Le parti ISLAM
eBook - ePub

Le parti ISLAM

Filiations politiques, références et stratégies

  1. 158 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Le parti ISLAM

Filiations politiques, références et stratégies

À propos de ce livre

Le parti I.S.L.A.M., décrit par ses fondateurs comme étant à la fois une référence explicite à la religion musulmane et l'acronyme d'"Intégrité - Solidarité - Liberté - Authenticité - Moralité" est un parti politique belge fondé en 2012 à Bruxelles. La recherche ethnographique présente les filiations politiques du parti, son hybridité référentielle ainsi que ses stratégies d'action pratique. Par-delà les provocations médiatiques, de quoi ce parti est-il l'expression?

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramÚtres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l'application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idĂ©al pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large Ă©ventail de sujets. AccĂ©dez Ă  la BibliothĂšque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, dĂ©veloppement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimitĂ© et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • IntĂ©gral: Parfait pour les apprenants avancĂ©s et les chercheurs qui ont besoin d’un accĂšs complet et sans restriction. DĂ©bloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres acadĂ©miques et spĂ©cialisĂ©s. Le forfait IntĂ©gral inclut Ă©galement des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es comme la fonctionnalitĂ© Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'Ă©couter. L'outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire Ă  tout moment, n’importe oĂč — mĂȘme hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous ĂȘtes en dĂ©placement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Le parti ISLAM par Lionel Remy en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Politique et relations internationales et Politique. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Chapitre 1
Un anthropologue au sein du parti ISLAM

