La tectonique des pouvoirs
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La tectonique des pouvoirs

Essai sur la gouvernance publique

  1. 188 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La tectonique des pouvoirs

Essai sur la gouvernance publique

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Informations

Éditeur
Fauves editions
Année
2016
ISBN de l'eBook
9791030201857

PARTIE 1. PREMIERS ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
– « IMPRESSION SOLEIL LEVANT » –

L’aube de l’humanitĂ© : la raison du plus fort est toujours la meilleure.

Lorsqu’on entame une rĂ©flexion sur la gouvernance, il est tentant, vertigineux et doucement romantique d’essayer de remonter le temps et de chercher Ă  imaginer les premiĂšres sociĂ©tĂ©s humaines, leur organisation, et leurs modes de dĂ©cision collectifs.
Nos souvenirs de documentaires sur la vie des grands singes nous amĂšnent Ă  nous reprĂ©senter nos lointains ancĂȘtres organisĂ©s en petits groupes de quelques individus soumis Ă  un mĂąle dominant (le « mĂąle alpha », le « silver back1 » des gorilles). Celui-ci use de sa force supĂ©rieure pour imposer sa loi aux autres, pressĂ©s de satisfaire les divers besoins du chef : nourriture, accouplements, Ă©pouillage
 Les images de « 2001, l’odyssĂ©e de l’espace » et de « La guerre du feu » nous confortent dans cette vision d’une sociĂ©tĂ© primitive simple, brutale, mais correspondant Ă  la rigueur de ces temps farouches.
Il est intĂ©ressant de constater que, dans ce fonctionnement primitif, la relation n’est pas dans un seul sens. Un Ă©change de bons procĂ©dĂ©s, implicite, est dĂ©jĂ  Ă  l’Ɠuvre entre les membres de la tribu et le mĂąle dominant. En Ă©change de son obĂ©issance, le chef apporte au groupe l’appui de sa force physique, en protection contre des agressions extĂ©rieures. Plus subtilement, le mĂąle dominant donne Ă©galement Ă  la tribu les conditions de sa perpĂ©tuation en fournissant ses gĂšnes a priori plus adaptĂ©s aux conditions et donc susceptibles d’engendrer une descendance plus apte Ă  la survie.
Ces sociĂ©tĂ©s primitives donnent donc l’image d’un Ă©quilibre stable, dont la robustesse s’accroit Ă  chaque gĂ©nĂ©ration par sĂ©lection naturelle, Ă  mesure que le mĂąle alpha gagne en force et que le fonctionnement du groupe se fait plus efficace par l’apprentissage des gestes et par une meilleure connaissance du milieu.
Les choses se compliquent lorsque les groupes humains, probablement Ă  la faveur du nĂ©olithique et de la sĂ©dentarisation, commencent Ă  croĂźtre numĂ©riquement. Ils deviennent dĂšs lors trop importants pour qu’un seul individu puisse par sa seule force physique dominer tous les autres. C’en est fini du mĂąle dominant et c’est le dĂ©but de la recherche, inachevĂ©e Ă  ce jour, de la meilleure organisation des sociĂ©tĂ©s et d’un Ă©quilibre (jamais plus retrouvĂ©) entre les aspirations des diffĂ©rents membres de la sociĂ©tĂ©, de ce qu’ils apportent au groupe et de ce qu’ils en attendent.
Il reste de cette pĂ©riode lointaine, le souvenir parfois nostalgique dans nos cerveaux reptiliens, d’une organisation simple Ă  comprendre et d’une Ă©galitĂ© craintive entre les hommes soumis Ă  l’autoritĂ© ombrageuse d’un chef incontestĂ© et protecteur.

