Distance(s) et didactique des langues
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Distance(s) et didactique des langues

L'exemple de l'enseignement bilingue

  1. 294 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Distance(s) et didactique des langues

L'exemple de l'enseignement bilingue

À propos de ce livre

La distance, comme son opposĂ© la proximitĂ©, constituent une maniĂšre d'aborder les langues et les contacts qui s'Ă©tablissent entre celles-ci. L'idĂ©e de ce volume naĂźt d'une journĂ©e d'Ă©tude organisĂ©e par l'ADEB en novembre 2015 sur la thĂ©matique de la distance dans l'enseignement bilingue qui avait rĂ©uni enseignants et chercheurs travaillant dans des contextes divers oĂč le français cĂŽtoie d'autres langues Ă©loignĂ©es du point de vue typologique (l'arabe, le turc, le basque et le breton).

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2019
ISBN de l'eBook
9782806661739

PARTIE 1

Réflexions autour de la notion
de « distance » : positionnements
épistémologiques et didactiques

Pour lancer le débat


Savoir prendre ses distances1

Daniel COSTE
ENS de Lyon, ADEB
« Aucun apprentissage n’évite le voyage. Sous la conduite d’un guide, l’éducation pousse Ă  l’extĂ©rieur. Pars : sors. Sors du ventre de ta mĂšre, du berceau, de l’ombre portĂ©e par la maison du pĂšre et des paysages juvĂ©niles. Au vent, Ă  la pluie : dehors manquent les abris. Tes idĂ©es initiales ne rĂ©pĂštent que les mots anciens. Jeune : vieux perroquet. Le voyage des enfants, voilĂ  le sens du mot grec pĂ©dagogie. Apprendre lance l’errance. »
Michel Serres, Le tiers instruit, 1991 : 28.
Il ne s’agit ici que de proposer quelques Ă©lĂ©ments de cadrage pour caractĂ©riser diffĂ©rentes situations d’enseignement et d’apprentissage bilingues. Aucune prĂ©tention Ă  l’originalitĂ©, mais le besoin de distinguer des cas de figure et des modes d’approche des contextes que la dĂ©signation « enseignement bilingue », surtout quand elle est utilisĂ©e indistinctement par des acteurs institutionnels promouvant cette forme de diffusion d’une langue, tend Ă  confondre.
Ce besoin tient aussi Ă  ce qu’on entend ici par enseignement bilingue : non pas une forme renforcĂ©e d’enseignement d’une langue Ă©trangĂšre par recours Ă  des contenus empruntĂ©s Ă  des disciplines autres2 mais bien la construction effective de connaissances nouvelles dans une langue qui n’est pas celle d’usage premier ou majeur de l’apprenant3.

1. Quelques distinctions Ă  prendre en compte ?

1.1. Une distance double, voire doublement double

PensĂ© sous cet angle, l’enseignement bilingue (dĂ©sormais EBP) a doublement partie liĂ©e avec la distance : distance par rapport aux connaissances Ă  acquĂ©rir et distance par rapport Ă  la langue dans laquelle on les acquiert. Les points de vue sur cette distance peuvent Ă©videmment varier selon les acteurs ou instances concernĂ©s : apprenants, enseignants, institutions de formation, dĂ©cideurs et usagers autres
 voire le didacticien chercheur qui s’y intĂ©resse ou y intervient.
Double distance qui peut (ou doit), qu’on le reconnaisse ou pas, ĂȘtre complexifiĂ©e du fait que, par une maniĂšre d’effet retour, la prise de distance affecte aussi la langue (voire les langues) dĂ©jĂ  lĂ  et les connaissances dĂ©jĂ  lĂ . Il est frĂ©quemment soulignĂ© que l’EBP entraĂźne comme une dĂ©familiarisation de la langue premiĂšre ou majeure et inscrit dans une perspective autre les connaissances antĂ©rieurement Ă©tablies. Quand mĂȘme la langue et les connaissances dĂ©jĂ  lĂ  jouent Ă  l’évidence un rĂŽle dans la construction linguistique et des savoirs qu’opĂšre l’EBP, elles se trouvent considĂ©rĂ©es sous un angle diffĂ©rent et ainsi quelque peu mises Ă  distance, repositionnĂ©es dans une espĂšce d’éloignement. Encore que cette autre double distance ne fasse pas l’objet ici d’une analyse spĂ©cifique, il convient de ne pas la perdre de vue. Les notions de dĂ©centration et de dĂ©familiarisation par rapport au dĂ©jĂ -lĂ , le cĂŽtĂ© « effet de loupe » que le contact avec la langue et les connaissances autres peuvent avoir sur les acquis antĂ©rieurs renvoient bien Ă  cette autre distanciation double.

