
- 158 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Ă propos de ce livre
Le parti I.S.L.A.M., décrit par ses fondateurs comme étant à la fois une référence explicite à la religion musulmane et l'acronyme d'"Intégrité - Solidarité - Liberté - Authenticité - Moralité" est un parti politique belge fondé en 2012 à Bruxelles. La recherche ethnographique présente les filiations politiques du parti, son hybridité référentielle ainsi que ses stratégies d'action pratique. Par-delà les provocations médiatiques, de quoi ce parti est-il l'expression?
Foire aux questions
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Informations
Chapitre 1
Un anthropologue au sein du parti ISLAM
Les comptes-rendus de mission, les rĂ©cits dâexploration â et de sortes diffĂ©rentes encore â sont autant de textes qui prĂ©cĂ©deront les efforts des premiers acadĂ©miques et sur lesquels le savoir historique rend un verdict attendu ; lâentreprise ethnologique, au mĂȘme titre que les autres, ne connaĂźt pas dâorigine claire sur laquelle tomberait lâunanimitĂ©4.
Câest bien entendu affaire de sĂ©mantique, si de lâethnologie ou de lâanthropologie nous entendons « en tant que discipline scientifique », la crĂ©ation et lâattribution des premiĂšres chaires aux pĂšres, si pas premiers, a minima fondateurs que sont E.B. Tylor (1895) et J.G. Frazer (1906) peuvent ĂȘtre Ă©voquĂ©es. Mentionnons cette question mille fois posĂ©e : est-ce que la reconnaissance institutionnelle â puisque câest de cela quâil sâagit â peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme gage dâautre chose que le dĂ©but de son existence acadĂ©mique ? Cela semble peu pertinent, dâautant quâĂ moins dâinvalider tous les efforts prĂ©cĂ©dant cette reconnaissance, une question demeure : sur quels critĂšres Ă©valuer alors un travail comme LâHistoire naturelle et morale des Indes orientales (1589) de Joseph de Acosta ? DeuxiĂšmement, le cadre institutionnel lui aussi semble ĂȘtre avant tout soumis Ă la dĂ©finition quâon lui donne ; en effet, lâanthropologie Ă©tait dĂ©jĂ divisĂ©e en diffĂ©rents champs et lâanthropologie sociale quâĂ©tablira J.G. Frazer nâest pas celle dâArmand de Quatrefages, qui occupera pourtant la chaire dâanthropologie du MusĂ©um national dâhistoire naturelle de Paris cinquante annĂ©es auparavant, en 1855. Si de lâethnologie ou de lâanthropologie nous entendons plutĂŽt « en tant quâeffort scientifique », loin de sâaccorder sur le sĂ©jour de L.H. Morgan chez les Iroquois (1850), la discussion se gonfle de paternitĂ©s que tous les « enquĂȘteurs » sont en droit de se partager, il nous suffit de penser Ă HĂ©rodote ou plus proches de nous, Ă Montaigne et Ă Rabelais. GrossiĂšrement rĂ©sumĂ©e, lâentreprise ethnologique â comme toutes les autres â est plus ou moins jeune ou vieille selon des dĂ©clinaisons de critĂšres qui fascinent les historiens de la pensĂ©e (et ensuite les historiographes), et il semble que les dĂ©cennies qui nous Ă©loignent des premiers textes labellisĂ©s « anthropologiques » seront paradoxalement toujours plus imminentes que celles qui nous sĂ©parent dâun verdict sur cette question.
