Annexe 1
Les distinctions honorifiques est-allemandes
En RDA, une multitude d’épinglettes, plaquettes, médailles commémoratives conjuguées aux 142 récompenses d’État civiles et militaires avaient permis d’honorer l’ensemble du corps social.
Mis à part le côté pittoresque, et les breloques bon marché acquises sur les brocantes berlinoises dans les années post 90, ces multiples médailles et décorations ont été fièrement portées par leurs détenteurs et nombreux furent ceux peu enclins à les mettre au rebut. Que décideront donc les autorités fédérales allemandes à leur sujet ?
Il m’a donc paru intéressant de conclure cet essai par deux annexes traitant d’une part de l’approche juridique des autorités ouest-allemandes, relatives au port par les citoyens « réunifiés » des médailles obtenues comme ressortissant de la RDA, ainsi que de réaliser une présentation concise des deux plus hautes distinction délivrées durant la dictature est-allemande qui se devaient de figurer dans cet ouvrage
PORT DES DISTINCTIONS EST-ALLEMANDES
Avec la fin de l’existence de la RDA, les distinctions délivrées par les autorités est-allemandes n’avaient plus d’existence légale en droit international public, car entrant dans la catégorie des décorations remises par une nation n’ayant plus d’existence légale.
Malgré un télex du ministère fédéral de la Défense en date du 26.9.1990, qui interdisait aux soldats en uniforme de porter des décorations, médailles et insignes de l’ex-RDA, ce sera l’annexe I du chapitre II du contrat de réunification qui amènera des éclaircissements notoires : « Les distinctions décernées par la République démocratique allemande peuvent être conservées et arborées sous la condition que l’ordre public [en français dans le texte] de la République fédérale d’Allemagne ne soit pas troublé. Il en est de même pour les distinctions étrangères qui avaient été autorisées de port par la RDA. »
Par cette annexe, le législateur allemand ne jugeait pas utile de modifier un texte fondamental qu’était la loi régissant les insignes et distinctions honorifiques du 26 juillet 1957. Celle-là même qui avait permis aux anciens soldats de la Wehrmacht de pouvoir arborer leurs décorations de guerre (exemptes de croix gammée) sur l’uniforme de la Bundeswehr ou en civil.
Mais alors quelles étaient ces médailles qui par leur existence même, étaient susceptibles de porter une atteinte significative à « l’ordre public » ?
Si la notion est évidente lorsqu’elle provoque un trouble public, elle est beaucoup plus floue lorsqu’il s’agit d’une norme d’ordre juridique plus générale.
Il semblerait que les auteurs du texte ont voulu « responsabiliser les anciens frères ennemis » selon le postulat que seul le « décoré » devait être en mesure de pouvoir juger de l’opportunité de porter, aux yeux de ses nouveaux concitoyens ouest-allemands, des décorations qui pouvaient heurter leur sensibilité démocratique.
Il fallait également opérer la distinction entre les décorations remises pour services rendus à la collectivité au sein d’organisations caritatives de la RDA, telles la Croix rouge ou les services d’incendies, avec celles décernées pour loyauté aux directives d’un système totalitaire, en totale contradiction avec les lois fédérales et des droits de l’Homme.
Les textes fédéraux en la matière sont clairs et se réfèrent à l’esprit et aux principes de ceux édictés en 1957. Par conséquent, les décorations délivrées aux membres des troupes frontalières, des jeunesses socialistes (désignées en 1951 comme dangereuses pour la Constitution), aux célèbres Vopos aux divers organes de la Stasi (dont les activités ont été une menace pour les droits fondamentaux de l’Homme) sont interdites.
Durant les années 1990, il était peu probable, voir inconcevable, qu’un ressortissant civil de l’ex-RDA (encore moins un militaire) veuille éveiller de mauvais souvenirs et se soumettre à l’opprobre de ses concitoyens de l’Ouest en se pavanant avec les médailles du régime déchu.
Seulement, en droit allemand est susceptible d’entrer dans la définition légale d’atteinte à l’ordre public toute action ayant été jugée pour faute, suite à un dépôt de plainte et à l’issue d’une instruction judiciaire.
Ce n’est que depuis les années 2000 que des nostalgiques du système déchu profitent, à l’occasion de commémorations en souvenir du régime est-allemand, d’arborer leurs décorations sans que l’on puisse leur en faire immédiatement interdiction. Dans ces conditions, et dans l’hypothèse peu probable d’une atteinte constatée à l’ordre public, une plainte devrait être déposée à l’encontre des contrevenants avant qu’elle ne puisse être portée devant un tribunal. Ce sera en définitive au seul juge d’apprécier, au cas par cas, l’utilité de poursuive ou non les auteurs du délit. Afin d’éviter ce genre de désagrément le Land de Brandebourg adoptera un texte législatif autorisant le port de certaines décorations obtenues en RDA.
