Migrant ou la vérité devant soi
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Migrant ou la vérité devant soi

Un enjeu d'humanité

  1. 186 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Migrant ou la vérité devant soi

Un enjeu d'humanité

À propos de ce livre

Les migrations d'aujourd'hui et d'hier ne seraient-elles pas comme un lieu de révélation? Le fait que les humains migrent, tissent des liens aussi bien (et parfois aussi mal) avec ceux qui sont loin qu'avec ceux qui sont proches, ne manifeste-t-il pas quelque chose d'essentiel sur ce qu'est être et devenir humain? Tout humain n'est-il pas un migrant et ne doit-il pas l'être pour se trouver lui-même dans sa vérité profonde?

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2019
ISBN de l'eBook
9782806122735

De la commune humanité ?
Les questions de migrations et d’asile comme lignes de faille

Jacinthe Mazzocchetti

Dans cette contribution, c’est aux conceptions de l’humain, que les discours, les politiques et les pratiques en matière de migrations et d’asile construisent et donnent à voir, ainsi qu’à certains actes de résistances que je me propose de réfléchir. Si l’anthropologie est davantage une discipline d’analyse des pratiques que des discours, j’ai développé de longue date des travaux de recherche qui tendent à réarticuler imaginaires, discours et pratiques, analysant l’interférence entre ces trois composantes de nos « sensibilités au monde »1. En matière de migrations et d’asile2, les discours officiels (politiques, presses…), mais aussi ceux qui apparaissent sur des réseaux sociaux par exemple, ainsi que, bien entendu, les choix en matière de politiques publiques, participent à la construction d’imaginaires de haine et de rejet aujourd’hui de plus en plus visibles et explicites, qui rejaillissent et influencent à leur tour les choix des politiciens, rivés au court terme de leurs échéances électorales et donc à l’opinion publique que leurs propres discours contribuent à créer.
Ce texte s’inscrit dans une réflexion que je mène maintenant depuis plusieurs années sur ce que les enjeux contemporains relatifs aux migrations et à l’asile nous donnent à penser de la question de la commune humanité3. Il repose sur une « ethnographie de parcours »4, composée de multiples ethnographies de séjours auprès de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés, de politiciens et de journalistes et enfin, de travailleurs sociaux en Belgique et à Malte. Il est structuré en trois parties. Premièrement, une réflexion sur la manière dont les discours et leurs mises en œuvre pratiques participent de la construction des altérités irréductibles et infériorisées. Deuxièmement, au travers d’une étude de cas, l’écriture d’ouvrages littéraires par un groupe de demandeurs d’asile, il interroge ce qui, par cet acte de résistance via les mots, se joue dans cette reprise de pouvoir qu’est celle de l’auto-nomination ainsi que dans l’écriture des histoires redevenues complexes. Troisièmement, le texte se termine sous forme d’ouverture, esquissant une réflexion plus méta sur les conceptions de l’humanité qui se donnent à voir au travers des questions de migrations et d’asile.

1. Construction de l’altérité et des vies inégales5

Comme l’énonce Stuart Hall6 : « La question n’est pas de savoir si l’homme-en-général perçoit distinctement les groupes dotés de caractéristiques raciales ou ethniques différentes, mais bien plutôt de comprendre quelles sont les conditions spécifiques qui rendent cette forme de distinction socialement pertinente et historiquement active ». Le racisme, un des ressorts de la déshumanisation, se construit, s’établit, se perpétue à l’intersection des représentations (idéologies, images et imaginaires…), des discours (individuels comme institutionnels, officieux comme officiels…) et des creux de discours (silences, non-dits…), et des pratiques sociales individuelles et collectives. Dans ces processus complexes, je voudrais ici insister sur le rôle des discours, en particulier, ceux des élites. En effet, « les préjugés socialement partagés sont produits et reproduits de façon collective et collaborative par les membres de groupes sociaux à travers les discours institutionnels dans les domaines de la politique, des médias, de l’éducation, du savoir et de l’entreprise »7. Discours qui, au cours de l’histoire, ont participé à construire les catégories qui permettaient et légitimaient les processus d’altérisation, de hiérarchisation, d’exploitation, mais aussi de déshumanisation et de destruction des « autres ». Discours qui aujourd’hui continuent d’affirmer ou de réaffirmer des représentations racisées des « autres Noirs, musulmans, Arabes… », perçus et traités comme des « en dehors » de l’histoire européenne et des sous-citoyens. Ainsi, il importe de réfléchir aux orientations idéologiques des politiques relatives aux questions d’asile, en Europe et plus spécifiquement en Belgique, ainsi qu’elles transparaissent dans les discours et les actions à propos des migrants et des demandeurs d’asile, présentés au mieux comme un fardeau, au pire comme un danger : des « victimes de trafics » ou des « délinquants ». Mises en mots et en acte qui concourent à enfermer lesdits migrants dans des représentations d’altérité radicale et immuable, à construire l’imaginaire de l’invasion et du péril et à ancrer dans les esprits les risques que représenteraient pour « nous », les « Européens » présumés légitimes, ces arrivées.