Les différents régimes politiques

La tribu primordiale et son organisation rudimentaire mais efficace Ă©tant dĂ©passĂ©e, les sociĂ©tĂ©s humaines ont dĂ» s’organiser selon d’autres modalitĂ©s. En tĂątonnant et en essayant diffĂ©rentes mĂ©thodes, les civilisations du passĂ© ont inventĂ© les principales formes de gouvernement. Certaines ont prospĂ©rĂ©, d’autres n’ont pas survĂ©cu Ă  l’expĂ©rience.
La monarchie (du grec monos, seul) Ă©tait celle qui venait spontanĂ©ment Ă  l’esprit des hommes crĂ©ant une sociĂ©tĂ©, puisqu’il s’agit d’une variante du fonctionnement de la horde primitive. Le systĂšme est toutefois plus complexe et plus sophistiquĂ© : comme le monarque ne peut plus imposer sa force brutale Ă  ses trop nombreux sujets, il s’est entourĂ© d’une cohorte de fidĂšles compagnons, capable d’imposer la volontĂ© du souverain Ă  l’ensemble de la sociĂ©tĂ©. Ces soutiens du rĂ©gime sont, bien entendu, et selon des modalitĂ©s diffĂ©rentes dans chaque civilisation, rĂ©munĂ©rĂ©s de leur fidĂ©litĂ© et en quelque sorte « intĂ©ressĂ©s aux bĂ©nĂ©fices ».
Le cas de l’Europe du Moyen-Ăąge est une bonne illustration de ce rĂ©gime. A cette Ă©poque, les compagnons proches du roi (les chevaliers de la Table Ronde ou les commensaux de Charlemagne) s’adjugent une parcelle du pouvoir, deviennent comtes, ducs et barons, et reproduisent le systĂšme Ă  leur propre service en s’entourant eux-mĂȘmes d’une escouade d’affidĂ©s. La hiĂ©rarchie Ă©tait nĂ©e lorsqu’il a Ă©tĂ© admis comme naturel que la confiance, et donc l’autoritĂ©, procĂ©daient du haut vers le bas par degrĂ©s successifs de dĂ©volution du pouvoir.
L’aristocratie (du grec aristoĂŻ, les meilleurs) est une variante de la monarchie et en quelque sorte la reconnaissance officielle de la nĂ©cessitĂ© d’un groupe dominant et de son rĂŽle au service du pouvoir. Il convient de noter toutefois que le rĂ©gime aristocratique pur (le gouvernement par un groupe d’éminents, Ă©gaux entre eux) n’a, en pratique, jamais fonctionnĂ© : il se trouve toujours Ă  l’intĂ©rieur de ce groupe des « meilleurs », un individu au tempĂ©rament autoritaire qui souhaite devenir « le meilleur des meilleurs » et acquĂ©rir le pouvoir pour lui seul. Le rĂ©gime aristocratique finit gĂ©nĂ©ralement en monarchie.
Tout autre est le rĂ©gime dĂ©mocratique (du grec demos, le peuple). On doit au miracle grec le saut conceptuel qui a permis de penser ce mode de fonctionnement de la sociĂ©tĂ© et son expĂ©rimentation en grandeur rĂ©elle. Il s’agit de la reconnaissance du droit Ă©gal pour chacun de participer Ă  l’élaboration des dĂ©cisions qui intĂ©ressent toute la sociĂ©tĂ©. Dans sa version idĂ©ale – et probablement idĂ©alisĂ©e de nos jours – les affaires publiques se rĂšglent sur la place publique (l’agora), chacun s’exprimant Ă  volontĂ©, de telle sorte que la meilleure dĂ©cision possible Ă©merge de ce brouhaha d’idĂ©es et de discours. Dans la pratique, les choses ont rapidement Ă©voluĂ©, des institutions intermĂ©diaires ont Ă©tĂ© mises en place et des rĂšgles de fonctionnement fixĂ©es. Cela a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative et des diffĂ©rents organes de la vie publique qui se sont bĂątis progressivement et que nous connaissons aujourd’hui. Cela a Ă©galement permis la crĂ©ation de la science politique, dont la richesse inĂ©puisable est prĂ©cisĂ©ment proportionnelle Ă  l’imperfection du rĂ©gime dĂ©mocratique.

