L'éducation, un travail? Sans doute. Mais cette idée ne va pas de soi. En général, l'éducation est plutôt appréhendée comme un objet idéologique, chacun optant pour un modèle, une posture, qui s'exprime souvent dans des débats animés, passionnés, voire polémiques. Rien de cela ici. Cet ouvrage défend l'idée que l'éducation est d'abord une activité concrète, au coeur d'une relation adulte-enfant complexe, dans un contexte de pluralité de normes et de valeurs.
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L’éducation fait partie des évidences de la vie humaine. Le mot n’est utilisé que pour les humains, quand l’élevage est réservé aux autres animaux. Pourtant le verbe élever s’applique aussi aux humains : on élève ses enfants, qui, dans un cadre scolaire, deviennent “élèves”.
Il ne serait donc pas incongru de parler de l’élevage des enfants. Mais, faire cette expérience en société récolte vite des réactions amusées, voire outrées. Elles indiquent une tendance à considérer les humains comme n’étant pas des animaux ou des animaux pas comme les autres. Il en va de même pour la culture. Réservée aux humains pendant des siècles, elle fut, et est encore souvent, distinguée de la nature, réservée aux autres animaux. Ceux-ci vivraient par “instinct” sans bénéficier de cet univers de règles sociales qu’est la culture. Des recherches récentes tendent à démontrer qu’il y a bien de la culture chez certains animaux, même si celle-ci semble si rudimentaire que certains préfèrent parler de « protoculture » (Jayat, 2010).
En même temps, nous n’avons pas oublié l’animal qui est en nous. Ainsi certains humains n’hésitent-ils pas à qualifier certains semblables comme étant “bêtes”. Une jeune enseignante en formation me déclara, comme impuissante : « J’ai un problème avec mes élèves, c’est qu’ils sont bêtes. » L’adjectif est dérivé du nom homonyme : être bête, c’est ne pas être intelligent, comme devrait l’être tout humain, grâce à l’instruction et à la culture, et donc à l’éducation. D’autres qualificatifs à caractère non humain existent dans le langage ordinaire de certains adultes envers certains enfants-élèves, qui, turbulents, deviennent vite des “monstres”, des “diables”, termes affublés d’un “petits” atténuant l’écart. “Espèce d’animal” est une autre expression qui leur est parfois adressée.
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I. L’ÉDUCATION AU PLURIEL
Alors, éduquer. Ce verbe partage avec d’autres – conduire, produire, séduire, induire, déduire – le suffixe ducere dont le sens est mener, faire passer d’un lieu ou d’un état à un autre. Le préfixe é- est un ex- qui signifie hors de. Dès lors, l’éducation signifie ce qui emmène l’enfant hors de son monde initial vers autre chose, pour le faire changer d’état. Cette définition générale permet d’apprécier comment l’éducation peut s’orienter vers une multitude de finalités, selon les valeurs que leur associent les humains adultes en charge de cette chose anthropologique qu’est l’éducation. À partir de là, tout est possible : de l’imposition la plus totalitaire à la liberté la plus totale, avec tous les intermédiaires imaginables.
Les formes d’éducation se déclinent au pluriel depuis le travail conséquent des sciences ethnologiques et anthropologiques. L’ouverture à ces formes différentes se trouve dans le mémoire du citoyen Joseph-Marie Gérando, membre de la Société des Observateurs de l’Homme (1799-1805). Destinées à être mis en œuvre par les “explorateurs” de l’époque, ces « considérations pour l’observation des peuples sauvages », publiées quelques années avant l’ouvrage fondateur sur « l’éducation comparée » de Marc-Antoine Jullien de Paris (1817), embrassent tous les domaines de la vie sociale, que l’auteur nomme ainsi : le langage et ses éléments constitutifs, les gestes (y compris ceux des sourds-muets), les idées, pensées et jugements, la numération, la peinture, l’écriture, les emblèmes, le climat, les aliments, les manières de repos, l’anthropophagie, les vêtements, les sensations, la mémoire, la religion, la guerre, la paix, l’art militaire, les rapports politiques, les rapports économiques, l’amitié, les arts d’amusement, la vie familiale, mais aussi la vie solitaire… et bien sûr, l’éducation. Elle apparaît à trois endroits de ce « mémoire ».
