
- 136 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Le musée de Tongres est mort! Vive la prison?
À propos de ce livre
Le musée de Tongres est mort! Vive la prison? témoigne du rôle pédagogique exemplaire de la prison-musée, fermée en 2008, et transformée en prison pour mineurs en 2009. Aujourd'hui, à l'heure où se construit la méga-prison de Haren, on peut s'interroger sur des choix politiques qui privilégient l'enfermement à la prévention et à l'investissement dans l'éducation.
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Informations
Sujet
Sciences socialesSujet
SociologiePREMIÈRE PARTIE
POUR UN TRAVAIL DE PRÉVENTION
ET D’ÉDUCATION
1.
Tongres, première prison cellulaire
de Belgique
Luk Vervaet
La prison de Tongres a été construite entre 1841 et 1843. Ce qui la rend si particulière dans l’histoire sociale de notre pays, c’est qu’après avoir été l’aile d’une caserne de la gendarmerie, elle deviendra la toute première prison cellulaire belge à l’américaine. Son inspirateur s’appelle Édouard Ducpétiaux.
À Tongres, et par la suite, dans une trentaine d’autres d’établissements pénitentiaires, Édouard Ducpétiaux applique le modèle de l’Eastern State Penitentiary à Philadelphie. Il met en pratique le concept carcéral du philosophe anglais Jeremy Bentham (1748-1832), qui soumet les prisonniers à un système de séparation et d’isolement permanent, de jour comme de nuit. Dans ce régime, appelé le régime pennsylvanien (« the separate system », le système séparé), Il s’agit tant d’enfermer les criminels que de les pousser à méditer sur leur comportement et leurs crimes. Les prisonniers mangent, dorment et travaillent seuls, dans un silence total, dans leur cellule. Ils sortent, seuls, trente minutes le matin et trente l’après-midi. Une fois par an, ils peuvent recevoir une visite et une lettre par an est autorisée.
À la prison de Tongres, Ducpétiaux adopte et introduit ce système pennsylvanien, qu’il juge ferme et utile, à « l’extrême ».
En 1861, dix-sept ans après son ouverture, la prison de Tongres connaît la première tentative de suicide d’un prisonnier qui ne pouvait plus supporter l’isolement. Ce ne sera ni le seul ni le dernier. En 1850, à la prison de Pentonville en Angleterre, construite la même année que celle de Tongres et fonctionnant de la même manière, 32 détenus sur 1 000 avaient dû être évacués parce qu’ils étaient devenus fous.
L’occasion manquée d’une remise en question
Le 2 avril 2005, la prison de Tongres ferme ses portes. Désaffectée pour cause d’insalubrité, les derniers 70 prisonniers sont transférés vers la prison de Hasselt. À l’initiative de la Province du Limbourg, la prison devient une prison-musée.
Près de deux cents ans après leur construction, c’est toute une génération de prisons du XIXe siècle qui touche à sa fin. Cette obsolescence des bâtiments ne devait-elle pas aussi annoncer la fin des conceptions et des pratiques de la prison ? La fermeture de Tongres aurait pu amener une réflexion et un bilan critique de deux cents ans de prison moderne en Belgique. Le bilan d’une expérience qui a été un échec. Le début d’une réflexion sur le changement. Tout au long de ces deux siècles, d’une réponse voulue plus humaine aux crimes et délits, la prison s’est établie petit à petit en tant qu’institution gigantesque et principal moyen de punition. Elle ne (re) construit pas la vie. Elle détruit celle des individus, des familles et des communautés, tout en enlevant, à ces communautés, toute pratique de justice et toute capacité de gérer et de réparer la violence. Au lieu de résoudre les problèmes sociaux, la prison les enferme derrière ses murs. Au lieu d’assurer la sécurité, elle présente un taux de plus de 50 % de récidive1. Au lieu de soins, de réparation, de réconciliation, de pardon, de transformation, elle prône la vengeance par la violence de l’incarcération.
Ce bilan critique n’a pas été fait. Tout le contraire s’est produit. À partir de la fin du siècle passé, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la prison, celle de l’explosion carcérale, celle de la création de nouvelles prisons et de lieux de détention extrêmes.