La dĂ©mocratie en action : la recherche de l’équilibre entre les dĂ©tenteurs du pouvoir

DĂšs que la sociĂ©tĂ© acquiert une certaine dimension et qu’il devient matĂ©riellement impossible de prendre des dĂ©cisions en rĂ©unissant tous les citoyens sur la place du village, la dĂ©mocratie devient reprĂ©sentative. Le pouvoir de dĂ©cider pour l’ensemble de la communautĂ© est alors dĂ©lĂ©guĂ© Ă  des organes Ă©lus par les citoyens.
En principe, cette dĂ©lĂ©gation se fait, en rĂ©gime dĂ©mocratique, par un systĂšme d’élections pour lesquelles chaque citoyen dispose d’une voix. Certains systĂšmes ont cependant cherchĂ© Ă  nuancer le principe d’« un homme, une voix ». Le systĂšme censitaire suppose, pour acquĂ©rir le droit de vote, le versement d’une certaine somme d’argent, ce qui a pour consĂ©quence d’éliminer les nĂ©cessiteux du corps Ă©lectoral ; le suffrage Ă©tait jusqu’à rĂ©cemment rĂ©servĂ© Ă  une moitiĂ© seulement de la sociĂ©tĂ© (les hommes) et ignorait les femmes ; enfin, le systĂšme de votation au second degrĂ© (utilisĂ© en France pour les maires, pour les Ă©lus des communautĂ©s de communes, ou pour les sĂ©nateurs) qui prĂ©voit un double filtrage, introduit Ă©galement un biais objectif dans la reprĂ©sentation.
Par ailleurs, le systĂšme utilisĂ© pour le vote (tel que le systĂšme proportionnel ou de circonscription ; Ă  un tour ou Ă  deux tours ; etc.) n’est pas neutre sur le rĂ©sultat. Corps Ă©lectoral, mode d’élections et autres curiositĂ©s techniques (comme les modalitĂ©s d’élection du prĂ©sident des Etats-Unis d’AmĂ©rique) montrent qu’il est possible d’imaginer des systĂšmes Ă©lectoraux trĂšs divers, qui peuvent donner des rĂ©sultats diffĂ©rents, avec la mĂȘme bonne foi et avec la mĂȘme intention dĂ©mocratique.
Il est tenu pour acquis, par hypothĂšse, que les organes Ă©lus deviennent par dĂ©lĂ©gation les dĂ©tenteurs de la souverainetĂ© populaire et qu’ils en ont la lĂ©gitimitĂ©. Cependant, lorsque plusieurs organes sont Ă©lus et que chacun dispose de la mĂȘme lĂ©gitimitĂ© issue du suffrage, la question se pose de la prééminence de l’un sur l’autre en cas de conflit d’opinion. Les philosophes europĂ©ens du XVIIIe siĂšcle ont beaucoup rĂ©flĂ©chi Ă  ce problĂšme et sont arrivĂ©s Ă  la conclusion que pour Ă©viter une dĂ©rive vers une monopolisation du pouvoir, le systĂšme devait mĂ©nager un Ă©quilibre des forces entre chacun des organes Ă©lus. C’est la thĂ©orie du « check and balance », mise en application dans la plupart des constitutions actuelles. Dans le systĂšme de Westminster (la dĂ©mocratie anglaise), le parlement vote la confiance au gouvernement et peut donc la lui retirer. Le premier ministre, de son cĂŽtĂ©, a le pouvoir de dissoudre le parlement. Les forces s’équilibrent.
Toutefois, cet Ă©quilibre soigneusement calculĂ© des pouvoirs est comme celui des mobiles de Calder. Il est sophistiquĂ©, pluridimensionnel, et le moindre souffle d’air le bouscule. De sorte qu’il est rare que les institutions vivent exactement comme le conçoivent les textes fondateurs et que les Ă©quilibres s’établissent comme prĂ©vu. L’histoire de chaque pays donne gĂ©nĂ©ralement une interprĂ©tation complĂ©mentaire, et parfois inattendue, aux textes. La troisiĂšme RĂ©publique française avait ainsi Ă©tĂ© instituĂ©e avec un prĂ©sident de la RĂ©publique fort face au parlement. Or, dĂšs le dĂ©but du nouveau rĂ©gime, un conflit opposa l’AssemblĂ©e, qui avait donnĂ© sa confiance au gouvernement, et le prĂ©sident, qui souhaitait inflĂ©chir diffĂ©remment le cours des choses. Cette bataille, perdue par le prĂ©sident Mac Mahon (face au choix « se soumettre ou se dĂ©mettre », il se soumit) fit disparaitre l’institution prĂ©sidentielle du champ politique en la cantonnant Ă  un rĂŽle honorifique ; on vit apparaitre un nouveau personnage (le prĂ©sident du Conseil) qui n’était pas mentionnĂ© par le texte fondateur et qui devint dĂšs lors le dĂ©tenteur effectif du pouvoir.

