C'est la première fois que je vis longtemps
eBook - ePub

C'est la première fois que je vis longtemps

suivi d'un entretien de l'auteure avec Marion Rousset

  1. 218 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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C'est la première fois que je vis longtemps

suivi d'un entretien de l'auteure avec Marion Rousset

À propos de ce livre

Vingt ans après les faits, dans le cahier rouge et noir, la narratrice écrit son journal, celui de l'enquête qu'elle mène auprès de ses frères et sœurs et à partir des pièces du procès. Dans le cahier bleu, elle fait vivre l'adolescente de seize ans avant et juste après le viol. Elle écrit la traversée de l'événement comme une tentative d'apprivoiser quelque chose qui ne peut jamais l'être. "L'écriture, un cri muet qui me protège".

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Informations

Éditeur
Téraèdre
Année
2019
ISBN de l'eBook
9782336879215

LE CAHIER ROUGE ET NOIR

Le 5 avril 1993. Nantes. L’hôtel de la Providence

J’ai pris une chambre à l’hôtel de la Providence ; je dois attendre jusqu’à demain pour récupérer le dossier du procès des archives du palais de justice. Tant que je ne le tiens pas entre mes mains, j’imagine qu’ils peuvent encore changer d’avis. Plus tard, je rejoindrai la maison de l’île d’Oléron où je veux me retirer seule. J’aurai toute une semaine pour lire le dossier. Dès le départ, Mademoiselle Marnet, le greffier, m’avait bien dit : « Normalement, nous n’ouvrons pas les archives avant cent ans, mais vous pouvez toujours solliciter l’accord du procureur. »
L’hôtel de la Providence est situé à 200 mètres du palais de justice. L’hôtel de la Providence, un nom à présage. Dans les paroles de ma mère, la phrase « il faut croire en la Providence » revenait souvent. Pourquoi faudrait-il lui faire confiance d’ailleurs ? Qui est cette Providence ? Est-ce la réplique chrétienne de la célèbre phrase d’Arjuna dans le Mahabharata des Hindous, « Agis sans vouloir récolter le fruit de tes actes », ou encore une autre manière d’exhorter à l’acceptation, « Que ta volonté soit faite » ?
L’entrée de l’hôtel m’a tout de suite plu. Un large couloir avec deux grands miroirs vieillots entourés d’un encadrement de bois en peinture blanche écaillée. Deux grandes jarres en faïence bleue et, face aux miroirs, le comptoir d’acajou où se tenait penché sur un livre un vieux bonhomme avec des lunettes rondes et une barbe blanche.
Quand je lui ai demandé s’il avait une chambre, il a relevé lentement la tête, m’a regardée avec un sourire accueillant : « Pour vous servir, Madame. La chambre coûte 200 francs. »
J’étais tellement agitée que je n’ai pas réussi à trouver ma carte d’identité.
« Allez-vous asseoir au petit salon, prenez votre temps, rien ne presse. » Sa voix rieuse, avec un léger accent espagnol, m’a mise en confiance. J’ai eu honte de la fébrilité de mes mouvements, puis je suis allée m’asseoir dans un des fauteuils. Les rideaux, rouge indien, les lattes de bois à mi-hauteur et une grosse lampe en forme de mappemonde créaient une atmosphère intime, protectrice.
J’ai fini par retrouver ma carte d’identité et en la lui tendant, j’ai dit : « Aujourd’hui c’est un jour exceptionnel pour moi. »
– Je le vois, s’est-il contenté de répondre avec discrétion.
Il faut faire confiance en la Providence. Je suis montée dans ma chambre et me suis mise à écrire sur un vieux bureau d’acajou.
