Accueillir, être accueilli
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Accueillir, être accueilli

Altérité et éducation

  1. 304 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Accueillir, être accueilli

Altérité et éducation

À propos de ce livre

Les déplacements massifs de migrants et de réfugiés mettent en agenda les thématiques de l'accueil et de l'hospitalité et interrogent la capacité des sociétés à donner place en leur sein à des personnes et à des groupes « étrangers ». Le phénomène migratoire cristallise dans le domaine sociétal et politique la question éthique et éducative du rapport de soi à l'autre et de l'autre à soi telle que ne cessent de la poser toutes les formes de « différences », d'« étrangéité », de « subalternité »: celles de la culture et de la religion, celles du sexe et du genre, celles de la santé et de la maladie, celle du travail et du domicile.

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Informations

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altérité et éducation

Christine Delory-Momberger
Augustin Mutuale
L’Europe des années 2015-2016 aura été celle qui n’a pas su accueillir les réfugiés des guerres et des conflits du Moyen-Orient et d’Afrique. La chancelière allemande, presque seule contre tous y compris dans son propre pays, aura eu beau défendre l’impératif éthique et politique d’un devoir et d’un pouvoir d’accueil, la Grèce déployer des efforts gigantesques pour sauver et accueillir les milliers de rescapés qui débarquent chaque jour sur ses rivages –, l’Europe, crispée sur ses intérêts économiques et politiciens, aura manqué de concevoir et de mettre en œuvre une vision politique et citoyenne de l’asile et de l’intégration qui aurait été conforme aux droits humains dont elle se revendique. Parmi les nations d’Europe, la France enfin, sans être la pire, aura cependant « réussi cet exploit d’avoir été inhospitalière1 ». Dans ce concert d’impuissance et d’indignité, il aura fallu les gestes invisibles de gens ordinaires, de citoyens anonymes, pêcheurs et habitants de Lampedusa et de Lesbos, militants et bénévoles des associations et des réseaux de soutien aux migrants et aux réfugiés, pour sauver l’honneur, non des États, mais des hommes et des femmes dans la Cité.
Cette actualité obsédante met en agenda de façon particulièrement aiguë les thématiques de l’accueil et de l’hospitalité tant dans leur dimension sociale et politique que dans les expériences personnelles et collectives qu’elles recouvrent. Elle interroge la capacité des sociétés à donner place en leur sein à des personnes et à des groupes « étrangers », de quelque nature que soit cette « étrangeté », à quelque situation qu’elle réponde. Le phénomène migratoire porte à son comble, dans le domaine sociétal et politique comme dans le domaine éthique et éducatif, la question du rapport de soi à l’autre et de l’autre à soi telle que ne cessent de la poser toutes les formes de « différence », d’« étrangéité », de « subalternité » d’« intersectionnalité » : celles de la culture, de la religion, celles du sexe et du genre, celles de la santé et de la maladie, celles du travail et du domicile.
Si l’accueil en effet semble concerner au premier chef l’étranger au pays, celui qui est séparé par une origine, une langue, une culture, il prend une réalité sociétale de plus en plus importante au sein même des sociétés, à l’interne des « systèmes », où l’intensification de la division du travail, la complexification de l’organisation sociale ont démultiplié les phénomènes de segmentation et de fractionnement du tissu social, avec leur lot de mises à l’écart et d’exclusions, appelant du même coup l’intervention croissante de mesures publiques et le développement de « politiques d’accueil ». Dans les sociétés technocratiques hautement administrées qui sont les nôtres, l’accueil est partout, et d’abord dans la langue que parlent les institutions : agents d’accueil, personnel d’accueil, lieu d’accueil, centre d’accueil, maison d’accueil, aire d’accueil, famille d’accueil, pays d’accueil, langue d’accueil, classe d’accueil, guichet d’accueil, borne d’accueil, etc. Avec le transfert des pratiques hospitalières, au cours de l’histoire moderne et contemporaine, de la sphère domestique et privée à la sphère publique et étatique, l’accueil est devenu « la forme moderne et administrée de l’hospitalité2 », tout en perdant souvent le sens de celle-ci. Dans une version plus aiguë, il n’est sans doute pas exagéré de dire que nous sommes dans des sociétés dont une partie de plus en plus importante des membres est occupée à « accueillir » l’autre, elle aussi de plus en plus nombreuse : enfants, malades, personnes en situation de