Comme le lecteur attentif lâaura aisĂ©ment repĂ©rĂ©, quâil sâagisse dâune « discipline » ou dâun « effort », lâaudace a voulu que je les charge dâĂȘtre « scientifiques ». Jâassume Ă titre personnel â et Ă lâinstar des auteurs qui ont participĂ© Ă lâouvrage Terrains dâĂ©crivains (Bensa, 2012) â ne pas ĂȘtre certain que les sciences sociales rendent « beau » compte du rĂ©el qui leur soumis, qui plus est lorsque lecture est faite de ces Ă©crivains majeurs qui ont foulĂ© pieds et plumes sur les « terrains » des anthropologues. Toutefois, Ă dĂ©faut du « beau », la discipline sâen tire à « bon » compte, lâethnographie en tant que mĂ©thode de rĂ©colte de donnĂ©es sâest diffusĂ©e au sein des sciences sociales (sociologie, sciences historiques, sciences de la communication, sciences politiques, etc.), parfois sous dâautres appellations. Si lâaustĂ©ritĂ© de son produit, le texte publiĂ©, peut encore faire rougir, sa mĂ©thode, lâobservation participante de longue durĂ©e â depuis Malinowski (1922), mĂȘme si lĂ aussi on peut identifier de plus anciennes origines â suscite plus de discussions dâexperts que de soupçons. Sâil apparaĂźt comme Ă©vident que nos pĂšres ont cherchĂ© Ă donner Ă la discipline un historique respectable, il est remarquable Ă©galement que ce soient les doutes Ă©pistĂ©mologiques justifiĂ©s des anthropologues du XXe siĂšcle qui entraĂźnĂšrent les importants bouleversements envers lesquels nombre de mes contemporains et moi-mĂȘme sommes encore redevables, parmi eux : descriptions factuelles, tĂ©moignages, interprĂ©tations et constructions thĂ©oriques ne se pensent plus en dehors de la prĂ©sence dâun chercheur qui fait Ćuvre de rĂ©flexivitĂ© pour accĂ©der â et faire accĂ©der â Ă la position qui fut la sienne dans la configuration singuliĂšre de son « terrain ». La rĂ©flexivitĂ© du chercheur â mĂȘme lorsquâelle apparaĂźt comme triviale â est peut-ĂȘtre la continuation de cet effort, Ă chaque fois renouvelĂ©, de sâarracher Ă lâembarras Ă©motionnel que dĂ©chaĂźna, depuis la tombe, le pĂšre de la mĂ©thode avec la parution de son journal (Malinowski, 1985).
1. LA MĂTHODE ETHNOGRAPHIQUE ET LâOBJET PARTISAN
Les partis politiques sont des objets dâintĂ©rĂȘt relativement anciens et, si la littĂ©rature historique sur le sujet compte son lot dâinterventions davantage idĂ©ologiques que scientifiques, Van Haute et Sauger (2017) sâaccordent sur une rĂ©flexion remontant Ă Burke (1889). Est-ce que le parti politique existe a priori et câest alors son identification qui est en jeu ? Il semble juste de considĂ©rer dans cette optique les critĂšres dâidentification, Ă©tablis depuis une perspective organisationnelle et proposĂ©s par La Palombara & Weiner (1966), Ă savoir : durabilitĂ©, caractĂšre complet de lâorganisation, pouvoir et soutien populaire. Ou est-ce que lâenjeu dĂ©finitionnel le prĂ©cĂšde, permettant sur des Ă©valuations relatives la transformation dâune rĂ©union dâindividus en « parti » ? Ceci concernant par ailleurs le discours des acteurs des « partis » qui prĂ©fĂšrent se prĂ©senter tantĂŽt comme des « mouvements » tantĂŽt comme des partis â et rĂ©ciproquement (Van Haute et Sauger, 2017) â mais aussi le discours scientifique dont lâobjet dĂ©pendra largement des caractĂ©ristiques quâon lui prĂȘtera, Ă©voquons pour exemple la dĂ©finition instrumentale soumise par Weber (1971) oĂč le parti est dĂ©crit comme animĂ© dâune volontĂ© dâatteindre certains buts objectifs autant quâil dĂ©sire la conquĂȘte dâavantages personnels, et si possible les deux simultanĂ©ment. Les auteurs de lâouvrage, de leur cĂŽtĂ©, se risquent Ă sĂ©lectionner une dĂ©finition pour son caractĂšre « synthĂ©tique » (Van Haute et Sauger, 2017, p. 49), du mien, je lâadopte pour des raisons didactiques, mais aussi pour les besoins de la monographie ; les partis politiques selon Seiler (1993) sont donc des :
« (...) organisations visant Ă mobiliser des individus dans une action collective menĂ©e contre dâautres, pareillement mobilisĂ©s, afin dâaccĂ©der, seuls ou en coalition, Ă lâexercice des fonctions de gouvernement. Cette action collective et cette prĂ©tention Ă conduire la marche des affaires publiques sont justifiĂ©es par une conception particuliĂšre de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral » (Seiler, 1993, p. 24).
