
eBook - ePub
Grandir avec la maladie
Esquisses biographiques de portraits d'adolescents malades chroniques
- 166 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
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Grandir avec la maladie
Esquisses biographiques de portraits d'adolescents malades chroniques
À propos de ce livre
Revendiquant une approche interdisciplinaire, les auteures de cette étude s'attachent à rendre compte de ce que vivent les adolescents malades chroniques. Les portraits dréssés permettront-ils d'appréhender une nouvelle lecture de leur vécu sur, de et avec la maladie? A l'équipe thérapeuthique de mieux les comprendre. La méthodologie des patients offrira-t-elle de nouveaux horizons en recherche biographique?
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Informations
Sujet
MédecineSujet
Éducation généralePREMIÈRE PARTIE
PORTRAITS D’ADOLESCENTS
MALADES CHRONIQUES
CARLA
métamorphoses du corps et bifurcation de vie
Martine Janner Raimondi
Carla, âgée de 16 ans, est une belle jeune-fille aux yeux vert jade. Actuellement en rémission d’une leucémie, elle arrive souriante en compagnie de sa mère. Les boucles châtain clair de ses cheveux courts encadrent l’ovale arrondi de son visage délicatement maquillé. Apprêtée avec soin et discrétion, elle précise quelques-unes des étapes de son parcours avant l’annonce d’un diagnostic, dont elle ne mesure pas d’emblée la gravité.
Des malaises au diagnostic médical
Carla raconte comment ce n’est que progressivement qu’elle a pris connaissance de la maladie. Ses hésitations au début de l’entretien semblent indiquer l’effort de réflexivité pour reprendre le fil les étapes de son parcours « Bon au départ de ma maladie, enfin je me rendais pas du tout compte, enfin j’étais… je vivais ça normalement et… au fur et à mesure de ma maladie, j’ai compris enfin que j’étais vraiment malade quoi ». Si l’hospitalisation marque le déclenchement du diagnostic et les prises en charge thérapeutiques, les premiers signes se sont révélés bien avant, à travers l’éprouvé d’un sentiment de grande fatigue : « ben en fait je… j’étais pendant une semaine j’étais vachement, j’étais euh… très fatiguée… ». Plusieurs malaises se sont en effet succédé au cours de l’année précédente. « Le lundi au collège, j’ai fait un malaise », bientôt suivi par plusieurs autres, notamment lors d’un voyage scolaire en Espagne, puis à son retour en France. Le médecin consulté suite au premier malaise pour donner son avis sur l’opportunité d’un tel voyage, parle d’un malaise vagal qui rassure Carla « donc moi je ne me suis pas inquiétée ». Le poids symbolique de l’avis médical l’emporte ici sur les impressions éprouvées à l’intérieur de son corps.
De retour en France, la vigilance attentive de sa mère, qui trouve sa fille amaigrie, fait qu’elle s’inquiète ; elle décide alors de la conduire aux urgences. « Là-bas, ils m’ont dit euh, ben que c’était euh… c’était normal, c’était l’adolescence et tout, et puis ils m’ont fait une prise de sang et puis ils ont vu que… j’étais malade ».
La période adolescente, que Benghozi (1999) nomme « l’adolescence chrysalide » appréhendée comme « paradigme des anamorphoses », renvoie fondamentalement à un « processus mutatif » (Ibid. p. 28), dans lequel la puberté physiologique est accompagnée d’un développement psycho sexué au cours duquel se trouve réaménagée la relation au monde et à soi-même. Ce paradigme des anamorphoses explique sans doute pourquoi, dans un premier temps, le corps médical ne s’inquiète pas des états de fatigue de la jeune fille. L’analyse sanguine révèlera au contraire un problème, qui enclenchera ensuite le protocole de prise en charge thérapeutique.
Eu égard au processus mutatif typique de l’adolescence nous pensons que la maladie chronique qui survient en période adolescente accentue davantage le processus en lui attribuant une gravité plus grande, au sens d’une radicalisation des questions inhérentes à cette période dans les sociétés occidentales contemporaines. Ainsi, l’apparence physique et l’image de soi via le regard des autres, leur modalité de présence, leurs attitudes, gestes et paroles touchent et résonnent au plus profond de soi, lorsque l’on est malade. Goffman (1973) avait déjà pointé toute l’importance du travail de figuration pour éviter le risque majeur de perdre la face. Comment éviter la stigmatisation quand la maladie se voit, si ce n’est en évitant de rencontrer les autres, en particulier ses pairs qui ne connaissent pas la maladie de l’intérieur ?
La maladie du cancer vient modifier le cadre des interactions symboliques, accentuant ainsi le risque d’une fragilisation de soi du jeune malade. Une telle maladie semble jouer le rôle d’accélérateur au niveau de la prise de conscience qui ne signifie pas nécessairement que la personne malade soit en capacité de supporter cette accélération.
