Docteur Naasson Munyandamutsa, l'UMUPFUMU
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Docteur Naasson Munyandamutsa, l'UMUPFUMU

Un psychiatre à l'épreuve du génocide

  1. 143 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Docteur Naasson Munyandamutsa, l'UMUPFUMU

Un psychiatre à l'épreuve du génocide

À propos de ce livre

Comment faire face aux effets sans mesure du génocide sur le plan de la santé mentale et communautaire? Premier psychiatre rwandais à revenir au Rwanda au lendemain du génocide, Naasson Munyandamutsa s'est voué à tenter de « réparer l'irréparable ». Marie-Odile Godard donne ici la parole à ceux qui l'ont côtoyé. Puisant sans cesse dans sa culture d'origine, Naasson apparaît à la fois comme modèle, magicien, sourcier, éveilleur... bref un remarquable « passeur de mondes ».

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Informations

Éditeur
Academia
Année
2019
ISBN de l'eBook
9782806122506

PREMIÈRE PARTIE

Recueil de témoignages :
mémoire et parole vives
Rencontre mémorable,
présence d’une actualité pérenne et référence tutélaire pour l’avenir

1. Témoignages de collègues
psychiatres

Naasson a participé à la réhabilitation de l’hôpital psychiatrique de Ndera dans lequel il donnait des consultations. Pour autant, il n’était pas un psychiatre « psychiatro-psychiatrique » qui distribue des médicaments ; il intervenait en tant que psychothérapeute, en appréhendant le patient dans sa globalité. Il ne faisait pas partie du personnel du ministère de la Santé, mais il était impliqué dans différentes actions de consultations, de conseils ou de supervisions des professionnels de la santé mentale au sein du ministère ou dans différentes ONG. Il a plus tard participé à la mise en place du département de psychiatrie au sein de l’Université nationale du Rwanda.
Achour Ait Mohand, psychiatre algérien et assistant à la coopération belge, a rencontré en Naasson un grand homme de science toujours à l’écoute, toujours prêt à apprendre, surtout de ses patients. Cette attitude humble et d’une profonde humanité se manifestait non seulement avec les malades, mais aussi avec tous ceux qui l’approchaient.
Moi, quand je suis arrivé ici, il était le seul psychiatre en service. Il ne faisait pas partie du ministère de la Santé, mais tout le monde le connaissait dans le milieu médical. Il s’est montré très actif pour le développement de la santé mentale au Rwanda, il était de tous les projets qui se faisaient au Rwanda, et je me suis rendu compte qu’il agissait de la même manière dans beaucoup d’organisations. Il était non seulement présent mais il conseillait les gens, il donnait les orientations. Il a aidé le ministère de la Santé et beaucoup d’organisations à développer leurs projets, à les formuler, à les imaginer et à les faire aboutir ; il suffisait juste de faire appel à lui et il était là. Donc moi, j’avais un peu d’appréhension à rencontrer ce monsieur, particulièrement au niveau de ses orientations dans le domaine de la psychiatrie puisqu’il y a beaucoup d’écoles. J’aurais pu tomber sur un médecin « psychiatro-psychiatrique » à l’hôpital.
Lors de notre première rencontre, il me demande d’où je viens. Je lui réponds « d’Algérie », et il me dit : « Ah, je connais une telle ». En fait, il venait de me citer la femme qui m’avait formé en Algérie. Il m’explique qu’il la connaît bien. Cette femme est très progressiste, elle prône l’ouverture, la protection du malade, comment aider la personne, non seulement avec des cachets ou des injections mais aussi en agissant sur ce qui fait sa souffrance. Dès qu’il m’a dit qu’il connaissait cette dame en me racontant ce qui les liait, je me suis senti dans la continuité de ce que je faisais en Algérie.
Je me souviens que très vite on a partagé les mêmes idées, très vite j’ai su que c’était quelqu’un qui était ouvert et qui préconisait en termes de soin une psychiatrie et un modèle de soin ouverts sur l’extérieur, et ça m’a vraiment rassuré. C’était très important pour moi de tomber sur quelqu’un comme Naasson car j’étais venu pour faire un projet d’ouverture, qui devait renforcer la décentralisation des soins.