Annexe 2
Les deux plus prestigieuses décorations de la RDA
LE TITRE DE « HÉROS DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE ALLEMANDE »
Ce titre était la plus haute distinction que le pouvoir communiste est-allemand pouvait décerner. Depuis sa création, en date du 28 octobre 1975, et jusqu’à la fin du régime en 1990, elle sera rarement remise. Seules onze personnalités de la sphère communiste se verront décorer par ce titre.
Créé par le Conseil des ministres de la RDA, le règlement relatif au titre d’honneur de « Held der DDR » fut notifié par l’organe de presse officiel Neues Deutschland le 30 octobre 1975. Trois ans après, une circulaire traitant du port des insignes d’honneur de la RDA stipulait qu’à l’avenir tous les titulaires du titre de Héros de la RDA devenaient systématiquement membre de l’ordre de Karl Marx.
Le nombre de membres de l’ordre de Karl Marx étant plus élevé, la décision prise à cette date concédait implicitement à cette décoration la première place dans la hiérarchie des décorations, en détrônant l’ordre de Karl Marx créé en 1953.
Le titre de « Héros de la RDA » se voyait caractérisé par l’attribution d’une médaille en forme d’étoile d’or. Le titre ne pouvait être décerné qu’à des personnalités ayant rendus des services ou ayant eu un engagement exceptionnel en faveur de la RDA dans les domaines tels que :
– la lutte contre le fascisme hitlérien et pour la consolidation de la RDA,
– la protection de sa prépondérance au niveau international,
– en faveur de la Protection de l’État par des forces armées,
– la protection des institutions.
LES TITULAIRES DU TITRE
Seules dix personnalités communistes obtiendront ce privilège dont certaines plusieurs fois.
Général d’armée Heinz Hoffmann.
Le premier « Héros de la RDA » fut le général d’armée Heinz Hoffmann. La distinction lui fut remise à l’occasion de son 75e anniversaire. Ministre de la Défense nationale et député de la Chambre du peuple de la RDA, il a également été membre du Politbüro du Comité central du SED. Formé au sein de l’Académie d’État-major de l’Union soviétique, il est connu pour être l’initiateur, en 1961, de l’ordre d’ouverture de feu contre les « fugitifs » tentant de franchir le Mur de Berlin. Lors d’une conférence il s’adressa à son auditoire avec cette sinistre formule : « Qui ne respecte pas notre frontière goûtera à nos balles ». Il sera reçu deux fois dans l’ordre le 28 novembre 1975 et le 28 novembre 1980.
Général d’armée Friedrich Dickel.
En 1959, il est le représentant permanent de la République démocratique allemande au sein de l’État-major général de l’Armée soviétique en Allemagne. En août 1961, il devient membre de l’état-major du Conseil de la Défense nationale pendant la construction du Mur de Berlin. A la veille de la chute du Mur, il est nommé ministre de l’Intérieur et chef de la police populaire. Il sera reçu dans l’ordre le 1er décembre 1975.
Erich Mielke.
Depuis 1957 il était responsable, en tant que ministre en charge de la Staatssicherheit, du système de surveillance interne et des services de renseignement de la RDA. Personnalité des plus puissantes et la plus redoutée de la RDA, il sera poursuivi après la Réunification, pour avoir commis un double meurtre en 1931 et fut condamné en 1993 à une peine de prison de 6 ans par les autorités judicaires de l’Allemagne réunifiée. Reçu dans l’ordre les 1er décembre 1975 et 28 décembre 1983.
Leonid Brejniev.
Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique, et donc principal dirigeant de l’URSS de 1964 à 1982, il était également président du Præsidium du Soviet suprême (fonction honorifique de chef de l’État) de 1960 à 1964 et de 1977 à 1982. Son autorité, d’abord partagée, s’affirma progressivement à la tête du Parti et de l’État, atteignant son apogée durant les années 1970, avant que la vieillesse et la maladie ne limitent progressivement son rôle politique au profit des membres de la nomenklatura. Reçu dans l’ordre 13 décembre 1976.
Sigmund Jähn.
Il rejoint en 1955 les forces aéronavales est-allemandes et devient pilote et scientifique militaire. En 1976, il sera sélectionné pour s’entraîner et devenir le premier cosmonaute allemand du programme Intercosmos. Il s’entraînera à la Cité des Etoiles près de Moscou et s’envolera à bord du module Soyouz 31 pour la station spatial...