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Les origines et la jeunesse de David Crockett
Daniel Boone (1734-1820) est un aventurier de la génération précédant David Crockett. Dès l’âge de 12 ans, il possède un fusil de chasse et traque le gibier. Il combat les Français en servant dans les rangs britanniques entre 1755 et 1756. Inlassable voyageur, il reconnaît les Appalaches et se rend célèbre par ses explorations. Il participe à la colonisation du Kentucky. Il combat les Shawnees et il est capturé par des dragons britanniques durant la guerre d’Indépendance. Il s’installe dans le Missouri en 1799, puis en Louisiane où il devient fonctionnaire du gouvernement espagnol. Il confesse volontiers que :
« De nombreuses actions héroïques et aventures chevaleresques qui me sont associées n’existent que dans les imaginations. Avec moi, le monde a pris de grandes libertés, et pourtant je n’ai été qu’un homme ordinaire. »
Trappeur immortalisé dans Le Dernier des Mohicans, roman historique de Fenimore Cooper, sous le nom de Natty Bumppo dit Bas-de-Cuir, Œil-de-Faucon ou encore Longue-Carabine, son destin est comparable à celui de David Crockett, lui aussi un fameux coureur des bois, un homme de chair et de sang, avec ses réussites et ses faiblesses.
UNE FAMILLE D’ÉMIGRÉS
Les ancêtres de David Crockett ont émigré aux États-Unis au XVIIe siècle. Du côté de sa mère, née Rebecca Hawkins, ses ascendants d’origine anglaise sont établis en Virginie depuis 1658. La famille paternelle de David Crockett est originaire de France. Antoine de Crocketagne, l’arrière-arrière-arrière-grand-père de David Crockett, né en 1643 à Montauban, s’installe dans le Midi de la France. Il y est représentant en sel et en vin. Ses patrons le convertissent au protestantisme, et il quitte le pays de Louis XIV, comme 300 000 autres huguenots, après la révocation de l’édit de Nantes. Antoine s’installe en Angleterre puis en Irlande. Il y meurt en 1735 dans le comté de Londonderry. Son troisième fils Joseph-Louis (1675-1749) se marie avec Sarah Stewart, part aux États-Unis et accoste à la Nouvelle-Rochelle, dans l’État de New-York, vers 1700. Les Crocketagne partent rapidement des environs de New York pour la Pennsylvanie puis franchissent les montagnes Allegheny pour s’établir en Virginie en 1717. William David Crockett (1709-1770), fils de Joseph-Louis, épouse Eliza Boulay. De cette union naît le grand-père de David Crockett.
Après 1750, ce grand-père qui s’appelle David Crockett quitte la Caroline du Nord pour les terres du Tennessee. Son fils John va baptiser du même prénom son propre rejeton. David Crockett est donc l’homonyme de son grand-père ! Ce grand-père paternel est tué par les Indiens en 1777 à Rogersville (Tennessee), dans le comté Hawkins, près de la rivière Holston. John, le père de David Crockett, n’est pas présent lors de l’attaque des Peaux-Rouges car il est parti combattre les Anglais, au côté des Insurgents. En 1776, avec son frère aîné William, il a adhéré à l’association de Watauga. Toutefois, les autres garçons Joseph et James sont restés à la maison. Joseph reçoit une balle au bras mais parvient à s’enfuir. James est fait prisonnier. Le destin de l’oncle James, sourd-muet, capturé par les Indiens, est assez singulier puisqu’il reste prisonnier durant 17 ans et 9 mois, jusqu’à ce qu’il soit découvert puis libéré contre une rançon payée par le père de David et par l’oncle William Crockett. « Je ne me rappelle pas combien il fut payé pour sa restitution », écrit David Crockett. Par la suite, James essaie sans succès de retrouver les mines d’argent et d’or où il a été conduit les yeux bandés par les Indiens durant sa captivité.
John Crockett et Rebecca Hawkins, futurs parents de David Crockett, se marient en 1780. Rebecca est originaire de Joppa dans le Maryland et a des origines vraisemblablement anglaises. Le couple habite sur une vaste propriété dans le comté de Washington, en Caroline du Nord. Cette terre appartient au colonel Jacob Brown qui se l’est procurée par un troc de marchandises auprès des Indiens. Marié depuis quelques mois, John repart à la guerre contre les Anglais et participe à la bataille de King’s Mountain le 7 octobre 1780. Le colonel Sevier y défait les Britanniques qui ont 150 hommes tués et 810 prisonniers contre 75 pertes pour les Insurgents.
DES PIONNIERS
David Crockett naît le 17 août 1786. Son lieu de naissance est incertain. Il serait né dans une cabane en rondins de bois sur les rives de la rivière Nolichucky, près de Limestone. Le lieu s’appelle Strong Springs (les Fortes Sources), à 19 kilomètres à l’est de Greeneville (Tennessee). Lorsque David Crockett vient au monde, sa mère a déjà eu 4 grossesses en 6 ans. Chaque bébé est une nouvelle bouche à nourrir et constitue un fardeau pour une famille pauvre de pionniers. Un an après la naissance de Davy, John Crockett vend le terrain où la famille demeure. Il en obtient dix fois le prix qu’il a payé. La légende veut que le jeune Davy soit sevré avec du whisky et nourri d’œufs de serpent.
David Crockett est le cinquième fils d’une famille modeste de neuf enfants, six garçons et trois filles. Ses frères aînés se nomment Nathan, William, Aaron et James. Son cadet d’un an est John suivi de deux sœurs : Elisabeth et Rebecca. Quant à sa sœur plus âgée, Margaret Catharine née en 1778, elle connaît un destin tragique. Placée comme domestique à Jonesborough chez une riche famille, elle est engrossée vraisemblablement par son vieux maître. Chassée par l’épouse de son employeur, elle meurt par manque de soin et d’attention à l’âge de 14 ans en 1792.
