Le scandale des assistantes maternelles
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Le scandale des assistantes maternelles

  1. 120 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le scandale des assistantes maternelles

À propos de ce livre

La situation des assistantes maternelles a de quoi indigner. PrivĂ©es de mĂ©decine du travail, gagnant parfois moins que le SMIC pour une durĂ©e de travail supĂ©rieure Ă  la durĂ©e lĂ©gale, elles se retrouvent dans une position de nĂ©o-domesticitĂ© et sont soumises Ă  des critĂšres de recrutement, de contrĂŽle et d'Ă©valuation instrumentalisĂ©s comme armes de domination. Le scandale est aussi que l'ensemble de ces conditions dĂ©valorisĂ©es soient mises en place et gĂ©rĂ©es par les pouvoirs publics, qui organisent ainsi une discrimination institutionnalisĂ©e. FondĂ© sur une enquĂȘte trĂšs documentĂ©e, ce livre constitue un plaidoyer pour amĂ©liorer le statut de tous ces professionnels qui contribuent au dĂ©veloppement et au bien-ĂȘtre de nos enfants.

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1. Une appellation dévalorisante

L’appellation mĂȘme de l’ass. mat. constitue un contresens et contient les germes du scandale, le langage et l’usage de termes inappropriĂ©s, voire dĂ©valorisants, n’étant jamais innocents.
Il convient tout d’abord de noter que l’ass. mat. n’est pas un assistant : il ne reçoit en effet quasiment aucune directive professionnelle au cours de sa journĂ©e de travail qu’il organise comme il l’entend dans un cadre donnĂ©. Si les parents employeurs peuvent donner quelques indications, celles-ci demeurent le plus souvent gĂ©nĂ©rales et l’organizing est bien le fait de l’employĂ©, qui dĂ©cide notamment du planning des tĂąches et des modalitĂ©s de rĂ©alisation. Et puis au fait, qui s’agirait-il d’assister ? On pense aux parents employeurs, mais la pĂ©riode oĂč justement ils emploient l’ass. mat. correspond Ă  celle oĂč ils ne peuvent plus endosser pleinement le rĂŽle de parents, devant le plus souvent assumer leurs fonctions d’actifs dans la sociĂ©tĂ©. La personne qui leur vient en aide n’est donc pas un assistant mais un supplĂ©ant. L’assistant de direction assiste le directeur en activitĂ©, l’assistant commercial le travail des agents et responsables commerciaux, l’assistant administratif le responsable administratif. L’ass. mat. n’assiste pas la mĂšre, ou les parents, qui ne peuvent ni agir, ni dĂ©cider mais seulement, en amont, donner des directives plus ou moins prĂ©cises : rĂ©gime alimentaire, traitements mĂ©dicaux
 en aucun cas dĂ©terminer les grandes lignes de ce que sera la vie de l’enfant que gĂšre pour eux leur salariĂ©. Le mot « gestion » n’est pas trĂšs beau appliquĂ© Ă  l’enfant, cependant, voilĂ  bien ce dont il s’agit : pendant les journĂ©es d’activitĂ© des employeurs, ces autres travailleurs ont Ă  gĂ©rer ‒ nous pourrions aussi dire « diriger » ‒ la vie de l’enfant pour le compte des parents.
Évacuons encore plus rapidement la rĂ©fĂ©rence genrĂ©e au rĂŽle de la mĂšre que sous-entend la dĂ©signation "assistante maternelle". Le salariĂ© est Ă©videmment au service des parents, et pas seulement de la mĂšre. On peut d’ailleurs imaginer que certains ass. mat. travaillent pour des pĂšres seuls, voire des couples d’hommes. Le sexisme doit ici ĂȘtre soulignĂ© car il correspond Ă  ce qui paraĂźt ĂȘtre la premiĂšre justification du peu de considĂ©ration dont bĂ©nĂ©ficient les assistantes maternelles d’un point de vue professionnel. Comme femmes, elles sont pensĂ©es comme naturellement mĂšres et faites pour savoir comment s’occuper des enfants en bas Ăąge. Le sexe est pour ainsi dire une compĂ©tence, Ă  ce point « naturelle » qu’elle n’est pas forcĂ©ment reprĂ©sentĂ©e comme rĂ©ellement professionnelle.