Nantes, le 6 avril 1993
J’ai eu mon rendez-vous avec le procureur de la Cour d’Appel.
À deux heures de l’après-midi, en montant les escaliers, vers les colonnades du Palais de justice, j’ai été prise de panique, « Et si le locataire venait lui aussi chercher son dossier ». Au même moment, un homme en pardessus gris descendait les escaliers dans ma direction. J’ai clairement vu les moustaches noires du locataire. J’ai basculé dans une sorte de vertige, d’absence, puis, en rouvrant les yeux, j’ai constaté que l’homme au pardessus gris venait d’atteindre l’autre côté de l’esplanade. J’ai failli rebrousser chemin, j’ai hésité et je me suis dit : Non, tu n’es pas folle. Corinne m’a bien dit qu’il était interdit de séjour en France. J’ai repris la montée des escaliers, j’ai foulé le tapis rouge de l’escalier central.
Deuxième étage, bureau de Monsieur Gérard Roudil. Dès que j’ai été introduite dans son bureau par une secrétaire, j’ai su pourquoi j’étais là. Un petit homme jovial, le crâne presque chauve, me regardait avancer. Plus de honte.
Après m’avoir fait asseoir et m’avoir demandé si j’avais fait bon voyage, le procureur a dit :
« Je vais aller droit au but, Madame. Pouvez-vous m’expliquer les raisons qui vous conduisent à vouloir consulter le dossier de monsieur Ahmed Zouari.
– À l’époque des faits j’avais seize ans et demi et j’ai gardé très peu de souvenirs de ce procès. Ma mère est tombée gravement malade après cet événement. Elle a été quatre mois en hôpital psychiatrique et a ensuite eu une période de dépression pendant sept ans. Alors, je crois que j’ai voulu tout oublier. Une forme d’anesthésie, vous comprenez.
– Oui, bien sûr, je comprends, mais la consultation des pièces du dossier risque d’être un retour douloureux sur le passé.
– Il est possible que cela fasse resurgir des souvenirs douloureux mais en fait, pour moi, il ne s’agit pas d’un retour puisque, d’une certaine manière, ils ne m’ont jamais quitté. Revenir sur ce passé, l’affronter, ce sera pour moi, j’espère, une manière de le dépasser. »
J’ai senti que je marquais des points. Son silence était une forme d’approbation, mais il cherchait manifestement d’autres arguments.
« Mais pourquoi n’interrogez-vous pas vos proches, vos parents ?
– Mes parents sont morts tous deux, je ne crois pas qu’ils auraient été les mieux placés pour répondre à mon attente. »
Je me souviens aussi qu’il m’a demandé pourquoi avoir attendu aussi longtemps, vingt ans. Je m’étais préparé à ce genre de questions et j’ai pu répliquer : « Peut-être parce que j’ai un meilleur équilibre. J’aime un homme avec qui j’ai eu deux enfants. J’ai l’impression que la lecture des pièces juridiques me permettra de franchir une étape décisive. Je vous demande de m’accorder cette autorisation. On ne peut pas refaire sa vie mais on peut la comprendre et l’accepter. »
Il s’est levé calmement et m’a serré la main fermement. Je me souviens très clairement de ces mots : « Vous devrez payer le coût des photocopies à Madame le greffier.
– Bien sûr… Je vous remercie vraiment beaucoup.
– Passez demain matin, je vais demander qu’on s’en occupe. »
Et maintenant, j’attends, j’écris. Dans l’encadrement de ma fenêtre, le clocher de l’église et les toits de tuile se découpent sur un ciel bleu pâle, orangé. Il va bientôt faire nuit.
J’aime me retrouver dans cet hôtel à attendre. Un lieu de passage, un lieu frontière, entre deux, comme suspendu, sans passé ni avenir.