Les comptes-rendus de mission, les rĂ©cits d’exploration – et de sortes diffĂ©rentes encore – sont autant de textes qui prĂ©cĂ©deront les efforts des premiers acadĂ©miques et sur lesquels le savoir historique rend un verdict attendu ; l’entreprise ethnologique, au mĂȘme titre que les autres, ne connaĂźt pas d’origine claire sur laquelle tomberait l’unanimitĂ©4.
C’est bien entendu affaire de sĂ©mantique, si de l’ethnologie ou de l’anthropologie nous entendons « en tant que discipline scientifique », la crĂ©ation et l’attribution des premiĂšres chaires aux pĂšres, si pas premiers, a minima fondateurs que sont E.B. Tylor (1895) et J.G. Frazer (1906) peuvent ĂȘtre Ă©voquĂ©es. Mentionnons cette question mille fois posĂ©e : est-ce que la reconnaissance institutionnelle – puisque c’est de cela qu’il s’agit – peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme gage d’autre chose que le dĂ©but de son existence acadĂ©mique ? Cela semble peu pertinent, d’autant qu’à moins d’invalider tous les efforts prĂ©cĂ©dant cette reconnaissance, une question demeure : sur quels critĂšres Ă©valuer alors un travail comme L’Histoire naturelle et morale des Indes orientales (1589) de Joseph de Acosta ? DeuxiĂšmement, le cadre institutionnel lui aussi semble ĂȘtre avant tout soumis Ă  la dĂ©finition qu’on lui donne ; en effet, l’anthropologie Ă©tait dĂ©jĂ  divisĂ©e en diffĂ©rents champs et l’anthropologie sociale qu’établira J.G. Frazer n’est pas celle d’Armand de Quatrefages, qui occupera pourtant la chaire d’anthropologie du MusĂ©um national d’histoire naturelle de Paris cinquante annĂ©es auparavant, en 1855. Si de l’ethnologie ou de l’anthropologie nous entendons plutĂŽt « en tant qu’effort scientifique », loin de s’accorder sur le sĂ©jour de L.H. Morgan chez les Iroquois (1850), la discussion se gonfle de paternitĂ©s que tous les « enquĂȘteurs » sont en droit de se partager, il nous suffit de penser Ă  HĂ©rodote ou plus proches de nous, Ă  Montaigne et Ă  Rabelais. GrossiĂšrement rĂ©sumĂ©e, l’entreprise ethnologique – comme toutes les autres – est plus ou moins jeune ou vieille selon des dĂ©clinaisons de critĂšres qui fascinent les historiens de la pensĂ©e (et ensuite les historiographes), et il semble que les dĂ©cennies qui nous Ă©loignent des premiers textes labellisĂ©s « anthropologiques » seront paradoxalement toujours plus imminentes que celles qui nous sĂ©parent d’un verdict sur cette question.
Comme le lecteur attentif l’aura aisĂ©ment repĂ©rĂ©, qu’il s’agisse d’une « discipline » ou d’un « effort », l’audace a voulu que je les charge d’ĂȘtre « scientifiques ». J’assume Ă  titre personnel – et Ă  l’instar des auteurs qui ont participĂ© Ă  l’ouvrage Terrains d’écrivains (Bensa, 2012) – ne pas ĂȘtre certain que les sciences sociales rendent « beau » compte du rĂ©el qui leur soumis, qui plus est lorsque lecture est faite de ces Ă©crivains majeurs qui ont foulĂ© pieds et plumes sur les « terrains » des anthropologues. Toutefois, Ă  dĂ©faut du « beau », la discipline s’en tire Ă  « bon » compte, l’ethnographie en tant que mĂ©thode de rĂ©colte de donnĂ©es s’est diffusĂ©e au sein des sciences sociales (sociologie, sciences historiques, sciences de la communication, sciences politiques, etc.), parfois sous d’autres appellations. Si l’austĂ©ritĂ© de son produit, le texte publiĂ©, peut encore faire rougir, sa mĂ©thode, l’observation participante de longue durĂ©e – depuis Malinowski (1922), mĂȘme si lĂ  aussi on peut identifier de plus anciennes origines – suscite plus de discussions d’experts que de soupçons. S’il apparaĂźt comme Ă©vident que nos pĂšres ont cherchĂ© Ă  donner Ă  la discipline un historique respectable, il est remarquable Ă©galement que ce soient les doutes Ă©pistĂ©mologiques justifiĂ©s des anthropologues du XXe siĂšcle qui entraĂźnĂšrent les importants bouleversements envers lesquels nombre de mes contemporains et moi-mĂȘme sommes encore redevables, parmi eux : descriptions factuelles, tĂ©moignages, interprĂ©tations et constructions thĂ©oriques ne se pensent plus en dehors de la prĂ©sence d’un chercheur qui fait Ɠuvre de rĂ©flexivitĂ© pour accĂ©der – et faire accĂ©der – Ă  la position qui fut la sienne dans la configuration singuliĂšre de son « terrain ». La rĂ©flexivitĂ© du chercheur – mĂȘme lorsqu’elle apparaĂźt comme triviale – est peut-ĂȘtre la continuation de cet effort, Ă  chaque fois renouvelĂ©, de s’arracher Ă  l’embarras Ă©motionnel que dĂ©chaĂźna, depuis la tombe, le pĂšre de la mĂ©thode avec la parution de son journal (Malinowski, 1985).

