Critique de la faculté de manger
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Critique de la faculté de manger

La philosophie, la cuisine et la mort

  1. 336 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Critique de la faculté de manger

La philosophie, la cuisine et la mort

À propos de ce livre

La confrontation de la philosophie et de la cuisine permet de découvrir la nature de chacune de ces pratiques et ce qui tend à les opposer. La philosophie par vocation se tient éloignée de la vie mortelle. Attachée à la vie mortelle, la cuisine fait de la nécessité de se nourrir un plaisir quotidiennement renouvelé et qui tient une place centrale dans la vie ordinaire de la plupart des hommes. Voilà pourquoi la philosophie ignore la cuisine et méprise le plaisir de manger.

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2020
ISBN de l'eBook
9782806123374
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SAUVE QUI PEUT SON ÂME

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LE PLAISIR DE MANGER ET LA CUISINE AU FONDEMENT DE LA CONDITION HUMAINE

Un plaisir universel

« Le boire, le manger nous donnent à tous des plaisirs tout pareils, car ce n’est pas le faste de la table qui fait cesser la faim. Ainsi parle Antiphane. »1
Dans le contexte où le philosophe apparaît et s’affirme comme personnage et la philosophie comme choix de vie, les pratiques alimentaires communes et le plaisir de manger vont être dévalorisés, condamnés, récusés. En effet, le domaine des pratiques alimentaires est le lieu privilégié pour affirmer et afficher une contradiction radicale avec les valeurs du monde, les valeurs de tout le monde. Manger, l’activité la plus quotidienne et la plus commune. Se nourrir, l’acte le plus ordinaire de la vie ordinaire. Le plaisir de manger est commun à tous les hommes, car lié à la condition humaine de la manière la plus profonde et en plus d’un sens. Manger représente l’expérience la plus commune de la félicité. Manger et boire sont source première et constante de plaisir que nul ne saurait ignorer. Manger étant une nécessité le plaisir que cela procure est universel, inévitable et s’impose à tous. « Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours ; il peut s’associer à tous les autres plaisirs et reste le dernier pour nous consoler de leur perte »2.
Dernier des plaisirs selon Brillat-Savarin, il est aussi le premier plaisir. Le premier plaisir qui, selon la psychanalyse, va orienter et mesurer tous les autres. Celui que l’on ne va jamais cesser de rechercher. Le plaisir oral est le prototype et l’étalon de toutes les sensations voluptueuses que l’être humain va rechercher dans sa vie. La psychanalyse fait du plaisir de manger le plaisir originaire d’où va découler la formation de l’individu. C’est par le manger que l’homme s’est fait, cela est vrai aussi sur le plan de l’histoire de l’espèce.

