Passion, nature, politique.
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Passion, nature, politique.

Trois études sur Rousseau

  1. 92 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Passion, nature, politique.

Trois études sur Rousseau

À propos de ce livre

Passion, nature, politique: ces trois études portent sur les concepts centraux de la philosophie de Jean-Jacques Rousseau.

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Informations

Deuxième partie

NATURE

Chapitre 2

L’exil et le royaume :
spéctacle et étude de la
nature dans la Septième proménade

« Supposez un philosophe relégué dans une île déserte avec des instruments et des livres, sûr d’y passer seul le reste de ses jours ; il ne s’embarrassera plus guère du système du monde, des lois de l’attraction, du calcul différentiel : il n’ouvrira peut-être de sa vie un seul livre ; mais jamais il ne s’abstiendra de visiter son île jusqu’au dernier recoin, quelque grande qu’elle puisse être. »
Émile, III
Le thème de la botanique reçoit dans la Septième promenade l’un de ses développements les plus complets, et les plus complexes de par sa nature synthétique, non seulement dans les Rêveries du promeneur solitaire, mais dans toute l’œuvre de Rousseau. Toute une série de problématiques surgissent à l’occasion d’une réflexion sur l’idée de nature : en particulier celles du sentiment de la nature et du rapport de Rousseau à la science. En suivant le promeneur solitaire dans cette promenade, qui pose la question du rapport des parties au tout dans la nature (VII, § 7-9, 1062-1063), il convient d’étudier à la fois les objets particuliers qui s’y rencontrent et les linéaments de son plan général.
À l’échelle de l’ensemble de l’œuvre de Rousseau, si on considère la question de sa réflexion sur la botanique comme science et sur son histoire personnelle de cette pratique, cette Promenade appartient à un ensemble qui comprend, d’une part, les Lettres sur la botanique et le Dictionnaire des termes d’usage en botanique, ainsi que de nombreuses lettres de la correspondance, et, d’autre part, des passages des Confessions et des Dialogues. De ce point de vue, la Septième promenade est à l’intersection de ces différents registres de discours – théorique, taxinomique, discursif, narratif, justificatif. Ces différentes formes d’énonciation s’y trouvent librement mêlées dans une réflexion générale sur les critères de scientificité de la botanique à des souvenirs précis d’herborisation. La question de la botanique s’inscrivant dans une philosophie de la nature, s’ajoutent des prolongements de certains articles de foi du vicaire savoyard concernant le spectacle de la nature.
Dans le cadre des Rêveries du promeneur solitaire, si les herborisations rappelées dans la Septième promenade sont à inscrire dans le mouvement continu menant de l’observation des plantes parisiennes entre Ménilmontant et Charonne dans la Deuxième promenade à l’herborisation dans l’île de Saint-Pierre de la Cinquième promenade, elles font aussi partie d’un itinéraire plus vaste allant de Gentilly (VI, 1050) aux Invalides, où Rousseau compte « trouver des mousses en pleine fleur » (IX, 1086). La Septième promenade se présente comme un moment d’arrêt et de synthèse. Dans un jeu de rappel et de supplément, le texte est en lien avec la question fondamentale du temps posée dans les Promenades I et III, et avec la question de la religion naturelle évoquée dans la Troisième promenade. La question morale du rapport à autrui, qui est au centre des Rêveries, semble – apparemment – tranchée de manière radicale dans cette Promenade célébrant la solitude absolue du botaniste.
Au sein de la Septième promenade elle-même, les paragraphes considérés ici (§ 18-30) poursuivent les questionnements amorcés dans la première partie : Rousseau y poursuit son examen des raisons de sa passion pour les plantes (§ 4) ; il approfondit sa réflexion sur le rapport entre le cosmos et ses parties constituantes, ainsi que sur les différents modes de perception impliqués par ces deux aspects de la nature (§ 7-9) ; il élargit sa critique de la médecine et de « l’habitude de ne chercher dans les plantes que des drogues et des remèdes » (§ 12-15) à une comparaison des différentes disciplines de l’histoire naturelle et à une critique générale de l’approche scientifique comme l’une des formes de l’arraisonnement de la nature. Le second développement de la Septième promenade s’organise en trois parties : une comparaison des différents règnes de la nature et une réflexion épistémologique sur les sciences naturelles (§ 18-24) ; le récit de trois herborisations marquantes (§ 25-28) ; des pensées sur la mémoire (§ 29-30).
*
« Le recueil de mes longs rêves est à peine commencé, et déjà je sens qu’il touche à sa fin. Un autre amusement lui succède ». Ainsi commence la Septième promenade. Cet incipit marque-t-il un point de rupture dans les Rêveries ? La botanique n’est-elle qu’une activité de substitution – ce qui reste quand tout le reste est rendu impossible ? Pourrait-elle être, non pas seulement un engouement tardif et l’occupation des derniers jours, mais plutôt la forme ultime de l’activité de penser ?
