Écrire le cancer
eBook - ePub

Écrire le cancer

De l'expérience de la maladie à l'autopathographie

  1. 210 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Écrire le cancer

De l'expérience de la maladie à l'autopathographie

À propos de ce livre

A partir des années 1990, les récits de personnes atteintes du cancer se multiplient. Pourquoi mettre en récit et rendre publique une expérience intime comme celle du cancer? A qui s'adressent ces récits? Quel est le rôle du cancer en tant que déclencheur de l'écriture et en tant que matière de la narration? Quelles métaphores sont mobilisées pour raconter l'expérience du cancer et à quels besoin des personnes malades répondent-elles? Afin de répondre à ces questions, cet ouvrage s'appuie sur les récits à la première personne de six écrivains italiens atteints de cette maladie.

Foire aux questions

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Informations

Éditeur
Téraèdre
Année
2019
ISBN de l'eBook
9782336881676

Après la guerre

Je suis la maladie et la médecine, je suis la cellule cancéreuse et l’organe greffé, je suis les agents immuno-dépresseurs et leurs palliatifs. (Nancy, 2000 : 42)
Par sa nature, le cancer apparaît être une maladie à la fois interne et externe. La métaphore de la guerre au cancer permet de le représenter comme une menace, un ennemi ; cependant, cette métaphore est parfois difficile à adapter car, si le cancer est l’ennemi, combattre l’ennemi à l’intérieur de soi signifie engager une bataille contre soi-même : « L’objectif est de détruire une partie de nous-mêmes, de notre corps […] En fait, il faut tirer sur soi-même. Boum boum boum !1 », explique Cardaci (2010 : 18).
Quelles métaphores, quel langage est mobilisé par les personnes malades afin de rendre compte du fait que le cancer se développe à l’intérieur du corps, de façon parfois invisible, et le fait que ses origines, souvent inconnues, soient liées à l’organisme même ?