1. LA MÉTHODE ETHNOGRAPHIQUE ET L’OBJET PARTISAN

Les partis politiques sont des objets d’intĂ©rĂȘt relativement anciens et, si la littĂ©rature historique sur le sujet compte son lot d’interventions davantage idĂ©ologiques que scientifiques, Van Haute et Sauger (2017) s’accordent sur une rĂ©flexion remontant Ă  Burke (1889). Est-ce que le parti politique existe a priori et c’est alors son identification qui est en jeu ? Il semble juste de considĂ©rer dans cette optique les critĂšres d’identification, Ă©tablis depuis une perspective organisationnelle et proposĂ©s par La Palombara & Weiner (1966), Ă  savoir : durabilitĂ©, caractĂšre complet de l’organisation, pouvoir et soutien populaire. Ou est-ce que l’enjeu dĂ©finitionnel le prĂ©cĂšde, permettant sur des Ă©valuations relatives la transformation d’une rĂ©union d’individus en « parti » ? Ceci concernant par ailleurs le discours des acteurs des « partis » qui prĂ©fĂšrent se prĂ©senter tantĂŽt comme des « mouvements » tantĂŽt comme des partis – et rĂ©ciproquement (Van Haute et Sauger, 2017) – mais aussi le discours scientifique dont l’objet dĂ©pendra largement des caractĂ©ristiques qu’on lui prĂȘtera, Ă©voquons pour exemple la dĂ©finition instrumentale soumise par Weber (1971) oĂč le parti est dĂ©crit comme animĂ© d’une volontĂ© d’atteindre certains buts objectifs autant qu’il dĂ©sire la conquĂȘte d’avantages personnels, et si possible les deux simultanĂ©ment. Les auteurs de l’ouvrage, de leur cĂŽtĂ©, se risquent Ă  sĂ©lectionner une dĂ©finition pour son caractĂšre « synthĂ©tique » (Van Haute et Sauger, 2017, p. 49), du mien, je l’adopte pour des raisons didactiques, mais aussi pour les besoins de la monographie ; les partis politiques selon Seiler (1993) sont donc des :
« (...) organisations visant Ă  mobiliser des individus dans une action collective menĂ©e contre d’autres, pareillement mobilisĂ©s, afin d’accĂ©der, seuls ou en coalition, Ă  l’exercice des fonctions de gouvernement. Cette action collective et cette prĂ©tention Ă  conduire la marche des affaires publiques sont justifiĂ©es par une conception particuliĂšre de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral » (Seiler, 1993, p. 24).
Ceci Ă©tant dit, dans les multiples temporalitĂ©s qui (dĂ©)construisent le rapport d’un chercheur Ă  son objet, l’enjeu dĂ©finitionnel arrive bien tard. Au prĂ©alable, c’est d’une mĂ©thodologie prĂ©cise dont on exige qu’il tĂ©moigne. En effet, poser les dĂ©finitions permettant l’organisation/le classement d’un monde empirique dans lequel il refuserait de se plonger relĂšverait sinon de la prĂ©tention, au moins d’une irrĂ©ductible contradiction. Mais ce plongeon dans le rĂ©el se systĂ©matise – et parfois se rassure – au moyen de mĂ©thodologies Ă©prouvĂ©es qui dĂ©pendent immĂ©diatement de la lĂ©gitimitĂ© construite, par ailleurs, d’un type de donnĂ©es sur un autre, et pour cela l’histoire de l’approche de l’objet partisan en est un fier exemple. Sawicki (2000) notait la « posture surplombante » des politistes se rĂ©fĂ©rant pour l’essentiel aux « donnĂ©es macroscopiques » et pour lesquels : « (...) le recours aux outils microscopiques reste marginal et peu lĂ©gitime – et partant peu assumĂ© – en science politique par rapport aux autres sciences sociales. » (Sawicki, 2000, p. 143). Il ne s’agit pas d’un procĂšs, pour preuve l’auteur se refuse Ă  l’analyse du « mĂ©pris relatif » ou du « dĂ©dain » des politistes pour les mĂ©thodes qualitatives. Selon lui, cette incomprĂ©hension tient plus Ă  l’hĂ©ritage juridique et bĂ©havioriste de la discipline qui rendent « perspectives globalisantes et stato-centrĂ©es » et « donnĂ©es agrĂ©gĂ©es » (idem, p. 144) davantage agrĂ©ables que les longues contextualisations des comportements politiques empiriquement observables.
Puisqu’il n’y a pas procĂšs, il n’y a pas lieu de tenir plaidoyer ou rĂ©quisitoire, cependant remarquons que l’ethnographe ne s’intĂ©ressait guĂšre ou alors trĂšs marginalement au fait politique des sociĂ©tĂ©s « complexes », « chaudes5 », bref quelles que furent leurs noms, les nĂŽtres, avant qu’il ne soit question du fameux rapatriement de la discipline devant la disparition – qui s’avĂ©ra plutĂŽt ĂȘtre une transformation – de son objet6. Aussi, si utiliser la mĂ©thode ethnographique afin d’approcher l’objet partisan est un effort rĂ©cent des politistes, l’entreprise de se pencher sur ledit objet en anthropologie ne semble pas beaucoup plus ancienne. Attention, que l’on ne s’y trompe pas cependant, l’anthropologie politique – en tant que dĂ©partement de l’anthropologie sociale ou de l’ethnologie – est un champ oĂč la question du gouvernement des hommes fut investiguĂ©e dĂšs L. H. Morgan (Ancient Society, 1877), toutefois si dĂ©finir, c’est suggĂ©rer les buts qui orientent une visĂ©e comme l’écrivait Balandier, alors l’anthropologie politique est :
