
- 302 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Traces et mémoires
À propos de ce livre
Cet ouvrage, regroupant près d'une trentaine de communications, se focalise, dans une optique pluridisciplinaire, sur la thématique traces et mémoires. Trois grandes parties structurent la réflexion. La première propose des éléments de cadrage et de problématisation ayant trait à la fiabilité des témoignages, à la dialectique de la sauvegarde et de la perte ou bien encore aux souvenirs, aux commémorations et à la repentance.
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Sujet
Sciences socialesSujet
Histoire du mondeDEUXIÈME PARTIE :
RECONSTRUCTIONS, RÉMINISCENCES
ET MÉMORIALITÉ

CHAPITRE 12
LES DEUX PIERRES RUNIQUES DE JELLING
(Xe SIÈCLE), ÉLOQUENTS MONUMENTS
DANOIS DU PASSAGE DU PAGANISME
À UNE ÈRE NOUVELLE : LE CHRISTIANISME
Patrick GUELPA1
Le site archéologique danois de Jelling dans le centre sud-est du Jutland, près de Vejle, comprend deux tumulus de taille imposante où ont été inhumés le roi de Danemark Gorm l’Ancien, mort vers 958, et sa femme Thyra. De plus, on a retrouvé à l’intérieur divers objets artistiques finement ouvragés et à l’extérieur deux pierres runiques gravées de runes et une église du XIIe siècle (en pierre, qui succède à trois autres précédentes construites en bois) située entre les deux tumulus. La plus petite des deux pierres comporte une inscription du roi Gorm et la plus grande, dite habituellement “pierre de Jelling”, placée à côté de la petite, possède un texte bien plus long, agrémenté d’une représentation du Christ et d’un animal fabuleux entourés de serpent. De Gorm, nous savons deux choses historiquement certaines : en 936, il a reçu la visite à Jelling, sa capitale, d’un certain Unni, archevêque de Hambourg, qui aurait tenté de prêcher le christianisme, mais Gorm le lui aurait interdit, et c’est lui qui a fait graver les runes de la petite pierre de Jelling (cf. Musset, 1951, p. 82). D’autre part, les dimensions impressionnantes des deux tumulus (environ 10 m de hauteur et 65 m de diamètre pour le plus grand, celui de la reine Thyra) laissent deviner la puissance de ce roi.
On estime que Gorm, roi païen, a dû faire ériger la plus petite des deux pierres vers 935 pour faire mémoire de sa femme. Vers l’an 965 (certains disent vers 985, voir Boyer, 1987, p. 80, et Musset, 1965, p. 420), son fils, Harald à la dent bleue (entendons : noire, sans doute parce qu’elle était endommagée et avait noirci, l’adjectif “bleu” dans les langues germaniques correspondant à “noir” dans les langues romanes), Harald Blåtand, a fait édifier une grande pierre au même endroit. Elle était censée honorer ses parents, la reine Thyra et son père Gorm l’Ancien, mais elle évoque également ses exploits personnels, à savoir l’unification du Danemark et la christianisation de ses habitants. Cette grande pierre montre le Christ, dont c’est la plus ancienne figuration dans le Nord.
Naturellement, à cette période de transition entre le paganisme et le christianisme, les habitants du Danemark se servent pour écrire de l’alphabet runique dit “futhark récent” à 16 signes au lieu de 24 précédemment, acronyme du nom de chacune des six premières lettres (th représente ici une seule rune correspondant au son anglais de father). La conversion au christianisme entraînera la disparition des runes au profit de l’alphabet latin, plus apte à noter des textes assez longs sur différents supports. Nous nous attacherons au contenu du message véhiculé par ces inscriptions à Jelling et à leur portée historique.
D’autre part, les ornements et dessins figurant sur la plus grande des deux pierres feront l’objet d’une tentative d’interprétation, vu que le caractère propagandiste est patent et que le sculpteur ne semble pas avoir une connaissance approfondie du christianisme.
