Faire mémoire
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Faire mémoire

Regard croisé sur les mobilisations mémorielles - (France, Allemagne, Ukraine, Turquie, Égypte)

  1. 254 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Regard croisé sur les mobilisations mémorielles - (France, Allemagne, Ukraine, Turquie, Égypte)

À propos de ce livre

Dans une perspective pluridisciplinaire, cet ouvrage réunit des historiens, des sociologues et des politistes qui proposent une lecture croisée de mobilisations mémorielles insistant sur la mémorialisation de lieux, revenant sur la fabrique de mémoires collectives partisane, associative et syndicale.Les auteurs croisent les outils de la sociologie de la mémoire et de celle des mobilisations et s'intéresse à la transmission au sein des organisations militantes.

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Informations

Première Partie

Territorialiser la mémoire/ Mémorialiser les territoires :
Maïdan, Tahrir, Taksim des places emblématiques aux investissements concurrentiels

‒ Chapitre 1 ‒

La mémorialisation en action : Maïdan comme lieu de mémoire révolutionnaire en Ukraine
Alexandra Goujon
En février 2017, plusieurs événements sont organisés sur la place de l’Indépendance (Maïdan Nezalejnosti) à Kiev, appelée communément Maïdan, à l’occasion du troisième anniversaire du massacre de manifestants de la révolution sur la même place. Organisés par différents groupes, ces événements ont pour objectif de commémorer les victimes, de manière officielle ou pas, de protester contre les autorités politiques en place ou de soutenir l’action de ceux qui sont engagés dans un blocus commercial avec les régions séparatistes de l’Est du pays. Ces événements montrent que Maïdan s’est institutionnalisée comme le lieu central d’un phénomène protestataire mais aussi commémoratif en Ukraine.
La place centrale de Kiev a pris le nom de place de l’Indépendance juste après la déclaration d’indépendance du pays en août 1991. Edifiée dans un plus petit format à la fin du XIXème siècle avec la construction adjacente du Conseil municipal, elle subit plusieurs changements de dénomination au cours du XXème siècle : après avoir été baptisée place Kalinine en 1935 lorsque la capitale de l’Ukraine soviétique passe de Kharkiv à Kiev, elle devient place de la Révolution Octobre en 1977 à l’occasion du 60ème anniversaire de la Révolution de 19171. La place représente un rectangle, coupé en deux par l’artère principale de la ville, la rue Kreshtchatik, qui constitue une sorte de vallée de plus d’un kilomètre de long surplombée par des collines de part et d’autre. Les deux parties disjointes de la place sont d’une superficie similaire, équivalentes à la taille d’un terrain de football chacune ; on distingue le côté gauche et le côté droit en suivant le cours de l’avenue qui prend sa source sur une place proche du fleuve du Dniepr2.
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Photo 1. Maïdan : Vue aérienne
http://www.dailymail.co.uk/news/article-2565995/In-pictures-week-shook-Ukraine-Dramatic-photographs-chronicle-days-violent-clashes-ousting-president.html Crédits : @AFP. Getty images.
Depuis les années 1980, les deux parties ont des fonctionnalités différentes : le côté gauche que surplombe le grand hôtel Ukraine (anciennement Moscou), est une sorte d’esplanade avec plusieurs monuments auprès desquels se déroulent les commémorations officielles ou les protestations alors que le côté droit, entouré de plusieurs bâtiments imposants tels que la Poste centrale ou la Maison des syndicats, s’apparente à une aire de loisirs composée de différents éléments d’aménagement paysager (fontaines, bancs, petits espaces verts) qui ne permettent pas de rassemblement d’envergure. L’espace souterrain, avec ses sept sorties, comprend une station de métro, ouverte en 1976, un passage pour piétons, un vaste vestibule avec des échoppes et un centre commercial, construit en 2001, sous l’ensemble du côté droit et à l’extrémité du côté gauche3.