Par-delà les précisions apportées par Huerre & Renard (2003) pour lesquels l’adolescence s’appréhende comme l’histoire d’un artifice, propre à empêcher les enfants de devenir adultes, nous rejoignons l’approche de Lesourd (2007), considérant l’actualité de l’adolescence dans les sociétés occidentales contemporaines en tant que structuration d’un temps d’errance entre les signifiants perdus de l’enfance et ceux non encore advenus de la fonction adulte. Pour autant, dans le cadre de la maladie grave, l’errance des signifiants apparaît soudain plus brève, car d’emblée les questions du rapport aux autres et du rapport au monde se posent à l’aune de la vie et de la mort.
En réalité, l’errance ne se retrouve pas que du côté de l’adolescence, elle se situe également au niveau des hésitations, voire des difficultés rencontrées par les soignants lorsqu’ils sont en face d’un symptôme dont ils ne saisissent pas d’emblée le sens. L’adolescence fournit dans ce cas le prétexte d’une « réponse » aux phénomènes inexpliqués, comme le rapporte Carla, quand elle évoque les propos tenus par les soignants de cet hôpital général : « Oui, c’était normal, c’était euh… l’adolescence, que… que j’étais un peu fatiguée… ». Cette période renvoie ainsi à la représentation d’un âge aux contours « flous », rendant possible quasi toute situation, sans pour autant relever d’un diagnostic précis. À l’instar du propos de Benoit (2006, p. 10) : « le message ambigu d’une évolution, révolution » porté par l’adolescence rend d’autant plus difficile l’interprétation des symptômes. Dans un tel cadre, comment discerner ce qui relève de l’évolution normale d’un processus, d’une perturbation inquiétante parvenue à son acmé ? Loin de s’inquiéter outre mesure, le corps médical a préféré, ici, banaliser la fatigue et les malaises, en écho aux transformations physiologiques et psychiques liées à cette période adolescente, sans pour autant omettre d’entamer une procédure de contrôle sous forme d’examens sanguins. De fait, ce sont bien les résultats de la prise de sang qui déclencheront le verdict, partant, le protocole de soin.
Cela dit, nous pourrions nous demander s’il ne s’agit pas plutôt d’interroger la place accordée aux propos des patients eux-mêmes, notamment dans un service où la logique de fonctionnement répond davantage aux questions d’urgence radicale, plutôt que d’incriminer la période adolescente. Quoi qu’il en soit, la place reconnue aux propos des patients par les soignants laisse assez dubitatif. À l’instar des professeurs de médecine et chefs de service hospitalier, Anne Réha-Lévy & Laurence Verneuil (2016), nous comprenons que la réforme de 2004 sur la rémunération des hôpitaux par la tarification à l’activité puis la loi de gouvernance hospitalière Hôpital Patient Santé Territoires de 2008 ont contribué à transmuer l’hôpital en entreprise. « En fait, ni les uns [patients], ni les autres [soignants] ne sont des partenaires reconnus dans les décisions qui sont prises, dans les réformes engagées […] la vision entreprenariale de l’hôpital, les soins et les patients sont des marchandises, les médecins ont subi et n’ont pu empêcher ces dérives. Ce qui existe dans les hôpitaux n’est pas de la médecine, c’est la distribution plus ou moins réussie de traitements qu’on compte pour ce qu’ils rapportent… » (Ibid. p. 14). Dès lors, les conditions de travail des soignants deviennent quasi insoutenables, accentuant encore davantage la faible prise en compte des propos des patients. En effet, comme le rappellent ces auteures, qui réclament davantage d’écouter les malades, dès 1999 une étude avait montré que, lors des consultations, les médecins orientaient les dires des patients après 23 secondes de prise de parole en moyenne (Marvel et alii, 1999), alors même que lorsque ces derniers parlaient sans être interrompus, la durée maximale n’était que de 2 minutes en moyenne (Langewitz et alii, 2002).
L’analyse des résultats sanguins a déclenché le protocole de soins, entraînant ainsi le transfert d’un centre hospitalier général à un centre régional universitaire, doté d’un centre spécialisé dans la lutte contre le cancer, situé à plus d’une heure de route du lieu d’habitation de Carla : « donc je suis restée cinq semaines à X, dans une chambre stérile, parce que j’étais en aplasie et sans sel aussi » ; « parce que… j’étais… enfin je devais avoir des traitements enfin sans sel, donc en corticoïde et euh… avec des traitements lourds… ». Pourtant, Carla nous apprend que ce n’est ni le transfert d’un hôpital à un autre, ni l’isolement en chambre stérile, ni les traitements lourds, qui lui ont fait prendre conscience de la gravité de son état de santé. En réalité, ce fut la réaction émotionnelle de son frère lors de leur rencontre au CHU. « Ben en fait, bizarrement… j’ai… mais je me rendais pas compte. Mon frère quand il est venu le deuxième jour… il s’est mis à pleurer et moi je lui ai dit ’t’inquiète pas, ça va aller’, sans… enfin, sans m’en rendre compte quoi… je me rendais pas compte que j’étais malade en fait ». Dans ce récit, nous allons nous appesantir sur le sentiment de surprise, considéré par Husserl (V° Recherche Logique) comme un vécu intentionnel qui s’inscrit dans la vie affective globale du sujet fortement ancrée dans sa chair, parallèlement aux vécus perceptifs ou plus largement théoriques tels que les souvenirs, images, jugements, croyances (Depraz, 2016, § 8).