Ce livre témoigne de l’opposition à cette évolution. Il témoigne d’un combat, mené par des centaines de personnes, pour une autre voie, pour une autre justice. La prison de Tongres, lieu d’exclusion et de solitude par excellence, a été le catalyseur de solidarité et d’amitié entre des personnes qui ne se connaissaient pas. Comme en témoignent, les signataires de l’Appel pour sauver la prison-musée de Tongres2, les manifestants à la marche pour sauver Tongres et les collaborateurs et collaboratrices à ce livre. Un mouvement, petit et minoritaire certes, mais en marche.
Décriminalisation, dépénalisation, décarcération
Une autre justice demandera un projet coordonné et cohérent de changements. Elle implique, comme le dit un collectif d’avocats, de juges, d’académiques, d’experts du monde carcéral et associatif dans une tribune, parue début 2019, « une décriminalisation, une dépénalisation et une décarcération3 ». Autrement dit, il faudra diminuer les entrées et augmenter les sorties de prison. Il faudra une mobilisation des familles, des communautés, des quartiers et des lieux de travail confondus. Une création de nouvelles formes et institutions de soin et d’éducation, qui toucheront l’ensemble de la société et notre manière de vivre ensemble. Une lutte pour une société sans racisme et inégalités.
Ce livre traite d’un élément clé sur ce chemin vers une autre justice : la prévention pour barrer la route à la prison. Parce que, comme le disait Martine Herzog-Evans, « la vie des enfants des cités est programmée vers la case prison4 ». Parce que, comme le signalaient les professeurs De Coninck et Brion il y a vingt ans déjà : « … il apparaît que pour nombre de détenus, « le “judiciaire” est devenu une composante en soi de la sociabilité. Dès l’adolescence et parfois plus tôt, il fait très vite partie de leur environnement immédiat. La première bifurcation semble se situer entre treize et quinze ans, âge auquel peut démarrer une activité délinquante. Et après une période de délinquance juvénile, ponctuée par l’une ou l’autre mesure de protection, le passage en prison à dix-huit, dix-neuf ou vingt ans semble devenir chose commune. Pour ceux-là, familiarisés dès l’adolescence avec les instances répressives, la justice pénale finit par faire figure de repère – figure négative mais figure quand même – bien au-delà des instances familiales et scolaires. De même, l’institution carcérale finit par s’imposer comme lieu de passage obligé, au même titre que l’école pour d’autres, mieux nantis ou plus chanceux5 ».
1 https://incc.fgov.be/mine-benjamin
2 À la fin de l’ouvrage.
3 « Surpopulation carcérale et nouvelles prisons : l’État belge va-t-il droit dans le mur ? », La Libre Belgique, 23 janvier 2019.
4 Herzog-Evans M., La prison dans la ville, Toulouse, Érès, 2009, p. 11.
5 Kaminski D., Adam C., Bellis P., Brion F., Cartuyvels Y., De Coninck F., Mary Ph., Toro F., Van De Kerchove M., « Jeunes adultes incarcérés et mesures judiciaires alternatives », in Van Doning B., Van Daele L., Naji A. (dir.), Le droit sur le droit chemin ?, Anvers-Apeldoorn/Louvain-la-Neuve, Maklu/Academia-Bruylant, 1999, p. 17-58.
2.
Éducateur(s) toujours en colère6
Christophe Rémion
Il n’est plus à démontrer aujourd’hui que la pression économique bouleverse l’environnement de travail des acteurs sociaux. De nouvelles pratiques de gestion, largement inspirées de celles du secteur privé7, arrivent en force dans les institutions et viennent concurrencer, sinon suppléer les politiques sociales existantes. De ce fait, les éducateurs spécialisés que nous sommes sont de plus en plus bousculés par ces phénomènes qui atteignent le cœur même de notre travail. Le secteur de l’Aide à la Jeunesse, qui nous préoccupe particulièrement dans le présent ouvrage, est l’un de ceux qui, à mon sens, illustrent le mieux les maux de la société au travers du malaise de certains jeunes qui peinent à y trouver une place. L’éducateur spécialisé y est constamment amené à travailler l’approche de la complexité des situations humaines et est en première ligne pour aider des individus qui sont en proie à des dysfonctionnements individuels ou collectifs, dans cette société en constante évolution. La variable d’ajustement qui guidera notamment mon propos dans ce témoignage est celle de l’entrechoquement de deux temporalités : celle de la société du management, coulée sur le mode de l’urgence permanente de la nécessité du rendement et celle de la société des hommes, bâtie sur le mode de la rencontre, de la nécessité de s’ajuster à l’autre, dans ses besoins et dans son rythme propre. Comme le renseigne Hotua8, « ces adaptations forcées des professionnels aux contraintes évolutives du travail supposent des pratiques en décalage avec certaines de leurs valeurs ».
