Epiphanie
eBook - ePub

Epiphanie

  1. 190 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Epiphanie

À propos de ce livre

«On ne fait jamais son deuil d'une mĂšre, je crois. On la porte en soi comme elle nous a portĂ©. On enfante de sa mort, dans un corps recréé, visitĂ© par ce que l'on a cru percevoir au moment de son dĂ©part.Tout s'entremĂȘle, tout est liĂ©.Commencer par la fin me donne envie de te redonner vie, comme une conteuse le ferait Ă  partir de ce qu'elle a entendu, reçu, avec mes mots, mon histoire, ce que tu m'as racontĂ©, ce que tu as omis, ce qui m'a Ă©chappĂ© et ce qui me reste de ton passage.»Un premier livre tout en pudeur, adressĂ© aux mĂšres toujours trop tĂŽt disparues.

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Informations

Éditeur
Fauves editions
Année
2020
ISBN de l'eBook
9791030218008

1.

Tout est parti de lĂ .
De ton corps, ramassĂ© sur lui-mĂȘme, recroquevillĂ© sous les draps, de ta peau si fine qu’elle laissait voir l’arborescence des veines, de ton souffle court et saccadĂ©, de tes efforts surhumains pour laisser entrer un peu d’air dans tes poumons asphyxiĂ©s, de ta tĂȘte rase oĂč quelques cheveux gris repoussaient, de tes yeux fermĂ©s sur ton visage amaigri

