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La Régression du patrimoine
Etudes de cas en Italie et en France
- 112 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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La Régression du patrimoine
Etudes de cas en Italie et en France
À propos de ce livre
Il existe actuellement un risque de régression du patrimoine. L'absence d'anthropologues sur le terrain a entraîné la réappropriation de l'anthropologie par des militants qui font des traditions populaires une relecture essentialiste et conservatrice. La perspective proposée ici consiste à utiliser les politiques du patrimoine pour le progrès de l'anthropologie.
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Informations
Sujet
Sciences socialesSujet
AnthropologiePREMIÈRE PARTIE
Revendications identitaires
et « régression patrimoniale » en Italie.
Observations sur les communautés,
les institutions et la démo-ethno-anthropologie
LIA GIANCRISTOFARO
L’ethnographie présentée ici a été réalisée dans les Abruzzes pour explorer de nouvelles formes de traditions folkloriques inspirées d’anciennes pratiques qui avaient été documentées par les anthropologues dans les années 1970. Ce renouveau des traditions, à partir des années 2000, a été considéré par ses inventeurs comme un travail de nature anthropologique, mais il contourne complètement les procédures analytiques de l’anthropologie culturelle. Il revitalise les métaphores romantiques du folklore, définit l’identité de manière exclusive et exclut les « vrais anthropologues », prônant la capacité de chacun d’être anthropologue et de gérer son propre patrimoine. Ces revendications néo-traditionalistes rejettent les conventions nationales et internationales sur le patrimoine culturel, décidant d’utiliser le patrimoine et les traditions pour renforcer des objectifs politiques souverainistes à l’échelle régionale. Ce nouveau type de traditions folkloriques esquisse une « régression patrimoniale », car selon leurs porteurs, la protection institutionnelle du patrimoine agit comme une dépossession du folklore et de la culture vernaculaire. Paradoxalement, ce discours rejoint celui des anthropologues académiques « anti-culturalistes » qui critiquent l’institutionnalisation du patrimoine. La problématique développée ici concerne donc également les travaux de l’anthropologie consacrés au patrimoine, aux traditions et aux institutions populaires. Face à une anthropologie académique qui se consacre principalement à « combattre » le patrimoine et les institutions, un engagement « dans et avec » le patrimoine et les institutions pourrait bien aujourd’hui être la seule manière de contrecarrer le déclin de l’intérêt public pour la discipline.
1. Le terrain du folklore, entre culturalisme
et anti-culturalisme,
patrimonialisme et anti-patrimonialisme
et anti-culturalisme,
patrimonialisme et anti-patrimonialisme
En Italie, parmi les débouchés possibles des études universitaires démo-ethno-anthropologiques, des sources faisant autorité indiquent les professions de « spécialiste de la sauvegarde et du renforcement des communautés socio-culturelles locales, des minorités nationales, et des groupes transnationaux » et d’« expert en conservation et gestion des patrimoines démo-ethno-anthropologiques »1. Cela correspond à la possibilité d’être employé dans les domaines du secteur public (Ministères, Départements) et du tiers secteur qui traitent du « patrimoine culturel ». Cette spécialisation professionnelle peut être complétée et renforcée par l’obtention d’un doctorat ou d’un diplôme de spécialisation en patrimoine démo-ethno-anthropologique.
Le métier spécifique de ces « experts » a été institutionnalisé dans les années 1970 et cette institutionnalisation s’est poursuivie jusqu’à ces dernières années dans le cadre de la valorisation des « BCDEA » (Biens Culturels Démo-Ethno-Anthropologiques). Les régions italiennes ont fait l’objet d’une intense « muséification » (réelle, sur le papier et par voie télématique) concernant des objets, des fêtes et d’autres biens culturels « éphémères », qui ont été reconnus et en même temps institutionnalisés en tant que « patrimoine culturel démo-ethno-anthropologique », donc digne d’être valorisé (Cirese 1977 ; Bravo & Tucci 2006). L’institutionnalisation a eu lieu sous la forme de « campagnes » ministérielles, régionales et municipales pour l’inventaire du patrimoine culturel démo-ethno-anthropologique, basées sur un système de catalogage technique2. Mais ce système de catalogage a rarement combiné la présentation muséale des biens et leur « discussion publique » (dans le jargon technique, la restitution ethnographique) avec les communautés locales. Il s’agit plutôt d’activités descriptives, qui tendent à exclure ou à sous-estimer la participation des détenteurs des biens patrimonialisés. Les inventaires se bornent à demander un consentement pour que l’expert puisse « collecter » des données, enregistrer du son ou des images, prendre une photo, transcrire une opinion ou un souvenir, indiquer le nom et le prénom de l’informateur (Broccolini 2011 : 41-51 ; Giancristofaro 2017 : 67, 128). Bref, l’approche disciplinaire du patrimoine a permis de reconnaître une fonction opérationnelle des sciences démo-ethno-anthropologiques dans les différentes régions italiennes, conférant aux spécialistes autorité et dignité professionnelle. Cependant, le catalogage a été l’expression d’un inventaire surtout institutionnel qui sous-estime la participation des détenteurs du patrimoine et la réduit à un simple consentement concernant la collecte des données.
