
- 224 pages
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eBook - ePub
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Informations
Éditeur
Fauves editionsAnnée
2016ISBN de l'eBook
9791030201840ALZHEIMER AU QUOTIDIEN
Le 3 avril 2014
Ce matin, je lui ai expliqué qu’il partait à l’hôpital pour un atelier mémoire. J’espérais qu’en choisissant bien mon vocabulaire, la pilule allait mieux passer. Mais il était méfiant. Il se rendait compte qu’il devait partir seul, sans moi, et je le voyais fébrile et inquiet. Il s’est mis très vite en colère et me menaçait « Je n’irai pas, je n’ai rien demandé, tu as manigancé tout ça dans mon dos ! ».De mon côté, j’étais stressée de peur qu’il ne refuse au dernier moment. Je tenais tellement à ce test ! Nous aurions pu démarrer l’accueil de jour plus tard mais je m’étais battue pour qu’il bénéficie de la dernière place disponible dans le minibus. Pas question de rater le coche, c’est le cas de le dire. Je me voyais mal faire les allers et retours deux fois par semaine. La distance n’est que de dix-sept kilomètres, mais quatre fois par jour, ça devenait une réelle contrainte.
À neuf heures, il était douché rasé de près, bien habillé et nous sommes sortis tous les deux dans le jardin. J’ai ouvert le portillon qui donne sur la rue. Le minibus jaune de la région n’a pas tardé et s’est immobilisé le long du trottoir. Une femme ronde et souriante en est descendue. Et soudain, éducation oblige, tout souriant, il a dit « Bonjour Madame » et se tournant vers le chauffeur « Bonjour Monsieur ». Il est monté sans problème, et a accepté de s’asseoir. L’accompagnatrice l’a aidé à attacher sa ceinture. Il n’a émis aucune protestation.
Quand le bus s’est éloigné, je l’ai aperçu derrière la vitre, tourné vers moi et soudain visiblement complètement paniqué, il agitait la main mais je ne pouvais pas entendre ce qu’il me disait…
Départ à l’accueil de jour pour malades d’Alzheimer.
J’ai refermé le portail et je ne sais plus comment j’ai regagné la maison, submergée par l’émotion, secouée de sanglots. De gros sanglots bruyants, violents, incontrôlables. Trop lourd tout ça, trop pris sur moi, trop donné, trop, trop, trop… Dans le couloir, j’ai hurlé comme une bête. Je me suis entendue hurler. Plus de forces. J’ai croisé notre chatte, assise sur une marche de l’escalier, oreilles rabattues. Écroulée sur le tapis de ma chambre, j’ai pleuré bruyamment pendant de longues minutes. Mon mari m’avait abandonnée. Je lui en voulais terriblement de cet abandon, je lui en voulais d’avoir saboté notre vie. Je n’avais plus de mari. Un grand tournant, une séparation inexorable, cruelle, définitive, le début d’un deuil sans retour, pire qu’un divorce. Plus de couple. Fini. J’ai avalé un calmant et je me suis mise au lit submergée de chagrin, ce foutu chagrin qui prend le dessus parfois sans nous laisser la moindre dignité. La chatte Lottie qui ne comprenait rien à tout ce tintamarre est venue timidement se lover le long de mon corps et je me suis longtemps agrippée à son épais et doux pelage.
Le 3 avril 1971, il y a 43 ans, c’était le jour de notre mariage. Ici, dans cette ville où nous avons grandi tous les deux. J’avais 24 ans, lui 25 et la vie était devant nous, insouciante et prometteuse.
Bon anniversaire ! Tu n’as jamais été très fort pour les dates d’anniversaire mais maintenant c’est pire, tu ne sais plus ni les jours, ni les mois, ni les années. Pour nos 43 ans de mariage, je n’espérais pas ce cadeau. Une journée de repos, sans toi. Une fois les larmes séchées, je suis allée déjeuner au restaurant et me détendre avec une amie.
J’ai tellement pleuré ! Jamais durant toute ma vie, je n’ai autant pleuré qu’au cours de ces deux années 2012 et 2013. Des flots de larmes. Des hurlements de bête blessée sous son regard absent. Avant le diagnostic, j’étais seule et perdue dans des situations inextricables. Personne dans l’entourage ne prenait la mesure du problème. J’étais même soupçonnée d’être à l’origine des ennuis, d’exagérer, de dramatiser, de ne pas avoir le comportement adapté. Les amis me recommandaient de lâcher prise, de prendre de la distance. Comment prendre de la distance quand son mari ne peut plus accéder à l’appartement seul car il oublie le code ?