1.2. Altérité et mobilité

Si, constitutivement, l’EBP est marquĂ© par la distance, celle-ci peut ĂȘtre envisagĂ©e selon deux postures : en termes d’altĂ©ritĂ© et/ou en termes de mobilitĂ©, ces deux postures n’étant pas exclusives l’une de l’autre. La premiĂšre, face Ă  l’altĂ©ritĂ©, pose le rapport Ă  la langue nouvelle et/ou aux connaissances Ă  aborder en termes de perception de la distance et de niveau de mise Ă  distance. Par analogie avec la photographie, c’est un travail de focalisation qui est engagĂ©, avec ce qu’il prĂ©sente d’ajustement variable et de rĂ©glage de la perception. Il s’agit bien, mĂȘme dans les effets de « zoom » sur un aspect particulier de l’altĂ©ritĂ© de la langue ou de la connaissance, de (se) tenir Ă  distance pour mieux assurer la mise au point. La seconde posture, inscrite, elle, dans une visĂ©e de mobilitĂ©, pose le rapport Ă  la langue nouvelle et/ou aux connaissances Ă  aborder en termes de projection. On est lĂ  dans une dynamique et un engagement visant Ă  une rĂ©duction effective de la distance, par dĂ©placement et parcours dans un entre-deux.

1.3. Le proche et le lointain

Que l’acteur social se positionne prioritairement en perception de l’altĂ©ritĂ© ou en mise en mobilitĂ©, la distance est aussi affaire de proche ou de lointain, tant Ă  l’égard de la langue qu’à l’égard de la connaissance. Il y a du plus ou moins autre dans le rapport Ă  l’autre. Dans la prise de contact avec et la focalisation sur l’altĂ©ritĂ©, l’autre langue peut sembler radicalement inconnue ou prĂ©senter quelque ressemblance avec du dĂ©jĂ  vu, la connaissance affrontĂ©e paraĂźtre totalement opaque ou comportant quelque zone de relative transparence. Dans le parcours de mobilitĂ©, l’approche de la langue nouvelle relĂšvera ici de l’ardu, voire de l’insurmontable, ailleurs du « gĂ©rable » et de l’atteignable, l’appropriation de la connaissance Ă  acquĂ©rirtiendra ici d’une construction clairement finalisĂ©e et progressive, lĂ  d’une incertaine course d’obstacles sans visibilitĂ©4.

1.4. Le relationnel et le cognitif

On posera une derniĂšre distinction duelle pour cette tentative de cadrage gĂ©nĂ©ral : celle entre le relationnel et le cognitif. Dans le rapport Ă  la langue comme dans celui Ă  la connaissance, la distance peut relever de l’ordre de la relation (par ex., distance de nature motivationnelle, culturelle, sociale par rapport Ă  l’apprentissage de la langue autre ou de la connaissance nouvelle) ou de l’ordre de la cognition (pas seulement une distance touchant aux connaissances Ă  acquĂ©rir, mais aussi tenant, par exemple, Ă  un dĂ©faut d’information ou d’expĂ©rience mĂ©talinguistique rĂ©flexive antĂ©rieure)5. Autant il est utile de distinguer entre relationnel et cognitif, aux sens donnĂ©s ici Ă  ces qualificatifs, autant, dans la pratique enseignante comme dans toute formation comportant une construction de connaissances, le relationnel et le cognitif se trouvent, Ă  des degrĂ©s divers, simultanĂ©ment impliquĂ©s.

1.5. Des combinaisons complexes

Double distance, positionnement en termes d’altĂ©ritĂ© et de mobilitĂ©, focalisation et projection, proximitĂ© et Ă©loignement, relationnel et cognitif, autant de distinctions binaires dont le croisement permet tout Ă  la fois de cadrer l’analyse et de baliser et de caractĂ©riser – quand mĂȘme ce serait de maniĂšre sommaire – la multiplicitĂ© des situations des enseignements et des apprentissages bilingues. Il est Ă©videmment loisible de proposer, en fonction de ces diffĂ©rents paramĂštres, des sortes de tableaux Ă  entrĂ©es multiples oĂč ranger une diversitĂ© de cas empiriques, mais l’objet de cette contribution se limite Ă  pointer des instruments de portĂ©e gĂ©nĂ©rique dont le lecteur peut tester l’éventuelle pertinence en les appliquant aux contextes dont elle ou il a l’expĂ©rience.
Encore convient-il de souligner Ă  nouveau que ces axes de catĂ©gorisation relĂšvent non de la polarisation, de l’exclusion, du tout ou rien, mais de variations sur un continuum. Surtout, comme indiquĂ© plus haut, la prise en compte de ces diffĂ©rents paramĂštres est Ă  considĂ©rer en termes de points de vue et de positionnements d’acteurs sociaux concernĂ©s et engagĂ©s, d’une maniĂšre ou d’une autre, dans telle ou telle situation d’EBP. Et ceci Ă©tant entendu que l’enjeu ne se rĂ©duit pas Ă  un projet descriptif ou analytique mais a trait aux choix didactiques et pĂ©dagogiques Ă  opĂ©rer localement, s’agissant de l’institution ou de l’enseignant, et aux voies et dĂ©marches d’apprentissage pour ce qui est de l’apprenant. Le postulat est donc que les distinctions Ă©tablies ci-dessus intĂ©ressent directement, comme autant de facteurs Ă  identifier et Ă  prendre en considĂ©ration, les conditions de dĂ©roulement et d’éventuel succĂšs de l’EBP.

