
eBook - ePub
Première ligne
Journal d'un service d'aide à domicile durant le confinement
- 168 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
«Dans ce récit, pas de tirade, pas de concept qui brille, pas de théorie. Je voulais vous embarquer dans notre vraie vie. Je voulais vous crier notre réalité: les incommensurables galères, notre desarroi, nos peurs, nos fiertés et notre détermination aussi. Nous étions là, nous n'avons abandonné personne. Les services d'aide et d'accompagnement à domicile ont pris soin pour la Nation de tous les fragiles isolés.»
Foire aux questions
Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
- Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
- Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Première ligne par Dafna Mouchenik en format PDF et/ou ePUB. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
Informations
Éditeur
Fauves editionsAnnée
2020ISBN de l'eBook
97910302179021
La stratégie
Faut que j’essaie de me rappeler quand tout ça a commencé, quand ça a commencé vraiment. Une chose est sûre, c’est que je n’ai pas vu le truc arriver, mais alors pas du tout. Il faut dire qu’on était déjà bien rétamés par la grève des transports de décembre. Ça avait été tellement difficile à gérer qu’on pensait que rien de plus dur ne pouvait nous tomber dessus. Vous imaginez, assurer toilettes, repas, change auprès de vieux Parisiens quand les trois quarts des aides à domicile vivent en banlieue alors même qu’il n’y a ni métro, ni bus, ni RER ? Plusieurs d’entre elles n’avaient pas pu venir jusqu’à nous, d’autres se levaient à 5 h du matin pour partir à 6 h pour être certaines de pouvoir commencer à 9 h. Il avait fallu prioriser les interventions pour assurer les remplacements auprès de ceux qui en avaient le plus besoin, remettre à une autre fois l’entretien du domicile de Madame Propre pour assurer le repas de Madame Fragile. Nous avions bossé comme des dingues pour réorganiser les plannings, les auxiliaires de vie avaient fait autant de marche à pied que de temps passé auprès des gens, nous avions perdu un fric fou au passage, mais nous n’avions laissé tomber personne. Pourtant, ce qui nous avait paru être une épreuve en soit n’était en réalité qu’une sorte d’entraînement, une préparation improvisée à ce qu’un service d’aide à domicile ni aucun autre service médicosocial n’avait eu encore à surmonter.
C’est le 28 février que j’ai reçu le premier message du conseil départemental. Il disait, dans les grandes lignes : « À ce jour, il n’y a pas d’épidémie liée au Coronavirus SARS-CoV-2 en France et la stratégie (oui, oui, il y en avait une) consiste à freiner la diffusion du virus ». Je vous parle du département parce que c’est en quelque sorte le boss des services d’aide à domicile. Son job, sa vocation première, c’est d’organiser la solidarité humaine sur son territoire, alors, forcément, pour ça, il a notamment besoin de mon service, de tous les services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Il m’indiquait, dans ce même message, qu’il était primordial de rappeler les mesures d’hygiène standard à mon équipe. Moi, ça me rassurait bien, j’avais déjà sensibilisé tout le monde. En pièce jointe, une jolie petite affichette qui disait encore de bien se laver les mains, de tousser et éternuer dans son coude, de jeter immédiatement nos mouchoirs en papier, tout ça tout ça. Moi, en bonne élève, je l’ai tout de suite imprimée et placardée partout, envoyée par mail aux auxiliaires de vie comme pour en faire un bouclier antigravité autour de mes locaux et de mes salariés.
Il me semble bien que dans ce même mail, était également demandé de recenser l’état de mon stock en masques, gel hydroalcoolique, gants et d’organiser le télétravail de mon équipe à chaque fois que c’était possible. Là, je me suis dit qu’en cas de complication, ça risquait sacrément de pédaler dans la semoule. Non parce que s’ils misaient sur nos stocks de matériel médical, on était dans la mouise. Les services d’aide à domicile n’ont jamais eu une telle réserve. S’il faut nous équiper, s’agirait de le faire maintenant parce qu’aujourd’hui, on est à poil.