Tout d’abord, « l’éducation physique » : « L’éducation physique que les sauvages donnent à leurs enfants est un des points à l’égard desquels les voyageurs nous ont laissés dans une plus profonde ignorance […]. Nous espérons qu’on nous transmettra à cet égard quelques détails ; on nous dira quelles sont les précautions que la mère prend à l’égard du nouveau-né ; quelle est l’époque à laquelle elle cesse de l’allaiter ; quelle est la première nourriture qu’elle présente ; quelle est la situation dans laquelle elle le couche ; le moment où elle commence à l’abandonner à lui-même ; l’usage qu’elle fait des lotions ; si elle cherche à le défendre du froid et du chaud ; si elle lui donne des secours dans ses maladies ; enfin, quels sont les premiers exercices auxquels les enfants sont appliqués ; quelles sont leurs préoccupations dans la vie domestique, les travaux qu’on leur impose, le zèle qu’ils y portent, et le succès qu’ils y obtiennent » (Gérando, 1994, pp. 90-91).
Puis, « l’autorité des pères » : « Les voyageurs observeront si [la société domestique] offre l’image d’une société régulière, et s’il existe quelque subordination entre ses membres. Le père y exerce-t-il quelque autorité ? Quelle est l’étendue, la durée, les effets de cette autorité ? Sur quels principes paraît-elle fondée et quelle idée s’en forment celui qui l’exerce et ceux qui lui obéissent ? Quel respect les jeunes gens ont-ils pour les vieillards, et de quelle manière le témoignent-ils ? Quel degré de reconnaissance les enfants conservent-ils pour les auteurs de leurs jours ? » (ibid., p. 97).
Enfin, « l’éducation morale des enfants » : « Quel est le degré d’attachement et la nature de l’intérêt que les parents portent à leurs enfants ? Jusqu’où s’étendent à leur égard surveillance et la sévérité ? Est-ce le père ou la mère qui en prennent un soin particulier ? Jusqu’à quel âge ce soin dure-t-il ? Est-il égal pour tous les enfants, ou témoignent-ils quelque préférence ? Comment les enfants apprennent-ils la langue ? Comment sont-ils initiés aux notions de morale que leurs parents peuvent avoir ? Enfin, avec quelle rapidité se développent en eux les passions et l’intelligence ? » (ibid., p. 99).
Cette logique d’inventaire de ce qui fait une “culture” au sein d’une société prendra corps avec l’anthropologie culturelle nord-américaine au début du XXe siècle, sous l’influence de Franz Boas. En montrant le rapport étroit entre culture, éducation et personnalité, ces anthropologues ont fait comprendre, à la suite des psychologues et des psychanalystes, combien l’éducation, notamment dans ses premiers temps, façonne les individus au point d’ancrer en eux “une culture” pour toute une vie. Il suffit alors de mettre côte-à-côte plusieurs sociétés pour se rendre compte des différences et apprécier ainsi à sa juste mesure ce qu’on appelle de nos jours la diversité culturelle.
Décrypter les normes culturelles dominantes avec les outils de l’anthropologie culturelle sera plus tard appliqué à la société étasunienne elle-même, à travers l’étude des « institutions éducatives modernes », « phénomènes culturels à part entière » (Riesman, 1991, p. 223). Toutefois, insister sur un système éducatif national générateur d’une culture ou de normes culturelles “dominantes” risque de nous faire ignorer deux réalités politiques et sociales : le fait que l’éducation et l’école sont prises dans les mouvements générés par la globalisation ; qu’il existe une pluralité de modèles éducatifs et pédagogiques au sein d’un même État-nation.