— L’humanisation par l’alimentation —

Loin de rapprocher l’homme de l’animal comme ne vont cesser de le répéter les philosophes, manger est le cadre dans lequel l’homme s’humanise3. L’humanisation est le résultat d’un changement de régime alimentaire, c’est le manger qui fait l’homme et non le penser qui en est la conséquence. C’est par le manger que l’homme s’est humanisé, c’est par la modification de son régime alimentaire que l’espèce humaine s’est singularisée. « Élargir le spectre alimentaire des végétaux à la viande, c’est ce choix qui a fondé le genre Homo »4. L’homme résulte du manger de la viande et la condition humaine va s’engendrer par l’humanisation du manger par la cuisine et le repas. La cuisine et le repas non seulement sont propres à l’homme mais jouent un rôle majeur dans l’hominisation.
C’est en cuisant sa nourriture que l’homme se sépare de l’animal de manière irréversible. « C’est en cuisant devant le feu son morceau de venaison que l’être primitif cessant d’être une bête féroce est devenu un homme », affirme Lévi-Strauss. C’est le feu qui sépare l’homme de l’animal5. Non seulement la cuisine est propre à l’homme mais la cuisine va jouer un rôle majeur dans le devenir de l’humanité, solidaire du partage des tâches et de la nourriture elle est au principe du foyer et du repas6. Le repas est lui aussi le propre de l’homme. L’homme ne mange pas immédiatement ce qu’il trouve où il le trouve. Il diffère et organise la consommation de ses aliments. Manger n’est plus immédiatement commandé par la faim. Seuls les hommes mangent ensemble en partageant leur nourriture en dehors du temps et du lieu de sa collecte. Se surajoutant à la cuisine, les règles du repas, les manières de table, vont représenter « un second degré d’élaboration culturelle »7. Le repas reste la forme élémentaire de la sociabilité depuis l’origine et pour toujours.
Rien n’est plus humain que les pratiques alimentaires. La cuisine, tout autant sinon plus que la langue, constitue la matrice de la culture elle-même8. Au cœur de la culture, dans toutes les cultures, l’alimentation tient une place toujours importante dans la vie quotidienne mais aussi dans les rites et les mythes. Innombrables sont les mythes qui, comme celui de Prométhée, font de l’acquisition ou de la découverte du feu culinaire ce qui distingue la condition humaine9. Dès son origine l’écriture va servir à noter des recettes10 et toutes les religions connaissent des rites et des interdits alimentaires qui délimitent le pur et l’impur, le fidèle et le mécréant. Pour la religion, la commensalité crée du lien mais aussi de l’exclusion11.

— Manger crée des liens12

Le rapport à la nourriture en dehors même de toute référence explicite à une religion reste quelque chose d’essentiel pour les hommes, souvent même de l’ordre du sacré. Elle est au cœur de l’hospitalité. En Grèce antique c’est le même terme, xenia, qui désigne l’hospitalité et le repas indécent de demander aux étrangers qui ils sont dès qu’ils ont joui des plaisirs du repas »13. C’est là le principe même de l’hospitalité signe d’humanité. Avant même le partage de la parole, pour se connaître ou se reconnaître, le partage de la nourriture. À Priam qui vient lui réclamer le corps d’Hector, Achille rappelle les lois de l’hospitalité qui ne sauraient être transgressées : « La plus grande douleur n’empêche en rien l’obligation de manger ».14 Manger ensemble produit du lien. Le partage de la nourriture et du plaisir qu’on y prend produit des liens d’amitié, de solidarité, de familiarité. Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, manger ensemble crée de la parenté au sens de consanguinité. On a pu voir dans l’identité par l’alimentation commune « l’idée primitive de la parenté »15. De l’ordre d’un quasi contrat tacite, la commensalité reste un facteur nécessaire à l’institution ou à la perpétuation des rapports humains. En ce sens, manger ensemble reste investi d’une fonction sociale majeure, voire politique. « La commensalité permet la philia, garante sinon de l’ordre social, du moins du consensus nécessaire à toute vie en cité ». En ce sens, elle est « partie intégrante d’une réflexion sur la politeia »16.
De tout temps les hommes ont voulu partager leur nourriture non seulement avec leurs semblables mais aussi avec leurs défunts et leurs dieux. Dans la plupart des cultures dites primitives et depuis les tout débuts de la civilisation comme durant toute l’Antiquité païenne, on retrouve des témoignages et des traces de repas avec les morts. Ainsi par exemple, en Mésopotamie, avait lieu « mensuellement, chaque nuit sans lune, un repas auxquels devaient rituellement prendre part physiquement pour les vivants et symboliquement pour les trépassés, tous les membres de la famille »17. À Rome on ne compte plus les témoignages qui attestent de la pratique courante des repas funéraires, mais aussi de la représentation des repas des morts. L’iconographie des sarcophages montre régulièrement les défunts à table perpétuant leur repas après leur trépas. De nombreux témoignages et monuments attestent aussi de la coutume des repas des vivants avec les morts sur une table placée près de la tombe et autour de laquelle se réunissaient ses amis pour dîner en son honneur18. Les repas funéraires ont pour fonction de conserver les morts dans la vie, de garder les morts dans la communauté, dans la vie de la communauté. À l’opposé de ces pratiques, la philosophie va apparaître et se constituer comme tentative d’échapper à la mort en fuyant la vie commune.
La nourriture sous diverses formes se retrouve au sein de toutes les religions : interdits alimentaires, sacrifices, offrandes, repas rituels. Le partage de la nourriture avec les dieux est au cœur de la religion antique et en particulier dans la Grèce où la philosophie va trouver son origine historique. Dans l’Antiquité, banquets et sacrifices sont inséparables. Le sens du rituel du banquet sacrificiel est d’affirmer la condition humaine en marquant bien la place des hommes distingués à la fois des animaux et des Dieux. Manger est au cœur de la condition humaine. On va voir comment la philosophie naissante va s’affirmer dans l’aspiration à échapper à cette condition et dans ses tentatives pour y parvenir.