L’usage de l’expression « assistante maternelle » est donc doublement inappropriĂ©, mais c’est Ă©videmment le terme « nounou », employĂ© abusivement pour toute forme de garde d’enfant, dans l’économie formelle comme pour le travail au noir, au domicile de l’employĂ©e ou Ă  celui des parents, qui est sans doute le plus choquant. « Le terme « nounou » porte en lui-mĂȘme le mĂ©pris que la sociĂ©tĂ© voue Ă  ces femmes. SupposĂ©e ĂȘtre l’abrĂ©viation enfantine du mot « nourrice », cette appellation soumet d’emblĂ©e l’employĂ©e au monde et aux dĂ©sirs du jeune enfant. Comment une sociĂ©tĂ© peut-elle prendre au sĂ©rieux celles dont elle nomme le mĂ©tier de maniĂšre si rĂ©gressive ? », explique Caroline Ibos dans un ouvrage consacrĂ© aux assistantes parentales d’origine africaine1.
Comment, en effet, considĂ©rer la rĂ©alitĂ© professionnelle, complexe, de ces travailleurs, faite de compĂ©tences validĂ©es, de contrĂŽles, de contraintes et de responsabilitĂ©s considĂ©rables quand on utilise une telle appellation puĂ©rile ? Comme s’il s’agissait d’un job occasionnel, assimilable Ă  celui des baby-sitters ou de femmes qui nourrissent au sein (ou autrement) des bĂ©bĂ©s, en suivant l’étymologie de ce mot, diminutif de « nourrice ».
Or l’emploi de ce vocable est tellement banalisĂ© qu’il en devient, lui aussi, quasiment institutionnalisĂ©, comme en tĂ©moignent un certain nombre de sites Internet et d’entreprises de services dĂ©diĂ©s Ă  cette activitĂ©, notamment pour trouver une place de garde : www.nounou-top.fr, www.bebe-nounou.com, www.nounou-paris.fr, Les nounous de Paris, Ma nounou Ă  moi, etc. Les procĂ©dures de recrutement font ainsi la part belle Ă  ce langage rĂ©gressif. Un exemple parmi tant d’autres : un site de mise en relations professionnelles qui Ă©dite pour les abonnĂ©es des annonces intitulĂ©es « NOUNOU CHERCHE UN BOUT’CHOU » (www.bebe-nounou.fr). On ne peut que constater l’« infantilisation » de la parole, qui semble indiquer qu’il ne s’agit pas d’une activitĂ© professionnelle tout Ă  fait lĂ©gitime.
La force du langage courant est telle qu’aussi bien les tiers que les parents semblent utiliser bien plus souvent ce mot que la dĂ©signation officielle de l’emploi : assistante maternelle agréée. Et mĂȘme les travailleuses, entre elles, utilisent d’ailleurs frĂ©quemment le mot « nounou ». Certaines ass. mat. ont Ă©galement observĂ© que si les parents consentent Ă  parler avec elles d’assistantes maternelles, dĂšs qu’ils communiquent avec des tiers (conversations tĂ©lĂ©phoniques entendues au domicile de garde des enfants), ils reparlent alors volontiers de la « nounou » : « Oui, je suis chez la nounou » ; « Quand pourras-tu venir le chercher chez la nounou ? », etc.