Sur le premier aspect, l’histoire conjuguée des indépendances postcoloniales des années 1960 et des crises économiques et financières des années 1980 et suivantes a produit des formes d’intervention extérieure aux États. Celles-ci concernent d’abord l’Onu et sa branche éducative et culturelle, l’Unesco, mais aussi la Banque mondiale, qui répondit aux crises financières touchant l’école, dans la période-même où se tint la Conférence mondiale pour l’éducation pour tous de Jomtien (Thaïlande, mars 1990). Celle-ci est née suite au constat de déscolarisation croissante, malgré les signes positifs de scolarisation qui avaient suivi les mouvements de décolonisation (Lange, 2003 b). Le résultat, dans les années 2000, est l’influence des « institutions financières » sur « le contenu et les décisions prises », obligeant à mettre en œuvre « les projets éducatifs acceptés lors de ces conférences » et à « réussir », pour justifier de l’argent engagé (ibid., pp. 149-150). Le tout, sous couvert de « consensus » et de « partenariat », en laissant de côté les questions de fond (sans s) : « Quelle éducation pour qui, avec qui et pour quel projet de société ? » (ibid., p. 149). Rien ne fut fait, par exemple, pour inciter à la participation des familles et des enseignants à ces projets pourtant appelés d’« éducation pour tous » (ibid.).
L’exemple de l’Afrique subsaharienne, traité dans un numéro double des Cahiers d’études africaines (2003), montre l’effet de ces « politiques de mondialisation », à tendance uniformisante, mais qui, conjuguées au développement démocratique dans ces pays, ont libéré l’initiative privée, notamment dans les zones défavorisées. Ces dynamiques locales ont ainsi produit, dans une sorte de non-officialité état-nationale, des « “établissements” à vocation pédagogique créés sans plan préétabli et à l’initiative de petites communautés éparses, et de durée de vie aléatoire » (Martin, 2003, p. 26) et dont la « caractéristique commune » est « d’être créées et gérées par des parents d’élèves, soit de façon autonome, soit sous l’impulsion d’Ong ou de bailleurs de fonds institutionnels (coopérations bilatérales, Unicef…) » (Lange, 2003 b, p. 10). Ces « écoles » comportent des « appellations […] variables selon les pays et les lieux » : « écoles communautaires, associatives, spontanées, clandestines, parallèles, de base, de parents », des appellations qui « en disent plus sur la manière dont elles sont considérées par les pouvoirs publics que sur leur identité réelle et leur place dans l’enseignement national » (Martin, 2003, p. 26). Mais ces désignations ne perdurent pas toujours, les gouvernements étant susceptibles de les reconnaître dans leur système éducatif global ; ainsi « les écoles spontanées du Tchad deviennent des écoles communautaires, les écoles pirates du Burkina Faso des écoles privées, les écoles clandestines du Togo des écoles d’initiative locale, etc. » (Lange, 2003 b, p. 155).
La pluralité des modèles scolaires au sein d’une même société, d’un même État-nation, existe au-delà du contexte africain, et les recherches sur ces transformations doivent inciter à penser, moins les oppositions entre « logiques d’uniformisation » et « logiques de différenciation » que leurs articulations, en vue de comprendre « comment [ces logiques] réinvestissent les discours et comment s’opèrent les réajustements respectifs » (Lange, 2003 a, p. 11). Il conviendrait donc de ne pas privilégier une opposition stricte et continue entre, d’un côté, un système éducatif national, et de l’autre, des écoles aux allures de contre-modèles à ce système.
Sans exagérer les parallèles entre différents contextes sociétaux, le constat de pluralité des écoles peut se faire sur le domaine français. En France, l’école républicaine, publique et laïque est la référence, mais elle est tempérée par la présence d’écoles privées à caractère religieux, dont la très grande majorité est « sous contrat » avec l’État et regroupe plus de 2 millions d’élèves, soit 17 % du total (Menesr-Depp, 2017, p. 4). À cela il faut ajouter la reconnaissance d’autres écoles, issues des “minorités linguistiques” (les écoles diwan en Bretagne par exemple), mais aussi celles souvent qualifiées d’« alternatives », qu’il s’agisse des « écoles Waldorf-Steiner », des « écoles Montessori » ou des « écoles parentales » (Piraud-Rouet, 2012). Les deux premières sont dues à l’inspiration de deux figures du début du XXe siècle, Rudolf Steiner, philosophe spiritualiste autrichien, et Maria Montessori, médecin et pédagogue italienne au succès mondial et qui finit sa vie aux Pays-Bas. L’une et l’autre ont imprimé leur marque à partir d’une réflexion sur l’éducation nourrie par les résultats des recherches en psychologie de l’enfant qui se développaient à leur époque.