handicap, personnes âgées, etc., mais aussi – et sans préjuger des formes et du sens que prend ici l’« accueil » – celles et ceux dont ces mêmes sociétés produisent l’exclusion, le rejet voire l’expulsion, du chômeur au sans-domicile, du réfugié au sans-papier, du malade mental au prisonnier3. Dans beaucoup de ces cas, autant que – et quelquefois avant que – d’assurer des fonctions de protection sociale (hébergement, sécurité, soin), les politiques et les dispositifs d’accueil représentent un outil fonctionnel de gestion des flux propre à orienter et à canaliser des catégories de populations. Ce faisant, ils contribuent à instituer et à multiplier des statuts d’« étrangers au système » et, avec eux, les espaces séparés (les cases, les silos), à la fois physiques et mentaux, destinés à les recevoir (à les ranger, les trier).
Cette étatisation de l’accueil, sa traduction administrative et fonctionnelle dans des structures et des dispositifs institutionnels amènent à sortir de la seule approche éthique qui, pour une longue tradition, fait de l’hospitalité une « vertu » (dont on sollicite la pratique et dont on déplore la rareté sinon la disparition) et qui, dans des œuvres plus contemporaines (Levinas, Derrida), absolutise ou inconditionnalise l’hospitalité comme matrice et expérience centrale du rapport à « l’être »4. Ouvrir la pensée de l’accueil à la dimension sociale et politique, c’est la considérer dans les termes de rapports à l’autre historiquement et socialement construits, de pratiques sociales concrètes conditionnées par des structures sociales, culturelles, juridiques, économiques.
Cette nécessaire prise en compte des conditions structurelles de l’accueil ne doit pas cependant conduire à passer sous silence ce qui s’y joue d’un singulier de l’expérience de « l’accueillir » et de « l’être accueilli » et de la relation à l’altérité qui y est nouée. À un premier niveau, l’accueil spatialise la relation de soi à l’autre entre un ici et un ailleurs, un dedans et un dehors, un chez-soi et un hors-de-soi. L’accueillant peut se revendiquer d’un lieu à soi dont il ouvre l’accès à l’accueilli, ce lieu serait-il de l’ordre d’un for intérieur. Si l’accueil, comme il est souvent dit, consiste à faire place, à donner place, il le fait au titre d’une place que l’on a et que, au lieu et dans le temps où il se trouve, n’a pas l’accueilli. La relation d’accueil relève d’une constitutive asymétrie, qui risque sans cesse de se figer en position de supériorité y compris morale. La disposition d’accueil cependant reconfigure cette inégalité des places en introduisant le double mouvement d’un intérieur vers un extérieur et d’un extérieur vers un intérieur, mouvement dont le seuil est le lieu. Ouverture à l’étranger, à l’autre que soi, l’accueil ne peut s’effectuer que dans une sortie de soi, une ex-position ou un dés-abri de soi. Le seuil est ce lieu particulier, entre le dedans et le dehors, cet entre-deux où se risquent l’accueillant et l’accueilli et où peut se nouer un entre-nous5.
Ce qui se joue, dans l’instauration imprédictible, incertaine de cet en-commun, relève de processus d’altération, participe d’une ouverture à un devenir-autre, facteurs de métamorphose et de transformation6. Pratiquer l’hospitalité, selon Guillaume Le Blanc, c’est accepter que « soi-même ne forme pas un monde complet », c’est faire entrer en soi la compréhension narrative de l’autre vie :
L’hospitalité […] est certes amenée à faire sa place à l’autre, mais depuis une capacité performative propre qui consiste à prendre soin des vies étrangères en leur conférant de nouvelles possibilités narratives. […] L’hospitalité répond d’un souci de rendre des existences à nouveau intelligibles, là où précisément elles sont considérées comme inintelligibles. (Le Blanc, 2011, p. 94)
Dans cette puissance performative et métamorphique de l’accueil réside aussi sa dimension politique, en ceci qu’instaurant des relations nouvelles il invente des histoires nouvelles, instaure des sens nouveaux, et ce faisant prend potentiellement à revers les « frontières », les « murs », les « ghettos » externes et internes de toutes sortes élevés entre les humains.