Définir le cancer

L’étranger
La nature du cancer et son rapport avec le corps qui l’accueille sont objet de réflexion pour les malades en quête d’une explication à la maladie, à la recherche de son origine, et qui essaient de se redéfinir par rapport à cette expérience. La présence du cancer à l’intérieur du corps oblige à une réflexion sur le lien entre le cancer et la personne affectée.
Jean-Luc Nancy, en évoquant son expérience de greffe du cœur, explique :
L’intrus s’introduit de force, par surprise ou par ruse, en tout cas sans droit ni sans avoir été d’abord admis. Il faut qu’il y ait de l’intrus dans l’étranger, sans quoi il perd son étrangeté. S’il a déjà droit d’entrée et de séjour, s’il est attendu et reçu sans que rien de lui reste hors d’attente ni hors d’accueil, il n’est plus l’intrus, mais il n’est plus, non plus, l’étranger. (Nancy, 2000 : 11)
Suite à la greffe, Nancy développe un cancer – un lymphome qu’il définit comme « la figure mâchée, crochue et ravageuse de l’intrus » (Nancy, 2000 : 37) : le cancer est donc vu comme l’expression de l’intrus, le cœur greffé.
La description du cancer comme un étranger – ou un intrus, ou un Alien – qui s’introduit dans un corps hôte sans invitation est présente dans plusieurs ouvrages : Melania Rizzoli, de son point de vue de patient-médecin, explique qu’il faut cinq ans avant que les tumeurs atteignent la taille de 2,5 centimètres. Malgré la progression lente, le statut d’« étranger » du cancer est dénoncé par sa recherche d’une place dans le corps qu’il a envahi : « Mais ce sont quand même des corps étrangers qui occupent de l’espace, donc qui compriment un nerf2 », explique Rizzoli (2010 : 137).
La définition de « alien » (« alieno ») est utilisée aussi par Oriana Fallaci lors d’un discours public tenu suite à la publication de son pamphlet La Rabbia e l’orgoglio :
La maladie que j’appelle l’Alien, mes rides, l’âge. L’Alien je le surveille. Je lui ai fait comprendre que s’il me tue, il meurt avec moi, et qu’il est donc mieux de vivre avec moi. Et même si vivre avec moi est ardu, pour l’instant ça marche3. (Fallaci, 2002)
La présence du cancer à l’intérieur du corps n’est pas forcement perçue comme négative dès sa découverte ; quand, suite à une radiographie, Pietro Calabrese voit pour la première fois un élément étranger à l’intérieur de lui-même, il ne le considère pas comme une menace mais le définit plutôt comme un « invité » :
Et enfin je vois le nouvel hôte. […] il n’a pas l’air méchant. Un lutin des bois, une petite création digne du grand Shakespeare dans une nuit d’été, une chose drôle qui ne peut pas être la cause de ma mort et de toute l’agitation qui depuis vingt-quatre heures m’entoure4. (Calabrese, 2010 : 36)
Cette première impression est vite rectifiée dans les pages qui suivent :
Le lutin shakespearien, à bien voir, est moins sympa et convivial que je ne le croyais. Il ne rit pas, il ricane. Il n’agite pas ses bras pour saluer, il les agite pour menacer. Il n’est pas en train de danser entouré de gnomes et de fées des bois, il avance comme pour un assaut à fer et à feu. Ce n’est pas l’arrivée d’un héraut chanteur qui annonce une fête dans un château, mais le début d’un siège qui s’en prend à ma vie. Il ne veut pas jouer avec moi, il veut ma mort5. (Calabrese, 2010 : 37)
L’« hôte » devient alors « cet Alien féroce qui salissait ma vie6 » (Calabrese, 2010 : 51) et « un Alien déroutant et rapace. Il frappa par surprise et durement7 » (Calabrese, 2010 : 66). Il est impossible de l’éliminer par une opération : « Dans ce cas, la folie était d’espérer que l’Alien puisse être […] considéré comme opérable8 » (Calabrese, 2010 : 41).
L’invasion de l’étranger advient au niveau physique et au niveau mental. Melania Rizzoli constate que le cancer « s’est emparé de mon corps et il est en train de s’emparer de mon esprit aussi9 » (Rizzoli, 2010 : 20), au point que lorsqu’elle appelle son mari pour l’informer du résultat d’une analyse, elle n’a pas besoin de nommer le cancer : « Il n’y a que lui, le seul sujet qui a envahi mes pensées et qui provoque mes paroles… la tumeur maudite qui désormais est devenue ma pensée obsessionnelle10. » (Rizzoli, 2010 : 20)
Giacomo Cardaci utilise une métaphore similaire pour décrire l’étranger qui s’installe dans le corps du malade, tout en chargeant cette même figure d’une connotation bien plus négative, associée à l’idée d’ennemi : « L’ennemi, en effet, est la maladie qui s’est lâchement infiltrée en nous, comme un alien invisible et minuscule11. » (Cardaci, 2020 : 26) Comparant le corps à une maison, il s’interroge sur les raisons qui ont porté cet élément étranger à s’installer dans ce corps et non pas ailleurs : « Mais alors pourquoi l’alien a-t-il choisi précisément cette maison, et non pas une autre12 ? » (Cardaci, 2010 : 168) Cardaci associe le cancer à un voleur qui rentre dans une maison : « Celui qui me vole quelque chose, en ce moment, n’est pas en dehors de moi, mais en moi13 » (Cardaci, 2010 : 89), réfléchit le protagoniste de La formula chimica del dolore, qui accuse : « C’est sa faute, à l’alien14 » (Cardaci, 2010 : 173).
Une créature vivante
Siddahrtha Mukherjee, dans L’empereur de toutes les maladies. Une biographie du cancer, comme le titre l’annonce, traite le cancer comme un individu ; son projet d’écrire une « histoire » du cancer devient alors celui d’en faire une « biographie » :
J’ai eu l’impression – inévitable – que je n’écrivais pas sur quelque chose mais sur quelqu’un. Chaque jour, mon sujet se transformait en quelque chose qui ressemblait à un individu, à une image énigmatique et quelque peu dérangée dans un miroir. Ce n’était plus tellement l’histoire médicale d’une maladie mais quelque chose de plus personnel, de plus viscéral : sa biographie. (Mukherjee, 2013 : 60)
Le cancer n’est donc pas considéré comme un objet immobile, mort ; au contraire, il a une vie propre. Giacomo Cardaci explique :
Pour moi, c’est une créature vivante […]. Plus qu’un caillou, on a l’impression d’admirer un embryon qui est déjà devenu fœtus et qui est en train de se transformer en enfant, en se générant dans l’air et en se gonflant comme un nuage. Qui a dit que le cancer est une pierre inerte ? Vu au microscope, au contraire, il est si plein de vie15 ! (Cardaci, 2010 : 167)
Cardaci se focalise sur sa naissance : « Il est éclos en moi, il grandit en moi, il se répand en moi, il pousse en moi. En se nourrissant de moi, en me suçant le sang, en me volant mes énergies. » (Cardaci, 2010 : 167) À l’inverse de ce qu’il se passe dans le cas de la conception d’un enfant, la naissance du cancer est due à une erreur et l’accouchement ne donnera pas la vie mais causera la mort : « Une grossesse a contrario, dont l’accouchement veut être un suicide, et dont la conception n’est rien d’autre qu’un court-circuit16. » (Cardaci, 2010 : 167) Bien que le cancer soit reconnu comme élément interne, assumer un lien avec l’enfant-cancer serait accepter d’en être en partie la cause, d’où la réitération du refus : « Je ne suis pas le parent de mon cancer, je suis seulement son récipient malheureux, son enveloppe de chair17 ! » (Cardaci, 2010 : 167)
Ce simple rapport de contenant à contenu – n’être qu’un « récipient malheureux » – vise à refuser toute responsabilité – et culpabilité – dans la conception de cet enfant-cancer et permet de souligner que le corps a seulement une fonction passive et fortuite de récipient.
Le dialogue
Qu’il soit vu comme un enfant, dont l’origine est liée au corps qui le contient, ou qu’il soit simplement considéré comme un « étranger » installé à l’intérieur du c...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Collection « (Auto) biographie ∞ Éducation »
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Sommaire
  7. Préface
  8. Introduction
  9. L’écriture de la maladie, un genre à part ?
  10. L’écriture du corps
  11. Les métaphores du cancer
  12. Après la guerre
  13. Conclusions
  14. Bibliographie
  15. Ouvrages parus dans la même collection