Chaque mercredi, à l’hôpital psychiatrique de Ndera, toutes les catégories professionnelles de la santé mentale se retrouvaient pour la supervision. Durant cette séance, le cas d’un malade était présenté puis analysé par Naasson. Et c’est là qu’on pouvait voir ses apports, comment il trouvait les mots, les images pour que les concepts soient compris par toutes les personnes présentes. Il savait lier le malade à sa culture, à son vécu, à son environnement. Il était l’un des rares professionnels capables de faire ce lien car c’était quelqu’un de très cultivé, et surtout fin connaisseur de la culture rwandaise. Il connaissait beaucoup de proverbes, d’anecdotes, les us et coutumes d’ici ; et il utilisait tout ce savoir comme un moyen de créer du lien. Naasson était un spécialiste du lien. Je connais beaucoup de monde au Rwanda, il était vraiment le seul à faire ça. Le seul regret que j’ai, c’est de ne pas l’avoir enregistré durant ces séances parce qu’il a souvent dit des choses extraordinaires. Dans nos échanges, il disait parfois des choses qui faisaient réfléchir ou faisaient resurgir des événements oubliés ou des choses qu’on fait automatiquement. Lui, il avait toujours un proverbe ou une explication en Kinyarwanda qui leur donne du sens. Par exemple, je me souviens qu’un jour, on parlait des personnes qui apportent des fleurs, une bouteille de vin ou un gâteau. Je lui ai dit : « Quand tu as une bonne nouvelle, d’accord, mais quand tu as une mauvaise nouvelle, tu ne le fais pas. » Cela m’a renvoyé à un souvenir d’enfance que je lui ai raconté : j’habitais à Alger, et un cousin de mon père était l’un des seuls à avoir le téléphone dans son magasin, donc on lui téléphonait du village pour transmettre les nouvelles aux autres. Le monsieur qui avait la charge d’annoncer les mauvaises nouvelles n’apportait rien. Chaque fois qu’il venait, mon père faisait sortir les enfants. Pour l’enfant que j’étais, il n’apportait rien, mais en fait, il apportait des nouvelles…
Naasson a alors cité un proverbe rwandais qui disait à peu près ceci : « Il faut porter attention à celui qui vient, il faut lui donner le temps car il a toujours quelque chose à annoncer. » Naasson faisait allusion au malade mental qui, malgré sa difficulté à dire, apporte toujours quelque chose, exprime quelque chose dont il faut savoir se saisir.
Naasson savait l’issue de sa maladie et il s’est montré très courageux. Même dans les moments les plus douloureux, il ne se plaignait pas et il gardait son sens de l’humour. Il employait souvent le ton humoristique pour exprimer des choses graves, sa maladie mais aussi certains événements de son enfance : sa bataille pour suivre ses études, sa frustration quand on lui a refusé une bourse d’étude parce qu’il n’était pas de la bonne ethnie… Lorsqu’il racontait des anecdotes de sa propre histoire, c’était un enrichissement extraordinaire parce que ce n’était pas une histoire seulement personnelle qu’il évoquait, c’était aussi l’histoire de son pays. Souvent, il parlait de lui pour faire avancer la réflexion, et il faisait ensuite le lien avec la situation étudiée. Ça faisait partie de sa méthodologie. Un autre point important de sa pratique, c’est le respect, l’attention et la courtoisie dont il faisait toujours preuve à l’égard des patients qu’il recevait.
Ses projets n’étaient pas contre quelque chose, ils étaient pour quelque chose. Dans tous les projets, il avait un vrai rôle de catalyseur, de médiateur. C’était un homme très engagé et tout le monde le respectait pour cela car il était tenace, il ne lâchait pas. Mais il savait aussi obtenir cet engagement de la part des autres car Naasson était un rassembleur par sa manière de faire, sa vision des choses, sa méthode. Il savait réunir les gens autour d’une même cause. Il avait cette aptitude naturelle à être leader que personne ne lui contestait. Et cette qualité à faire consensus, il ne l’utilisait pas pour lui, il l’utilisait pour les autres.
C’était aussi quelqu’un qui posait des questions, qui était tout le temps en apprentissage ; il continuait d’apprendre et il n’avait pas honte de le dire, il apprenait des autres et il avait cette capacité à apprendre même auprès des plus humbles. Ici, c’était le maître de tous. C’était un vrai sage qui avait une capacité d’analyse et de compréhension assez extraordinaire. Il a toujours défendu des causes nobles, les victimes du génocide, les handicapés mentaux, les victimes de viol, les psychotraumatisés… c’était un grand militant.
Se sachant très malade, Naasson a préparé sa succession professionnelle. Simon Kanyandekwe, psychiatre, est l’un de ceux qu’il a formés et qui, désormais, assure le développement du département de psychiatrie que Naasson avait créé. Il réalise combien la perte de Naasson a perturbé les professionnels qui doivent à présent se réorganiser pour se saisir de leurs propres ressources.
En avril 2000, je rencontre par hasard Naasson à l’hôpital de Ndera. Il me dit d’emblée qu’il cherche des médecins en psychiatrie et me demande si ça m’intéresse.