Que serait alors une « politique de l’accueil » qui soit autre chose qu’une politique de gestion des flux, qu’une politique de tri et de placement, qui soit une politique réconciliée à la fois avec l’éthique, le droit et l’expérience ? Sans doute faudrait-il en chercher un des piliers dans le domaine juridique, en particulier dans le « droit cosmopolitique » par lequel Kant (1986 [1795]) appelait à reconnaître « le droit de tout étranger à être étranger » et, plus près de nous, dans ce « droit de cité » dans lequel Étienne Balibar (1998 ; 2001) entend fonder une « co-citoyenneté » ouverte de participation active. Que signifierait alors de penser l’accueil du malade à l’hôpital, de la personne handicapée dans l’entreprise, de la personne âgée en EHPAD – et bien sûr du migrant ou du réfugié dans le pays où il cherche asile – dans les termes d’un droit à être « étranger », en l’occurrence à être cet « autre » qu’on accueille : d’un droit à être « enfant », « malade », « handicapé », « âgé », « immigré » ou « réfugié » ? Et non pas pour les assigner à la « condition » à laquelle renverraient ces désignations mais au contraire pour les reconnaître dans l’intégrité de leur personne et ouvrir et partager avec eux un droit de citoyenneté ouverte et active.
L’autre voie (l’autre voix) de ce que l’on pourrait définir comme une éthique politique et sensible de l’accueil serait certainement celle que peuvent indiquer les théories du care, du moins si on entend celles-ci, non pas dans la version sentimentale et compassionnelle sous laquelle leur diffusion médiatique prête souvent à les mésinterpréter, mais dans la dimension de reconnaissance politique du care comme « activité caractéristique de l’espèce humaine incluant tout ce que nous faisons en vue de maintenir, de continuer ou de réparer notre « monde » de telle sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » (Tronto, 2009, p. 244). La pensée du care réintroduit l’accueil dans le paradigme d’une vulnérabilité constitutive de la condition humaine et des multiples liens de dépendance (de besoin, de service, d’entretien, de soin, d’attention, etc.) qui « attachent » les hommes entre eux. Elle en appelle à une tout autre déclinaison des activités humaines que celle à laquelle soumet la logique de la production, qui efface et ignore tout ce qui ne relève pas de sa seule rationalité. Elle met au jour, elle rend visible, sensible, elle réinscrit dans la Cité ce que l’on pourrait appeler d’un mot avec Sandra Laugier, « l’entretien du monde humain » et, avec lui, « ce qui importe, ce qui fait la différence dans les vies humaines », « leur texture d’être » (Laugier, 2009, p. 175). L’accueil, tous les « accueils » relèvent de ce domaine d’activité vitale de « l’entretien humain », dont la préoccupation est essentielle à la recherche biographique.
C’est à ces « scènes de l’accueil », à ce qu’elles disent de l’expérience de « l’accueillir » et de « l’être accueilli », aux processus de formation de soi à l’altérité dans lesquels elles engagent mais aussi aux possibles devenir-autre ensemble auxquels elles ouvrent, c’est à la reconnaissance d’un droit du seuil entendu comme droit cosmopolitique à être « autre », à l’expérience d’une commune vulnérabilité qui nous lie, je et tu, nous et vous, dans la réversibilité de nos dépendances et de nos attachements, qu’invite ce numéro.
Références bibliographiques
AGIER, M. (dir.) (2014). Un monde de camps. Paris : La Découverte.
BALIBAR, E. (1998). Droit de cité. Paris : Presses Universitaires de France.
– (2011). Citoyen-sujet et autres essais d’anthropologie philosophique. Paris : Presses Universitaires de France.
BAUMAN, Z. (2006). Vies perdues. La modernité et ses exclus. Paris : Payot.
DERRIDA, J. (1997). De l’hospitalité. Paris : Calmann-Lévy.
GOTMAN, A. (2001). Le sens de l’hospitalité. Essai sur les fondements sociaux de l’accueil de l’autre. Paris : Presses Universitaires de France.
JULLIEN, J. (2012). L’écart et l’entre. Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité. Paris : Galilée.
KANT, E. (1986 [1795]). Projet de paix perpétuelle. In Œuvres philosophiques, Tome III. Paris : Gallimard.
LAUGIER, S. (2009). Le sujet du care : vulnérabilité et expression ordinaire. In P. Molinier, S. Laugier, P. Paperman (dir.). Qu’est-ce que le care ? Paris : Petite Bibliothèque Payot.
LE BLANC, G. (2011). Politiques de l’hospitalité. Cités, 46, 87-97.
LEVINAS, E. (1990 [1961]). Totalité et infini. Paris : Le Livre de Poche.
SASSEN, S. (2016). Expulsions. Brutalité et complexité dans l’économie globale. Paris : Gallimard.
SEFFAHI, M. (dir.) (2001). Autour de Jacques Derrida : De l’hospitalité. Genouilleux : La Passe du vent.
TRONTO, J. C. (2009). Un monde vulnérable. Pour une politique du care. Paris : La...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. ACCUEILLIR ÊTRE ACCUEILLI ALTÉRITÉ ET ÉDUCATION Christine Delory-Momberger & Augustin Mutuale (dir.)
  4. Titre
  5. éditorial
  6. article d’actualité
  7. Débat
  8. dossier thématique accueillir, être accueilli altérité et éducation
  9. traverses
  10. résistances
  11. le moment du care
  12. de la recherche biographique
  13. terrain
  14. réseaux
  15. article jeune chercheur
  16. varia
  17. recensions d’ouvrages
  18. livres et revues reçus