Ceci Ă©tant dit, dans les multiples temporalitĂ©s qui (dĂ©)construisent le rapport dâun chercheur Ă son objet, lâenjeu dĂ©finitionnel arrive bien tard. Au prĂ©alable, câest dâune mĂ©thodologie prĂ©cise dont on exige quâil tĂ©moigne. En effet, poser les dĂ©finitions permettant lâorganisation/le classement dâun monde empirique dans lequel il refuserait de se plonger relĂšverait sinon de la prĂ©tention, au moins dâune irrĂ©ductible contradiction. Mais ce plongeon dans le rĂ©el se systĂ©matise â et parfois se rassure â au moyen de mĂ©thodologies Ă©prouvĂ©es qui dĂ©pendent immĂ©diatement de la lĂ©gitimitĂ© construite, par ailleurs, dâun type de donnĂ©es sur un autre, et pour cela lâhistoire de lâapproche de lâobjet partisan en est un fier exemple. Sawicki (2000) notait la « posture surplombante » des politistes se rĂ©fĂ©rant pour lâessentiel aux « donnĂ©es macroscopiques » et pour lesquels : « (...) le recours aux outils microscopiques reste marginal et peu lĂ©gitime â et partant peu assumĂ© â en science politique par rapport aux autres sciences sociales. » (Sawicki, 2000, p. 143). Il ne sâagit pas dâun procĂšs, pour preuve lâauteur se refuse Ă lâanalyse du « mĂ©pris relatif » ou du « dĂ©dain » des politistes pour les mĂ©thodes qualitatives. Selon lui, cette incomprĂ©hension tient plus Ă lâhĂ©ritage juridique et bĂ©havioriste de la discipline qui rendent « perspectives globalisantes et stato-centrĂ©es » et « donnĂ©es agrĂ©gĂ©es » (idem, p. 144) davantage agrĂ©ables que les longues contextualisations des comportements politiques empiriquement observables.
Puisquâil nây a pas procĂšs, il nây a pas lieu de tenir plaidoyer ou rĂ©quisitoire, cependant remarquons que lâethnographe ne sâintĂ©ressait guĂšre ou alors trĂšs marginalement au fait politique des sociĂ©tĂ©s « complexes », « chaudes5 », bref quelles que furent leurs noms, les nĂŽtres, avant quâil ne soit question du fameux rapatriement de la discipline devant la disparition â qui sâavĂ©ra plutĂŽt ĂȘtre une transformation â de son objet6. Aussi, si utiliser la mĂ©thode ethnographique afin dâapprocher lâobjet partisan est un effort rĂ©cent des politistes, lâentreprise de se pencher sur ledit objet en anthropologie ne semble pas beaucoup plus ancienne. Attention, que lâon ne sây trompe pas cependant, lâanthropologie politique â en tant que dĂ©partement de lâanthropologie sociale ou de lâethnologie â est un champ oĂč la question du gouvernement des hommes fut investiguĂ©e dĂšs L. H. Morgan (Ancient Society, 1877), toutefois si dĂ©finir, câest suggĂ©rer les buts qui orientent une visĂ©e comme lâĂ©crivait Balandier, alors lâanthropologie politique est :