2. Perception et représentation de la distance

2.1. Matérialité des signes, éloignement des espaces physiques

Dans le rapport Ă  la langue autre, la distance d’abord perçue comme altĂ©ritĂ© radicale peut tenir Ă  la matĂ©rialitĂ© linguistique mĂȘme et Ă  l’impression d’une impossibilitĂ© de prise sur cette matĂ©rialitĂ© proprement « inouĂŻe » (exposition Ă  une matiĂšre sonore perçue comme totalement Ă©trange et insaisissable) ou « illisible » (exposition Ă  une matiĂšre scripturale d’une graphie inconnue). La distance linguistique ainsi matĂ©rialisĂ©e devient im-perceptible. Et ce d’autant plus, Ă  l’évidence, si, au-delĂ  du premier choc, la langue autre, comme systĂšme formel, se rĂ©vĂšle appartenir Ă  un autre ensemble typologique. Le lointain opĂšre alors au niveau du relationnel et du cognitif.
La distance physique, spatiale, telle que communĂ©ment reprĂ©sentĂ©e, combinĂ©e Ă  une certaine vision essentialisĂ©e des cultures autres, produit des effets comparables. Plus il y a distance gĂ©ographique (et mĂ©connaissance historique) et plus les reprĂ©sentations tendent Ă  ĂȘtre englobantes et simplificatrices ou rĂ©ductrices. Vu de France, c’est, pour une bonne part des habitants, tout l’espace asiatique qui peut donner lieu Ă  lecture stĂ©rĂ©otypĂ©e, et pas seulement tel ou tel pays particulier. Et inversement, il est probable que vus, disons, du Japon, la France, l’Europe, voire le « monde occidental », se prĂȘtent Ă  apprĂ©ciation globalisante et homogĂ©nĂ©isante6 pour partie de la population7. Le constat, banal aujourd’hui, selon lequel les technologies contemporaines et l’instantanĂ©itĂ© mĂ©diatique Ă©crasent les distances doit certes ĂȘtre pris en ligne de compte, mais affecte-t-il en profondeur les reprĂ©sentations dont il est ici question ?

2.2. Cumul des distances, accentuation des distances, sous-estimation des proximités

Quand Ă©loignement physique, opacitĂ© linguistique et Ă©trangetĂ© culturelle se combinent, un tel cumul des distances perçues ne peut que renforcer des formes totalisantes et gĂ©nĂ©ralisantes d’apprĂ©hension de l’altĂ©ritĂ©, ne laissant que peu de place aux distinctions et Ă  l’analyse. Ce qui n’implique pas que les reprĂ©sentations sociales vĂ©hiculĂ©es soient parfaitement convergentes et excluent toute ambivalence. Ainsi l’image de la Chine, si on la globalise et uniformise Ă  l’excĂšs, est susceptible de mĂȘler altĂ©ritĂ© forte, fascination attirante et vague menace ; les variĂ©tĂ©s de l’arabe, elles aussi massivement non distinguĂ©es dans les perceptions de nombre de Français sont susceptibles de passer, du fait du passĂ© colonial et de la prĂ©sence migratoire, pour Ă  la fois linguistiquement trĂšs Ă©loignĂ©es et physiquement (trop) proches. Le phĂ©nomĂšne est sans doute tout aussi marquĂ© pour les langues africaines de l’immigration, linguistiquement plus dĂ©valorisĂ©es que l’arabe dans les reprĂ©sentations ordinaires. On reviendra sous un autre angle sur ces assertions quelque peu caricaturales.
Il est d’expĂ©rience commune, tant du point de vue langagier qu’au regard des pratiques culturelles, que de petites distances « objectives » se trouvent surĂ©valuĂ©es et que des proximitĂ©s flagrant...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Remerciements
  6. Avant-propos Mariella CAUSA et Sofia STRATILAKI-KLEIN
  7. PARTIE 1 Réflexions autour de la notion de « distance » : positionnements épistémologiques et didactiques
  8. PARTIE 2 La distance dans sa mise en Ɠuvre : les voix des acteurs engagĂ©s sur le terrain
  9. TÉMOIGNAGE
  10. Table des matiĂšres