L’herborisation scande la pensée de Rousseau et semble en marquer les grands moments de transition. On pourrait ainsi revenir sur les prémices de cette passion, telles que Rousseau les rappelle dans les Confessions, lorsqu’il fait le récit d’un premier faux départ, à l’époque où il fut « sur le point d’aller herboriser » avec Claude Anet en Haute-Savoie (V, OC I, 180). C’est en tout cas ainsi que peut être interprété le début de la Septième promenade, à la lumière d’autres indices, comme le fait que le goût pour la botanique lui était vraiment né à Môtiers. Rousseau mentionne au début de la Septième promenade, comme dans la Cinquième, le moment de son initiation à la botanique par le Docteur d’Ivernois : en lisant ensemble ces deux rappels, on sent qu’il y va de quelque chose comme une renaissance, puisque c’est « déjà vieux » (VII, 1060), dit Rousseau, qu’il était entré dans sa « première ferveur de botanique » (V, 1042). On pourrait parler à son propos, en référence à la critique rétrospective de la science de la nature par Socrate, d’une sorte de « seconde navigation » (Phédon, 99d). La botanique marquerait les nouveaux départs. C’est ainsi peu après la période des Lettres écrites de la montagne que Rousseau avait pris en Suisse « la première teinture » de botanique. Et, à la même époque, il écrivait, dans une lettre à Du Peyrou sur la situation de la Corse à la veille de l’intervention française : « En attendant ce qu’il en arrivera, il faut gémir tout bas, et aller herboriser »1. Ne doit-on pas entendre dans cet appel formulé à l’un des correspondants habituels de Rousseau en matière de botanique, mais dans une lettre traitant de questions politiques, que le fait d’herboriser est le signe que quelque chose se passe ou que quelque chose est passé ? En ce sens, l’herborisation apparaît comme une activité de l’exil. C’est ce que dit Rousseau au § 24 : il a trouvé dans cette activité, et dans l’environnement où elle se pratique, un refuge contre la méchanceté des hommes. Il prend toute la mesure de la richesse du monde en herborisant au-delà des barrières de la grande ville, dans l’interstice des faubourgs, dans les campagnes, dans les montagnes. Ayant renoncé à la vie active, coupé des hommes, il se plonge dans l’observation des choses, dans la contemplation du spectacle de la nature et – distinction que met en place ce passage – dans l’étude de la nature. Deux des hauts lieux de l’activité botanique de Rousseau marquent le parti pris de la vie contemplative : le séjour sur l’île de Saint-Pierre et, peu après, l’exil dans la campagne anglaise, lors duquel le goût naissant de Rousseau pour la botanique se transforma pleinement en passion. Résultat de ce retrait : toutes ces positions excentrées offrent un point de vue privilégié sur le monde, et la pensée peut se déployer à partir d’un lieu.
Replacé dans l’itinéraire complet des Rêveries, la Septième promenade semble bien opérer un déplacement du centre de gravité, en particulier par rapport à la Cinquième, dont elle semble si proche. La distinction faite par Henri Gouhier entre « l’extase surtout égotiste » de la Cinquième promenade et l’« extase à la fois égotiste et cosmique » de la Septième doit être reprise ici2. Il apparaît en effet que dans la réflexion sur le rapport entre l’existence du moi et le monde, ce soit désormais sur le deuxième terme que l’attention soit portée. La nature qui offrait le cadre idéal de la rêverie sur le moi devient maintenant l’objet même de la rêverie. Et dans la Septième promenade, on passe de la contemplation du spectacle de la nature à l’étude de la nature – du tout aux parties, de l’ensemble aux détails. Ce n’est plus une journée particulière qui est décrite, mais des souvenirs de promenades et des lieux. Dès la Première promenade, était posée la question du temps ; il s’agira ici de l’espace. La rythmologie de la Cinquième promenade fait place à une topographie.
La réflexion sur la mémoire (§ 29-30) décrit le procédé consistant à passer de la succession du temps à la superposition des espaces et permettant de dégager la structure du lieu ; l’opposition entre le spectacle de la nature et l’étude scientifique de la nature pose la question des différentes façons d’appréhender les parties de la terre (§ 18-24) ; et les trois récits d’herborisation (§ 25-27) décrivent des paysages et sont l’occasion d’une réflexion sur l’influence des sociétés humaines sur l’organisation spatiale. Ces approches correspondent aux termes de la nomenclature définie dans le Cours de géographie de Rousseau (OC V, 535) : cosmographie (« divise le globe terrestre par les cercles, par les oppositions, par les ombres, par les zones, par les climats ») ; chorographie (« la description d’un Royaume, d’un État, d’une nation, ou d’une province ») ; et topographie (« qui décrit quelque lieu particulier »).