On remarquera aussi parfois, chez les parents, une tendance Ă  parler plus simplement avec les assistantes maternelles, par exemple Ă  employer systĂ©matiquement les mots « maman » et « papa », plutĂŽt que « mĂšre » et « pĂšre ». Un peu comme si la « nounou » n’était finalement qu’une femme peu formĂ©e, avec laquelle on se doit de communiquer de la façon la plus accessible. Voire rĂ©gressive, en mobilisant rĂ©guliĂšrement le langage basique de la petite enfance. Et les ass. mat. ne paraissent alors aucunement rĂ©sister.
Pour reprendre une grille d’analyse chĂšre Ă  Pierre Bourdieu, n’est-ce pas justement quand les dominĂ©s n’ont plus conscience de la domination qu’ils subissent, que celle-ci s’exerce avec le plus d’efficacité ? Ce qui permet, du moins en apparence, cette « extraordinaire adhĂ©sion que l’ordre Ă©tabli parvient Ă  obtenir » ?2 « Si les exploitĂ©s ne se rĂ©voltent pas contre l’exploitation dont ils sont les victimes, ce n’est pas ‒ ou pas seulement ‒ sous l’empire de la nĂ©cessitĂ©, mais aussi parce qu’ils tendent Ă  accepter leur situation comme "allant de soi", Ă  la percevoir comme inscrite "dans l’ordre des choses" », explique aussi GĂ©rard Mauger3.
Enfin, il est Ă  remarquer que cette appellation contribue encore plus Ă  la fĂ©minisation de l’activitĂ©. Car si l’on parle, pour inclure les rares hommes qui exercent, d’assistant maternel, le fait est qu’il est impossible de masculiniser le mot « nounou » dont le ridicule, le cĂŽtĂ© trivial et rĂ©gressif sont ainsi immanquablement liĂ©s Ă  l’image de la « maman » de substitution, en aucun cas Ă  celle d’un(e) professionnel (le) compĂ©tent(e).
Si l’on donnait un nom vĂ©ritablement appropriĂ© Ă  l’activitĂ© de l’ass. mat., il faudrait probablement lui accorder le titre de professionnel.le de la petite enfance ou de puĂ©riculteur.trice. Cela correspondrait bien Ă  l’étymologie de ce mot (du latin « puer », enfant, et de culture), qui n’indique aucune compĂ©tence mĂ©dicale particuliĂšre mais plutĂŽt un savoir-faire gĂ©nĂ©ral destinĂ© au dĂ©veloppement de l’enfant. Cela paraĂźt Ă©galement mieux convenir qu’éducateur.trice de jeunes enfants, car le mĂ©tier n’est pas uniquement tournĂ© vers l’activitĂ© pĂ©dagogique.
Telle est donc notre premiĂšre proposition, simple, visant Ă  redonner de la considĂ©ration Ă  cette profession. Le problĂšme est que l’appellation « puĂ©ricultrice » est rĂ©servĂ©e aujourd’hui, en France, Ă  des infirmiĂšres dites puĂ©ricultrices, parfois des personnes justement en charge d’évaluer les compĂ©tences des ass. mat. et Ă  leur donner l’agrĂ©ment nĂ©cessaire (dĂ©livrĂ© officiellement par le prĂ©sident du Conseil dĂ©partemental) Ă  l’exercice de leur activitĂ©. Nous suggĂ©rons donc finalement une autre appellation, pour ne pas mettre en compĂ©tition ces deux professions assez diffĂ©rentes, tant en ce qui concerne l’activitĂ© que la formation. AprĂšs mĂ»re rĂ©flexion, « auxiliaire de puĂ©riculture agréé » nous paraĂźt plus indiquĂ©. L’activitĂ© de puĂ©riculture est bien soulignĂ©e dans toute la diversitĂ© de ses missions ; le terme « auxiliaire » (qui a l’avantage d’ĂȘtre aussi bien masculin que fĂ©minin) se diffĂ©rencie de l’assistance, mais aussi des prĂ©rogatives dĂ©cisionnaires ; l’agrĂ©ment constitue un Ă©lĂ©ment de contrĂŽle social incontournable pour des professionnels qui exercent Ă  leur domicile, contrairement aux autres auxiliaires de puĂ©riculture (ce mĂ©tier existe dĂ©jĂ  dans des institutions comme les crĂšches).