1 Athénée, Deipnosophistes, I, 5f.
2 Jean-Anthelme Brillat-Savarin, Physiologie du goût, Paris, Flammarion, 1982, p. 19.
3 Massimo Montanari, Le manger comme culture, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2010, p. 41.
4 Yves Coppens, La cuisine paléolithique, dans La gastronomie à travers les âges, Nouvel Observateur, hors-série, 2000.
5 Friedrich Engels, Antidüring, Paris, Éditions Sociales, 1950, p. 147.
6 Cf. Catherine Perlés, « Les origines de la cuisine. L’acte alimentaire dans l’histoire de l’humanité. », Communication, n° 31, 1999, pp. 4-21. Marylène Patou-Mathis, Mangeurs de viande, Paris, Perrin, 2017, pp. 200-203.
7 Claude Lévi-Strauss, L’origine des manières de table, Paris, Plon 1968, p. 389.
8 « La cuisine dont on n’a pas assez souligné qu’avec le langage elle constitue une forme d’activité humaine véritablement universelle : pas plus qu’il n’existe de société sans langage, il n’en existe qui, d’une façon ou d’une autre ne fasse cuire certains de ses aliments » Claude Lévi-Strauss, Le triangle culinaire, dans « Lévi-Strauss », L’ARC, 26, 1965, p. 20.
« Non seulement la cuisine est une activité culturelle du même ordre que le langage, mais elle est l’action même par laquelle les produits de la nature sauvage peuvent s’intégrer à la vie humaine comme culturelle. La cuisson et la cuisine intègrent à la civilisation les animaux et les végétaux soustraits à leur vie naturelle. Elle relève le processus destructeur au niveau de la vie humaine, elle humanise et civilise la chair de l’animal tué et la farine du grain broyé pour en faire la nourriture des hommes. »
9 Cf. Jean-Pierre Vernant, À la table des hommes dans La cuisine du sacrifice en pays grecs, Paris, Gallimard, 1979, p. 69-70. Cf. aussi Claude Lévi-Strauss, Le cru et le cuit, Paris, Plon, 1964, p. 172. La place vraiment essentielle qui revient à la cuisine dans la philosophie indigène, elle ne marque pas seulement le passage de la nature à la culture, par elle et à travers elle, la condition humaine se définit avec tous ses attributs.
10 Cf. Jean Bottéro, La plus vieille cuisine du monde, Paris, Seuil, Points Histoire, 2006. Cf. aussi Pierre Chuvin, « Manger assis, manger couché », dans La Cuisine et la Table, L’Histoire, p. 132 : « Au VIIe Siècle, en Grèce, la mode vient de l’Orient. Il a donné l’alphabet mais aussi les manières de table (manger couché). Tout cela procède d’un même mouvement : ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Collection
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Dédicace
  7. PROLOGUE
  8. Première partie – SAUVE QUI PEUT SON ÂME
  9. Deuxième partie – AFFAIRES DE GOÛT
  10. Troisième partie – PENSER ET MANGER : LA RÉFLEXION ET LA VIE MORTELLE