C’est Ă  tes cĂŽtĂ©s, dans cette fin annoncĂ©e, que quelque chose a commencĂ©.
Je crois que je peux l’écrire ainsi, « quelque chose a commencé », s’est manifestĂ©. Dans l’air saturĂ© par la pesanteur, je sentais qu’une part de toi se dĂ©tachait petit Ă  petit, lĂ©gĂšre et frĂȘle.
Tout Ă©tait liĂ©, entremĂȘlĂ©.
Commencer par la fin.
Nous Ă©tions trois, papa, ma sƓur et moi autour de ton lit.
Nous avions renvoyĂ© enfants et maris pour vivre ces derniers instants dans l’intimitĂ© de cette cellule recréée, cette famille Ă  quatre Ă  laquelle tu tenais tant. Elle nous avait tant servi d’appui, de navire. Ses voiles avaient Ă©tĂ© mille fois raccommodĂ©es, rĂ©parĂ©es au fil des tempĂȘtes et des courants.
Nous assistions au miracle d’une vie qui ne tient plus qu’à un fil, qu’à un souffle, Ă  cette Ă©nergie dĂ©ployĂ©e pour rester encore quelques instants.
Le temps s’était comme suspendu.
Nous aurions pu ĂȘtre le soir alors que la lueur matinale venait tout juste de poindre.
Le silence avait pris place.
Nous poursuivions, chacun dans nos pensĂ©es, des routes sĂ©parĂ©es, sur la rive, en regardant l’embarcation fragile s’éloigner.
Nous savions, et je me dis que toi aussi, tu sentais l’heure proche des adieux.
Une larme avait perlĂ© sur ton visage la veille ou peut-ĂȘtre le jour d’avant.
Je l’avais recueillie comme le plus douloureux des prĂ©sages.
On croit connaĂźtre l’avenir, il nous Ă©chappe toujours.
Ce qui se vit, se vit dans le présent.
Tu ressemblais Ă  une nouvelle nĂ©e dans ce corps qui avait rĂ©trĂ©ci. Tu n’occupais plus qu’un tout petit espace dans ce lit devenu trop grand.
Tu Ă©tais retournĂ©e Ă  l’enfance.
Cette image me bouleversait. Encore aujourd’hui, elle est lĂ , prĂ©sente.
Comme il est fort ce mouvement de revenir au moment de partir.
Revenir Ă  quoi, Ă  ce que l’on a Ă©tĂ© avant, Ă  ce que l’on aurait pu ĂȘtre, Ă  ce qu’on aurait aimé ?
Tu t’enfonçais petit Ă  petit dans la terre au moment de t’élever et nous ne pouvions te suivre, ça aussi je l’ai rĂ©alisĂ©.
Comme chaque matin de chaque nouveau jour, dans ce temps qui s’égrainait ainsi depuis ton retour Ă  la maison, deux femmes, deux soignantes sont arrivĂ©es pour faire ta toilette, te laver, te parfumer. Elles avaient le geste sĂ»r et dĂ©licat de celles qui connaissent.
Ce jour-là, tu as juste attendu que nous nous éloignions de quelques pas.
J’avais enfoncĂ© des Ă©couteurs sur mes oreilles, je m’étais isolĂ©e un peu du bruit de ta respiration, de tes poumons qui halĂštent.
Soudain, une parole, quelques mots, ceux de mon pĂšre que j’ai lus comme une sourde sur ses lĂšvres, une main peut ĂȘtre sur l’épaule, je ne me souviens pas.
« C’est fini. »
Tu étais partie comme ça dans un soupir, entre les bras de deux étrangÚres.
Je n’avais rien vu, rien entendu de ton dĂ©part.
J’ai accouru vers ton corps et me suis Ă©criĂ©e. Je ne cessais de rĂ©pĂ©ter les mĂȘmes mots, la mĂȘme phrase, comme une litanie : « Elle est partie vers la lumiĂšre. »
En les profĂ©rant haut et fort, je voulais conjurer le sort qui te faisait t’enfoncer dans les tĂ©nĂšbres, entendre mes paroles, ma voix t’accompagner encore un peu. Je voulais allumer une veilleuse dans une chambre noire, comme une enfant apeurĂ©e. La troisiĂšme personne du singulier me permettait juste de me tenir encore un peu Ă  l’écart de ce qui venait de se passer.
Ma sƓur criait sa douleur, mon pùre pleurait.
J’ai vu ta gorge une derniĂšre fois se contracter et ce rĂ©flexe m’a fait peur. Était-il possible que tu reviennes Ă  la vie, que l’agonie ne soit pas finie ?
Et puis tout s’est arrĂȘtĂ©, plus aucun bruit.
Un silence assourdissant a envahi la piĂšce.
J’ai demandĂ© aux deux femmes qui s’étaient mises en retrait si on pouvait t’allonger quelques instants sur le cĂŽtĂ© droit ; j’avais lu ça quelque part. J’étais soucieuse que ton Ăąme, que ton souffle de vie s’en aille correctement, par cette fente qui s’était Ă  nouveau creusĂ©e, au milieu de ton crĂąne.
Étrangement, tu avais retrouvĂ© ta fontanelle au moment de perdre la vie. Elle Ă©tait visible au sommet de ta tĂȘte, fragile membrane entre tes deux hĂ©misphĂšres.
C’est cette proximitĂ© entre fin et dĂ©but qui m’a tant retournĂ©e, qui a converti mon regard.
Gestation, agonie, nouveau-né, jour du grand départ.
Il s’est passĂ© neuf mois entre la dĂ©couverte de la maladie qui allait t’emporter et le jour oĂč tu as choisi de partir car, de ça aussi, je suis habitĂ©e. Au milieu de ce qui t’accablait, tu es restĂ©e actrice de cette vie, jusqu’au bout, jusqu’au moment de la quitter.
Cette date comme celle de ta naissance est désormais gravée sur la pierre tombale.
Tu es nĂ©e un 11 mars, tu es partie le jour de l’Épiphanie. « Epiphanie »  Il y a des mots, des noms qui rĂ©veillent la mĂ©moire.
Comme un clin d’Ɠil de la vie, j’avais appelĂ© mon premier ours en peluche, celui qui Ă©tait blanc avec le museau beige, de ce nom qui ressemblait tellement Ă  celui d’une de mes amies. J’en aimais la sonoritĂ© sans en comprendre le sens. « StĂ©phanie, Epiphanie », il suffisait de changer quelques syllabes. Sa seule prĂ©sence dans mon lit suffisait Ă  me consoler. J’enfouissais mon visage, mes pleurs et mes peurs dans son pelage blanc et l’instant d’aprĂšs, j’étais apaisĂ©e. Je ressortais la tĂȘte de dessous les draps, j’affrontais la nuit, rassurĂ©e.
C’est Ă  une autre plongĂ©e obscure que tu nous as conviĂ©s en ce jour d’Épiphanie. Je n’avais plus mon ours blanc, j’avais grandi. Il me fallait affronter seule tes yeux inexorablement fermĂ©s.
Quelque chose s’est manifestĂ© cependant, est apparu Ă  cette date ; quelque chose qu’on croyait fini a commencĂ©, pour chacun.
Plus rien ne nous était épargné, nous étions vulnérables.
Et c’est cette vulnĂ©rabilitĂ© qui m’a fait naĂźtre aussi, une deuxiĂšme fois, dans une gestation qui a durĂ© de longs mois, bien aprĂšs que tu fus partie.
On ne fait jamais son deuil d’une mĂšre, je crois, on la porte en soi comme elle nous a portĂ©s. On enfante de sa mort, dans un corps recréé, visitĂ© par ce que l’on a cru percevoir au moment de son dĂ©part.
Tout s’entremĂȘle, tout est liĂ©.
Commencer par la fin me donne envie de te redonner vie, comme une conteuse le ferait Ă  partir de ce qu’elle a entendu, reçu, avec mes mots, mon histoire, ce que tu m’as racontĂ©, ce que tu as omis, ce qui m’a Ă©chappĂ© et ce qui me reste de ton passage.
Il ne s’agit pas pour moi de coller Ă  la vĂ©ritĂ©, le pourrais-je seulement, mais de transformer la glaise en matiĂšre vivante, de crĂ©er Ă  partir de ce que tu as laissĂ©, de chercher sous tes paupiĂšres closes ce qui t’a animĂ©e et t’a gardĂ©e vivante, de laisser une trace, la mienne de ce que tu as Ă©tĂ©. Je sens bien qu’il y aura des allers et retours incessants entre ce que tu as Ă©tĂ© et ce que j’en raconterai, ce qui manquera toujours et ce que j’ajouterai, ce qui sera rĂ©el et ce qui sera reconstruit.
J’assume ce qui naütra.
Il m’est devenu impĂ©rieux de transcrire, de retrouver dans mes mots incomplets, maladroits les inflexions de ta voix, comme dans le ventre qui m’a portĂ©e, Ă  travers les parois. Alors, je rĂ©ponds oui, non sans apprĂ©hension Ă  ce qui me tiendra Ă©veillĂ©e, Ă  ce qui me fera Ă©crire. J’en accepte dĂ©jĂ  les imperfections, les maladresses.
C’est un chemin à rebours, sinueux fait de bosses et de trous que j’emprunterai.
Je vais, avec toi, retourner Ă  la source, Ă  la petite fontaine qui s’était rouverte au sommet de ton crĂąne, au moment de partir. Je laisserai s’écouler la vie par cette brĂšche qui ne s’est jamais complĂštement refermĂ©e et je me laisserai guider au fil des mots, dans la trame de ta vie.