Je craignais à raison l’heure du retour. Quand le minibus s’est garé devant la maison, j’ai immédiatement repéré son visage dur, fermé, excédé. L’accompagnatrice lui tenait le bras pour descendre ce qui l’a visiblement énervé. Sans me regarder il est rentré en trombe dans le jardin en fulminant. Il m’en voulait terriblement. Il était très en colère et je le sentais perdu, impuissant. Dans ces cas-là attendre que l’orage passe. Un peu plus tard, je lui ai proposé une de ses bières blanches préférées, ce qu’il a accepté avec plaisir. La crise était passée.
Jeudi 10 avril 2014
Pour son troisième départ à l’accueil de jour, j’ai dû déployer des trésors de diplomatie, en lui répétant qu’il revenait le soir et que c’était juste pour quelques heures. Je l’ai supplié de faire un nouvel essai. Il a violemment protesté mais encore une fois, lorsque le minibus s’est garé le long du trottoir il a obtempéré docilement. J’ai informé les équipes que ce n’était pas la peine de le tenir, ni pour monter ni pour descendre. Inutile également de hurler, il n’est pas sourd et enfin, il ne se sauvera pas, il ne fera pas de fugue. Bien sûr les accompagnatrices appliquent les protocoles qu’on leur dit d’appliquer. Mais ce qui s’applique aux personnes de quatre-vingts ans n’est pas forcément adapté à un homme de soixante-huit ans. Je le sentais agacé et surtout humilié car physiquement il était en parfaite santé, n’avait pas de problème moteur et il entendait très bien.
Parallèlement il accepte docilement ses séances d’orthophonie. Il en est à la troisième, me dit qu’il fait des jeux idiots et qu’il sait les faire, mais je l’ai toujours connu sensible aux jolies femmes, et il trouve l’orthophoniste très mignonne et souriante…
Vendredi 11 avril 2014
Aujourd’hui nous avons eu la visite d’un agent du conseil général pour remplir de dossier d’APA (Aide Personnalisée à l’Autonomie). Une petite mort supplémentaire qui m’éloigne un peu plus de mon mari. Les questions posées sont terribles et le constat est affligeant. Je n’ai cessé de minimiser la situation mais chaque question me ramenait à la réalité. Mon mari assistait à l’entretien en souriant, visiblement sans prendre pleinement la mesure de la démarche. Il a été classé GIR 4 (Grille Iso Ressource) ce qui n’est pas brillant.
Lundi 14 avril 2014
Ce matin nous avions rendez-vous au CHR avec un nouveau neurologue, le précédent ayant définitivement quitté la région nous a-ton dit ! Il a prescrit un médicament censé ralentir la destruction des cellules et un léger anti dépresseur. Le sujet a été estimé en bonne santé, il devait avant tout sortir, marcher, bien se nourrir. Rien de spécial. Heureusement car la secrétaire nous a annoncé qu’il n’y a plus qu’un seul neurologue dans le service du dit CHR et aucune candidature à l’horizon.
Mardi 15 avril 2014
A quinze heures, trois personnes de l’EMA (Equipe mobile Alzheimer) sont arrivées pour une première prise de contact. Une infirmière, une animatrice et une ergothérapeute. Encore une démarche supplémentaire dans le processus de suivi de la maladie. Comme il est « jeune », il faut faire vite, mettre en place des moyens censés ralentir la déficience cérébrale. Qu’est ce qu’une EMA ?
Les Équipes Mobiles Alzheimer (EMA) ou Équipes Spécialisées Alzheimer sont des dispositifs nouveaux créés dans le cadre du plan Alzheimer 2008-2012 pour apporter un soutien aux personnes touchées par la maladie d’Alzheimer (ou maladies apparentées) et aux aidants familiaux. Il s’agit d’équipes qui comprennent une infirmière coordinatrice, des ergothérapeutes, et/ou psychomotriciens (nes), des assistants de soins en gérontologie (aides-soignants ou aides médico-psychologiques). C’est un service qui propose des soins d’accompagnement et de réhabilitation auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (ou apparentée) et de leur aidant, en lien avec le service de soins déjà en place auprès du patient ». Ce sont des actions personnalisées qui tiennent compte des capacités de la personne malade et qui sont destinées à lutter contre l’isolement social, proposer l’adaptation matérielle de l’environnement aux besoins du patient, maintenir ou développer les différentes aptitudes physiques, psychiques et d’apprentissage du patient, soutenir et écouter les aidants naturels (famille, voisinage, autre…), soutenir les équipes soignantes.
Il s’agit d’interventions sur prescription médicale comprenant une évaluation à domicile, suivie de 10 à 15 séances avec l’intervention de l’ergothérapeute et/ou d’un assistant de soins en gérontologie, et enfin un bilan de fin de prise en charge adressée au médecin traitant.
Ces interventions à domicile sont prises en charge à 100 % par l’Assurance Maladie.