C’est effectivement la surprise de voir son frère en pleurs qui a déclenché la prise de conscience de la maladie chez la jeune fille. Loin de la perturber, cette situation a contribué a mobilisé chez elle, au contraire, une attitude bienveillante à l’égard de son frère afin de le rassurer et le protéger, plutôt qu’à se mettre à pleurer elle aussi ou s’effondrer sur elle-même. L’effet de surprise s’appréhende ici en tant que sentiment d’« être frappé », auquel pourrait correspondre ce que Depraz (2016) a pointé chez Husserl comme un « sentiment au sens de sentiment en tant qu’acte vécu intentionnel, qui en tant qu’acte intentionnel, a en propre un objet de référence. Un tel sentiment renvoie à un état quasi physique de manque, ou un blocage plus ou moins vif, qui va de pair avec le « sentiment d’être-frappé » et de l’attente trompée (Depraz, 2016, § 37). Le fait que son frère pleure constitue un fait objectif de rupture, auquel semble répondre un vécu subjectif de manque. Ce sentiment de surprise, compris comme « être frappé », prend soudain une importance paradoxale dans la prise de conscience par Carla de son état de santé, alors qu’elle-même ne se sentait pas gravement malade. L’attente trompée pourrait se situer au niveau de l’écart entre la joie de la rencontre d’un membre proche de sa famille dans un lieu de soin particulièrement sous surveillance et la tristesse qui s’exprime alors.
En réalité, pour Carla, l’inquiétude éprouvée, qui taraude de façon lancinante lors d’une atteinte de maladie grave, ne sera évoquée qu’au milieu du traitement, lorsque persisteront les « soucis dans la bouche » et la prise de poids « je prenais du poids… parce qu’au départ, mon traitement il se passait bien… parce que je devais passer une semaine à X pour euh… une chimio… ». L’apparition des effets secondaires, qui se sont alors révélés, évoquent deux hypothèses, soit l’éventualité de leur apparition n’a pas été annoncée ; soit, leur évocation antérieure n’a pas été entendue par Carla. Sans doute, se retrouver dans cette situation rend-il peu disponible pour appréhender d’autres réalités futures encore plus préjudiciables que l’actualité même d’une telle maladie, tant le phénomène de sidération est mentionné de façon récurrente lorsque le malade comprend qu’il est atteint d’un cancer. Dès lors, nous comprenons combien il peut être délicat de décider à quel moment il convient ou non d’annoncer l’évolution des symptômes d’autant plus sensibles en période adolescente, tant l’image de soi et l’image de son corps en transformation constituent des points névralgiques. Voir son corps se métamorphoser sans que le sujet ait le sentiment qu’il puisse y faire grand-chose, s’accentue d’autant lorsque les traitements médicamenteux viennent interférer en positif comme en négatif avec l’évolution physique et psychique liée à cet âge.
Pour autant, la vie ne s’arrête pas à l’hôpital, et à l’issue de sa chimiothérapie, Carla passe et décroche avec succès son brevet des collèges. Elle évoquera cette réussite sans s’y attarder, comme si cela n’avait pas grande importance.
Après ce premier traitement de cinq semaines, qui ne devait durer qu’une, Carla retourne chez elle, pour être suivie dans son centre hospitalier d’origine. Les périodes de traitement se sont succédé non sans aléas : « après toutes mes cures se sont enchaînées, sauf qu’il y a eu des cures j’ai eu un plus de soucis que d’autres… j’ai eu des aplasies, j’ai eu des problèmes dans la bouche… » Le traitement durera un an, alors qu’« il devait durer neuf mois ». Carla évoque cette période sur le ton des expériences acquises par répétitions, comme si elle avait complètement intégré non seulement les possibles symptômes récurrents des effets des traitements, mais également les fluctuations des durées de soin. Aucune expression de surprise n’émerge à ce moment du récit de son parcours de soin.
Depuis, Carla est en rémission, mais l’épreuve vécue de la maladie a radicalement changé sa vision de la vie, sa relation aux autres et au monde. Plusieurs métamorphoses ont ainsi ponctué son parcours ; elles font à présent partie intégrante de son histoire.