Par acquit de conscience, je fais part de mon inquiétude. J’ai bien vu que ça en embête certains parce qu’une dame m’a répondu : « Il faut un contact rapproché, de moins de 1m-1,50 m, pendant plus de 15 minutes, pour être contaminant, ce qui n’est pas le cas des salariées qui font seulement du ménage, surtout si les règles d’hygiène standard sont appliquées. Je vous invite vivement à remplir notre enquête. »
Alors, comment vous dire qu’une aide à domicile, ça ne fait pas seulement le ménage ? Qu’elle est très souvent à moins d’un mètre des vieilles personnes que nous accompagnons ? Ou alors, qu’on m’explique comment réaliser une aide à la toilette en télétravail ou donner un repas en moins de cinq minutes.
Bon, allez, on ne va pas se fâcher pour une hypothétique épidémie. Au final, il ne se passera sûrement rien. J’ai mes petites affichettes placardées partout, j’ai alerté sur le fait que je n’avais pas d’autres stocks que nos bras et notre bonne volonté, nos autorités de tutelle sauront bien anticiper en cas de pépin. Faut savoir rester à sa place. Si même notre ministre de la Santé, il y a quelques semaines, nous assurait qu’il n’y avait pas lieu de flipper, pourquoi moi, petite directrice de service d’aide et d’accompagnement à domicile, devrais-je me faire plus de bile ?
2
La peur s’installe
Ça a quand même commencé à s’affoler sévère dans notre quotidien. Les gens, leur famille nous appelaient. Pour nous, pas de calme avant la tempête : « – Des masques, vous en avez ? Je ne veux personne chez ma mère si vous n’avez pas de masque ! – Ben y aura personne alors. Ça sert à rien de me crier dessus, Monsieur, des masques, nous n’en avons pas. Si vous arrivez à vous en procurer, je peux demander à l’aide à domicile d’en porter lorsqu’elle intervient auprès de votre maman. Que fait-on, Monsieur, en ce cas ? Je dis à l’aide à domicile de ne pas venir ? »
Juliette n’est là que depuis quelques mois, mais faut voir comme elle semble à l’aise dans le rôle qui est à présent le sien. Pas d’expérience particulière dans le social avant ça. Un bac littéraire, deux CAP coutures, un parcours atypique, le sentiment un peu étrange de ne pas être faite pour le monde qu’on lui propose. Elle se cherche, Juliette, elle ne se résigne pas, il y a mieux à espérer que ce qu’on lui présente de l’humanité. Dans quelque temps, elle partira. Elle me l’a dit déjà. Elle a pour projet de voyager. Elle est très branchée commerce équitable, agriculture responsable. Elle essaie tant que possible de mettre en adéquation conviction et action. Elle fait gaffe à ce qu’elle mange, elle recycle, lutte contre le gaspillage de toute sorte, refusant de participer à cette société de consommation. Elle aime la planète, Juliette, et moi, je la trouve chouette !
« – Je ne veux pas qu’elle rentre chez moi ! – Je comprends que vous ayez peur, mais si on ne vient pas, qui va vous faire vos courses ? » Des années que nous accompagnons cette dame, pas de famille, pas de proches autour d’elle pour prendre le relais si elle refuse de nous laisser entrer. « – Je regarde la télé, Habiba. Vous n’avez pas l’air de vous rendre compte que je peux en mourir moi, à cause des Chinois ! – Mais est-ce que vous avez encore de quoi manger ? Non parce que vous pouvez aussi mourir de faim. Vous savez ce qu’on va faire ? Favour ne va pas rentrer chez vous, vous allez juste lui donner des sous et la liste des courses. Elle fait vos achats et vous les rapporte sur le palier. C’est bien comme ça ? »
***
2 mars. Mélanie m’interpelle : « Dafna, J’ai vu que la situation était assez inquiétante dans l’Oise, dont la ville de Creil. On a plusieurs aides à domiciles qui y habitent, comment ça se passe ? On doit prendre des précautions particulières pour elles ? »
Mélanie est assistante sociale, nous travaillons ensemble depuis plusieurs années maintenant, un bonheur ! Une annonce en ligne sur Pôle Emploi, un entretien qui se passe bien et la voilà embauchée. Je ne la connaissais pas, elle ne m’était recommandée par personne, nous étions son premier job une fois son diplôme en poche. La seule véritable richesse d’un service comme le mien, c’est la qualité des gens qui en composent l’équipe. Parvenir à recruter les bonnes personnes est le plus difficile. Alors Mélanie qui signait son contrat de travail mi-décembre, c’était un peu mon cadeau de Noël 2015 !