Notes
1.  Ibos, Caroline, Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mÚres, Paris, Flammarion, 2012, p. 229.
2.  Bourdieu, Pierre, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 206.
3.  Mauger, Gérard. « Sur la domination », Savoir/Agir, vol. 19, n°1, 2012, pp. 11-16.

2. Une expertise et une évaluation extérieures1

La profession d’ass. mat. est rĂ©glementĂ©e, soumise Ă  un agrĂ©ment dĂ©livrĂ© par le prĂ©sident du Conseil dĂ©partemental du lieu d’exercice de l’activitĂ©. L’accĂšs Ă  ce mĂ©tier est ainsi conditionnĂ© Ă  l’évaluation positive que font les services en charge de ces dossiers, c’est-Ă -dire des infirmiĂšres puĂ©ricultrices reprĂ©sentant l’autoritĂ© publique, rattachĂ©es souvent Ă  une PMI (Protection maternelle infantile). Cette Ă©valuation concerne tant les compĂ©tences de l’assistant que la conformitĂ© du domicile de celui-ci.
Les domaines d’organisation et d’application de l’expertise sont nombreux et diversifiĂ©s, ainsi que les normes de rĂ©fĂ©rence. Pour ce qui est des gestionnaires d’entreprise et des acteurs du champ acadĂ©mique, l’expertise semble porter principalement sur les process (l’organisation de l’activitĂ© Ă©ducative et celle des finances de l’entreprise, par exemple) plutĂŽt que sur les personnes, mĂȘme si bien sĂ»r les secondes mettent en Ɠuvre les premiers. Dans ces cas de figure, experts et expertisĂ©s ‒ qui parfois sont des pairs ‒ ne sont pas nĂ©cessairement Ă©loignĂ©s socialement et ceux qui bĂ©nĂ©ficient de l’expertise (qui la sollicitent ou la subissent) disposent en gĂ©nĂ©ral des ressources ‒ et notamment des compĂ©tences ‒ pour anticiper, gĂ©rer ou rĂ©pondre Ă  l’expertise.
Pourtant, l’expertise paraĂźt aussi constituer, assez communĂ©ment, un outil pratique et lĂ©gitime de domination, voire d’emprise, des classes dirigeantes, qui peuvent asseoir leur autoritĂ© sur des personnels subordonnĂ©s grĂące Ă  ces formes supposĂ©es de savoir. L’accĂšs Ă  de nombreuses professions et Ă  des marchĂ©s de biens et services est ainsi rĂ©glementĂ© en fonction de nombreuses normes pensĂ©es, mises en place ou dont l’application est contrĂŽlĂ©e par de non moins nombreux corps de contrĂŽle. La question de l’évaluation des compĂ©tences professionnelles ‒ qui donne lieu Ă  un diplĂŽme, une attestation, une certification, un agrĂ©ment, une licence, un label, etc. ‒ paraĂźt multiforme. Souvent, cette expertise est lĂ  aussi assurĂ©e par des pairs ‒ des professionnels ou des diplĂŽmĂ©s qui sont passĂ©s par le mĂȘme type de contrĂŽle des connaissances et/ou compĂ©tences et qui Ă  leur tour expertisent le bien-fondĂ© des dĂ©marches des candidats dans des procĂ©dures de recrutement, de concours, de sĂ©lection, etc. Cette expertise fonctionne alors comme une clĂ© attribuĂ©e Ă  des « gardiens du temple » qui limitent l’accĂšs au titre recherchĂ© ; elle reprĂ©sente donc un levier de pouvoir et d’influence.
Dans le champ des activitĂ©s professionnelles des mĂ©tiers du care, auquel nous pouvons rattacher les ass. mat., l’expertise est particuliĂšrement rĂ©vĂ©latrice, pour les populations les plus fragilisĂ©es, des logiques de domination auxquelles elle contribue largement.