Dans la lignée des travaux d’Ernesto De Martino, la démologie italienne a valorisé une manière d’analyser le pouvoir et la société qui est axée avant tout sur la « médiation du langage historico-religieux » (Palumbo 2018 : 219). Cela a occulté d’autres aspects et a concentré l’attention « patrimoniale » sur les rituels et les fêtes populaires. Cette vision patrimoniale propre aux BCDEA a irrigué l’imaginaire de certains groupes de la société civile, provoquant des mouvements de « patrimonialisation » à des fins touristiques et récréatives qui, comme nous le verrons plus tard, se sont concentrés sur la fête populaire et aujourd’hui ressuscitent et identifient les métaphores romantiques du folklore.
L’étude des « cultures locales », diffusée depuis les années 1990 à travers des livres, des documentaires télévisés, et la muséification et les inventaires des BCDEA, s’est révélée intéressante pour la société civile, mais dangereuse pour la communauté scientifique des anthropologues, préoccupée par les « excès de culture » et par le risque que la fonction de l’anthropologue soit mal comprise et assimilée à celle d’un expert de la « différence culturelle » ou de la « valorisation de l’identité ». Pour cette raison, des divergences sont apparues entre l’anthropologie académique et l’anthropologie des programmes politiques régionaux, nationaux et supranationaux, cette dernière étant souvent produite par des initiatives de l’UNESCO, qui, à leur tour, ont été transformées par des anthropologues tels que Marshall Sahlins3. Des tensions supplémentaires déclenchées par la politique internationale à travers les listes du patrimoine ont été mises en évidence par des auteurs tels que Michael Herzfeld, Berardino Palumbo, Daniel Fabre ou Christian Bromberger, qui depuis les années 1980 ont insisté sur l’identité agressive et les nuances nostalgiques qui soutiennent l’attachement aux traditions et aux diverses formes de mobilisation populaire concernant le patrimoine.
Dans le sillage de ces études, de plus en plus d’anthropologues adoptent aujourd’hui une posture « anti-culturaliste », estimant que la notion de culture est intrinsèquement dangereuse car elle contribue à naturaliser les relations entre culture et personnalité et à réifier les faits qu’elle décrit et interprète. Cependant, observant à mon tour la « posture anti-culturaliste » des anthropologues, j’ai remarqué qu’elle préfère très souvent soutenir sa critique par la réflexion théorique, plutôt que d’utiliser des exemples concrets d’expérience sur le terrain. Je cherche donc d’une part à apporter une preuve tangible du danger du concept de culture, mais d’autre part, cependant, je souhaite aussi indiquer les limites d’une anthropologie postcoloniale qui pratique une distance excessive vis-à-vis du terrain, peut-être pour se distinguer d’une ethnographie naïve, représentée par les spécialistes du folklore, entachée de « campanilisme » et de démagogie, ou par les explorateurs positivistes focalisés sur le diffusionnisme et les « aires culturelles ».
Pour ce faire, l’ethnographie de la connaissance populaire de la recherche folklorique est utile. Il s’agit d’une connaissance qui semble avoir créé, dans le cas présent, une remémoration des rituels folkloriques. Ce phénomène permet d’obtenir des informations importantes sur la dynamique culturelle de la société, des groupes et des anthropologues eux-mêmes. Le contexte ethnographique exploré est celui des Abruzzes. J’ai observé des groupes et des stratifications particulièrement actifs dans les soi-disant « traditions populaires » dans un laps de temps allant des années 1970 à nos jours. Je connais bien le contexte local car je suis allée très jeune sur le terrain des fêtes patronales avec des anthropologues, écoutant leurs discours et apprenant par émulation comment ils interagissent avec la « diversité culturelle ». Les anthropologues que j’ai observés partaient à la recherche de ce qu’ils appelaient à l’époque des « épaves culturelles »4.