2.

Quand je pense à ta naissance, c’est de plain-pied que je te vois entrer dans la vie, avec force et fracas, la bouche grande ouverte, dans un cri.
Tu t’es extraite seule des entrailles de ta mĂšre, tu t’es frayĂ© un passage pour sortir du ventre de celle qui en Ă©tait dĂ©jĂ  Ă  son quatriĂšme enfantement. De ces trois prĂ©cĂ©dentes grossesses, il ne restait qu’une fille, la premiĂšre. Les deux autres Ă©taient morts. D’eux, il ne restait que des prĂ©noms et le chevrotement dans la voix de celle qui aurait du mal Ă  se faire appeler maman.
Pour faire entendre que tu Ă©tais bien lĂ , le cordon une fois desserrĂ© de ton cou qu’il Ă©tranglait, tu as hurlĂ©, au milieu des glaires et du sang pour faire rĂ©sonner ta voix de nouvelle nĂ©e.
Je t’imagine le visage tout fripĂ©, les yeux Ă  demi ouverts, gigotant sur le drap qu’on avait dĂ©pliĂ© pour te dĂ©poser et, dans ce tableau, ta mĂšre disparait
 Elle n’entend pas les cris de sa vivante. Elle devrait pourtant ĂȘtre lĂ , Ă  l’autre bout du cordon.
Mais elle est absente.
Quelques mois s’étaient Ă©coulĂ©s depuis la mort de son pĂšre. En tous cas, c’est ce que tu m’as racontĂ©.
Il y a eu ses enfants et celui qui l’a engendrĂ©. Trop certainement pour un ĂȘtre, dĂ©jĂ , que remplissait la tristesse. Sur les photos, jamais on ne la voit rire Ă  gorge dĂ©ployĂ©e. Un lĂ©ger sourire, juste pour la pose, et puis tout s’en va

Un visage qui aurait pu ĂȘtre beau s’il s’était dĂ©ployĂ©.
À l’inverse, tout en toi Ă©tait ouvert. Des pommettes saillantes, une bouche large et gĂ©nĂ©reuse, des petits yeux lĂ©gĂšrement bridĂ©s qui te donneront toujours cette apparence d’ĂȘtre venue d’ailleurs, d’un autre monde, d’une autre contrĂ©e. De tous tes frĂšres et sƓur, de ceux qui viendront aprĂšs, tu seras la plus marquĂ©e par l’hĂ©ritage du pĂšre, par son sĂ©jour en terre indochinoise, par ce qu’il en racontait, par ce qu’il y avait laissĂ©. Tu portais les stigmates du passĂ©. Il te faudra longtemps pour t’en dĂ©gager.
De cette singularitĂ©, tu ne m’as rien laissĂ©. De cette beautĂ© Ă©trangĂšre, je n’ai rien gardĂ©.
Je ressemble Ă  mon pĂšre. Et en ça, peut-ĂȘtre, suis-je proche de toi, moi, ta premiĂšre nĂ©e.
Je reviens Ă  cette chambre oĂč tu as dĂ©barquĂ©. Car le mot est peut-ĂȘtre celui-lĂ , comme on dĂ©barque sur une terre lointaine aprĂšs un voyage Ă©prouvant dans les soutes d’un bateau. C’est comme ça que j’imagine ton sĂ©jour dans le ventre de ta mĂšre. Suffocant, sombre, empli d’odeurs et de suintements, de bruits d’écoulements. Comme tu devais avoir hĂąte de sortir de lĂ -dedans !
La lĂ©gende raconte que tu es nĂ©e dans un baraquement. Sur le chantier oĂč travaillait ton pĂšre, tes parents et ta sƓur logeaient dans une cabane de tĂŽle, ouverte aux quatre vents. C’est peut-ĂȘtre ça que tu es venue chercher en t’extr...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Dédicace
  6. Exergue
  7. 1.
  8. 2.
  9. 3.
  10. 4.
  11. 5.
  12. 6.
  13. 7.
  14. 8.
  15. 9.
  16. 10.
  17. 11.
  18. 12.
  19. 13.
  20. 14.
  21. 15.
  22. 16.
  23. 17.
  24. 18.
  25. 19.
  26. 20.
  27. 21.
  28. 22.
  29. REMERCIEMENTS