1.1. Routines d’altérisation8 : du poids des mots

Au travers d’une analyse des discours à l’égard de/sur « les autres, « les migrants », « les réfugiés », il s’agit de décrire les « “routines” d’altérisation et de ségrégation instituées par les majoritaires »9. Ce faisant, il s’agit donc de comprendre comment s’est construit le débat public sur la question des migrations ces dernières décennies, et, plus spécifiquement le rôle des politiques, dans le double sens, de discours de politiciens et d’enjeux électoralistes, et, de mises en place de politiques publiques. Ainsi, il est nécessaire de saisir combien l’actuel climat de peur, teinté de désinformation et de xénophobie, d’une part, et d’indifférence aux sorts des « autres », d’autre part, est alimenté des discours politiques et médiatiques10.
Sans remonter trop loin dans le temps, les représentations contemporaines sont influencées par le contexte de « War on Terror », des catégorisations et des sentiments d’insécurité qui en émanent, un des tournants dans la construction des représentations de l’étranger, qui n’est plus seulement, suite au tournant des années 1970, celui qui vient « voler le travail », mais aussi celui qui représente un danger. Pour ce qui est de la Belgique, comme le relevait la Ligue des Droits de l’homme en 2014, les discours et les pratiques à l’égard des ressortissants étrangers qui dans les années 1970 suscitaient des levées de boucliers, car provenant de l’extrême droite et générateurs de discriminations voire de violences, sont aujourd’hui passés du côté des discours politiques de partis pour lesquels aucun cordon sanitaire ne s’applique. Dans cette étude, Deswaef examine le programme « 70-puntenplan » du Vlaams Belang, ancien parti politique belge d’extrême droite, qui avait pour but de « résoudre le problème des étrangers »11. Aujourd’hui, dit-il, « une partie de ce sinistre programme, qui faisait hurler n’importe quel démocrate à l’époque, a été accomplie, au fil du temps, par les partis démocratiques. Quant aux idées qui n’ont pas – jusqu’à présent – été concrétisées, une partie d’entre elles ne sont plus du tout taboues ».
Je vous invite à lire ce texte édifiant. À titre d’exemple, notons notamment que « le Vlaams Blok prônait l’extension des centres fermés pour étrangers en séjour illégal ou en fin de procédure aux candidats réfugiés arrivant dans notre pays. Pour ce faire, il préconisait de construire de nouveaux centres fermés hors des zones habitées pour éviter les nuisances. Aujourd’hui, ils existent et deux de nos cinq centres fermés pour étrangers sont même construits en bord de piste de l’aéroport national pour accélérer la rotation des expulsions ». Ces derniers mois, cette politique d’enfermement et d’expulsion a même pris un tournant davantage radical avec la création de centres fermés pour familles, et, dès lors, le retour des enfants dans ces lieux violents et destructeurs malgré les nombreuses réactions de la société civile. La réaction du secrétaire d’État suite au rejet du recours introduit au Conseil du Contentieux des Étrangers est sans équivoque : « Recours contre l’enfermement d’une deuxième famille rejeté par le CCE. Nous gagnons chaque affaire », a-t-il ainsi écrit sur les réseaux sociaux par l’entremise d’un tweet12. Malgré les rapports alarmants de médecins, de psychiatres, du délégué aux droits de l’enfant, enfermer, actuellement des femmes seules avec enfants, est présenté comme une victoire. Cette question, si elle mobilise fortement une partie de la société civile bien au fait des questions migratoires, est par ailleurs tout à fait banalisée. Les violences qu’elle matérialise et symbolise ne sont pas interrogées, à tel point que le journal La Libre Belgique a pu se permettre le 13 août 2018 de poser un sondage en ces termes : « Depuis samedi, des enfants sont placés en centres fermés en Belgique, soutenez-vous cette initiative. Oui. Non. »
