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Puzzle de sorties de violence urbaine à Kinshasa (RD Congo)
- 256 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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Puzzle de sorties de violence urbaine à Kinshasa (RD Congo)
À propos de ce livre
À Kinshasa, la violence urbaine des jeunes dits Kuluna est présentée par ces derniers comme une profession: celle des kulunaires qui créent et développent leurs propres opportunités économiques. L'exercice de ce «boulot» fait apparaître la construction d'un véritable réseau professionnel. L'ouvrage propose de considérer les sociabilités des jeunes, tel un puzzle dont les acteurs visibles et invisibles peuvent constituer de véritables leviers pour une sortie de violence.
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Sujet
Sciences socialesSujet
PolitiquePREMIÈRE PARTIE
DE KULUNA AUX KULUNAIRES
Le mot kuluna, désignant le phénomène de violence urbaine attribué aux jeunes, est sur toutes les bouches des Kinois depuis plus d’une dizaine d’années32. Et s’il désignait des jeunes en bande qui attaquaient violemment des passants dans les rues de la capitale pour leur dérober argent et biens, aujourd’hui, le terme Kuluna est accolé à toute personne qui « fait le mal ». Ainsi, dans le langage courant, le mot Kuluna se traduit maintenant en français par « bandit ». Ce dernier évoque la figure prototypique du « criminel » à plusieurs titres : désignant celui qui nuit à autrui, celui qui doit être puni à ce titre, et dont on doit se protéger. Dans le sillage de la « dangerosité » attribuée aux jeunes dits Kuluna, ces derniers sont l’objet de toutes les représentations classiques attribuées à cet étiquetage. Cependant, les discours sur le kuluna s’accompagnent aussi d’une dénonciation de la précarité des conditions de vie des jeunes et de leurs familles. Loin d’être une justification des actes violents et de ceux qui les commettent, cette critique devient aussi l’expression du désarroi des familles et du sentiment d’un abandon par l’État.
En contraste, les données recueillies auprès des jeunes montrent que le kuluna est plutôt une activité génératrice de revenus. Aussi se distingue-t-elle de ceux qui l’exercent, nommés kulunaires. Loin du registre du symbole, le terme kulunaire renvoie à des pratiques précises de violence, bien souvent épisodiques, permettant d’obtenir des ressources économiques. Bien que cette variation de vocabulaire puisse paraître anodine, elle donne à voir une distance entre les discours sur le kuluna, voire sur les jeunes dits Kuluna, et les logiques des pratiques des jeunes, qui se dénomment kulunaires. Si pratiques et perceptions sont des données complémentaires et hétérogènes, leur contraste nous a conduits à nous interroger sur la fonction sociale de la dénonciation du phénomène kuluna. En effet, toute violence attribuée à un jeune devient du kuluna, et la dénonciation de ces violences dans l’espace public permet celle d’une autre violence, à savoir celle de l’État, l’absence de politiques sociales ainsi que celle des activités utilisant la violence comme un « boulot ». Ainsi, le glissement de Kuluna à kulunaires énonce des desseins bien distincts. Le phénomène kuluna semble devenir un symbole de ces diatribes contre la nébuleuse d’une violence quotidienne, telle une parabole de la violence (chapitre 1), bien que les jeunes et d’autres acteurs sociaux la considèrent comme une profession : celle de kulunaire (chapitre 2).
32. Le phénomène kuluna ne doit pas être confondu avec la situation problématique des enfants en situation de rue, dénommés shegués. (Lire R. Kienge-Kienge Intudi, S. Liwerant, 2017).
CHAPITRE 1.
LE KULUNA : UNE PARABOLE DES VIOLENCES
La violence qualifiée de kuluna à Kinshasa a acquis une valeur objective : les faits de violence sont observés, vécus ou rapportés et sont toujours susceptibles de devenir une expérience personnelle. La manifestation de cette inquiétude s’accompagne d’une expression d’un fort sentiment d’insécurité largement relayé par les médias et auquel le gouvernement répond par des actions policières musclées récurrentes33. Cependant, bien que les actes de kuluna soient craints et dénoncés, les discours sur ce phénomène et ce qu’il recouvre sont si variés que le kuluna apparaît davantage comme une catégorisation générique au-delà de la définition partagée d’actes de violences commis par des jeunes dans l’espace public. En effet, les enquêtés sont volubiles sur ce qui produit le kuluna et une figure du jeune dit Kuluna émerge des discours, figure qui semble cristalliser toutes les frustrations. Le kuluna devient l’emblème des violences physiques, économiques et sociales, violences subies et inscrites dans l’histoire du pays. En ce sens, le kuluna peut apparaître comme une parabole des violences. S’entretenir sur la figure du Kuluna devient l’occasion de déverser toutes les frustrations (I) et d’adresser à l’État une véritable interpellation pour la mise en œuvre de politiques publiques, surtout dans le domaine social (II).