La famille Crockett vit en autarcie dans la nature. Enfant, David Crockett se promène souvent peu vêtu et ressemble à un Indien dont il partage assez le mode de vie. Un jour, lui avec ses quatre frères aînés jouent au bord de l’eau. Ils grimpent dans le canoë familial. Un garçon d’une quinzaine d’années nommé Campbell se joint à eux. Laissé sur la rive, David, enfant de 6 ans, se morfond. Un peu plus loin, la rivière Nolichucky forme une cascade, à la verticale, en contrebas. Les frères de David Crockett ont l’habitude de manœuvrer le canoë et connaissent le danger, mais Campbell veut pagayer à sa guise. L’adolescent déluré n’a aucune expérience pour mener une embarcation. Le canoë virevolte et finit par piquer droit sur les chutes d’eau. Le péril est réel. Les enfants risquent dans un remous de basculer de l’autre côté. David Crockett n’a alors pas conscience du danger qui menace ses frères et rage d’avoir été laissé à terre.
Soudain, un homme nommé Amos Kendall se porte à leur secours. Il court, ôtant son manteau, sa veste et sa chemise. David Crockett hurle, « comme une jeune panthère », ne comprenant pas trop ce qui se passe car « à le voir ainsi qui se précipitait comme un fou en jetant au vent ses vêtements », il se dit : « mais c’est un démon traqué par d’autres démons, pas possible. » L’homme plonge et nage là où il n’a pas pied. Il atteint le canot irrémédiablement attiré par la cascade. Le courant est très fort mais l’homme stabilise le canoë puis le conduit dans les eaux calmes. Les garçons ont eu peur. Ils sont sauvés. L’anecdote semble vraisemblable. Ce n’est pas Davy qui sauve ses frères et le récit ne le met guère en valeur.
Son père lui a certainement raconté à la veillée ses exploits durant la guerre d’Indépendance. Au cours de longues chevauchées avec son père, le jeune David Crockett rencontre des pionniers qui colportent les événements révolutionnaires survenus en France, et notamment la prise des Tuileries le 10 août 1792. Une autre histoire l’a marqué, celle d’un oncle de sa mère, Joseph Hawkins, qui chassant dans les bois, tire sur un voisin, confondu avec une bête, en train de cueillir des raisins au milieu d’un buisson. L’oncle de David Crockett a pris la main levée de cet homme pour l’oreille d’un cerf. Cet accident de chasse conduit le père de Davy à secourir et à soigner ce malheureux voisin blessé par balle et à lui appliquer sur sa blessure un mouchoir de soie. La guérison a lieu contre toute attente.
En 1794, la famille Crockett s’installe à Cove Creek, dans le comté de Greeneville. John Crockett y construit un moulin, avec comme associé Thomas Galbreath, mais ce moulin est emporté par les eaux :
« L’eau monta si haut que mon père décida de nous évacuer de la maison même. On aurait été noyés, c’est ce qu’il disait. Je devais alors avoir sept-huit ans. »
Le père de David Crockett s’efforce d’améliorer la situation de la famille sans jamais parvenir à une véritable aisance, mais il est un homme respecté dans le comté car c’est un ancien soldat de la Révolution américaine. Après avoir échoué comme meunier, John et sa famille s’établissent sur une terre de 120 hectares, au lieu nommé Mossy Creek (aujourd’hui Jefferson City). Cette terre a été achetée par John dès 1792, mais en 1795, elle est vendue par exploit d’huissier ou plus exactement par le sheriff. Il est probable qu’ils aient pu demeurer en possession d’une petite parcelle. Le père a peut-être travaillé pour le compte des nouveaux propriétaires. En tout cas, ils restent là pendant l’enfance et l’adolescence de David. Sur la route située entre Knoxville et Abingdon, dans le comté Jefferson, John Crockett établit une taverne, pour les rouliers en 1796. Les rixes dans les bars sont alors fréquentes et c’est dans ce type d’établissement que David Crockett voit pour la première fois Andrew Jackson, son futur général pendant la guerre contre les Creeks dont la réputation de bagarreur est déjà bien établie.
Les Crockett sont endettés. Leurs difficultés financières sont importantes. Ainsi, une commande de plusieurs semis de maïs contractée le 17 septembre 1783 n’est toujours pas réglée en 1801. Le 23 octobre 1810, John Crockett est débiteur d’une somme de 2,25 dollars auprès des établissements Isaac Lambert.
LES FUGUES DU JEUNE DAVID CROCKETT
En 1798, David est envoyé chez Jacob Siler, un vieux Hollandais, dans le comté de Rockbridge en Virginie. Siler a fait une halte à la taverne et a demandé à John de lui confier David afin de bénéficier d’un aide au cours de ses voyages. C’est le cœur gros que David Crockett quitte le domicile familial. Employé comme bouvier, il juge légère la décision de son père qui le laisse partir avec un étranger. Le jeune garçon se met en route. Il a à parcourir 600 kilomètres au milieu du bétail, mais il a néanmoins de la chance car son patron est attentionné. Content de ses services, il lui donne entre 5 et 6 dollars. Ces bonnes grâces sont faites pour l’amadouer car le Hollandais souhaite retenir l’enfant. Élevé dans le respect des adultes, David feint d’être heureux. Il reste quelques semaines chez Siler et vit à ses crochets.
Un jour, en jouant, David voit trois hippomobiles qui appartiennent à la famille Dunn. Les Dunn sont connus de David Crockett car ils ont l’habitude de faire une étape à ...