
- 258 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
L'humeur noire, le guignon et le spleen sont les caractéristiques de la mélancolie au sens moderne dont l'état d'âme de Baudelaire se trouve fortement investi. Son salut, il le doit au culte des images, sa «primitive passion», qui se déploie dans les Curiosités esthétiques devant les oeuvres de Delacroix et de Corot qualifiées de «mélancoliques». Ce jugement nous incite à interroger la matière picturale afin de la rendre éloquente par l'analyse des formes, des lignes et des couleurs qui révèlent ce qui se dérobe au visible.
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Informations
Sujet
ArteSujet
Arte generalPremière partie
Baudelaire et
le sentiment de la perte
Chapitre I
Fantasmes et
désenchantement
Baudelaire, tout au long de sa vie et dans toute son œuvre, n’a pas vraiment établi de distinction très nette entre ce qui est du ressort de la biographie, de son moi subjectif et de l’acte créateur, qu’il s’agisse de ses premiers écrits sur l’art, de son recueil de poésie ou des Poèmes en prose, bien qu’il se dise plus soucieux « d’accomplir juste ce qu’il s’est proposé » et peu désireux de confondre l’œuvre avec sa vie, ou comme il le déclare, de « prostituer les choses intimes de la famille ». Pourtant, il ne cessera de donner la preuve du contraire et de faire cet aveu, pour le moins paradoxal, adressé à Narcisse Ancelle le 18 février 1866 : « Faut-il vous dire, à vous, qui ne l’avez pas plus deviné que les autres, que dans ce livre atroce (Les Fleurs du Mal), j’ai mis tout mon cœur, toute ma religion travestie, toute ma haine ? Il est vrai que j’écrirai le contraire, que je jurerai mes grands Dieux que c’est un livre d’art pur, de singerie, de jonglerie et je mentirai comme un arracheur de dents »37.
La question des rapports entre l’homme que fut Baudelaire et son travail de critique d’art et de poète, nous paraît légitime dans la mesure où il est indéniable que l’œuvre n’est jamais très loin de son maître-d’œuvre, car il n’existe pas de création ex nihilo et en dehors de toute considération de l’intime du sujet, puisque c’est ce dernier qui imprime, de manière plus ou moins patente, la trace de son vécu sur son projet à réaliser. Aussi, traiter de la mélancolie, en faisant l’impasse sur la biographie de Baudelaire, reviendrait à accomplir une recherche à laquelle d’emblée nous soustrayons les ressorts fondamentaux qui sont susceptibles de nous conduire à la vérité de l’homme, à comprendre la complexité de sa personnalité et de son tempérament et à appréhender la dualité de sa vision sur le monde et plus particulièrement sur l’art.
Baudelaire a laissé des notes en vue d’un ouvrage autobiographique dont il écrit à sa mère, le 1er avril 1861, qu’il s’agit : « D’un grand livre auquel je rêve depuis deux ans : Mon cœur mis à nu, et où j’entasserai toutes mes colères. Ah, si jamais celui-là voit le jour, les Confessions de J-J paraîtront pâles »38. À ce projet, dont Claude Pichois a retracé les vicissitudes, se sont bientôt ajoutées d’autres séries de notes, Fusées, d’une part et Hygiène, mais cet ensemble d’écrits n’aboutira pas dans sa totalité, bien qu’il constitue néanmoins une composition assez impressionnante. D’autre part, Baudelaire a laissé une correspondance qui donne souvent l’impression bouleversante de révéler sa personnalité la plus profonde. Entre un auteur qui avoue ou qui prétend s’avancer masquer (larvatus prodeo)39, écrit John. E. Jackson, mais qui n’en rêve pas moins à des œuvres de nature autobiographique, d’une part, et d’autre part un épistolier qui, fut-ce à son corps défendant, livre peut-être plus de lui-même dans ses lettres qu’il ne le soupçonne, la tentation est grande de chercher à saisir une image de « Baudelaire lui-même » qui soit avérée. Pourtant Jackson relève les difficultés d’une telle approche car les projets autobiographiques de Fusées et de Mon cœur mis à nu, bien qu’ils soient incontestables, sont néanmoins tardifs et l’on peut constater une certaine aigreur de leur auteur, liée à la fois aux difficultés financières et au peu d’empressement dont témoignent les éditeurs pour publier ses œuvres.