D’innombrables pierres commémoratives jonchent le sol de la Scandinavie, mais celles retrouvées à Jelling, inscrites au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1994, tranchent avec les autres qui les ont précédées. En effet, le contenu chrétien y est explicite, et la grande pierre passe pour être l’acte de baptême du Danemark. On a d’abord découvert et exhumé cette grande pierre en 1586 pour la remettre à sa place devant l’église de Jelling, puis ce fut le tour de la petite en 1591.
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I. LES DEUX ROIS
La petite pierre ne présente qu’une inscription très brève. Elle est la plus ancienne source danoise écrite du mot « Danemark » et a été érigée vraisemblablement vers 935 par Gorm. Son fils Harald a fait ensuite dresser une grande pierre en souvenir de ses parents, ornée d’une inscription runique et d’une représentation du Christ. Il aurait fait cela entre 960 et 985 (il mourut en 986). Harald Gormsson aurait régné conjointement avec son père Gorm de 940 à 958, puis seul jusqu’en 986, et on sait de source fiable qu’il a embrassé la religion chrétienne vers 960 (Musset, 1997, p. 37). Parachevant son œuvre, il fait construire des églises sur ses domaines à Odense (en Fionie) et Roskilde (en Sjælland) et administrer le baptême à tous ses sujets (Musset, 1951, p. 126). Et pour consolider son pouvoir et assurer la défense de son pays, Harald fit construire des camps fortifiés à Trelleborg (Sjælland), Fyrkat (dans le nord-ouest du Jutland), Aggersborg (dans le Limfjord) et sans doute encore en Fionie. Il fit aussi renforcer le Danevirke (sorte de Mur d’Hadrien danois) pour se prémunir contre les prétentions supposées d’Otton 1er, premier empereur du Saint Empire Romain-Germanique, couronné en 962.
Quand à la légende suivant laquelle il se serait converti parce qu’un clerc allemand, Poppo, en se soumettant à l’ordalie du fer rouge, l’aurait convaincu de l’excellence de la foi chrétienne (Musset, 1997, p. 37), on ne peut que rester très sceptique.
II. LES INSCRIPTIONS
La petite pierre a été dressée par le roi Gorm l’Ancien à la mémoire de son épouse, la reine Thyra. Elle a sans doute été placée près de la porte de la nouvelle église de Jelling et utilisée comme banc jusqu’en 1596. On l’a probablement mise en position verticale entre 1627 et 1639. Il n’est pas possible de déterminer son emplacement d’origine, mais on peut penser qu’elle se trouvait dans le monumental tertre funéraire de Gorm, à l’intérieur de l’alignement naviforme de pierres dressées. La forme de navire fait évidemment allusion à la croyance viking du voyage dans l’au-delà. La pierre est actuellement visible à l’extérieur devant l’église. Elle est en gneiss, roche métamorphique qui ressemble au granit, mais qui possède une plus grande résistance à la flexion. Elle fait environ 1,85 m de hauteur sur 1 m de large et 50 cm d’épaisseur. Les runes ont de 15 à 30 cm de hauteur et sont disposées sur la face A en trois lignes verticales courant de bas en haut. La face B ne comporte qu’une ligne verticale courant de bas en haut. À l’origine, les runes étaient peintes pour être plus facilement lisibles, mais la peinture a disparu.
Le message paraît clair : Gorm veut honorer son épouse Thyra et faire ressortir ses qualités éminentes de reine, honneur qui échoit fort rarement à une femme en ce temps-là. Il s’y mêle sans doute aussi une certaine admiration pour sa femme, mais nous pourrions également y voir une manière de légitimer son propre pouvoir. Ce monument est fait pour durer et perpétuer la réputation de l’un comme celle de l’autre. La traduction des deux derniers mots de l’inscription (Danmarkar bót, “parure du Danemark”) n’est pas sûre (Boyer, 2001, p. 156, et note n° 83, p. 203). En effet, le mot bót peut signifier aussi : “amélioration”, “accroissement”, “renforcement” (du Danemark), ce qui pourrait-être une allusion aux conquêtes territoriales que Gorm a entreprises pour agrandir son royaume (dans le Jutland, notamment). Ce même vocable peut aussi vouloir dire : “réparation”, “compensation”, “remède”, “amélioration”, ce qui ne nous dit pas grand-chose ici. Sauf le respect dû à la reine Thyre, force est de nous incliner devant les arguments plus pragmatiques et matériels qu’intellectuels. Il s’agit là d’une auto-glorification du roi Gorm, désireux de perpétuer son nom en y adjoignant celui de son épouse.