L’herbier mnémotechnique

Il n’est pas étonnant qu’il soit question d’un herbier dans la Septième promenade, tout entière consacrée à l’observation du règne végétal. Pourtant, cet objet, à la fois instrument et résultat de la botanique, apparaît de manière paradoxale, puisqu’il est mentionné au début par son absence, et n’apparaît vraiment qu’à la fin du texte. Ce qui représente de manière emblématique la passion de Rousseau pour les plantes et ce qui conserve la mémoire de l’histoire de ses herborisations n’est évoqué que dans les derniers paragraphes (§ 29, 1073). Faut-il interpréter cette référence attendue, mais différée, à l’herbier comme l’un des signes d’une prise de distance par rapport aux pratiques scientifiques et à tout leur coûteux appareil, ou, au contraire, comme la mise en valeur de la signification méthodologique de cet outil paradigmatique de mise en ordre et de synthèse ?
Dans le Deuxième dialogue, Rousseau revenait sur son « goût pour l’étude des plantes » et pour la confection d’herbiers que lui avait donné « ses longs séjours à la campagne », et sur leur importance dans sa correspondance avec d’autres « botanophiles » (OC IV, 1179). Dans les « jolis herbiers », c’est la conservation de la nature qui l’intéresse d’abord (la figure et la couleur des fleurs) et non les classifications (OC I, 793-794). Rousseau avait envoyé un herbier en accompagnement de ses Lettres sur la botanique, et sa correspondance sur ces questions avec Du Peyrou, Malesherbes ou la duchesse de Portland témoigne des tracas occasionnés par les « cartons remplis de rameaux de plantes » (Deuxième dialogue, 833), les « chiffons » (Lettre à la duchesse de Portland, 12 février 1767), toute cette encombrante et fragile documentation qui le suivait dans ses pérégrinations. Et, justement, le début du passage de la Cinquième promenade, où il revenait sur les prémices de son goût pour la botanique (naissance d’une passion qu’il évoque dans les mêmes termes au début de la Septième promenade), opposait, d’un côté, « bouquinerie » et « paperasses », dont il avait décidé de se passer dans l’île de Saint-Pierre, et, de l’autre, les « fleurs » et le « foin » qui désormais emplissaient sa chambre (V, 1042). On pouvait entendre dans ce passage que c’est également à ses herbiers qu’il avait renoncé dans l’île et qu’il les avait laissés « bien encaissés » avec le reste de ses livres3.
Or, si dans la Septième promenade, les feuilles de papier et les plantes se trouvent finalement à nouveau réunies dans la confection d’un herbier4, là aussi continue à se laisser percevoir, dès le début du texte, une tension entre deux attitudes contradictoires : d’une part, un goût pour les herbiers constitués (et pour toutes les étapes de leur fabrication), et, d’autre part, la tentation récurrente de s’en dé...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Avant-propos
  5. Première partie : Passion
  6. Deuxième partie : NATURE
  7. Troisième partie : Politique