Pendant la période soviétique, la place centrale de Kiev accueille, à intervalles réguliers, les dirigeants communistes d’Ukraine qui sont postés devant le monument dédié à Lénine, construit en 1977 en contrebas de l’hôtel Moscou, et qui assistent aux grands défilés s’étirant sur la rue Kreshtchatik. Ces défilés sont organisés pour célébrer l’anniversaire de la Révolution de 1917 (7 novembre), la fin de la Grande guerre patriotique (9 mai) et la fête du travail (1er mai)4. Maïdan est donc le lieu central des commémorations et de la mobilisation dont l’objectif est d’attester la popularité du régime soviétique à l’image de la place Rouge à Moscou. En Ukraine comme dans le reste de l’URSS, la manifestation démonstrative (demonstratsia), programmée et organisée par les autorités publiques, est ordonnée et disciplinée pour incarner la réussite du soviétisme à travers une large mobilisation sociale5. Des formes de protestation existent pendant la période soviétique, notamment dans le cadre de la dissidence, mais elles sont rares et se situent en marge des grands espaces publics car elles sont sévèrement réprimées6. La perestroïka, lancée par Mikhail Gorbatchev en 1986, conduit à une transformation de la manifestation qui va devenir plus ouvertement revendicative et protestataire dans différents domaines : revendications identitaires mais également sociales et économiques avec les grèves de mineurs dans le Donbass, région orientale et industrialisée d’Ukraine, en 1989.
La première action protestataire d’envergure sur la place centrale de Kiev se déroule du 2 au 17 octobre 1990. Pendant 16 jours, les étudiants vont occuper la partie gauche de la place, l’esplanade en contrebas du monument de Lénine, en organisant une grève de la faim in situ avec des tentes et des lits de camp. Au plus fort de la mobilisation qui sera qualifiée de Révolution de granite (Revolioustia na graniti) en référence à la roche qui recouvre la place, le campement compte près de 200 étudiants et plusieurs dizaines de tentes7. Cette grève de la faim est lancée par plusieurs organisations étudiantes après qu’une grande manifestation ait rassemblée, la veille, plusieurs dizaines de milliers de personnes près du stade central de Kiev. Le mouvement vise à protester contre la signature d’un nouvel accord d’Union, proposé par M. Gorbatchev pour redéfinir l’Union soviétique sur une base plus confédérale.
En dehors de l’abandon de l’accord, les étudiants formulent plusieurs revendications qui sont affichées sur la place, sur une large banderole en tissu peinte à la main : l’organisation d’élections libres au Soviet suprême (parlement) d’Ukraine avant le printemps 1991, le déroulement du service militaire des Ukrainiens sur le territoire de l’Ukraine, la nationalisation de la propriété du Parti communiste et des Komsomols (organisation de jeunesse communiste) et la démission du président du Conseil des ministres de la république d’Ukraine. Autorisée par les autorités municipales, l’occupation de la place est combinée à plusieurs manifestations dont un défilé vers le Parlement ukrainien dont les abords finissent également par être occupés. Le 17 octobre 1990, les députés ukrainiens adoptent une résolution dans laquelle ils répondent favorablement aux revendications et notamment à la démission du président du Conseil.
Avec cette grève de la faim, la place centrale de Kiev devient un lieu de contestation et de revendication à l’égard des autorités politiques ; elle représente un lieu de défiance tout autant sinon davantage qu’un lieu d’adhésion populaire notamment dans les années 1990-1991. Une foule s’y rassemble notamment à partir du 24 août 1991 pour fêter la proclamation de l’indépendance du pays. La place de la Révolution d’Octobre prend le nom de place de l’Indépendance et le monument Lénine est démonté dans la foulée. Dans les années 1990, Maïdan n’est investie que ponctuellement comme lieu de mobilisation par des groupes nationalistes ou communistes et par les autorités qui y organisent des parades de manière irrégulière. La mobilisation contestataire reprend à partir du début des années 2000 dans un contexte d’accroissement des pratiques autoritaires par les dirigeants politiques.
