Fictions et savoirs
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Fictions et savoirs

  1. 370 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Fictions et savoirs

À propos de ce livre

En mars 2019, s'est tenu à Besançon, à l'initiative du laboratoire C3S, un colloque pluridisciplinaire consacré aux relations entre fictions et savoirs. Vingt-sept communications, regroupées en trois grandes parties, ont été retenues et retravaillées pour la publication de ces Actes.

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2020
ISBN de l'eBook
9782806661975

PREMIÈRE PARTIE :

POINTS DE REPÈRE ET ÉLÉMENTS DE CADRAGE

CHAPITRE 1

FICTION ET SAVOIR

Bernard JOLIBERT*
Il ne s’agira pas ici de s’interroger sur le statut du réel par rapport aux représentations que nous nous en faisons (matérialisme contre spiritualisme, réel contre imaginaire ou phénomène contre noumène) mais de comparer deux modes de représentation, celui de l’affectivité imaginaire et celui de l’effectivité vérace, conçus souvent comme antithétiques. Si le monde, comme l’écrit Shakespeare, « est fait de la même étoffe que nos songes », on doit en déduire que nos rêves sont constitués des mêmes matériaux que ceux qu’offre la connaissance. Comment alors distinguer la représentation fictionnelle de celle qui se veut simple connaissance fidèle de la réalité ? Le criticisme kantien a montré combien l’ontologie restait relative à notre pouvoir de connaître. L’Être « tel qu’en lui-même » est condamné à rester inconnaissable ou à se perdre dans la subjectivité. C’est à cette dernière que nous sommes donc directement renvoyés. Nous n’avons à faire qu’à des phénomènes qui se présentent de deux manières, suivant deux intentionnalités pour parler comme Husserl : des connaissances visant l’objectivité ou des fictions qui sont des créations de l’imagination.
Dès lors, la question posée n’est pas celle de la nature ontologique de “ce qui est” véritablement derrière les apparences, mais celle de la vertu heuristique et intentionnelle de deux modes de représentation que tout semble opposer : celui de la fantaisie fictionnelle comparé à celui de la connaissance prétendant au vrai. Que vaut la fiction par rapport à la connaissance qui se veut objective ? Que représente l’imaginaire, autrement dit le fabuleux, le mythe, la légende, face au savoir qui tente d’atteindre à la certitude plus effective ? Qu’apporte la fantaisie créative ou le rêve à ceux qui s’y laissent porter ? Peut-on penser l’inventivité dans le domaine des sciences, comme dans celui des arts, à partir de l’opposition entre l’imaginaire et le cognitif ?
Serait fictif ce qui n’a de valeur qu’en vertu d’une convention, à l’exemple de la monnaie fiduciaire qui ne vaut que par la confiance qu’on lui accorde. Est dit fictionnel un récit qui ne relève que de l’invention, comme les écrits qui nous transportent dans des temps ou des milieux imaginaires. Qu’importe, dans ces cas, le réel avec ses lois nécessaires. C’est la confiance de l’usager ou du lecteur qui sert de principe premier. La fiction invite à laisser de côté la valeur objective et à privilégier l’imaginaire. Nous sommes invités à croire aux chimères. Le papier-monnaie tient lieu de valeur, le romanesque ou la fable constituent une nouvelle réalité. Ainsi, les animaux « qui parlent la langue des hommes » sont-ils dépeints par La Fontaine comme des « fictions » (La Fontaine, 1962, p. 35) et Boileau définit-il la poésie épique comme un genre littéraire qui « se soutient par la fable et vit de fiction » (Boileau, 1932, III). Dans la fiction, la perception laisse la place à la fantaisie, les faits s’oublient face aux illusions, un morceau de papier tient lieu d’argent ou d’or. La littérature nous rappelle, s’il en était besoin, qu’on nomme fictif ce qui, plus ou moins éloigné du réel, se rattache à l’invention pure et simple et demande qu’on lui accorde foi. La fiction serait alors une création qui se sait pure convention et se donne pour telle. À nous d’y croire ou de refuser de lui accorder notre adhésion. Cette racine courante, pour évidente qu’elle paraisse, est partielle.
Fictif provient du latin fingere qui signifie feindre. Fictum désigne le mensonge et fictus l’adjectif qui signifie faux. Autrement dit, est fictif ce qui est inventé afin d’égarer, de donner à croire ce qui n’existe pas réellement. Qu’importe l’intention, il s’agit d’induire en erreur. Au-delà même de la simple erreur, la fiction relève de l’illusion. Car, pour feindre, il ne suffit pas de présenter le faux pour vrai, il faut encore donner à la fausseté l’apparence de la vérité. Il y a de la dissimulation dans la fiction. Qu’on y adhère ou non, tout l’art fictionnel, comme le théâtre par exemple, consiste à présenter ce qui n’est pas pour ce qui est, autrement dit l’illusion pour la vérité. Pour tenter d’approcher au plus près ce qu’est une fiction, Ambrose Bierce prend l’exemple de l’opéra qu’il définit ironiquement comme une « pièce représentant la vie dans un autre monde, dont les habitants ne prononcent pas des discours mais chantent des airs, n’ont pas des mouvements mais des gestes, pas de positions mais des attitudes. Tout y est simulation » (Bierce, 1989, p. 198). Et pourtant nous nous laissons prendre au jeu. Primitivement, la fiction désigne ce qui relève de l’art de la dissimulation. Le fictionnel s’oppose à l’effectif comme l’illusion à la vérité. Il nous met face à des chimères ou des mirages, teintés de subjectivité.
La connaissance en revanche ne se contente pas d’avoir l’apparence du vrai. Employée au sens fort, elle vise l’appréhension de la réalité par la sensation, la perception ou l’entendement. Elle renvoie à une appréhension précise, complète et fidèle d’une chose quelconque. Posséder un savoir, c’est avoir présent à l’esprit une idée que l’on tient pour conforme à ce qui existe vraiment. Lorsqu’on cherche à connaître, c’est la certitude que l’on vise, c’est-à-dire – comme le voyait Descartes – un savoir indiscutable, assuré, reconnu par tous comme évident : « Pour la Physique, je croyais n’y rien savoir, si je ne savais que dire comment les choses peuvent être, sans démontrer qu’elles ne peuvent être autrement » (Descartes, 1971, 11 mars 1640). On se trouve ici dans le domaine de la connaissance « vérace » la plus rigoureuse de la réalité entendue comme nécessité. La connaissance nous dit ce qui ne saurait être autrement ; la fiction ouvre librement le champ de l’imaginaire. Dans le premier cas, il s’agit d’atteindre l’intelligence du monde, de l’appréhender dans sa nature authentique, de comprendre les lois qui le gouvernent. Connaître, c’est témoigner de la nécessité, non rêver des univers de possibles contingents. Comparer sur cette base antagoniste la fiction et le savoir ne peut que conduire à une confrontation brutale. C’est pourtant sous cette forme quasi aporétique que la philosophie classique a posé la relation entre connaître et imaginer.
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I. LA CONFRONTATION