« Le Vlaams Blok proposait également d’expulser les personnes en séjour illégal collectivement avec les C-130 de la Force aérienne belge ». Ce qui est aujourd’hui effectivement le cas, sans même parler de l’organisation de retours forcés conjoints via l’agence Frontex, loin du regard de la société civile. Le Vlaams Blok recommandait également « de dresser une liste de “pays non-sûrs” dont seuls les ressortissants pourraient introduire une demande d’asile. La précédente Secrétaire d’État, Maggie De Block, a établi une liste de “pays sûrs” que l’actuel Secrétaire d’État voudrait étendre ». Parmi les mesures, se trouvait aussi « la pénalisation de l’aide apportée aux illégaux, l’expulsion en cas de condamnation pénale, la prime au retour, les accords bilatéraux avec les pays de provenance en vue des rapatriements ou encore le permis de travail limité pour les étrangers, méritent également une mention spéciale dans la liste des mesures rêvées par le Vlaams Blok et mises en œuvre aujourd’hui par d’autres ».
Cet exemple a déjà été beaucoup discuté, mais il reste très pertinent. Il retrace non seulement l’évolution des politiques publiques à l’égard des migrants, mais aussi des sensibilités, là où les partis majoritaires entre jeux électoraux et pressions de ce qu’ils nomment l’opinion publique, déploient des discours de plus en plus populistes et mettent en place des politiques de plus en plus ségrégationnistes. À qui les discours les plus fermes et soi-disant réalistes à l’égard des migrations. Je me permets de les qualifier de « soi-disant réalistes », car ils contreviennent à la grande majorité des travaux scientifiques ainsi qu’aux rapports de nombreuses associations et ONG13. À ce propos, j’ai été marquée par une interview off record d’un politicien ayant occupé des fonctions dans le gouvernement fédéral qui me racontait le piège du jeu électoraliste dans lequel il était pris. Conscient du non-sens, d’un point de vue économique et démographique, des choix actuels de l’Europe, et de la Belgique, en matière de migrations, mais tenu face à une opinion publique que lui, son parti, et la majorité des politiciens en fonction ces dernières décennies ont pourtant participé à construire. Derrière la notion d’« opinion publique » se cachent les représentations d’une partie importante des citoyens qui, après avoir entendu pendant plus de trente ans le pire à propos des migrations, ont du mal à aller au-delà des supposées évidences et des amalgames ; qui ont du mal également à entendre que les migrations sont une plus-value, par ailleurs nécessaire et impossible à éviter, sur le plan économique comme sur le plan humanitaire. Il importe en effet de saisir les ressorts de ces peurs et processus d’infériorisation, d’échelonnement des vies de plus ou moins de valeurs, et, d’analyser le poids des discours des dirigeants et la manière dont ils sont relayés dans les médias dans ce...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Dans la même collection
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Avant-propos : Et si la foi en appelait à la raison ? L’impensé des migrations. Benoît Bourgine
  7. La problématique. Paul Scolas
  8. L’élu dans la Bible hébraïque, un étranger. André Wénin
  9. Variations patristiques sur « Notre cité se trouve dans les cieux » (Ph 3,20). Jean-Marie Auwers
  10. Difficile responsabilité. L’éthique chrétienne face à l’immigration irrégulière. Walter Lesch
  11. De la commune humanité ? Les questions de migrations et d’asile comme lignes de faille. Jacinthe Mazzocchetti
  12. « L’hospitalité est le chemin de la vérité » (Louis Massignon). Pierre-François de Béthune
  13. L’existence, de l’égarement à l’exode. Michel Dupuis
  14. Exode et diaspora. La condition ecclésiale. Joseph Famerée
  15. Migration et accueil de l’autre. Clés éthiques. Éric Gaziaux
  16. Liste des auteurs
  17. Table des matières