Comment ça se passe ? Je n’en sais rien ! Je demande, j’interpelle. Elles sont trois à être concernées : Nafie, Mathilde, Catherine, des nanas super en plus, avec chacune un sacré planning et des gens qui ont vraiment besoin d’elles, ça va être une vraie galère de les remplacer comme ça au pied levé. Fouzia les appelle : « Vous allez bien ? Personne de malade autour de vous ? Est-ce que vous avez de la fièvre, des difficultés à respirer ? Non, aucun symptôme particulier ? Tant mieux ! Il vaut mieux ne pas prendre de risque pour les gens chez qui vous vous rendez. Restez chez vous aujourd’hui et demain le temps que nous ayons des consignes claires. Pas d’inquiétude, Dafna va bien vous compter vos deux jours même si vous ne travaillez pas. Je vous rappelle. Prenez soin de vous. » Que ferais-je sans Fouzia ! Ce service, nous l’avons ouvert ensemble il y a bientôt treize ans. Cette boîte, c’est autant la sienne que la mienne.
Je n’en mène pas large. J’ai bien essayé d’acheter des masques, mais il n’y en a nulle part. A priori, ça fait des semaines qu’ils sont en rupture de stock. Faut dire qu’ils sont pour la plupart fabriqués en Chine, alors… On focalise sur les masques, mais l’arme indispensable dans cette bataille, c’est aussi le gel hydroalcoolique, en rupture également. Moi, jusque-là, je n’ai jamais eu à devoir acheter un tel matériel. Le modèle économique d’un service d’aide à domicile ne permet pas de supporter pareille dépense. Ce sont les gens qui doivent fournir ce dont a besoin l’aide à domicile pour faire son travail, c’est convenu contractuellement.
***
Je renvoie ce mail au département sans savoir à quel point je disais vrai : « Bonjour, j’attire à nouveau votre attention sur le fait que les SAAD1 n’ont pas de stock de masques chirurgicaux. Il est urgent d’y remédier : masques et solutions hydroalcooliques vont bientôt être indispensables à nos interventions. »
1. Services d’aide et d’accompagnement à domicile.
3
Doctrine en matière de masques
3 mars. Message de l’ARS2 qui dit dans les grandes lignes : « Si vous avez des professionnels qu...
Table des matières
- Couverture
- 4ème de couverture
- Copyright
- Titre
- Dédicaces
- Préface. Pour dire tout simplement « Merci »
- Préambule. L’aide à domicile, l’invisible du médicosocial
- 1. La stratégie
- 2. La peur s’installe
- 3. Doctrine en matière de masques
- 4. Plus d’école
- 5. Annonce du confinement
- 6. La chasse aux masques
- 7. Service d’aide et d’accompagnement à domicile, véritable lien social
- 8. Une équipe en or !
- 9. Tout le monde veut nous aider
- 10. Courage
- 11. Faut recruter, et vite !
- 12. Des nouvelles de nous
- 13. On travaille comme des dingues pour perdre un fric fou !
- 14. Pour être protégé, bossons déguisés
- 15. Les invisibles, les aidants et nos parents
- 16. Prolongations
- 17. Un mot pour les aides à domicile
- 18. Maladresse
- 19. Prendre soin de celles qui prennent soin
- 20. Ça gronde !
- 21. La prime, un combat !
- 22. Salaud de patron
- 23. Un vrai travail d’équipe
- 24. Neuf semaines qu’on est en première ligne
- 25. On se compte et c’est notre liste qui gagne !
- 26. Tout recommence « normalement »
- 27. La loi Grand âge et autonomie, c’est maintenant !
- Remerciements
- Table des matières