Cet intérêt précoce est dû au fait que mon père est un ethnologue natif des Abruzzes, mais notre inter-générationnalité disciplinaire représente, comme nous le verrons plus loin, plus une discontinuité qu’une continuité5. En fait, en ayant observé pendant quarante ans les zones fréquentées « par » mon père et « avec » mon père, je me retrouve aujourd’hui dans une perspective opposée à celle de sa génération d’anthropologues. Aujourd’hui, entre les nouvelles règles d’éthique et de confidentialité, la crise de la figure de l’intellectuel et les nouvelles technologies de la communication, le rôle social de l’anthropologue semble avoir été complètement bouleversé, et les conditions du terrain ont radicalement changé. Si dans les années 1970 ma première rencontre avec le terrain démologique et « patrimonial » était naturelle, familière, intime, une deuxième rencontre, qui n’est pas entièrement représentative d’un contexte beaucoup plus large, fut traumatisante et aliénante. Elle arriva en 2011. Après des années d’études et de travail à l’étranger, j’étais revenue dans les Abruzzes et, avant même de pouvoir réfléchir de manière indépendante sur la relation entre démologie et changement culturel, j’ai découvert que l’anthropologue devait toujours être prêt à interpréter une réalité qui le dépasse de tous les côtés, car les choses ne se produisent jamais de la manière dont les manuels les décrivent.
2. Un terrain folklorique qui nous parle
des anthropologues
des anthropologues
Dès 2001, j’avais remarqué que dans les Abruzzes les rites folkloriques étudiés et « patrimonialisés » par les anthropologues étaient sous les feux de la rampe et étaient souvent exaltés par des politiciens locaux qui les présentaient comme « le pétrole des Abruzzes », c’est-à-dire des ressources aptes à soutenir un nouveau « tourisme récréatif ». Alors que dans les années 1970 et 1980, à l’ère de la « néophilie », le bon sens rejetait les traditions populaires en tant qu’expressions de la pauvreté et de la subordination culturelle, ces mêmes traditions étaient désormais exaltées de façon remarquable. De grands processus étaient en cours, également organisés en ligne, de « renaissance des traditions populaires », dont les anthropologues « disciplinaires » avaient été exclus, ou dans lesquels ils n’étaient que marginalement impliqués. La société civile semblait avoir pris en compte la préoccupation des anthropologues pour la « fin des traditions », et le mouvement de « redécouverte » était porté par de nouveaux sujets. Cependant, les anthropologues avaient disparu, de même que les paysans analphabètes qui, avec émotion, leur racontaient le passage de la transhumance ou les formules magiques permettant de lutter contre les fièvres. À leur place était apparue la catégorie hybride du sujet acculturé qui, se disant « passionné », organisait des événements présentés comme une continuation salvatrice des activités expressives que les anthropologues et les communautés avaient institutionnalisées comme « patrimoine culturel ». Ces activités de revitalisation, cependant, étaient « hors sol ». Elles ne se déroulaient pas dans les petits villages de montagne où les anthropologues avaient documenté les traditions, mais elles se déroulaient dans des zones récemment urbanisées de Valpescara, délocalisant les traditions. Pour explorer le scénario politique de cette « renaissance », j’ai commencé en 2009 à faire une « nethnographie », c’est-à-dire une observation participante de la vie des communautés réelles et virtuelles impliquées dans ces activités6.
J’ai été intriguée, en particulier, par un cycle d’initiatives ethnochoréologiques présenté comme « Le retour de la tradition ». Il s’agissait d’une sorte de fête populaire qui impliquait l’utilisation de costumes de scène par des animateurs (Bravo 1995). Ce festival, contrairement aux fêtes populaires de la région, était présenté comme une véritable expression historique et religieuse, attestant d’une continuité à travers l’utilisation d’éléments matériels de dévotion (éventails de dévotion, amulettes, chapelets). Les protagonistes portaient des vêtements refaits sur le modèle des Bourbons7 et tout était basé sur le slogan « strictement authentique ». J’ai commencé à explorer ces nouvelles formes de traditionalisation le soir du 23 juin 2011, lorsque dans une ferme de Valpescara j’ai assisté à la première édition de l’événement « Le retour de la tradition de Saint-Jean ».
L’événement était organisé par une association « pour l’anthropologie territoriale et le tourisme », comme cela était indiqué dans ses statuts, et semblait obéir aux objectifs de marchandisation du patrimoine déjà analysés par d’autres auteurs (Comaroff & Comaroff 2009 ; Palumbo 2006). J’avais été chaleureusement invitée à intervenir pour voir la « méthodologie innovante » développée par le groupe pour protéger les « épaves folkloriques précieuses en train de se disperser », ainsi que le déclaraient des e-mails et des communiqués de presse. Les militants étaient certains que je serais frappée par ce qu’ils avaient fièrement défini comme une « anastylose des traditions ». En fait, ils pensaient que la reconstruction philologiquement correcte des vêtements, de la nourriture et des mouvements de danse était une réussite scientifique, une solution brillante à laquelle les démo-ethno-anthropologues universitaires n’avaient pas encore pensé dans leurs efforts infructueux pour sauvegarder les cultures. La solution innovante consistait précisément en une « reconstruction matérielle des traditions, morceau par morceau », de la même manière que, par anastylose, un pot cassé est recomposé. Cette reconstruction matérielle visait à « transplanter ou re-greffer un élément mort dans la société actuelle, qui est ainsi revitalisée ». Voilà ce que disaient les prospectus, les affiches et le site internet de l’association.