« (...) une interprĂ©tation Ă©largie du politique qui ne lie ce dernier ni aux seules sociĂ©tĂ©s dites historiques ni Ă lâexistence dâun appareil Ă©tatique ; une Ă©lucidation des processus de formation et de transformation des systĂšmes politiques, Ă la faveur dâune recherche parallĂšle Ă celle de lâhistorien ; une Ă©tude comparative apprĂ©hendant les diffĂ©rentes expressions de la rĂ©alitĂ© politique, non plus dans les limites dâune histoire particuliĂšre â celle de lâEurope â, mais dans toute leur extension historique et gĂ©ographique7. »
On parvient sans peine Ă dĂ©duire logiquement de la prĂ©cĂ©dente citation ce que lâon observe historiquement, lâĂ©largissement de lâinterprĂ©tation de ce que lâon appelle « politique » aux techniques procĂ©durales, aux gouvernements, aux institutions, aux symboles, etc., des peuples gĂ©ographiquement Ă©loignĂ©s, Ă©tait Ă la fois un Ă©niĂšme manifeste (in)volontaire contre lâethnocentrisme autant quâune relative auto-exclusion des anthropologues des sociĂ©tĂ©s « historiques » et Ă©tatisĂ©es. Pour rĂ©sumer, la mĂ©thode ethnographique et les questionnements quâelle suppose furent moins rĂ©servĂ©s quâabandonnĂ©s aux ethnologues, tout comme lâobjet du parti politique â tel que nous lâentendons â aux politistes et aux sociologues.
Lâethnographie en tant que mĂ©thode qualitative de rĂ©colte de donnĂ©es, grĂące Ă lâeffort lent et processuel dâun relatif dĂ©cloisonnement disciplinaire â qui est sans aucun doute lâun des dĂ©fis majeurs posĂ©s aux sciences sociales, partiellement rĂ©alisĂ© dans lâinformel â a connu aprĂšs son importation depuis les terrains lointains oĂč elle avait droit de citĂ©, son installation tiĂšde dans les us de la science politique. TiĂšde, car dans le contexte français, faire ethnographie « (...) renvoyait le plus souvent Ă un usage minimal, faire lâethnographie dâun parti voulant simplement dire lâĂ©tudier de lâintĂ©rieur » (AĂŻt-Aoudia et al., 2010a, p. 8), par extension la rĂ©flexivitĂ© du chercheur, mais aussi le dĂ©voilement des conditions dans lesquelles il a pu rĂ©colter des donnĂ©es, sâils reprĂ©sentent un pan (oserait-on dire un exigĂ© ?) non nĂ©gligeable de lâanthropologie contemporaine et de ses textes, Ă©veillait suffisamment de rĂ©ticences que pour ĂȘtre globalement boudĂ© des politistes. En effet, dix annĂ©es aprĂšs Sawicki (2000), il sâavĂšre que la discipline « (...) nâa par ailleurs intĂ©grĂ© que tardivement le souci de dĂ©voilement des coulisses de la recherche et celui du cheminement personnel du chercheur, trĂšs pratiquĂ© par contraste chez les ethnologues depuis les annĂ©es 1970. Dans les rares cas oĂč cette rĂ©flexion est menĂ©e, elle lâest plutĂŽt dans des articles de mĂ©thode, en marge de lâexposition des rĂ©sultats de la recherche. » (Bachelot et al., 2010, p. 41).