Pourrions-nous dire que Carla a subi un traumatisme via la leucémie ? Ferenczy (1927/2006) a exploré le phénomène du traumatisme « le “choc” est équivalent à l’anéantissement du sentiment de soi, de la capacité de résister, d’agir et de penser en vue de défendre le soi propre. Il se peut aussi que les organes qui assurent la préservation de soi abandonnent ou du moins réduisent leurs fonctions à l’extrême. (Le mot Erschütterung [commotion psychique] vient de Schütt [débris] ; il englobe l’écroulement, la perte de sa forme propre et l’acceptation facile et sans résistance d’une forme octroyée, “à la manière d’un sac de farine” » (2006, p. 33). Il est possible que dans la sidération du choc traumatique, « l’anéantissement du sentiment de soi » et « l’acceptation facile d’une forme octroyée » se retrouvent chez Carla au moment de l’annonce de la maladie et du début des soins intensifs. Quand elle dit : « … je me rendais pas compte que j’étais malade en fait », cela ne renvoie-t-il pas à cette acceptation sans résistance de son état de malade ?
Pour autant, Ferenczy annonce d’autres caractéristiques du traumatisme qu’il nous faut encore interroger : « […] 1° le cours de la paralysie sensorielle sera et restera durablement interrompue ; 2° durant celle-ci on acceptera sans résistance toute impression mécanique et psychique ; 3° aucune trace mnésique ne subsistera de ces impressions même dans l’inconscient, de sorte que les origines de la commotion sont inaccessibles par la mémoire. Si toutefois on veut les atteindre (ce qui semble à peu près impossible), alors il faut répéter le traumatisme lui-même, et dans des conditions plus favorables, l’amener, pour la première fois, à la perception et à la décharge motrice » (2006, p. 40). Chez Carla, les trois indicateurs de Ferenczy sont à nuancer : la paralysie sensorielle et l’absence de traces mnésiques ne sont que partielles : elle se souvient de ses états de fatigue répétés, elle se souvient d’une absence initiale de prise de conscience de la gravité de la maladie. Elle peut en outre situer le moment de sa prise de conscience. Mais celle-ci est-elle effective au moment des pleurs de son frère venu la voir à l’hôpital ou bien est-elle liée à l’entretien existentiel de recherche lui-même ? Ici surgit un impensé qui aurait pu faire l’objet d’un entretien d’explicitation pour inviter Carla à s’efforcer de réactiver les souvenirs des éprouvés de ce moment.
Savoirs sur la maladie et sur soi
Elle sait qu’il existe plusieurs types de leucémies : « il existe plusieurs leucémies, donc la B1, la B2. Donc la B1 c’est euh […] sans greffe de moelle osseuse, la B2 c’est avec greffe de moelle osseuse ». Elle précise qu’elle a eu une maladie du sang, sans greffe osseuse, et dit ne pas trop pouvoir expliquer davantage. Elle ajoute qu’il s’agit de « mauvaises globules installées » dans son « sang », que le traitement permet d’éliminer. Carla a été prévenue de la perte des cheveux. Mais comme elle l’explique « cette maladie-là, on perd ses cheveux déjà, moi donc j’ai eu de la chance je les ai perdus plus tard. Normalement, on perd aussi ses sourcils et puis ses cils, moi je [ne] les ai pas perdus ». Pour Carla, ce ne sont pas les vomissements, mais les malaises qui ont été gênants « je me sens partir quoi et puis je tombe », ainsi que la fatigue qu’elle éprouve. Un lien de corrélation est établi entre l’éprouvement d’une lassitude et d’une fatigue, qui la laisse sans force corrélativement aux taux d’hémoglobine et de leucocytes : « quand par exemple mes plaquettes étaient basses ou quand mes globules rouges étaient bas parce que j’étais très fatiguée… quand je me levais ça tournait un petit peu… enfin je me rendais compte quoi… j’en ai pas fait beaucoup mais des fois on fait des aplasies, c’est quand les globules blanches elles sont trop basses pour que je reste dehors en fait, donc je suis en chambre stérile… à ma dernière cure, c’était euh en avril-mai, j’ai fait troi...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Collection « (Auto) biographie ∞ Éducation »
- Titre
- Copyright
- Conseil scientifique international
- Remerciements
- Sommaire
- Introduction
- PREMIÈRE PARTIE – PORTRAITS D’ADOLESCENTS MALADES CHRONIQUES
- DEUXIÈME PARTIE – ANCRAGES ÉPISTÉMOLOGIQUES ET CONSTRUCTIONS MÉTHODOLOGIQUES
- Conclusion générale
- Bibliographie générale
- Ouvrages parus dans la même collection