Le 8 avril 1993. L’île d’Oléron. Des grandes herbes en bordure de mer

J’ai écrit à Phil. J’ai pu faire une photocopie de ma lettre pour toi et d’une autre lettre aussi, celle-là est maudite. Je n’aurais jamais dû la lire.
Je suis arrivée avant-hier, en fin d’après-midi. Il va falloir couper les grandes herbes en bordure de mer pour que, de mon bureau, je puisse voir le phare d’Antioche et, au loin sur la ligne d’horizon, les bateaux qui croisent en partant de la Rochelle vers l’océan.
J’ai recréé un petit monde matériel exceptionnellement organisé, la nourriture, le lit, le bureau.
Toute la journée d’hier, j’ai hésité à décacheter l’enveloppe. Je regardais l’entête « Cour d’Appel de Nantes, Tribunal de Grande Instance », je soupesais l’enveloppe, réalisais que tous ces documents avaient dormi pendant vingt ans dans le sinistre sous-sol d’un palais de justice sans que je n’en sache rien, qu’ils étaient là devant moi, qu’il me suffisait d’ouvrir. Finalement j’ai préféré aller couper les premières herbes avec une faucille à moitié rouillée, sentir le vent et, en revenant du bord de la falaise, j’ai osé.
Au départ, affolée, j’errais entre les pièces, D.8 – P. V de saisie, D.10 – P. V de confrontation, D.18 – Rapport de l’officier de police, D.20 – Ordonnance de commission d’experts. Saisie de quoi ? Confrontation avec qui ? Experts en quoi ? Je lisais quelques lignes sans pouvoir me concentrer, tournais les pages sans vraiment comprendre. Claude avait raison. Ils avaient bien réalisé une enquête, puisqu’il semblait y avoir des P.V. de plusieurs auditions de témoins : une voisine, le proviseur de mon lycée, mais je n’arrivais pas à me fixer sur une pièce quelconque.
J’étais littéralement paniquée par tous ces papiers et, tout à la fin du dossier, je suis tombée sur une lettre manuscrite signée « Je t’aime »
J’avais peur. J’ai lu cette lettre et je te l’ai jointe pour que tu puisses mieux comprendre mon effroi, mon dégoût.
Il ne connaissait pas mon nom apparemment, la lettre est intitulée « chère voisine ».
Il demande à Dieu de lui pardonner. Il parle d’amour pur. Une justification de l’acte par l’amour, une atroce justification.
Cette histoire le concerne et ne me concerne pas mais alors pourquoi me suis-je précipitée sur le dernier document ?
Cette lettre m’est totalement insupportable.
Quelle ironie de l’histoire, quelle farce des mots ! Lire ces trois mots dans ce dossier alors que toi, tu n’as jamais vraiment réussi à me les dire simplement, sans tourner autour.
J’aurais envie que tu me serres dans tes bras, que tu me réchauffes, que tu essuies mon visage en larmes avec tes mains comme tu l’as fait si souvent.
Au milieu de la lettre, il dit « J’espère que tu m’excuses de ce que… j’ai fait. »
Il invoque Dieu, l’amour. Alors, quelle est la folie qui lui a fait commettre ce crime ?
Parfois, je me demande ce qui me pousse à faire cette recherche, pourquoi je m’évertue à vouloir lire ces textes du procès. J’imagine trouver une réponse à la folie humaine. Qui pousse l’homme à tuer, à violer ?
Je voudrais hurler cette question dans le ciel, entendre ce cri en écho.
Mais la fin est terrible. « Je t’aime Excuse-moi ».
Cette phrase « Excuse-moi » est ridicule et sordide. Un passant vous le dit quand il vous a bousculé dans le métro.
Je te tue, je te méprise. Excuse-moi. Le démon s’est emparé de moi. Excuse-moi… Non. Je n’excuse pas.
Malgré ma détresse, je préfère vivre ça loin de toi et des enfants.
Pense à moi très fort. Delphine
PS : Tu sais que ma mère m’avait vaguement parlé d’une lettre écrite à sa sortie de prison. C’est en la recherchant que j’ai commencé à écrire dans mes deux cahiers. Peut-être cette lettre n’a-t-elle jamais existé ? L’autre est pour moi trop réelle. Tu peux la lire maintenant.
Je suis allée couper les grandes herbes au bord de la falaise. Je sentais une force décuplée et, à chaque coup de faucille, le suc blanc des tiges dégorgeait. J’attaquais la suivante avec la même rage. La vue est maintenant complètement dégagée. La mer a des couleurs vert-turquoise, bleu noir par endroits. Les nuances du bleu atlantique me bercent.
Chère Voisine
D’un cœur tendre un garçon sérieux. Des mains tremblent. Des yeux plein de larmes. Oui, il y a des circonstances qui m’obligent à t’écrire. Mais mes circonstances sont très difficiles, au qu’un solution je vois. Ici je lève mes mains en haut au ciel pour demander à Dieu de m’excuser de ce que j’ai fait. C’est la première fois que je commis cette erreure et je crois que dieu acceptera ma prière.
Oui chère voisine la vie c’est dure pour les malheureux comme moi. J’aime ce qui est près de moi mais à vrai dire loin de moi. Toujours je vie et je vivrai sans espoire. Je t’aime et je n’est pas le courage de te dire ça. je te jure que je ai pas que toi dans la vie. Vous êtes le seul bût de ma vie. le seul espoir de ma vie. croyez mais je t’aime et je t’aimerai pour toujours. je veux que tu sois mon épouse dans l’avenir parce que je t’ai trouvé sympatique et j’ai vu dans tes yeux la sincérité et la sérieusité.
Oui, mon futur croyez moi il faut que tu moi rien de plus. ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Collection « l’écriture de la vie »
  4. Titre
  5. Copyright
  6. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  7. LE CAHIER BLEU
  8. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  9. LE CAHIER BLEU
  10. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  11. LE CAHIER BLEU
  12. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  13. LE CAHIER BLEU
  14. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  15. LE CAHIER BLEU
  16. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  17. LE CAHIER BLEU
  18. LE CAHIER ROUGE ET NOIR
  19. ÉPILOGUE
  20. Entretien avec Marion Rousset1
  21. Table des matières
  22. Collection « L’écriture de la vie »