Ajoutons pour conclure et Ă la suite de Myriam AĂŻt-Aoudia et al. (2010a) quâethnographie et rĂ©flexivitĂ©, microscope et coulisses de la recherche, en somme les dĂ©marches qualitatives, ont Ă©tĂ© au cĆur du renouvellement de la science politique de langue française, le contexte de langue anglaise tĂ©moignant quant Ă lui dâun intĂ©rĂȘt rĂ©duit pour ces questions. Les auteurs nous invitent dâailleurs Ă un rapide examen des sommaires de la respectable revue Party Politics afin dây constater la « (...) faible proportion de travaux sur les partis politiques fondĂ©s sur des enquĂȘtes de terrain Ă lâĂ©chelle internationale » (idem, p. 8). Bien entendu, rappellent-ils, cela nâest vrai que pour les travaux spĂ©cifiquement focalisĂ©s sur lâobjet partisan, un Ă©largissement de la focale vers lâactivitĂ© politique considĂ©rĂ©e plus largement (sans participation aux Ă©lections, par exemple) ouvre vers de nombreuses recherches sâinscrivant dans une Political Ethnography, avec Auyero (2006) et Joseph, Mahler & Auyero (2007) pour ne citer que ces deux ouvrages, ou vers lâanthropologie politique plus largement (cf. dĂ©finition de Balandier). MalgrĂ© tout, si lâethnologue est aujourdâhui moins en peine quâalors, la timiditĂ© rĂ©flexive de la littĂ©rature dans une main, lâaccusation â qui nâen est pas une â de « subjectivisme » de sa mĂ©thode dans lâautre, il doit faire face Ă une « double absence » : « (...) of politics in ethnographic literature and of ethnography in studies of politics » (Joseph, Mahler & Auyero, p. 2).
2. FAIRE ETHNOGRAPHIE EN EAUX TROUBLES, LE PARTAGE DE LA DUPLICITĂ
AprĂšs avoir vendu implicitement, et peut-ĂȘtre un peu longuement, la pertinence dâouvrir une description ethnographique par ce qui la dĂ©termine absolument, Ă savoir le caractĂšre situĂ© des donnĂ©es produites mais aussi du chercheur lui-mĂȘme, il sâagit dĂšs Ă prĂ©sent pour moi dâen faire la dĂ©monstration. Lâurgence de cette position se justifie Ă©pistĂ©mologiquement, certes, mais puisque je dĂ©sire que nous passions maintenant du gĂ©nĂ©ral au particulier, mon cas exige que jâĂ©voque comment jâai dĂ» prendre les « devants dâinĂ©vitables soupçons » (Bizeul, 2008), car câest eux qui imposĂšrent une partie du contexte de lâenquĂȘte comme de lâĂ©criture de cet ouvrage. Quel est lâintĂ©rĂȘt de plonger le lecteur dans lâantichambre des rĂ©sultats produits ? Nâest-ce pas lâaffaire dâun carnet de terrain, dâun journal intime (qui se confondent bien souvent dâailleurs) ? Lâune des rĂ©ponses Ă cette vaste question apparaĂźt dâelle mĂȘme lorsquâun chercheur se trouve par exemple contraint de rassurer quant Ă sa « moralitĂ© » :
« Bien quâil porte sur une organisation politique qui mâest Ă©trangĂšre et dont je rĂ©prouve les principes et les projets, ce livre nâest en rien un pamphlet et refuse tout manichĂ©isme. » (Bizeul, 2003, p. 22)
Ceci Ă©tant dit, la rĂ©flexivitĂ© dont on accouche textuellement en dĂ©posant sur ses maniĂšres de terrain ou ses donnĂ©es un regard suspicieux nâest ni un phĂ©nomĂšne spontanĂ©, ni un effort continu, mais plutĂŽt lâexercice dâun regard critique sur soi, une « ethno-analyse » que lâon peut idĂ©alement dĂ©couper en moments rĂ©flexifs. « Le terrain sert aussi, surtout, Ă marquer une pĂ©riode, avec un avant et un aprĂšs8 » et elles se donnent Ă penser comme des ancres temporelles, mais aussi positionnelles : le moment ante (le devant et lâavant entrĂ©e sur le terrain), le moment inter (simultanĂ©ment pendant et parmi) et le moment post (le derriĂšre et lâaprĂšs).
2.1. Le m...
Table des matiĂšres
- Couverture
- 4e de couverture
- Islams en changement
- Titre
- Copyright
- Introduction
- Chapitre 1 â Un anthropologue au sein du parti ISLAM
- Chapitre 2 â GĂ©nĂ©alogie et mĂ©moire politiques
- Chapitre 3 â Branchements des rĂ©fĂ©rences et opportunisme de lâaction pratique
- Conclusion
- Bibliographie
- Table des matiĂšres