Regards sur des plurilinguismes en tension
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Regards sur des plurilinguismes en tension

  1. 166 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Regards sur des plurilinguismes en tension

À propos de ce livre

Contributeurs: Koffi Ganyo AGBEFLE, Rachid AGROUR, Maria PHILIPPOU-OUARAS, Ndeye Maty PAYE, Isabelle RODIN, Eguzki URTEAGA

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2018
ISBN de l'eBook
9782806661159

Réflexions autour du bilinguisme
scolaire en Gambie

Ndeye Maty PAYE
Université de Gambie
1. Introduction
Les orientations linguistiques d’un État ne peuvent pas être le résultat d’une volonté individuelle traduite par un décret provisoire. Nous pensons notamment aux décisions linguistiques successives prises par l’ex-régime dictatorial en Gambie. En effet, dans une frénésie utopiste, l’anglais jugé trop « colonisateur et trop imprégné du Commonwealth », a été substitué, par l’arabe décrété comme langue officielle pour accompagner une République islamique dont nous ne comprenons toujours pas les tenants et les aboutissants.
C’est officiel, l’arabe devient la langue officielle de la Gambie, en remplacement de l’anglais. Cette décision du chef de l’Etat, Yahya Jammeh, intervient suite au retrait de la Gambie en octobre 2013 des Etats membres du Commonwealth. Le chef de l’Etat justifie sa décision par le fait que, selon lui, les Anglais sont venus en Gambie pour « le commerce de l’ivoire, parce qu’il y avait beaucoup d’éléphants ici ». « Ils ont tué les éléphants et ont fini par vendre les Africains », avait indiqué il y a quelque jours Yahya Jammeh, connu pour son excentricité et son franc-parler.
http://www.afrik.com/gambie-yahya-jammeh-dit-adieu-au-commonwealth, consulté le 05-04-2017.
Si ce choix linguistique a été évoqué par son excellence Yahyah Jammeh, il n’a jamais été appliqué sur le terrain car la mesure n’a pas fait l’objet d’une analyse approfondie par les experts. Nous posons comme postulat que les interventions linguistiques jaillissent d’un long processus, de réflexion sur sa faisabilité en considérant les réalités. Elles exigent alors des assises nationales dans lesquelles se réunissent les experts (juristes, politiques, linguistes, sociolinguistiques, didacticiens, économistes, historiens ; acteurs culturels, société civile…) pour mener le débat. Ainsi pourront-ils à l’issue de ces discussions, dégager des mesures viables, maîtrisées, à long terme et des stratégies adaptées qui respectent les enjeux économiques, culturels, les aspirations, les perceptions, les comportements des citoyens face à leurs langues.
D’emblée, nous concevons qu’une telle introspection n’est pas une ambition politique ou identitaire latente de notre part. Notre modeste posture est celle d’une sociolinguiste intéressée par les faits linguistiques à visée pragmatique bien qu’atteinte souvent par le paradoxe de l’informateur Labov William (1976). Cette situation est d’ailleurs similaire à l’expérience vécue par ALIEU JOBE (1996) lors de ses enquêtes sur le répertoire de l’enfant gambien. Toute considération tenue, ces implicites précisées nous permettent de faire une analyse du sort réservé au français et des possibilités d’un bilinguisme anglais/français dans un pays ancré dans ses traditions britanniques du fait de l’héritage colonial et crampé à son plurilinguisme affiché (langues africaines endogènes).
L’apparition des écoles bilingues en Gambie, les foyers d’épanouissement de la langue française, le positionnement de quelques interrogés (acteurs linguistiques, élèves étudiants) face au bilinguisme, la lecture des documents officiels du PAFEG (pour un ancrage de la francophonie en Gambie), le ministère de l’Éducation nationale, ont constitué notre corpus pour étudier l’émergence et le fonctionnement de la scolarisation bilingue en Gambie (étude de cas de deux écoles bilingues : Sbec International et Diana Mariama) face aux exigences de l’économie politique et des évaluations linguistiques. Nous allons auparavant dégager la configuration sociolinguistique de la Gambie.
2. La situation sociolinguistique de la Gambie
La Gambie, pays anglophone, est une bande de terre qui s’étend sur 11 295 km2 pour une population estimée à 1,4 million en 2004. C’est une enclave dont les frontières se découpent à l’intérieur du Sénégal pays francophone. La Gambie est un espace de rencontre culturelle où des langues et ethnies se retrouvent. Au nombre des ethnies, nous côtoyons respectivement : les Mandingue 38,8 %, les Peul 21,2 %, les Wolof 17,9 %, les Soninké 9,9 %, les Sérère 2,4 % et les Aku 1,7 %. Chaque ethnie est une réserve de culture avec sa propre langue du même nom et ses croyances. L’anglais, héritage colonial est une langue officielle, langue de scolarisation, du secteur formel (administration, cours et tribunaux, enseignement, preste écrite, journal télévisé, textes officiels). Le pays multilingue, possède dix-huit langues de la famille nigéro-congolaise. Cette diversité linguistique a été citée dans les travaux de Jobe A. (1991). À la suite, les travaux de Paye N.