Ces pédagogies centrées sur l’enfant, souvent qualifiées de “nouvelles”, ont eu le succès qu’on connaît et intègrent d’autres pédagogues célèbres comme le français Célestin Freinet, le belge Ovide Decroly ou l’étasunien John Dewey. De nos jours, les travaux en neurosciences offrent une confirmation de cette centration sur l’enfant, fonctionnement neuronal en sus, avec quelques remises en question des théories dominantes qui les ont précédés, notamment celle du chercheur suisse Jean Piaget : « La conception du développement de l’enfant selon Piaget est […] linéaire et cumulative car elle est systématiquement liée – stade après stade – à l’idée d’acquisition et de progrès […]. C’est le “modèle de l’escalier”, chaque marche correspondant à un progrès, à un stade bien défini : de l’intelligence sensori-motrice du bébé (sens et actions) à l’intelligence conceptuelle et abstraite de l’enfant et de l’adolescent. Or, les données actuelles indiquent que les choses ne se passent pas ainsi. Le “modèle de l’escalier” cher à Piaget n’est pas le bon ou, pour le moins, pas le seul possible » (Houdé, 2011, pp. 15-16).
Les « capacités cognitives complexes » du « bébé », à la fois « ignorées de Piaget et non réductibles à un fonctionnement strictement sensori-moteur », accompagnent le développement de l’être humain dont la suite est « jalonnée d’erreurs, de biais perceptifs, de décalages inattendus, d’apparentes régressions cognitives » (ibid.). Ainsi, « plutôt que de suivre une ligne ou un plan qui mène du sensori-moteur à l’abstrait (les stades de Piaget), l’intelligence avance de façon tout à fait biscornue ! » (ibid.).
Cette « psychologie de l’enfant » (titre du Que sais-je ? dont sont tirées ces citations) insiste beaucoup sur les apports des neurosciences, laissant de côté une approche environnementale de la psychologie cognitive, dont le théoricien le plus connu est le chercheur russe Lev Vygotski. L’intelligence dont il est question n’intègre pas plus la théorie des « intelligences multiples » pourtant déjà ancienne (Gardner, 2008 a). La coexistence des théories, parfois contradictoires, souvent concurrentes, de même que celle des modèles éducatifs et pédagogiques, est réelle et fait l’objet tantôt d’oppositions, tantôt d’hybridation. Cette hybridation se comprend en regard de l’histoire de la pédagogie, grossièrement organisée autour de deux pôles : l’un centré sur l’enseignement et la transmission, l’autre sur l’apprentissage et la découverte. Le premier prône une logique verticale, l’adulte ayant le rôle de celui qui sait et transmet à un élève qui ne sait pas. Le second prône une logique plus horizontale, l’adulte donnant à l’élève les moyens de découvrir par lui-même la connaissance, confirmée ensuite par l’adulte. Ce dernier point montre que l’opposition entre ces deux pôles ne tient pas longtemps dès lors que l’adulte a la plupart du temps la main sur la décision finale, sur ce qu’il conv...
Table des matières
Couverture
4e de couverture
« Proximités – Sociologie »
Copyright
Titre
REMERCIEMENTS
POUR COMMENCER
Chapitre 1 : ÉDUQUER, UNE AFFAIRE D’AJUSTEMENTS
Chapitre 2 : ÉDUQUER, UN TRAVAIL
Chapitre 3 : UNE SOCIOLOGIE ANTHROPOLOGIQUE, POUR REPENSER LE TRAVAIL DE TERRAIN
Chapitre 4 : CO-LABORER DANS LA CONSISTANCE : LE TERRAIN EN IMAGES ET EN PAROLES
Chapitre 5 : CO-LABORER : DE CONTROVERSES EN DYNAMIQUES RÉFLEXIVES COLLECTIVES