
eBook - ePub
À la croisée des regards
usagers et travailleurs sociaux
- 258 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre
Cet ouvrage apporte un éclairage sur les réalités du métier d'assistant social et sur les tensions qui traversent la relation d'aide. Il interroge les rapports que les usagers entretiennent à l'aide sociale, aux travailleurs et aux institutions qui les reçoivent. Au fil des chapitres, il décrypte une série d'enjeux au centre des interactions qui se nouent entre usagers et intervenants sociaux: des enjeux identitaires et professionnels.
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Informations
Sujet
Sciences socialesSujet
PolitiquePARTIE III
LA RELATION D’AIDE :
UN PROCESSUS EN CO-CONSTRUCTION
CHAPITRE 6
Les représentations du métier
d’assistant social
Sortie de la station de métro Madou. Un jeune gars, un berger allemand couché à ses pieds et, au sol, quelques pièces de monnaie dans un gobelet à café en plastique. Il tient une guitare patinée et il chante, tout en fantasmes et caricatures…
Mon AS, quand elle me reçoit
Ce qui n’est pas toujours le cas
Change de costume à chaque fois
Parfois je n’la reconnais pas
Mon AS me surprend tout l’temps
Comme s’ils étaient plusieurs en dedans
Un peu comme une Matriochka
P’têt qu’c’est son métier qui veut ça
Un jour, elle est mécanicienne
En bleu de travail, à l’ancienne
Et du cambouis d’législation
Jusqu’aux coudes et jusqu’au chignon
Un autr’jour elle est infirmière
Elle ne parle plus que d’cure et d’care
Des fois elle s’prend pour docteur House
Et ausculte mes dermatoses
L’autr’fois elle était avocate
Comme si j’étais un psychopathe
Elle plaidait pour défendre mes droits
En toge, pour qu’on me les octroie
Mon AS joue parfois le psy
Elle m’écoute et me dit : oui, oui
Elle a un p’tit côté Dolto
Sur l’divan, je joue l’zigoto.
En combinaison d’Cat-Woman,
Elle échappe à tous les arcanes
Mon AS a toutes les combines
Franchement c’t’une Super-héroïne
Parfois, elle monte aux barricades
Elle défie fièrement l’estocade
Et mon AS, passionaria
S’prend pour l’épouse d’Che Guevara
J’avoue qu’elle est parfois chiante
Elle chicane pour deux sous cinquante
Et même pour avoir un colis
Faut faire entendre ses gargouillis
Mon AS c’est un peu ma sœur
Oui, tu vois, la fille du facteur
Je lui sonne à n’importe quelle heure
Et elle me serre fort sur son cœur
Les jours où elle me désespère
C’est quand elle s’prend pour une banquière
Et qu’elle me refuse une avance
En m’disant qu’il n’y pas d’urgence
Mais l’autr’nuit, dans ma cheminée
Alors que j’n’avais rien demandé
Elle descend, de rouge habillée
La hotte pleine de cadeaux variés
De temps en temps, tu peux la voir
En coquins dessous d’léopard
Mais ça dépend de quand tu tombes
Mon AS, mon vieux, c’est une bombe
Elle est aussi un peu bonne sœur
Et se prend pour mon confesseur
À genoux dans son confessionnal
Elle m’absout à coup d’Gardénal
Plus j’y pense, plus je m’dis aussi
Est-ce la moustache ou les sourcils ?
Elle a quelqu’chose de mon beau-frère
L’esprit obtus du légionnaire
Mon AS est un couteau suisse
Sans elle, pas certain que je puisse
Survivr’à la jungle de la dèche – Ô !
Mon AS, j’aimerais la péch-o
Mon AS, quand elle me reçoit
Ce qui n’est pas toujours le cas
Change de costume à chaque fois
Parfois je n’la reconnais pas
Mon AS me surprend tout l’temps
Comme s’ils étaient plusieurs en dedans
Un peu comme une Matriochka
P’têt qu’c’est son métier qui veut ça
* * *
« Et vous, si vous deviez définir le métier d’assistant social… »
— « Quand vous demandez de définir le métier, vous parlez des assistants sociaux ici ou en général ? » (V., usager, 62 ans, 18/03/2015) ;
— « Moi je ne suis pas assistante sociale et je n’exerce pas ce métier, je ne l’ai jamais exercé, donc comment voulez-vous que moi je le définisse ? » (I., usagère, 35 ans, 29/11/2013) ;
— « L’assistant social, il est censé aider les gens qui ont des difficultés… » (F., usagère, 27 ans, 06/05/2014).