-M. (2012), analyse la distribution fonctionnelle des langues dans la société gambienne, inspirée par Calvet L.-J. (1999) et Boyer H. (2001) sur les représentations. Paye N.-M. (2012), dans ses recherches n’oublie pas la mention de la typologie de Dikki-Kidiri M. (2004 : 27-36) sur les foncions sociales des langues africaines. Si l’anglais jouit d’une représentation prestigieuse (ascension sociale), les langues locales subissent un sort beaucoup plus nuancé. Elles assurent une fonction symbolique, identitaire, Boyer H. (2001). Elles ne sont parlées qu’en situation de confiance conversationnelle (le locuteur est à l’aise, libéré de toute pression sociale et/ou psychologique. La conversation est alors spontanée avec l’usage de la langue avec laquelle l’on se sent en sécurité). Cette situation marque un conflit linguistique latent ente une langue étrangère high et des langues locales low cf. Ferguson (1959) et Fishman (1967). Chaque langue a son domaine d’usage d’où une certaine répartition fonctionnelle. Du fait de sa position géographique, nous pouvons deviner que le français reste présent dans ce pays anglophone où il est enseigné à partir du secondaire. Les francophones sont estimés au nombre de 45 000. Nous rappelons que la Gambie anglophone est non seulement une enclave du Sénégal francophone mais elle est aussi entourée par des pays limitrophes majoritairement francophones. Les statistiques de cette partie sont tirées du site de l’université de Laval1, consulté le 12 octobre 2014. À l’école comme au lycée, le français occupe le statut de langue étrangère privilégiée lorsqu’il est enseigné.
3. Economie mondiale
et nouvelles orientations linguistiques
La mondialisation retrace les perspectives économiques en misant sur la malléabilité des frontières et l’explosion des réseaux. Elle dessine alors les contours d’un nouvel ordre où la libre circulation des biens, services, et personnes est garantie. Les gouvernements dans leurs politiques n’ignorent plus ce paramètre et tentent de le considérer dans leurs orientations. La mondialisation ne concerne pas uniquement l’économie, mais les langues aussi. Celles-ci favorisent le transfert des connaissances, des compétences, des services et surtout des échanges avec les partenaires, les clients-consommateurs, les investisseurs désormais non négligeables. Le temps où l’éloge de l’unilinguisme poussé par un nationalisme avéré dans la tradition occidentale est bel et bien révolu. Avec la modernité, l’homogénéité est substituée à l’hétérogénéité par ricochet à la diversité linguistique et culturelle. Le plurilinguisme retrouve alors ses lettres de noblesses, elle n’est plus dépréciée et le sentiment de méfiance à son égard tend à s’estomper.
L’unilinguisme est investi dans la conception occidentale de l’État-nation, dont la forme « idéale » est regardée comme l’équation un pays/une langue… Les avatars de cette idéologie comportent différentes formes de nationalisme linguistique, ne se contentant en général pas de promouvoir une langue (d’ailleurs elle aussi dès lors réduite à l’homogénéité), mais dépréciant les autres (avant tout celles des minorités). Cette philosophie se répercute dans des croyances ordinaires sur les pratiques langagières, qui conjuguent une adhésion spontanée à l’idée des bienfaits intellectuels de l’unilinguisme, et une méfiance envers le bilinguisme…
Françoise Gadet et Gabrielle Varro (2006 : 19-20)
Il serait naïf de croire que tous les langues ont la même valeur dans cette mondialisation. Bien au contraire, une hiérarchisation bien prononcée marque le plurilinguisme en fonction des domaines d’usage. William F. Mackey (1987), en expert du bilinguisme affirme que seul Dieu et les linguistiques croient en l’équité des langues. Dans le marché de Pierre Bourdieu, les langues ont un prix, certaines sont plus chères, plus profitables que d’autres. Comme en bourse, la valeur d’une langue peut monter comme baisser en considérant les tendances économiques, les aspirations nationales et/ou identitaires et enfin l’évolution sociopolitique. Certaines sont prestigieuses car favorisant la reconnaissance sociale et l’insertion professionnelle tandis que d’autres sont minorées par le locuteur. Louis-Jean Calvet (1999 : 11-13) renforce l’idée de la valeur marchande des langues en ces termes :
Nous sentons bien, sans pourtant théoriser, que cette valeur en quelque sorte marchande fait que les langues sont un capital, et que la possession de certaines d’entres elles nous donnent une plus-value alors que d’autre ne jouissent d’aucun prestige sur le marché… Toutes les langues n’ont pas la même valeur et leur inégalité est au centre de leur organisation mondiale. Soutenir le contraire relève soit de l’aveuglement, soit d’une sorte de démagogie qui attribuerait la même importance au moustique et à l’éléphant… Il serait donc idéaliste de croire que ces 5000 langues ont le même poids, la même valeur marchande, les mêmes usages, le même avenir, il existe ce que nous pourrions appeler une « bourse aux langues », avec des évolutions, des variations de valeurs…