Le temps d’accroche que nécessite ce travail du lien entre donc perpétuellement en confrontation avec le souci d’efficacité et de rentabilité vers lequel tendent à nous pousser les techniques managériales parachutées dans notre quotidien de travailleurs sociaux. Comme le souligne si bien Fustier9, cette « purification du travail social voudrait éliminer du travail social les scories, les impuretés de l’affect que produit le lien, au profit d’une “asepsie du service” ».
Cette économie de la rencontre, qui impose de prendre son temps avec le bénéficiaire, s’assortit de la difficulté à produire du résultat dans une échéance brève. Or, sitôt la demande de prise en charge énoncée par un mandant, l’obligation de rendre des comptes installe une course contre le temps qui rend trop rapidement les acteurs exsangues. À ce titre, le secteur de l’Aide à la Jeunesse est paradigmatique de ce malaise. Les éducateurs spécialisés travaillent avec des jeunes que l’on dit régulièrement « très abîmés », ce qui sous-entend l’obligation d’installer la relation dans une dynamique d’appropriation commune qui restaure la confiance, panse les blessures et, éventuellement, construit l’avenir. Ce travail ne s’inscrit aucunement dans une politique de visibilisation rapide des résultats. Or, aujourd’hui, certaines mesures prises par nos dirigeants soutiennent ces politiques managériales qui vont pourtant à l’encontre des valeurs sociales défendues par le « terrain ».
La construction de nouvelles prisons et l’ouverture prochaine d’une nouvelle IPPJ (annoncée comme révolutionnaire…) ne sont donc pas nécessairement des réponses adéquates qui répondent à ce besoin de lien, mais renforcent, au contraire, l’individualisme, la haine, et le malaise de jeunes déjà fragilisées, car elles sont pensées en dehors du jeune, dans un espace qui ne tient pas compte de ses besoins et de sa réalité. Sans doute aussi que ces mesures sanctionnelles rassurent « la société » et invisibilisent aux yeux des non-initiés les dégâts qu’un mauvais placement peut occasionner. Ces mesures sont également souvent source d’escalade délinquante et donc, de récidive. D’un point de vue éducatif et pédagogique, il faut, autant que faire se peut, se tourner vers des sanctions éducatives plus adaptées aux réalités et à la personnalité du bénéficiaire. Certains mineurs ont sans conteste leur place en prison et les faits très graves dont ils ont été les auteurs doivent être immédiatement sanctionnés (à condition, bien entendu, de penser leur incarcération dans une perspective de réinsertion). Mais d’autres jeunes qui sont placés dans ces structures pourraient, quant à eux, bénéficier d’autres mesures, plus adéquates peut-être, au regard de leur parcours personnel, car, comme je l’avais déjà souligné précédemment10, « un mauvais placement ou une mauvaise orientation peuvent être à l’origine de l’escalade délinquante du mineur ». D’un point de vue financier, les sommes colossales dépensées dans la construction de ces nouvelles « institutions » pourraient en partie être réaffectées dans la prévention et dans le lien dans la durée.
Les actions essentielles menées depuis plusieurs années par Jean-Marc Mahy en sont des illustrations. La pièce Un homme debout11, ainsi que les débats et les témoignages qui en résultent sont des outils pédagogiques et préventifs indispensables qui méritent d’être soutenus. Les visites que Jean-Marc Mahy organisait à la prison-musée de Tongres (avant que celle-ci ne soit à nouveau injustement réaffectée comme prison) étaient encore un autre exemple d’outil particulièrement efficace pour sensibiliser jeunes, acteurs du milieu social, judiciaire, scolaire…
Il y a, dans le geste renouvelé de Jean-Marc Mahy d’offrir son temps, son expérience, son écoute et ses conseils, quelque chose d’une quête de rédemption, la volonté de solder encore et toujours la dette qu’il continue à sentir peser sur ses épaules à l’égard de la société. Mais il y a, au-delà de cette motivation, la concrétude des échanges ; des milliers de rencontres qui se sont nouées entre lui e...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Exergue
- Préface - Philippe Landenne
- Préambule
- Introduction - Joëlle Kwaschin
- Première partie : Pour un travail de prévention et d’éducation
- Deuxième partie : 2008, l’année du tout carcéral
- Table des matières