À l’hiver 2000-2001, les partis d’opposition suivis par les étudiants organisent une action appelée une « Ukraine sans Koutchma » pour protester contre le président Léonid Koutchma, élu en 1994 puis réélu en 1999 ; pendant plusieurs semaines, des manifestations sont organisées et une rangée de tentes est installée sur la rue Kreshtchatik. La mobilisation se termine le 9 mars 2001 par une répression policière et l’arrestation de nombreux manifestants. Elle représente le point de départ d’un nouveau cycle contestataire dans lequel s’inscrit la Révolution orange (Pomarantcheva revolioutsia), en référence à la couleur du matériel de campagne du candidat de l’opposition, contestant les fraudes de l’élection présidentielle à l’automne 2004 : une occupation de la place de l’Indépendance pendant plusieurs semaines, combinée à des manifestations, meetings et défilés, provoque l’organisation d’un nouveau tour de scrutin qui mène l’opposition au pouvoir8.
À l’hiver 2013-2014, la place de l’Indépendance est, à nouveau, occupée pendant près de trois mois par des leaders de l’opposition, des militants et de nombreux citoyens ordinaires pour protester contre les autorités politiques, plus particulièrement contre leurs pratiques autoritaires et leur usage de la corruption. Appelé Euromaïdan à ses débuts pour contester la suspension par le président ukrainien de la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne, le mouvement prend le nom de Révolution de la dignité (Revolioutsia hidnosti) avec l’élargissement des revendications en faveur des droits de l’homme et l’expression d’une résistance à l’usage répété de la répression policière. Le lancement d’une opération anti-terroriste qui vise à nettoyer la place et qui fait près de 100 victimes parmi les manifestants les 18-21 février 2014 provoque la fuite du président Viktor Ianoukovitch, la fin de l’action protestataire et un changement de pouvoir. Cette nouvelle révolution incite les dirigeants russes à intervenir en Ukraine avec l’annexion de la Crimée, république autonome au sein de l’Ukraine, qui est scellée le 16 mars 2014 et le soutien à des actions séparatistes dans l’Est du pays qui provoquent un conflit en cours qui a fait près de 10 000 morts et plus de 23 000 blessés9.
Depuis la Révolution de la dignité, Maïdan est une place aux usages contestataires et commémoratifs diversifiés, fragmentés et parfois en concurrence. Toujours utilisée par les autorités publiques pour commémorer les fêtes nationales telles que celle de l’Indépendance, elle est également investie par différents groupes pour protester contre les dirigeants, pour s’opposer à l’intervention de la Russie en Ukraine, pour soutenir telle ou telle initiative politique ou sociale, pour honorer la mémoire des soldats morts au combat dans le Donbass ou pour commémorer les manifestants morts au moment de la révolution, communément appelés la Centurie céleste. Les actions sont, en grande partie, menées dans la partie gauche de la place, près du monument à l’Indépendance, inaugurée en 2001, non loin de l’ancien emplacement du monument Lénine, et qui représente une colonne de ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Prochaines parutions
  4. Titre
  5. Copyright
  6. Les auteurs
  7. Avant-propos - Magali Boumaza
  8. Introduction : Ce que faire mémoire veut dire - Magali Boumaza
  9. PREMIERE PARTIE : Territorialiser la mémoire/ Mémorialiser les territoires : Maïdan, Tahrir, Taksim. Des places emblématiques aux investissements concurrentiels
  10. DEUXIEME PARTIE : Entreprises mémorielles, associatives, partisanes, syndicales. Le long travail de constitution d’un patrimoine mémoriel
  11. TROISIEME PARTIE : Configurer la mémoire collective : le cas de la gauche radicale turque
  12. Conclusion. Au-delà de la fabrique mémorielle, des artefacts fictionnels ? - Magali Boumaza
  13. Bibliographie
  14. Adresse