Frappée par cette inexplicable confiance dans la « greffe des traditions » et par cette volonté de transformer les cultures du passé en corps prothétiques du présent, je suis allé observer la grammaire de cette activité expressive. L’événement était inspiré par un rituel religieux, comme le montraient les chapelets en bois et les éventails de dévotion en vente à l’entrée8, mais il était clairement laïque et il était parrainé par des organismes publics et privés. Les organisateurs portaient, en tant que signes distinctifs, des costumes de riches villageois Bourbons, pour indiquer les privilèges et le bien-être dont – fort peu probablement – « nos ancêtres » jouissaient dans le passé. Ils ont invité les présents, en tenue normale, à s’asseoir pour écouter une conférence inaugurale. Le chef charismatique du groupe, un dirigeant de l’administration publique originaire de l’Ombrie et qui avait déménagé dans les Abruzzes depuis quelques années, portait un pantalon ancien à la zouave, une cape, des chausses en cuir, des bijoux religieux, une sacoche en moleskine et un chapeau en pain de sucre, le tout « rigoureusement refait sur le modèle Bourbon » (j’utilise toujours des guillemets car ces expressions étaient mentionnées sur les affiches de l’événement et sur le site de l’association culturelle). Il était habillé comme le mannequin d’un diorama de musée ethnographique, et il parlait avec une grande détermination, traitant l’auditoire comme une classe d’écoliers. Il a expliqué la raison de la rencontre, consistant à « nous enseigner les traditions », car nous, les auditeurs, étions « profondément ignorants ».
Il s’agissait de « restaurer le grand vase brisé de la tradition des Abruzzes », un monument ancien destiné à être étayé et récupéré de manière philologique, d’une manière qui devait être en cohérence avec les sources historiques identifiées dans les recherches démologiques de Gennaro Finamore, Giuseppe Profeta, Alfonso M. Di Nola et Emiliano Giancristofaro. Selon l’orateur, ce dernier en particulier avait invité, dans ses livres et grâce à ses documentaires télévisés, à connaître et retrouver la tradition, mais il n’avait pas été en mesure d’indiquer comment cette récupération devait se faire, de sorte qu’il était nécessaire de poursuivre les recherches anthropologiques pour « faire breveter une solution ».
3. Au-delà de la rétrotopie :
l’usage politique des traditions
l’usage politique des traditions
J’étais étonnée et attristée. Le chef charismatique prétendait être un anthropologue culturel, ce qu’il n’était pas, et il faisait de l’ethnographie des traditions populaires une relecture pratique, essentialiste et distante. En contournant l’anthropologie culturelle, il avait mal compris tout le sens de la recherche folklorique, déclenchant en moi une réaction anti-culturaliste. Mais l’abandonner à son culturalisme n’aurait pas aidé à faire face à la rupture de communication qui s’était produite entre ces personnes et l’anthropologie culturelle. Le public a suivi le discours du leader avec enthousiasme et personne n’a soulevé d’objection. À la fin, tout le monde a applaudi vivement, espérant le « retour de la tradition des Abruzzes ».
L’expert autoproclamé en anthropologie a ensuite fait défiler les néo-traditionalistes en costumes régionaux des Abruzzes, « réalisés afin de faire des copies parfaites des vêtements conservés au Musée national des arts et traditions populaires de Rome », tout en ignorant que ces vêtements, pour les anthropologues d’aujourd’hui, sont une expression muséale de 1911, résultat d’une politique tardive de représentation des coutumes régionales (Puccini 2005). Une néo-traditionaliste du groupe a précisé...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Titre
- Copyright
- Ethnologie de l’Europe
- SOMMAIRE
- INTRODUCTION : Régression du patrimoine et progrès de l’anthropologie
- PREMIÈRE PARTIE : Revendications identitaires et « régression patrimoniale » en Italie. Observations sur les communautés, les institutions et la démo-ethno-anthropologie
- SECONDE PARTIE : Patrimoine, passéisme et prospective. Quelques remarques à partir du Sud de la France
- CONCLUSION : Personne ne se sauvera tout seul
- Bibliographie