À travers le récit de leurs expériences vécues au contact des services sociaux, les usagers nous ont livré leurs perceptions du métier d’assistant social. Perceptions toujours partielles, parfois partiales. Partielles parce qu’elles dépendent du prisme à travers lequel l’individu interprète la réalité : son appartenance sociale, son histoire personnelle, ses expériences vécues, les organisations et institutions dans lesquelles il s’inscrit… constituent autant d’éléments à partir desquels sont élaborées ses représentations. Partiales parce que les images dessinées par un individu à propos d’un objet (ici, les assistants sociaux) peuvent être chargées de stéréotypes et d’idées préconçues.
Il n’empêche, les représentations des usagers :
—traduisent la façon dont l’usager se pense et se situe dans son rapport à l’assistant social ;
—révèlent le fantasmé, le désiré, l’attendu ;
—conduisent à interroger et à déconstruire différentes dimensions constitutives du métier d’assistant social : nature et étendue des compétences, rôles et postures professionnelles…
Enfin, plus que leur contenu, il s’agit aussi d’analyser le processus à travers lequel les représentations du métier d’assistant social s’élaborent et se transforment. À la croisée des regards entre usagers et professionnels, la relation d’aide incarne un espace d’ajustement permanent des attentes et des représentations développées par les uns à l’égard des autres.
1. Le métier d’assistant social ou l’« énigme de l’autre »
« Les personnes qui bénéficient de l’intervention d’un travailleur social s’interrogent sur le pourquoi. Pourquoi fait-il cela ? Qui est donc cette personne qui s’occupe de moi ? […] Dévoilée par cette interrogation, vient se loger l’énigme de la question de l’autre : Qui est l’autre ? Qui suis-je pour lui et qui est-il pour moi ? […] » (Fustier 2008 : 32) Pour donner du sens à la relation d’aide et résoudre l’énigme qui la traverse, les usagers vont développer des représentations sur le métier d’assistant social. S’intéresser à ces dernières permet de prendre en compte les éléments qui guident leurs propres actions et définissent leurs attentes.
Trois dimensions du métier d’assistant social, identifiées dans le discours des usagers et questionnées par les professionnels lors de groupes de travail, doivent être prises en compte. La première renvoie aux raisons qui conduisent le professionnel à agir, à venir en aide à l’usager. La deuxième porte sur la nature des compétences de l’assistant social et sur les attentes que les usagers développent en ce sens. La troisième concerne l’étendue du champ de connaissances de l’assistant social, son rôle et les limites de celui-ci.
1.1 Le « venir en aide »1 : acte professionnel ou don de soi ?
Pourquoi l’assistant social agit-il et au nom de quoi/de qui ? Dans leur discours, les usagers apportent des éléments de réponses à ce questionnement, à travers leur définition du métier. Ils tentent d’établir les raisons qui conduisent le professionnel à leur venir en aide, et ce à travers deux lectures du métier d’assistant social, identifiées dans les entretiens. Pour certains usagers, le professionnel vient en aide à l’individu parce que son travail l’y engage. D’autres privilégient une interprétation plus essentialiste, en considérant que le professionnel pose ces actes parce qu’aider est dans sa nature. Chacune de ces représentations traduit la manière dont l’usager se positionne dans la relation en même temps qu’elle interroge la posture de l’assistant social placé en face de lui.
Le venir en aide comme profession
« L’assistant social a étudié pour s’occuper des gens. Il travaille là, justement pour ça. Il est payé pour ça. » (H., usagère, 27 ans, 09/05/2014)
Pour nombre d’usagers, le venir en aide correspond à la mission première du métier d’assistant social. Ce dernier reçoit l’usager et traite sa demande « parce qu’il a étudié pour ça », « parce que c’est son travail », « parce que c’est son devoir » et « parce qu’il est payé pour » (propos récurrents chez les usagers). Lorsqu’il porte ce type de représentations, l’usager perçoit davantage la relation d’aide dans sa dimension contractuelle : chacun des acteurs de la relation s’engage à répondre aux attentes de l’autre dans les limites des possibles et des contraintes posées par l’institution qui les encadre. En ce sens, l’usager se positionne davantage, dans la relation d’aide, comme un ayant droit. Le venir en aide est perçu comme un dû auquel l’assistant social a le devoir de répondre parce que sa profession l’y oblige.
Le venir en aide comme don de soi
« Pour les assistants sociaux, l’écoute et la patience vont de soi. […] Il faut à la base que la personne ait ces qualités. » (G., usager, 26 ans, 09/05/2014)
Le venir en aide peut aussi être interprété comme un acte altruiste, motivé par l’envie d’aider l’autre (plus que par le salaire, notamment). En cela, l’assistant social est associé à une personne charitable. Au-delà des acquis de sa formation et de ses strictes obligations professionnelles (son contrat de travail), il met sa personne au service des usagers. « Son écoute », « son empathie », « sa disponibilité », « sa vocation », diront certains… sont autant de qualités intrinsèques à l’individu, offertes à l’usager. Le venir en aide est perçu comme un don de soi.