Le fictionnel et le cognitif correspondraient à deux activités incompatibles. Le premier serait le lieu de la subjectivité, de l’imagination, de l’inventivité la plus libre et la plus désordonnée. Témoignant pour la liberté, il nous ouvrirait le monde de la nouveauté artistique et de l’expressivité subjective. La contrepartie de cette spontanéité serait le risque de manquer d’objectivité. Dans son Dictionnaire des idées reçues, Flaubert résume cette ambiguïté de l’imagination : « toujours vive » certes, mais il faut « s’en défier », car elle est trompeuse ; « quand on n’en a pas », il est bon de « la dénigrer chez les autres. Pour écrire des romans, il suffit d’avoir de l’imagination. Rappeler la folle du logis » (Flaubert, 1978, p. 97). L’approche scientifique vaudrait, au contraire, par sa méfiance envers l’imagination, faculté trop prompte à se jouer de nous et à nous présenter ses fantaisies pour des réalités. Bachelard s’est plu, dans La Formation de l’esprit scientifique, au sous-titre explicite : Contribution à une psychanalyse de la connaissance objective, à suivre les errements de la connaissance qui recherche son objet dans les métaphores ou les images. Il conclut que l’histoire de la physique ne doit pas être pensée en termes de continuité ou d’entassement de savoirs mais de ruptures successives avec les représentations intuitives immédiates, avec les fictions spontanées de l’imagination (Bachelard, 1967, p. 98). Connaître, c’est viser la certitude objective ; choisir la fiction, c’est fuir cette dernière. Au risque de présenter le savoir comme coupé de tout rapport au sujet connaissant, l’exigence de certitude conduit à se méfier des métaphores. Entre la perception qui vise le dévoilement le plus fidèle possible de l’idée, notamment dans le cas de science de la nature, et l’imagination qui déforme son objet au gré de ses fantaisies, en invente au besoin comme dans les récits fantastiques, il semble y avoir une incompatibilité radicale. Connaître, n’est-ce pas d’abord observer, se plier à ce qu’indiquent les sens ou la perception ? Il faut donc commencer par écarter ce qui provient des fantaisies imaginatives. Si le savant fait parfois appel à des métaphores ou à des modèles imagés, ces représentations ne constituent pas un but. Les images ne sont que des moyens pour mieux comprendre ou faire comprendre. L’objectif est ailleurs, singulièrement dans le dévoilement de la réalité.
Chez l’artiste, le modèle proposé ne vise pas au vrai mais au beau. Le but ultime reste surtout d’exprimer quelque chose et de séduire, plus que de comprendre et de convaincre. Le musicien, l’écrivain, le peintre, le sculpteur ou le poète se donnent pour objectif de plaire à travers l’émotion que leur œuvre procure au lecteur, au spectateur ou à l’auditeur. On est dans le domaine de l’esthétique au double sens du terme : sens du beau et sensibilité. S’il y a “vérification” chez l’artiste, c’est dans l’impression qu’elle procure au spectateur qu’elle réside. Dans le cas de la connaissance, la “vérification” se rencontre dans l’assujettissement du savoir au réel et dans la vérification de la théorie par d’autres savants. C’est la raison qui juge plus que la sensibilité. Connaître, c’est d’abord nous soumettre à une réalité qui nous dépasse, non exprimer celle qui nous habite. Il ne s’agit pas ici d’inspiration en fonction de ce qui touche, émeut ou bouleverse, mais de fidélité à ce qui s’impose à nous de l’extérieur.
L’opposition entre le fictionnel et le cognitif semble alors telle que nous sommes sommés de choisir notre camp. Soit celui de la rigueur scientifique, soit celui de l’art. D’un côté la création, l’innovation, la vie ; de l’autre l’impartialité, la soumission au réel, l’impuissance créative. On retrouve l’opposition scolaire traditionnelle entre les classiques et les modernes. L’objectivité fait face à la subjectivité, le scrupule érudit à la spontanéité inventive. Le type du “littéraire” ou de l’“artiste” s’oppose au “scientifique” ou au “technicien”, tâcherons d’une réalité dont ils s’efforcent de percer les secrets à grand renfort de raisonnements inductifs ou de procédures déductives. Toute la question est de savoir si cette opposition est aussi juste qu’elle semble à première vue. Peut-être repose-t-elle sur une double approximation. La vision purement empiriste et expérimentale de la connaissance scientifique n’est peut-être pas aussi passive qu’on le croit. Quant à la vision romantique du génie spontané à l’œuvre dans la création artistique, elle est peut-être un peu sommaire. Examinons plus attentivement ces deux modèles extrêmes car c’est sur eux que repose la conception d’une incompatibilité radicale entre l’esprit scientifique et l’esprit artistique. Mais avant d’en déceler les limites, commençons par les étudier de plus près.