La thĂ©orie des trois pouvoirs, probablement trop simple pour ĂȘtre pertinente

A mesure que s’accroissaient numĂ©riquement les sociĂ©tĂ©s humaines et que la science politique progressait en parallĂšle, apparurent des thĂ©ories plus ou moins opĂ©ratoires, concernant l’organisation idĂ©ale du pouvoir.
Une de ces thĂ©ories s’imposa, si bien que ses principes dirigent encore aujourd’hui quelques-unes des plus importantes dĂ©mocraties du monde. Il s’agit de la thĂ©orie de la sĂ©paration des pouvoirs.
ÉlaborĂ©e par les philosophes des lumiĂšres au XVIIIe siĂšcle, cette thĂ©orie vise Ă  sĂ©parer les diffĂ©rents organes du pouvoir afin de limiter l’arbitraire et d’empĂȘcher les abus liĂ©s Ă  l’exercice de missions souveraines. Les inventeurs de cette thĂ©orie distinguent trois fonctions essentielles de la puissance publique :
– La fonction d’édiction des rĂšgles gĂ©nĂ©rales constitue la fonction lĂ©gislative.
– La fonction d’exĂ©cution de ces rĂšgles relĂšve de la fonction exĂ©cutive.
– La fonction de rùglement des litiges constitue la fonction juridictionnelle.
Pour Ă©viter les risques de confiscation du pouvoir au bĂ©nĂ©fice d’un seul, la thĂ©orie milite pour que chacune de ces fonctions soit exercĂ©e par un organe diffĂ©rent, si possible Ă©lu, et en tous cas sans autoritĂ© l’un vis-Ă -vis de l’autre.
Dans la pratique, il est vite apparu difficile d’observer une stricte sĂ©paration car beaucoup de sujets sont communs aux trois pouvoirs, notamment l’accĂšs aux ressources du budget commun. Le parlement vote le budget, mais le gouvernement effectue les dĂ©penses : qui, au fond, dĂ©cide de l’emploi des ressources publiques ?
La plupart des constitutions ont dĂšs lors cherchĂ©, non Ă  sĂ©parer les trois pouvoirs, mais Ă  organiser leur indĂ©pendance relative et leur collaboration la plus efficace, la plus Ă©quilibrĂ©e et la plus pĂ©renne possible. On gagne en efficacitĂ© pratique ce que l’on perd en puretĂ© dĂ©mocratique.
Cependant, la thĂ©orie mĂ©connait d’autres rĂ©alitĂ©s. Notamment elle ignore le pouvoir administratif ou celui des experts qui constituent la « bureaucratie », sorte de quatriĂšme pouvoir qui a vu son influence s’accroitre tout au long du XIXe siĂšcle et de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle. Les observateurs s’interrogeaient dĂšs cette Ă©poque sur ce pouvoir qui s’était créé sans crier gare et qui avait tendance Ă  rechercher son autonomie par rapport aux autoritĂ©s institutionnelles.
Elle ignore Ă©galement le pouvoir de l’information et de ceux qui dĂ©finissent la maniĂšre de la rendre publique. Ceux-lĂ  constituent la « mĂ©diacratie », cinquiĂšme pouvoir dont l’importance a eu une importance considĂ©rable au XXe siĂšcle. Son influence est aujourd’hui concurrencĂ©e par l’information instantanĂ©e susceptible d’émaner directement de chaque citoyen et de circuler sur Internet.
Enfin, les inventeurs de la thĂ©orie, hommes du XVIIIe siĂšcle, ignoraient l’ordinateur, internet, et les rĂ©seaux sociaux : la thĂ©orie de la sĂ©paration des pouvoirs est muette sur la façon de gĂ©rer le cyberespace et de contrebalancer les nouveaux pouvoirs qui en sont nĂ©s.