Néanmoins, chez Baudelaire, dès l’enfance, se forment les lignes directrices d’un destin étroitement lié à sa mémoire, qu’on nomme souvent inconscient, passé antérieur à la conscience ou simplement profondeur de l’être. C’est dans ce sens que Sartre observe qu’il faut découvrir dans ce rapport l’essentiel du fait créateur de Baudelaire : « Ce passé auquel voudrait s’identifier Baudelaire serait l’ensemble des choses et des moments de l’enfance, figé une fois pour toutes dans une lumière enchantée »40, écrit-il. De fait, les relations de Baudelaire avec son univers d’enfance constituent le point d’orgue autour duquel s’articulent son présent et son attachement au réel en perpétuelle genèse, dans une fatalité par laquelle il prend conscience de son isolement et de son « fond mystérieux », ce qui lui fera écrire dans ses Journaux intimes : « Malgré la famille, – et au milieu des camarades, surtout, sentiments de destinée éternellement solitaire. Cependant goût très vif de la vie et du plaisir »41. Entre l’affirmation de soi qui s’exalte parfois jusqu’à l’hubris et l’état de solitude qui pouvait aller jusqu’au désespoir, se découvre, pour reprendre Panofsky l’« homo literatus », modèle intellectuel qui reflète cette disharmonie, à la fois tragique et héroïque et en qui se reconnaît le signe saturnien caractérisé par l’humeur noire42. Dans cette polarité du tempérament, l’intuition brillante d’Aristote, la perspicacité de saint Augustin et l’humanisme de la Renaissance, reconnaissent la principale spécificité du génie, dont ils firent grand cas, considérant Saturne et la mélancolie d’un œil neuf et favorable, et c’est pourquoi, ainsi que le constate Panofsky : « On assista à une double renaissance : d’une part, de la conception néo-platonicienne de Saturne qui voulait que la plus élevée des planètes non seulement représentât, mais aussi octroyât, les facultés les plus élevées et les plus nobles de l’âme, à savoir la raison et la spéculation ; et d’autre part, de la doctrine aristotélicienne de la mélancolie selon laquelle tous les grands hommes étaient des mélancoliques »43.
Baudelaire décrit simultanément ses transports et son état d’abattement vide, de douleur morne, qui lui donnent si souvent l’envie de mourir, et cette tristesse, qui tour à tour, le fait passer de la société des autres à la solitude, et de la solitude à la société des autres, confère à toute son œuvre une « tristesse voluptueuse » pour reprendre Lessing. Souvenons-nous de Dante, qui lui-même « malinconico et pensoso », avait mis toute l’énergie de sa pensée au service de Macrobe, contribuant ainsi à faire triompher le point de vue selon lequel Saturne était l’astre de la contemplation sublime. Cette théorie sera également accréditée par Marsile Ficin qui en fait un don unique et divin, dans son ouvrage De vita triplici (De la triple vie) et fut le premier auteur à assimiler ce qu’Aristote avait appelé « La mélancolie des hommes d’entendement exceptionnel » soumis à l’influence de la bile noire, qui : « Semblable elle-même au centre du monde, pousse l’âme à rechercher le centre des choses singulières. Et, elle l’élève jusqu’à la compréhension des choses les plus hautes, d’autant qu’elle s’accorde pleinement avec Saturne, la plus haute des planètes »44. D’où il découle, selon Burton, que les êtres qui sont en proie à la bipolarité, à la spéculation et à la contemplation souffrent d’asthénie, 45* et que les enfants de Saturne possèdent les qualités nécessaires au travail intellectuel, de la même façon que le travail intellectuel exerce une action sur les hommes et les place sous la domination de Saturne, créant entre eux une sorte d’affinité élective. De fait, tous les studiosi, dont fait partie Baudelaire sont voués à l’acedie, par leur acceptation ou non des événements de leur vie, et par la manière de transformer leur colère en activité créatrice, en exaltant l’imagination, qui est à même de transfigurer la tension sans cesse renouvelée entre la joie et la tristesse, l’affliction et l’orgueil, l’horreur de la mort et le dégoût de la vie. Dès lors, elle est susceptible d’apporter au théâtre, à la poésie et à l’art en général, un regain de vitalité. Le désenchantement du monde qui résulte de l’éviction du sens va se trouver compensé par un traitement qui maintient l’individu dans un rapport d’absolu à l’être : il s’agit de la création artistique telles que les conditions socio-historiques en rendent possible le déploiement et de fait, la production artistique peut être considérée comme une praxis de réenchantement ou à tout le moins libératrice, par le langage ou l’acte pictural, du désarroi effectif du sujet. Le désordre des humeurs a ses privilèges, puisqu’il intéresse principalement l’intelligence, qu’il accompagne les vocations héroïques, le génie philosophique ou artistique comme chez les personnages mythologique d’Héraklès, de Bellérophon ou d’Ajax, dont Milton, Keats, Vigny, Baudelaire, et tant d’autres sont l’écho à l’époque moderne.