Comme le temps le permettait, j’ai servi le café sur la terrasse au soleil. L’ambiance était particulièrement détendue et mon mari appréciait toutes ces jeunes femmes souriantes qui étaient là pour lui. L’ergothérapeute l’a invité à lui faire visiter la maison ce qu’il a exécuté sans problème. Il lui a montré les chambres qu’il avait lui-même aménagées dans les dépendances du jardin (carrelage – papiers – peintures). Il a tenu également à lui présenter un jouet ancien datant de l’enfance de son père, une carriole en bois et un cheval attelé qu’il venait de restaurer et de remplir de paille. Sur ce sujet, j’étais partagée entre la satisfaction de constater son adresse pour les réparations minutieuses et la consternation, car je l’avais vu couper de l’herbe, la faire sécher et la mettre dans la carriole, avec des gestes complètement enfantins.
L’équipe nous a expliqué que nous bénéficierions de quinze séances à domicile pour tenter de stimuler les fonctions cognitives et maintenir des activités manuelles. Pour profiter de cette prestation les tests MMS devaient se maintenir au-dessus de 15/30. Nous étions à la limite mais lors de leur dernier staff, elles avaient argumenté la jeunesse du sujet et sa bonne santé, son sens de l’humour, et la façon dont elles pouvaient capter son attention. Un des critères de l’évolution de la maladie est également la façon dont le sujet réagit à la parole, à la sollicitation orale, au regard qu’il porte sur son interlocuteur. Mon mari est là et bien là, bien présent, il plaisante de plus en plus, de tout et de rien, c’est sa façon de communiquer et de donner le change sans doute, de se rassurer, de recevoir en retour le rire de la personne qui lui fait face. Une posture désuète qui ne faisait pas vraiment partie de sa personnalité « avant ». En est-il conscient ? Mystère.
Le 24 avril 2014
La nuit a été compliquée. Il s’est levé à trois heures pour aller aux toilettes. Comme je connais tous les bruits de son étage, j’ai vite compris qu’il fallait que j’intervienne. Je suis montée et l’ai trouvé en train de se raser dans sa salle de bains. Du ton le plus calme que j’ai pu, je lui ai répété l’heure trois fois et lui ai demandé de retourner au lit. Il a obtempéré et je ne l’ai plus entendu. Mais comme toujours, ma nuit était compromise, je suis descendue me faire un café et me suis mise à jouer sur mon smartphone. Merci les réseaux sociaux, en pleine nuit, je peux converser avec mon amie de la Martinique, voir les activités d’un copain à Rio, d’un autre à Helsinki, parcourir le monde de mon lit.
Pour la sixième fois, aucune résistance pour monter dans le minibus. Il s’est approprié le processus. Ce qui me fait encore plus de peine c’est de le voir partir ainsi, content, sans me dire au revoir, sans me regarder. Une voisine m’a rapporté que depuis le minibus, il l’avait reconnue dans la rue et lui avait fait de grands signes de la main comme s’il partait en colonie de vacances. Loin de me satisfaire, cette déclaration m’accable de tristesse.
Je n’ai pas pleuré ce matin. Je me demande ce que je vais faire de ma journée ? Une journée rien que pour moi que je vais savourer sans contrainte, sans cette présence perpétuelle et lourde dans mon dos, sans avoir à concentrer mon attention de façon permanente sur ses faits et gestes. Parfois il me demande si ça va durer longtemps cet exil journalier ? Il parle de l’accueil de jour. Je lui annonce le moment du départ au dernier moment. Inutile de donner des informations avant l’exécution d’une action programmée, ce qui occasionne du stress chez le malade. Quelques minutes avant suffisent.
Lorsqu’il rentre de l’accueil de jour, son plaisir est de savourer une bière sur la terrasse et de retrouver sa chatte Lottie. Il reste assis à l’ombre, dos au jour déclinant, dans son grand fauteuil en rotin, il est fatigué mais détendu et me raconte sa journée par bribes. Les astucieuses animatrices de l’accueil de jour qui encadrent les malades assurent un service « à la carte ». Chaque individu est respecté, entouré, traité comme un être ordinaire avec ses qualités et ses défauts. Elles ont l’extrême intelligence de s’adapter à eux, et non le contraire. Ainsi, tout en respectant le cadre réglementaire, aucune journée n’est complètement la même que la précédente.
Le 8 mai 2014
Quand je relis les lignes précédentes je suis affolée par la vitesse à laquelle les choses se dégradent. Il est pourtant bien stimulé à l’accueil de jour. Comme il est très actif les animatrices lui font faire des petites choses comme servir à table et desservir, participer à la vaisselle, les accompagner pour faire des courses à l’extérieur. De retour à la maison, il me dit qu’il a beaucoup travaillé, qu’il s’est occupé des vieux, qu’il a fait des courses, qu’il donne des conseils aux animatrices et au chauffeur du bus qui ne connaît pas la route…
Le 11 mai 2014
Ce matin il ne savait plus le nom du Président de la République ni celui du Premier Ministre. Raison de plus pour ne pas savoir le jour de la semaine ni l’année. Ça se gâte.
