂšrement bridĂ©s qui te donneront toujours cette apparence dâĂȘtre venue dâailleurs, dâun autre monde, dâune autre contrĂ©e. De tous tes frĂšres et sĆur, de ceux qui viendront aprĂšs, tu seras la plus marquĂ©e par lâhĂ©ritage du pĂšre, par son sĂ©jour en terre indochinoise, par ce quâil en racontait, par ce quâil y avait laissĂ©. Tu portais les stigmates du passĂ©. Il te faudra longtemps pour tâen dĂ©gager.
De cette singularitĂ©, tu ne mâas rien laissĂ©. De cette beautĂ© Ă©trangĂšre, je nâai rien gardĂ©.
Je ressemble Ă mon pĂšre. Et en ça, peut-ĂȘtre, suis-je proche de toi, moi, ta premiĂšre nĂ©e.
Je reviens Ă cette chambre oĂč tu as dĂ©barquĂ©. Car le mot est peut-ĂȘtre celui-lĂ , comme on dĂ©barque sur une terre lointaine aprĂšs un voyage Ă©prouvant dans les soutes dâun bateau. Câest comme ça que jâimagine ton sĂ©jour dans le ventre de ta mĂšre. Suffocant, sombre, empli dâodeurs et de suintements, de bruits dâĂ©coulements. Comme tu devais avoir hĂąte de sortir de lĂ -dedans !
La lĂ©gende raconte que tu es nĂ©e dans un baraquement. Sur le chantier oĂč travaillait ton pĂšre, tes parents et ta sĆur logeaient dans une cabane de tĂŽle, ouverte aux quatre vents. Câest peut-ĂȘtre ça que tu es venue chercher en tâextr...
Table des matiĂšres
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Dédicace
- Exergue
- 1.
- 2.
- 3.
- 4.
- 5.
- 6.
- 7.
- 8.
- 9.
- 10.
- 11.
- 12.
- 13.
- 14.
- 15.
- 16.
- 17.
- 18.
- 19.
- 20.
- 21.
- 22.
- REMERCIEMENTS