1. Sous le signe de Saturne
Tout enfant, Baudelaire a connu avec intensité l’extase de la vie et on connaît l’enthousiasme qu’il a mis à évoquer « La joie avec laquelle l’enfant absorbe la forme et la couleur… L’enfant voit tout en nouveauté ; il est toujours ivre »46 et plus loin il ajoute « … le nouveau quel qu’il soit, visage ou paysage, lumière, dorure, étoffes chatoyantes, enchantement de la beauté embellie par la toilette »47. À ce dernier exemple on ne peut s’empêcher de penser au lien affectif qui l’attachait à sa mère et au bonheur qu’il éprouvait lorsqu’elle était auprès de lui, ce qui lui fera écrire dans une lettre du 6 mai 1861 : « Il y a eu dans mon enfance une époque d’amour passionné pour toi… Je me souviens d’une promenade en fiacre ; tu sortais d’une maison de santé où tu avais été reléguée, et tu me montras, pour me prouver que tu avais pensé à ton fils des dessins que tu avais fait pour moi… Ah ça a été pour moi le bon temps des tendresses maternelles, de longues promenades, des tendresses perpétuelles… J’étais vivant en toi, tu étais uniquement à moi. Tu étais à la fois une idole et une camarade »48. Ces lignes tendent à suggérer qu’il l’a aimée autant comme une mère que comme une femme, à qui, d’ailleurs il fixait des rendez-vous d’amoureux dans les musées et à qui il écrit ces très belles phrases : « Je serai, non pas heureux, c’est impossible, mais assez tranquille pour consacrer toute ma journée au travail, et toute ma soirée à te divertir et à te faire ma cour. »49, bien qu’il connaisse les faiblesses de celle-ci, sa légèreté, et que la sévérité dont elle a fait montre à son égard, est surtout l’écho de celle de l’époux Aupick, pur mimétisme dirons-nous. Et c’est par la mère que la douleur s’est introduite dans le paradis de l’enfance. Pourquoi le souvenir de cette promenade en fiacre est-il resté si profondément ancré dans la mémoire de Baudelaire ? N’est-il pas le souvenir d’une angoisse calmée, du moment où l’enfant a retrouvé l’idole de laquelle il avait été séparé ? Pensons au « drame du coucher » chez Proust, dans À la Recherche du Temps perdu.
La fameuse fêlure dont parlent les biographes résulte de ruptures successives dont le jeune Charles fait la douloureuse expérience, à savoir la mort du père, puis le départ de sa mère dans une maison de santé et enfin, le remariage de celle-ci avec le général Aupick. Il est certain que ce sont ces trois phases de séparation, et non l’une en particulier qui a provoqué chez Baudelaire ce sentiment de petits deuils accumulés, celui du privilège de l’enfance et de la communion extatique du moi et du non-moi, qui fera naître en lui, très tôt, une horreur fatale de la vie dans ce qu’elle représente de privation de joie, de crainte devant la perte absolue et face à l’expérience d’une rupture brutale : « Sentiment de solitude, dès mon enfance. Malgré la famille, enfin je me suis sauvé, et j’ai été alors tout à fait abandonné »50, déclare-t-il.
Il est aisé de comprendre, dès lors, qu’à l’âge adulte, il ait voulu reconquérir le paradis perdu et retrouver la vision édénique de l’enfance ou la répétition de cette expérience dont il garde la nostalgie. Et, c’est justement l’impossibilité de ces retrouvailles avec son passé tel qu’il a été vécu à un moment précis, où l’enfant avait trouvé dans l’amour de sa mère le fondement ontologique de son existence, qui provoque ce gouffre de tristesse. D’autres raisons toujours d’ordre familial, interviennent pour accroître ce sentiment. C’est l’été 1827, Charles et sa mère sont installés à Neuilly pour les deux mois d’août et septembre, où il est seul à profiter de son affection, dans une petite maison, voisine de la ville, comme il le décrira dans Les « Les Tableaux Parisiens » des Fleurs du Mal :
« Je n’ai pas oublié, voisine de la ville,
Notre blanche maison, petite mais tranquille,
Sa Pomone de plâtre et sa vieille Vénus
Dans un bosquet chétif cachant leurs membres nus,
Et le soleil, le soir, ruisselant et superbe,
Contempler nos dîners longs et silencieux, Répandant largement ses beaux reflets de cierge Sur la nappe frugale et les rideaux de serge ».
Or, dès l’automne, « ils quittent ...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Collection dirigée par
- Titre
- Copyright
- Introduction
- Première partie : Baudelaire et le sentiment de la perte
- Deuxième partie : L’esthétisation de la mélancolie dans l’œuvre picturale de Delacroix
- Troisième partie : Corot et la mélancolie du paysage
- Conclusion
- Bibliographie
- Sommaire biographique de Delacroix
- Sommaire biographique de Corot
- Table des matières