La grande pierre aurait été érigée par le roi du Danemark Harald « à la dent bleue ». Son nom danois actuel est Harald Blåtand. Anglicisé, son surnom a fourni le logo du standard de communication bien connu : Bluetooth, car ce roi a réussi à unifier les différentes composantes ethniques du Danemark et à les fédérer sous la bannière du christianisme. Harald a connu le christianisme vers 960 grâce à des missionnaires allemands venus à Jelling et c’est la raison pour laquelle il fit travailler cette grande pierre en souvenir de son baptême.
La pierre a été retrouvée enfoncée dans le sol à l’endroit où elle est désormais installée : à l’extérieur, devant l’église, juste au milieu entre les deux tumulus (celui de Gorm et celui de Thyra). Elle est en gneiss et elle fait environ 2,50 m de hauteur, 3 m de largeur côté inscription, 1,60 m de largeur côté animal et 1,60 m côté Christ. Les runes font entre 14 et 30 cm de hauteur. Elles courent horizontalement de gauche à droite en quatre lignes sur la face A, en une ligne de gauche à droite sur la face B (avec l’animal) et en une ligne de gauche à droite sur la face C (avec le Christ).
Pour Harald, il s’agit de faire honneur à ses parents et de mentionner pour la postérité ses propres hauts faits : l’unification du royaume danois, son élargissement à toute la Norvège (ce qui est tout à fait exagéré, car ces conquêtes se limitent au Vik seul, la région qui entoure Oslo), et la christianisation du Danemark. Nous avons donc affaire à une œuvre de propagande politique et le message a bien été compris en ce sens. Il n’était certes pas facile de fédérer ces territoires divers sous un seul sceptre et sous une seule religion. Harald a fait consolider le Danevirke afin de défendre le pays contre la menace du sud que représentait le roi de Germanie, chrétien. Il est sûr que les considérations de politique extérieure ont pesé lourd dans les choix d’Harald dont on ne peut cependant pas douter de la sincérité de la foi. La pierre de Jelling affichant le Christ en plein centre du Jutland a dissuadé la puissance allemande de pénétrer plus au nord. Déjà son père, Gorm l’Ancien, tout païen convaincu qu’il fût, avait dû composer en acceptant la présence de missionnaires allemands. C’était là une attitude de neutralité bienveillante ou bien encore un geste de prudence cauteleuse à la manière du dieu Óðinn, connu pour sa duplicité.
Comme le fait remarquer Musset (Musset, 1965, p. 420), la conquête de la Norvège est exagérée car il ne s’agissait en réalité que de quelques territoires du sud de ce pays.
III. LA REPRÉSENTATION DU CHRIST
ET LES AUTRES MOTIFS DE LA GRANDE PIERRE
ET LES AUTRES MOTIFS DE LA GRANDE PIERRE
C’est, nous l’avons dit, la plus ancienne figuration du Christ en Scandinavie. La grande pierre présente trois faces différentes : une gravée de quatre lignes horizontales de runes (face A), une deuxième avec une bête fantastique et une ligne horizontale de runes en bas (face B), une troisième sur laquelle est dessiné le Christ entouré de liens qui sont comme des serpents et dont on ne voit pas la Croix, avec une ligne horizontale de runes en bas.
La pierre est taillée dans le style artisanal et artistique de Mammen, qui s’est épanoui dans la seconde moitié du Xe siècle jusqu’au XIe. L’appellation est due à la découverte dans une tombe viking d’une magnifique hac...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Sommaire
- Introduction Gilles Ferréol
- Première partie : Éléments de cadrage et de problématisation
- Deuxième partie : Reconstructions, réminescences et mémorialité
- Troisième partie : Relations professionnelles, mobilisations et contextes migratoires