« (...) une interprĂ©tation Ă©largie du politique qui ne lie ce dernier ni aux seules sociĂ©tĂ©s dites historiques ni Ă  l’existence d’un appareil Ă©tatique ; une Ă©lucidation des processus de formation et de transformation des systĂšmes politiques, Ă  la faveur d’une recherche parallĂšle Ă  celle de l’historien ; une Ă©tude comparative apprĂ©hendant les diffĂ©rentes expressions de la rĂ©alitĂ© politique, non plus dans les limites d’une histoire particuliĂšre – celle de l’Europe –, mais dans toute leur extension historique et gĂ©ographique7. »
On parvient sans peine Ă  dĂ©duire logiquement de la prĂ©cĂ©dente citation ce que l’on observe historiquement, l’élargissement de l’interprĂ©tation de ce que l’on appelle « politique » aux techniques procĂ©durales, aux gouvernements, aux institutions, aux symboles, etc., des peuples gĂ©ographiquement Ă©loignĂ©s, Ă©tait Ă  la fois un Ă©niĂšme manifeste (in)volontaire contre l’ethnocentrisme autant qu’une relative auto-exclusion des anthropologues des sociĂ©tĂ©s « historiques » et Ă©tatisĂ©es. Pour rĂ©sumer, la mĂ©thode ethnographique et les questionnements qu’elle suppose furent moins rĂ©servĂ©s qu’abandonnĂ©s aux ethnologues, tout comme l’objet du parti politique – tel que nous l’entendons – aux politistes et aux sociologues.
L’ethnographie en tant que mĂ©thode qualitative de rĂ©colte de donnĂ©es, grĂące Ă  l’effort lent et processuel d’un relatif dĂ©cloisonnement disciplinaire – qui est sans aucun doute l’un des dĂ©fis majeurs posĂ©s aux sciences sociales, partiellement rĂ©alisĂ© dans l’informel – a connu aprĂšs son importation depuis les terrains lointains oĂč elle avait droit de citĂ©, son installation tiĂšde dans les us de la science politique. TiĂšde, car dans le contexte français, faire ethnographie « (...) renvoyait le plus souvent Ă  un usage minimal, faire l’ethnographie d’un parti voulant simplement dire l’étudier de l’intĂ©rieur » (AĂŻt-Aoudia et al., 2010a, p. 8), par extension la rĂ©flexivitĂ© du chercheur, mais aussi le dĂ©voilement des conditions dans lesquelles il a pu rĂ©colter des donnĂ©es, s’ils reprĂ©sentent un pan (oserait-on dire un exigĂ© ?) non nĂ©gligeable de l’anthropologie contemporaine et de ses textes, Ă©veillait suffisamment de rĂ©ticences que pour ĂȘtre globalement boudĂ© des politistes. En effet, dix annĂ©es aprĂšs Sawicki (2000), il s’avĂšre que la discipline « (...) n’a par ailleurs intĂ©grĂ© que tardivement le souci de dĂ©voilement des coulisses de la recherche et celui du cheminement personnel du chercheur, trĂšs pratiquĂ© par contraste chez les ethnologues depuis les annĂ©es 1970. Dans les rares cas oĂč cette rĂ©flexion est menĂ©e, elle l’est plutĂŽt dans des articles de mĂ©thode, en marge de l’exposition des rĂ©sultats de la recherche. » (Bachelot et al., 2010, p. 41).
Ajoutons pour conclure et Ă  la suite de Myriam AĂŻt-Aoudia et al. (2010a) qu’ethnographie et rĂ©flexivitĂ©, microscope et coulisses de la recherche, en somme les dĂ©marches qualitatives, ont Ă©tĂ© au cƓur du renouvellement de la science politique de langue française, le contexte de langue anglaise tĂ©moignant quant Ă  lui d’un intĂ©rĂȘt rĂ©duit pour ces questions. Les auteurs nous invitent d’ailleurs Ă  un rapide examen des sommaires de la respectable revue Party Politics afin d’y constater la « (...) faible proportion de travaux sur les partis politiques fondĂ©s sur des enquĂȘtes de terrain Ă  l’échelle internationale » (idem, p. 8). Bien entendu, rappellent-ils, cela n’est vrai que pour les travaux spĂ©cifiquement focalisĂ©s sur l’objet partisan, un Ă©largissement de la focale vers l’activitĂ© politique considĂ©rĂ©e plus largement (sans participation aux Ă©lections, par exemple) ouvre vers de nombreuses recherches s’inscrivant dans une Political Ethnography, avec Auyero (2006) et Joseph, Mahler & Auyero (2007) pour ne citer que ces deux ouvrages, ou vers l’anthropologie politique plus largement (cf. dĂ©finition de Balandier). MalgrĂ© tout, si l’ethnologue est aujourd’hui moins en peine qu’alors, la timiditĂ© rĂ©flexive de la littĂ©rature dans une main, l’accusation – qui n’en est pas une – de « subjectivisme » de sa mĂ©thode dans l’autre, il doit faire face Ă  une « double absence » : « (...) of politics in ethnographic literature and of ethnography in studies of politics » (Joseph, Mahler & Auyero, p. 2).