La même semaine, deux de ses collègues avec lesquels il avait travaillé en Suisse sont venus pour former pendant deux semaines des médecins généralistes rwandais. Pour introduire ces intervenants et les séances de formation, Naasson a expliqué que la psychiatrie est l’enfant pauvre de la médecine mais qu’elle en est une dimension importante qui permet de comprendre le reste. Et tout de suite, j’ai été captivé par sa voix, sa façon de dire les choses, je sentais que j’étais en face de quelqu’un qui était sincère, qui était convaincu de ce qu’il disait et qui portait quelque chose sur la durée, et surtout quelque chose de consistant.
J’ai donc commencé à travailler avec lui et je me suis rendu compte que c’était un travail excitant et en plus, je pouvais compter sur lui pour m’encadrer. Quand j’avais des questions, je savais qu’il était là, on pouvait voir des patients ensemble, je pouvais lui présenter des dossiers ; il était aussi suffisamment outillé pour m’aiguiller en ce qui concerne l’épilepsie car il avait fait un stage dans un centre spécialisé à Genève sachant qu’au Rwanda il allait être confronté à cette pathologie. Moi, j’avais besoin d’un maître pour ma formation et il était là. Et puis, petit à petit, en plus d’un formateur, j’ai découvert en lui la dimension humaine et là, c’est parti pour une longue amitié, une longue carrière avec Naasson.
Dès la première semaine, j’ai vu quelques patients avec lui et une fois par semaine je lui présentais des dossiers ; dès le premier mois, j’ai senti qu’il me faisait confiance.
En le voyant pratiquer, j’ai surtout été frappé par la dimension psychothérapeutique. Dans les soins, sa pratique médicale était accomplie dans les règles de l’art, mais en plus, la dimension psychothérapeutique prenait beaucoup de place dans ses hypothèses, dans ses prises en charge. La personne qui était en face de lui, ce n’était pas un poumon, un cœur ou un cerveau, c’était une personne à part entière, avec toutes ses valeurs et ça, c’est une chose qui captivait les patients car ils se sentaient considérés dans leur intégralité, dans leur souffrance à la fois psychologique et physique.
Il était disponible avec une très grande capacité d’écoute et de présence.
En 2005, Il m’a encouragé et guidé pour faire ma formation en Suisse. Même à distance, on communiquait régulièrement et je sentais que j’étais soutenu, je pouvais compter sur lui pour des conseils divers, que ce soit en psychiatrie ou dans le quotidien. Je suis revenu travailler en 2013, alors qu’il était déjà très fatigué. Cela a été très difficile parce que j’avais pressenti qu’il allait souffrir pendant longtemps et moi, je vivais ce moment comme un enfant qui revient à la maison et dont le papa n’a pas eu le temps de faire une passation. J’ai vite compris que je devais compter sur moi-même. Quand il n’était pas souffrant, je devais récolter le maximum d’informations par rapport au projet d’enseignement.
Pour moi, Naasson, c’est quelqu’un qui avait une vision claire de la psychiatrie et de la santé mentale au Rwanda. Le projet de création d’un département de psychiatrie à l’université qu’il a commencé en 95-96, il l’a poursuivi pendant vingt ans car c’était un homme de parole. Il y croyait et il n’a pas hésité à affirmer sa conviction dans le milieu politique, notamment au ministère de la Santé, qu’il a su convaincre. Le projet a finalement vu le jour en 2013.
Ce qui m’a frappé en le voyant travailler c’est que, pour lui, il y avait constamment une alliance entre le psychique, le biologique et le social. Il appréhendait la singularité de chacun, mais en la replaçant dans son contexte social, avec toutes les influences que la personne peut apporter ou recevoir. Il semble qu’il ait été très inspiré par le modèle psychosocial. Ça, je l’ai ressenti aussi bien dans les soins auprès de ses patients que dans le service où il a institué ce mode d’approche dès le départ. Cela apparaît aussi dans son travail à l’IRDP et dans ses relations avec son entourage.
La plupart du temps, il se retrouvait face à des patients s...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Table des matières
  6. PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE
  7. PRÉLUDE : INTENTION DU PRÉSENT ÉCRIT
  8. PREMIÈRE PARTIE : RECUEIL DE TÉMOIGNAGES : MÉMOIRE ET PAROLE VIVES RENCONTRE MÉMORABLE, PRÉSENCE D’UNE ACTUALITÉ PÉRENNE ET RÉFÉRENCE TUTÉLAIRE POUR L’AVENIR
  9. SECONDE PARTIE : HOMMAGE ET CHRONIQUE D’UNE ASSOCIATION À DES FINS DE FORMATION ET DE THÉRAPIE
  10. POSTLUDE : ENDEUILLEMENT