Par contre il s’est douché et s’est habillé convenablement
Le 19 mai 2014
Il ne sait plus du tout lire l’heure malgré la nouvelle montre et le grand cadran. Je crois que c’est définitif. Je vois bien que depuis quelques jours il se bute. Il écarquille les yeux, tripote le bracelet. Si j’insiste il arrive à indiquer le chiffre de l’heure. Mais pour identifier la grande aiguille rien à faire. Il commence également à ne plus savoir préparer son petit-déjeuner. Parfois il descend, je le devine en train de tournicoter, et puis il remonte. Pourtant hier je l’ai laissé faire. Et j’ai senti l’odeur de la brioche grillée monter dans l’escalier. J’ai vérifié qu’il avait bien pris le bon matériel pour deux dosettes de café. C’est aléatoire. Un jour sur deux il se trompe et met une seule dosette au lieu de deux ce qui donne un café bien clair mais ça n’a pas l’air de le contrarier outre mesure.
Ce matin il a voulu se peser et je trouve un sens à cette demande qui est un gage de suite dans les idées pour certaines choses. Hier, nous visitions un de ses amis hospitalisé et nous avons parlé de poids. Son ami pèse 68 kilos après cinq semaines de soins intensifs, branché de toutes parts, mais il est plus petit que lui. Nous avons donc parlé de poids et noté que son ami pèse 10 kilos de moins que lui. Donc ce matin, à sept heures, je lisais tranquillement dans mon lit et il a débarqué dans ma chambre, nu comme un ver. Il était en demande de quelque chose et je dois être à sa disposition à chaque instant.
Il m’a demandé si nous avions une balance ? Je lui ai répondu que oui, qu’elle était à sa place dans la salle de bains. Mais il restait planté devant moi. Je me suis donc levée, j’ai sorti le pèse-personne de dessous l’étagère où il est rangé depuis des lustres. Il est monté dessus, incapable de lire son poids. Pourtant le pèse-personne est neuf aussi et le cadran est très lisible. Nous l’avons acheté également en décembre dernier car sur l’ancien il n’arrivait pas à lire les chiffres, comme pour la montre. Celui-ci est d’une utilisation très simple, il suffit de placer ses deux pieds aux endroits indiqués. Les chiffres sont énormes, adaptés aux vues des plus myopes. Il pesait ce matin 73 kilos. Pas très lourd mais plutôt stable. Quand nous nous sommes mariés il pesait 69 kilos. Ensuite pendant des années il a pesé 78 kilos. Taille mannequin, un 1.78 m, 78 kg, et jamais une seule retouche aux vêtements. Bon, côté poids, il semble se stabiliser, et comme il a pris le soleil au vide grenier l’autre jour, il n’a pas mauvaise mine. Mais côté mémoire, c’est la déconfiture totale.
J’essaye de me rassurer en changeant les choses pour les rendre plus accessibles, mais je me trompe. La maladie va plus vite que mes actes matériels désespérés. C’est comme le barrage de sable construit pour faire face à la marée montante. Il tient à la première vague, il se fissure à la deuxième, il cède à la troisième. À quoi sert la nouvelle montre avec un cadran plus grand, les nouveaux téléphones fixes avec un creux pour poser le combiné, le pèse-personne à lecture géante, l’immense pendule de la cuisine, l’ardoise sur laquelle je marque le jour, le mois, l’année, l’emploi du temps… Dans sa salle de bains j’ai supprimé tous les shampoings et bain douche pour les remplacer par un unique flacon à pompe qui fait cheveux et douche. Il se trompait et se shampouinait avec le produit à douche et l’inverse. J’ai supprimé également des produits d’entretien. Il ne lit plus les étiquettes. Il a mis récemment du white spirit dans la cuvette de ses toilettes. Ce jour-là j’ai pris peur ! Lui qui était le champion du ménage et des produits d’entretien, qui ne pouvait pas aller dans une grande surface sans rapporter un nouveau produit plus performant que le dernier acheté ! Il adorait récurer, en particulier les fonds de casseroles, les cuivres, l’argenterie, les sanitaires. L’an dernier encore, c’est lui qui faisait nos deux salles de bains et nos deux WC… Comme ce temps...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Titre
- Dédicace
- Introduction
- Prologue
- Les « Rampants »
- Le diagnostic
- Alzheimer au quotidien
- Épilogue
- Index