Comme le souligne Joan Tronto dans la prĂ©face de son ouvrage de rĂ©fĂ©rence, « l’univers du care est souvent associĂ© aux femmes, aux personnes de caste, de classe et de statuts infĂ©rieurs, aux travailleurs, aux groupes racialisĂ©s et autres groupes ethniques, religieux ou linguistiques mĂ©prisĂ©s : ceux qui sont le plus souvent exclus de la politique »2. Pourtant, le care pouvant ĂȘtre dĂ©fini de façon trĂšs large, certaines activitĂ©s de soin, d’attention portĂ©e aux autres, sont prises en charge par des personnes disposant de capitaux sociaux ‒ Ă©conomiques et culturels ‒ parfois importants : mĂ©decine, kinĂ©sithĂ©rapie, psychanalyse, mais aussi conseils en dĂ©veloppement personnel, coaching, direction pĂ©dagogique
 Dans la perspective qui est la nĂŽtre ici ‒ comprendre comment l’expertise peut fonctionner comme un outil de domination ‒ il est intĂ©ressant de remarquer que les acteurs de ce que l’on nommera ici le « care supĂ©rieur » maĂźtrisent les rĂšgles et ne semblent donc pas subir l’expertise. Les professionnels de la santĂ© sont par exemple contrĂŽlĂ©s par leurs pairs et, une fois en activitĂ©, certains ne semblent pas nĂ©cessairement devoir ĂȘtre trĂšs expertisĂ©s. Des professions au sommet du care supĂ©rieur ‒ la chirurgie esthĂ©tique, la sexologie, la psychanalyse ou le conseil/coaching de dirigeants d’entreprises ‒ paraissent ainsi relativement peu encadrĂ©es et uniquement soumises, une fois le mĂ©tier exercĂ©, Ă  l’apprĂ©ciation des confrĂšres, sauf lorsqu’une crise survient et que l’activitĂ© est mise en cause pour avoir provoquĂ© des dommages ou du moins y avoir contribuĂ©.
Les ass. mat., quant Ă  eux, reprĂ©sentent une activitĂ© du care qui paraĂźt dominĂ©e dans son ensemble ; les nounous qu’on a dĂ©valorisĂ©es en les nommant ainsi ne semblent effectivement pas pouvoir mobiliser de ressources liĂ©es Ă  l’expertise, leur appellation prouvant d’ailleurs en quelque sorte leur non-expertise, pour ne pas dire leur trivialitĂ©.
En France, le marchĂ© agréé par les pouvoirs publics passe par un contrĂŽle extrĂȘmement poussĂ© de tout un ensemble de qualitĂ©s, requises apparemment pour pouvoir exercer l’activitĂ©. Ainsi, le rĂšglement des assistant(e) s maternel (le) s dans le dĂ©partement des Hauts-de-Seine, adoptĂ© par l’AssemblĂ©e dĂ©partementale le 21 dĂ©cembre 2007, stipule Ă  l’attention des professionnels :
« Les agents du DĂ©partement (c’est-Ă -dire la puĂ©ricultrice et tout autre professionnel si nĂ©cessaire, notamment le mĂ©decin et/ou le psychologue) procĂšdent Ă  une Ă©valuation ayant pour but d’assurer que les ...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Sommaire
  6. Avant-propos
  7. Introduction
  8. 1. Une appellation dévalorisante
  9. 2. Une expertise et une évaluation extérieures1
  10. 3. Discriminations tolĂ©rĂ©es Ă  l’embauche
  11. 4. Sous-payées dans la durée
  12. 5. Des maladies professionnelles, mais pas de médecine du travail !
  13. 6. Une nouvelle domesticité1 ?
  14. Conclusions : un virus bon pour les ass. mat. ?
  15. ANNEXES
  16. Déjà parus dans la collection Témoignages
  17. Adresse