« [NDLR Pour être assistant social,] il faut avoir du cœur, de la patience… Aimer aider. Aimer, vraiment aimer… Pour moi, être assistant social, c’est un très beau métier, c’est comme être médecin. C’est donner du temps à l’autre. » (D., usagère, 36 ans, 25/09/2013)
Les usagers qui portent ce type de représentations se décrivent plus souvent comme des individus privilégiés par rapport à d’autres : ils ont tendance à se sentir redevables du don (matériel ou relationnel) que l’assistant social a bien voulu leur octroyer. Cette posture s’illustre notamment dans le besoin, ressenti par certains usagers, de manifester leur reconnaissance envers l’assistant social par le biais de cadeaux. Si ces dons interrogent les limites du cadre professionnel, ils sont aussi révélateurs de la manière dont assistant social et usager se positionnent dans la relation. Pour les professionnels, se voir offrir un cadeau est le plus souvent interprété comme une possibilité, pour l’usager, d’équilibrer la relation par un contre-don.
« Pour être un peu dans une symétrie des rôles, j’ai accepté la glace. » (Professionnelle, groupe de travail, 08/12/2014)
« Avec le cadeau, les usagers peuvent rendre ce qu’on leur donne. » (Professionnelle, groupe de travail, 21/10/2014)
À travers cette hypothèse, la relation d’aide apparaît d’emblée déséquilibrée avec, comme l’évoque Guy Bajoit, un aidé qui « n’apporte rien, sinon ses besoins » et un aidant qui « détient les moyens d’y répondre » (Bajoit op. cit.). Dans le discours des usagers, cette vision d’une relation à sens unique apparaît régulièrement, sans être pour autant questionnée : l’asymétrie constatée semble acceptée comme un état de fait.
C’est Marcel Mauss qui, dès 1925, dans Essai sur le don (Mauss 2007 [1925]), a montré dans une approche anthropologique et sociologique, que le don structure des rapports de pouvoir : celui qui reçoit est redevable à celui qui donne, ce qui le place en position d’infériorité par rapport au donneur. En pleine éclosion des systèmes de sécurité sociale, Mauss espérait que la professionnalisation de l’aide et surtout son institutionnalisation en droits allait permettre de l’inscrire dans des rapports plus égalitaires.
« Le don non rendu rend encore inférieur celui qui l’a accepté […]. La charité est encore blessante pour celui qui l’accepte, et tout l’effort de notre morale tend à supprimer le patronage inconscient et injurieux du riche “aumônier”. » (Ibidem : 219-220)
Espoir déçu, comme l’indique Florence Weber dans la préface d’une réédition de l’œuvre, en 2007 :
« Ce mouvement, préparé par des décennies de rapprochement entre le mouvement ouvrier, les intellectuels et la bourgeoisie philanthropique, trouvera sa pleine expression dans l’élan de la Libération qui porte la Sécurité sociale. Mais aujourd’hui, vingt ans après les premières remises en cause idéologiques de l’État-providence dans les années 1990, les politiques d’assistance sociale n’ont pas su éviter le risque d’une régression vers la charité : sous des formes plus ou moins sophistiquées, ces politiques enchaînent les perpétuels donataires (les “assistés”, les Rmistes, les pauvres) dans une dette perpétuelle. Ce qui manque aujourd’hui, ce ne sont pas tant les moyens financiers qu’un mouvement qui sache regrouper de nouveau des militants, des intellectuels et des philanthropes pour “repenser la solidarité”. » (Weber 2007 : 51)
Assistant social : acte professionnel ou don de soi ? Cette lecture binaire du métier n’est pas figée, au contraire. La manière dont l’usager interprète le venir en aide évolue au gré de ses expériences dans les différents centres sociaux qu’il fréquente. Elle varie également selon les professionnels rencontrés et leur posture, en même temps que la relation d’aide se construit.
De nombreux entretiens l’illustrent : un même usager peut concevoir le métier d’assistant social comme une occupation professionnelle régie par des obligations précises jusqu’au jour où l’un d’eux, dans l’exercice de sa profession, posera un acte qui s’apparentera davantage à un don. Plusieurs situations présentées lors des groupes de travail mettent en évidence des manières d’être qui peuvent influencer les représentations des usagers. L’assistant social peut, par exemple, faire une exception pour l’usager en lui accordant du temps supplémentaire en entretien ou une aide à laquelle il n’a pas droit. Dans ce cas, la relation d’aide sort de sa dimension contractuelle pour entrer dans une relation davantage affective où l’usager a le senti...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Remerciements
- Introduction
- Partie I : Les « usagers » : une catégorie, des réalités,
- Partie II : Lisibilité du secteur et conditions d’accueil
- Partie III : La relation d’aide : un processus en Co-construction
- Conclusion
- Bibliographie
- Table des matières