2. FAIRE ETHNOGRAPHIE EN EAUX TROUBLES, LE PARTAGE DE LA DUPLICITÉ

AprĂšs avoir vendu implicitement, et peut-ĂȘtre un peu longuement, la pertinence d’ouvrir une description ethnographique par ce qui la dĂ©termine absolument, Ă  savoir le caractĂšre situĂ© des donnĂ©es produites mais aussi du chercheur lui-mĂȘme, il s’agit dĂšs Ă  prĂ©sent pour moi d’en faire la dĂ©monstration. L’urgence de cette position se justifie Ă©pistĂ©mologiquement, certes, mais puisque je dĂ©sire que nous passions maintenant du gĂ©nĂ©ral au particulier, mon cas exige que j’évoque comment j’ai dĂ» prendre les « devants d’inĂ©vitables soupçons » (Bizeul, 2008), car c’est eux qui imposĂšrent une partie du contexte de l’enquĂȘte comme de l’écriture de cet ouvrage. Quel est l’intĂ©rĂȘt de plonger le lecteur dans l’antichambre des rĂ©sultats produits ? N’est-ce pas l’affaire d’un carnet de terrain, d’un journal intime (qui se confondent bien souvent d’ailleurs) ? L’une des rĂ©ponses Ă  cette vaste question apparaĂźt d’elle mĂȘme lorsqu’un chercheur se trouve par exemple contraint de rassurer quant Ă  sa « moralitĂ© » :
« Bien qu’il porte sur une organisation politique qui m’est Ă©trangĂšre et dont je rĂ©prouve les principes et les projets, ce livre n’est en rien un pamphlet et refuse tout manichĂ©isme. » (Bizeul, 2003, p. 22)
Ceci Ă©tant dit, la rĂ©flexivitĂ© dont on accouche textuellement en dĂ©posant sur ses maniĂšres de terrain ou ses donnĂ©es un regard suspicieux n’est ni un phĂ©nomĂšne spontanĂ©, ni un effort continu, mais plutĂŽt l’exercice d’un regard critique sur soi, une « ethno-analyse » que l’on peut idĂ©alement dĂ©couper en moments rĂ©flexifs. « Le terrain sert aussi, surtout, Ă  marquer une pĂ©riode, avec un avant et un aprĂšs8 » et elles se donnent Ă  penser comme des ancres temporelles, mais aussi positionnelles : le moment ante (le devant et l’avant entrĂ©e sur le terrain), le moment inter (simultanĂ©ment pendant et parmi) et le moment post (le derriĂšre et l’aprĂšs).

2.1. Le m...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Islams en changement
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Introduction
  7. Chapitre 1 – Un anthropologue au sein du parti ISLAM
  8. Chapitre 2 – GĂ©nĂ©alogie et mĂ©moire politiques
  9. Chapitre 3 – Branchements des rĂ©fĂ©rences et opportunisme de l’action pratique
  10. Conclusion
  11. Bibliographie
  12. Table des matiĂšres