II. LA RIGUEUR OBJECTIVE CONTRE L’IMAGINATION

Qu’est-ce que l’imagination pour la rationalité classique ? Pascal la définit d’abord comme une puissance ennemie de la vérité dans la mesure où elle nous jette dans la confusion. Entre la représentation imaginaire et celle qui dit la réalité, comment distinguer ? L’imagination « est cette partie dominante dans l’homme, cette maîtresse d’erreur et de fausseté, et d’autant plus fourbe qu’elle ne l’est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l’était infaillible du mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux […]. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses […]. Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l’homme une seconde nature » (Pascal, 1954, p. 1116).
Lorsque l’imagination se mêle de connaître, non seulement le fictionnel risque de présenter ce qui n’est qu’illusoire pour la vérité, mais nous ne disposons d’aucun critère permettant de distinguer avec certitude le fait réel de la fiction. Une fois pénétré par la conscience, le récit fictionnel me laisse croire à son authenticité avec la même force que la réalité. Pascal poursuit : « Voilà un principe d’erreur, mais ce n’est pas le seul. Dans cette guerre entre la puissance de connaître et celle d’imaginer, cette dernière a bien amplement l’avantage ; jamais la raison ne surmonte entière...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. SOMMAIRE
  6. INTRODUCTION
  7. PREMIÈRE PARTIE : POINTS DE REPÈRE ET ÉLÉMENTS DE CADRAGE
  8. DEUXIÈME PARTIE : LITTÉRATURE ET CINÉMA
  9. TROISIÈME PARTIE : ÉTUDES DE CAS
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