Louis-Jean Calvet (1999 : 11-13)
Françoise GADET (2006 : 23) renchérit avec l’idée que « toutes les langues sont potentiellement en concurrence et coexistent dans une tension idéologique ». Si dans les discours d’antan, les choix linguistiques étaient opérés par élan et fierté nationaux du citoyen, ou encore par revendications identitaires, progressivement la donne change. Les locuteurs deviennent de plus en plus pragmatiques dans l’économie néolibérale. Ainsi le capitalisme a touché les langues et les attitudes sont renouvelées. L’usage des langues est justifié par leur apport économique. Les langues sont des ressources ayant une valeur. Il en résulte une marchandisation des langues ou commodification, faisant jaillir des rivalités, car certaines plus profitables que d’autres).
Pour Heller et Duchêne, le capitalisme tardif se caractérise (entre autres éléments) par un déplacement du discours traditionnel de fierté vers un discours plus complexe dans lequel les notions de fierté et de profit sont plus intimement mêlées. La commodification (marchandisation) des langues qui résulte de ces processus peut par ailleurs faire naître des tensions autour du contrôle de ces nouvelles ressources et de la détermination de leur valeur : qui en décide ? Sur quels marchés ? Quels critères permettent de décider de la légitimité ou non de nouvelles variétés langagières ?
Alexandre DUCHÊNE, Monica HELLER (2012)
Alexandre Duchêne (2011 : 82) montre clairement que la marketisation (commodification) des langues est au cœur des discours modernes sur la diversité linguistique. Elle va même jusqu’à nourrir les ambitions des firmes qui misent sur le profit, la rentabilité. Cette marchandisation du plurilinguisme offre une image plus soignée, plus respectable des entreprises et des États-Nations. En effet, la défense de la diversité linguistique et culturelle est un gage d’ouverture et de protection des minorités. « De ce fait, on voit le discours sur la compétence communicative de plus en plus axé sur les activités économiques, et non plus seulement sur des questions de citoyenneté et d’identité », Monica Heller et Josiane Boutet (2006 : 6). Ce qui nous rapproche de notre analyse du contexte gambien où l’État et l’élite misent sur la valeur du français en tant que commodité ou ressource. Le français permet la mobilité économique. Nous retrouvons cet état de pensée dans le discours étatique.
4. Le discours étatique en faveur du français en Gambie
Dans les politiques éducatives gambiennes (2004-2015) pour satisfaire les objectifs du millénaire, l’enseignement de la langue française est un débat auquel des solutions sont proposées, pour renforcer son intégration dans le système éducatif gambien. Cette considération pour la langue française2, émane d’une volonté politique antérieure et bien réelle, qui pense que l’ancrage du français en Gambie, est une stratégie non négligeable, pour instaurer la connexion avec le monde francophone, encourager l’ouverture et le dialogue interculturel, compte tenu de sa situation géographie. C’est dans ce contexte, que le PAFEG dans ses premières heures d’existence, avait l’ultime finalité de transformer la Gambie en un territoire bilingue où le français serait fonctionnel dans tous les domaines de la vie à côté de l’anglais. Le concept-clé soutenu par le PAFEG à ses débuts reposait donc sur l’instauration d’un bilinguisme progressif comme nous pouvons le souligner dans les objectifs de l’accord3 (2007 : 5-7).
Article 3.2 : The Gambia’s objective is to secure a francophone environment conducive to developing bilingualism, which is regarded as necessary to further open up the country outside world. – L’objectif de la Gambie est d’assurer un environneme...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Cahiers de Linguistique
  6. Sommaire
  7. L’école africaine : lieu d’injustice et/ou d’aliénation linguistique ? Regards croisés sur les politiques linguistiques éducatives au Ghana et au Togo. Koffi Ganyo AGBEFLE
  8. Regards actuels sur la mouvance berbère au Maroc Doxa, confusion et pistes de réflexion. Rachid AGROUR
  9. Normes identitaires et linguistiques à Chypre. À la mémoire de Thierry Bulot. Maria PHILIPPOU-OUARAS
  10. Réflexions autour du bilinguisme scolaire en Gambie. Ndeye Maty PAYE
  11. Daech, la genèse et les usages d’un acronyme. Chokri RHIBI
  12. Avec papa je parle le français avec maman l’espagnol : les politiques linguistiques familiales au sein des couples mixtes franco-latino-américains en Île-de-France. Isabelle RODIN
  13. Normes et pratiques linguistiques : débat sur la qualité de la langue basque. Eguzki URTEAGA
  14. Comptes-rendus de lecture
  15. Un bouquet de revues de linguistique française