I. Le kuluna, un déversoir des frustrations
Dans les taxis, sur les terrasses, dans les auditoires d’étudiants ou de professionnels de tous horizons, dans les cercles politiques, d’autres termes sont accolés au Kuluna afin de désigner d’autres situations problématiques telles le Kuluna « en col blanc » ou le Kuluna en cravate (en référence aux pratiques de prédation de personnes détentrices de responsabilités institutionnelles) ou encore le Kuluna en tenue (en référence aux pratiques des policiers et militaires, identifiables à leurs tenues) ou le Kuluna en jupe (en référence aux pratiques semblables chez les femmes) pour désigner celui dont on pense qu’il est corrompu ou qu’il dilapide les ressources du pays censées être réparties au sein de toute la population, le Kuluna en culotte pour signaler l’écolier violent… Le kuluna devient ainsi une catégorie générique (A) dont on cherche vainement à définir un profil (B).
A. Le kuluna, une catégorie générique
Le phénomène kuluna, situation problématique considérée comme « brûlante », cristallise de nombreuses frustrations, toutes dénonçant la violence au quotidien, et devient une véritable catégorie « fourre-tout ». Le kuluna, objet de tous les fantasmes quant à ses origines (a) répond à la fois à des modes opératoires décrits de manière précise et qui laissent pourtant place à la construction d’une figure du Kuluna (b).
a. Fantasmes des origines
Le discours le plus différencié concerne l’origine du phénomène kuluna. En effet, quand certains soutiennent qu’il s’agit d’un phénomène nouveau, d’autres affirment que le kuluna est une nouvelle appellation recouvrant des manifestations bien plus anciennes.
Pour certains interlocuteurs, le kuluna est la résultante de l’utilisation des jeunes par les politiciens, et cette instrumentalisation serait ancienne. Le kuluna est parfois présenté comme une conséquence du démantèlement de la jeunesse du Mouvement populaire de la révolution (MpR), parti créé par le Président Mobutu et devenu Parti-État. Le système de délation généralisé mis en place dans le cadre de ce parti constituait le premier niveau du contrôle social, qui aurait disparu avec l’ère du Président Laurent-Désiré Kabila. Ce vide aurait favorisé le phénomène kuluna, considéré ici comme la traduction de l’effondrement du contrôle social. Ainsi, les mutations des modalités du contrôle politique participeraient à l’émergence de ce phénomène, car les modes de contrôle citoyen incluaient une dimension éducative, aujourd’hui disparue.
Dans une perspective proche, mais dont l’interprétation est opposée, d’autres enquêtés estiment que le phénomène kuluna serait l’émanation de la désarticulation des Forces d’autodéfense populaire (FAp) créées sous le régime du Président Laurent-Désiré Kabila. Ils soutiennent qu’il existe un rapprochement entre l’invitation incessante de la population par les FAP à s’organiser après la chute de Mobutu et l’attachement des jeunes dits Kuluna au territoire de leurs quartiers respectifs, territoire qu’ils défendent à coups de poing et de machette contre l’intrusion des jeunes d’autres quartiers venus pour voler ou créer du désordre et dévergonder la moralité des jeunes filles et garçons.
Enfin, pour d’autres interlocuteurs, le phénomène kuluna tirerait ses origines de l’utilisation des jeunes par les partis politiques. En effet, ces derniers auraient recruté et formé des jeunes pour participer aux manifestations politiques, comme l’expose ce chef de rue :
« Ils prennent certains jeunes, ils les forment au banditisme, pour aller menacer les autres partis politiques. D’autres participent à des cambriolages, la nuit. Par exemple, comme les gens [d’un tel parti politique], ils envoient leurs jeunes menacer tel [autre] parti politique, nous le voyons ! C’est ça qui nous a conduits à tout ce que nous vivons. »
Ancien ou nouveau, le phénomène kuluna aurait une origine exogène au pays. Et, là encore, de forts contrastes sont observés : sa provenance est tantôt attribuée à l’Angola, tantôt au Rwanda.
Selon certains, le phénomène kuluna est une exportation du Rwanda à l’occasion de l’invasion des riches territoires de l’est de la République Démocratique du Congo, en vue de leur exploitation en dehors de tout contrôle des autorités congolaises, à l’occasion des guerres récurrentes et de l’instabilité subséquente dans cette partie du territoire congolais. Dans cette perspective, l’inscription des conflits récurrents à l’est du pays dans les imaginaires s’est traduite par la désignation au sein de certains quartiers d’une partie ouest, réputée calme et d’une partie est, estimée « chaude », et ce, indépendamment de leur position géographique réelle. Cette répartition imaginaire des quartiers avait déjà été soulignée (Kienge-Kienge Intudi, 2014 : 275-276) :
[L]es jeunes, s’inspirant de la division du pays en partie ouest (couvrant les provinces de Bandundu, Bas-Congo, Équateur et la ville province de Kinshasa) et en partie est (ancienne rég...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Collection
- Titre
- Copyright
- Exergue
- Remerciements
- Introduction
- Première partie – De Kuluna aux kulunaires
- Deuxième partie – Sociabilités des jeunes et sorties de violence
- Conclusion
- Références bibliographiques
- Table des matières