Du gouvernement des hommes à la gouvernance des sociétés, un changement de regard

On pourrait penser qu’il en va des idĂ©es comme du prĂȘt-Ă -porter : selon l’air du temps, la mode change. Ainsi, on ne parle plus aujourd’hui de gouvernement, ni d’institutions, ni mĂȘme de principes de gouvernement, mais de gouvernance. En fait, la mode pour ce mot correspond Ă  un changement profond de point de vue.
Le XVIIIe siĂšcle et, plus encore le XIXe siĂšcle ont Ă©tĂ© des siĂšcles mĂ©caniciens. Les savants avaient Ă©laborĂ© les thĂ©ories explicatives du mouvement des objets. Fort logiquement, l’organisation sociale est le reflet de cette vision de l’univers dĂ©veloppĂ© par Descartes, puis par Leibniz et Newton. Le discours de la mĂ©thode enseigne que pour mieux rĂ©soudre un problĂšme, il est prĂ©fĂ©rable de le couper en problĂšmes plus petits ; qu’à chaque cause correspond un effet, et qu’il n’y a pas d’effets sans cause ; qu’il est toujours possible de comprendre, avec mĂ©thode et logique, l’enchainement des causes simples et des effets successifs. Le paradigme « mĂ©canicien » de la gouvernance est similaire : le pouvoir, telle une force mĂ©canique, s’exerce sur la sociĂ©tĂ© et les dĂ©cisions s’appliquent de façon rationnelle et univoque du « haut » vers le « bas ».
Il est progressivement apparu au cours du XXe siĂšcle que cette vision mĂ©canicienne ne rendait pas complĂštement compte de la rĂ©alitĂ©. A mesure que la dĂ©mocratie s’affirmait et que les citoyens s’émancipaient, on observait davantage de rĂ©actions intempestives et imprĂ©vues aux dĂ©cisions du pouvoir lĂ©gitime. Ceci n’était pas envisagĂ© par la thĂ©orie, pour laquelle le peuple ayant dĂ©lĂ©guĂ© le pouvoir Ă  des reprĂ©sentants devait ensuite et logiquement obĂ©ir Ă  ces mĂȘmes reprĂ©sentants. De mĂȘme, les conceptions en vigueur avaient du mal Ă  comprendre et Ă  expliquer que les solutions dĂ©cidĂ©es pour rĂ©soudre un problĂšme pouvaient avoir des consĂ©quences dĂ©sastreuses dans un autre domaine.
Fort opportunément, le développement de systÚmes théoriques nouveaux, tels que ...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Sommaire
  6. Préface
  7. Introduction : Le temps des baobabs
  8. PARTIE 1. Premiers Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion – « Impression soleil levant » –
  9. PARTIE 2. La gouvernance en action – « Et le verbe s’est fait chair » –
  10. PARTIE 3. Gouvernance et valeurs – « La gĂ©nĂ©alogie de la morale » –
  11. PARTIE 4. Gouvernance moderne – « Rien n’est simple » –
  12. PARTIE 5. La gouvernance : Pour qui ? Pour quoi ? – « Elle est Ă  toi, cette chanson ! –
  13. PARTIE 6. Gouvernance et marchĂ©. Public et privĂ© – « Mi casa es su casa ! » –
  14. PARTIE 7. Gouvernance et Ă©thique – « Tu seras un homme, mon fils » –
  15. PARTIE 8. Gouvernance et changement – « A la fin tu es las de ce monde ancien » –
  16. PARTIE 9. La gouvernance demain – « L’éternitĂ©, c’est long, surtout vers la fin » –
  17. Epilogue