
- 466 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Ce volume collectif, rassemblant penseurs et chercheurs issus des études littéraires, théâtrales, visuelles et cinématographiques, interroge les récits de la dévoration et des hantises alimentaires à une époque, aujourd'hui, et dans un espace, l'Europe, l'Amérique du nord, qui ne connaissent plus la faim. Que devient la faim après la faim? La disparition des famines de masse n'entraîne pas le délaissement des anxiétés liées à la peur de manquer, d'être dévoré ou encore de mal manger. S'alimenter est intime et, à regret ou non, souvent collectif, nécessaire et pourtant jamais pleinement banal: ce sont ces tensions et ces contradictions que ce volume entend soulever.
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Informations
Sujet
LittératureSujet
Art généralQuatrième partie :
Le repas, scène de crime
Attitude à table et manière d’être au monde : étude de trois repas de famille dans Sartoris de William Faulkner (1929)
CÉLIA CLERMONT
Dans la légende familiale des Sartoris, l’un des récits les plus savoureux reste celui de la mort de Bayard de la Caroline pendant la Guerre de Sécession où il combat aux côtés de l’officier confédéré Jeb Stuart. Apprenant que le camp ennemi possède des anchois, il s’y précipite ; au lieu de mourir noblement sur le champ de bataille, il est ainsi tué par un cuisinier qui s’était caché derrière les vivres. Cette fin plus saugrenue que tragique, inlassablement remémorée par la famille sur le mode de l’héroï-comique, pourrait léguer à sa descendance la gourmandise ou le plaisir de la table, en les associant à un idéalisme chevaleresque typiquement sudiste. Or, dans le roman éponyme, les quelques Sartoris restants ne se montrent guère intéressés par les plaisirs de la table – à l’exception des traditionnels toddies1 du soir, confectionnés avec un soin tout particulier. Si le goût des aliments n’apparaît pas dans cette famille de noble souche, on le trouve néanmoins dans les couches inférieures de la société, notamment chez les domestiques noirs, qui se régalent en cuisine des reliefs laissés par leurs maîtres, ou chez les poor whites comme le vieux Will Falls, comblé par un sac de douceurs. Dans Sartoris, la gourmandise apparaît donc comme l’apanage des humbles, tandis que l’éthique aristocratique conduit plutôt à dédaigner la matérialité de la chère au profit de la sociabilité conviviale qu’elle instaure. Manger apparaît ainsi comme une affaire de société, et rien ne le montre mieux que le rituel du repas de famille, moment extrêmement codifié avec ses places attitrées et ses rôles définis : du contenu des assiettes à la façon dont se déroule le service, tout le rituel du repas est signifiant. La sociologue Anne Muxel le décrit comme « une scène d’obligations réciproques » offrant une représentation sociologique et culturelle du groupe familial :
À table, la famille est donc donnée à voir dans sa réalité existentielle propre, mais aussi dans sa réalité sociale et économique. Particularismes familiaux et particularismes sociaux se mêlent. En ce sens, la mémoire de la table se présente comme une récapitulation de la vie de famille, de ses stigmates sociologiques comme de ses enjeux affectifs2.
Dans Sartoris, les scènes de repas ont également une fonction romanesque et ménagent des pauses dans la narration. Réunir la famille autour de la table permet de suspendre momentanément l’intrigue en laissant la part belle à la description du narrateur, aux dialogues des personnages – ou au contraire à un silence pesant qui révèle la solitude des convives. Bien que les mentions des repas soient nombreuses dans le roman, trois d’entre eux seulement font l’objet d’une véritable description et se déroulent respectivement dans une famille différente, ce qui leur confère une valeur d’exemplarité : il s’agit du dîner de Thanksgiving des Sartoris, du repas champêtre des MacCallum et du déjeuner de Noël d’une famille de Noirs. L’objet de cet article sera de montrer comment ces trois scènes, qui sont le support d’une représentation de trois couches distinctes de la société sudiste, fonctionnent également comme des moments de dramatisation de l’intrigue. La présence et le comportement du jeune Bayard Sartoris, personnage admis de plein droit, invité ou imposé à la table de ces familles, complexifient considérablement ces repas, au point d’en faire des nœuds romanesques et de suggérer une analogie entre l’attitude à table et la manière d’être au monde.
D’une table à l’autre : triptyque des repas de famille
Les trois scènes se situent dans la quatrième partie du roman, qui s’étend de la fin du mois de novembre aux derniers jours de décembre 1919. Les activités agricoles qui rythment la saison automnale – notamment le décorticage du coton – ont favorisé l’apaisement du jeune Bayard : marié et assagi, il mène désormais une vie conforme à celle d’un jeune propriétaire terrien. Cependant, l’entrée dans la saison hivernale, avec le désœuvrement qu’elle implique, se produit « à l’unisson du cheminement suicidaire3 » du personnage. L’épisode qui précède le dîner de Thanksgiving décrit sa rechute, causée par une allusion à son frère jumeau John, mort pendant la guerre de 1914. Ce souvenir conduit à nouveau Bayard « vers les sommets solitaires de sa désespérance4 » et l’éloigne de sa femme Narcissa :
Elle lui prit la figure entre ses mains, l’inclina vers elle, mais les lèvres de Bayard étaient froides. Elle y trouva le goût funeste du destin et demeura un instant serrée contre lui, la tête blottie contre sa poitrine5. (p. 265)
C’est sur cette note tragique, symbolisée par le « goût funeste » des lèvres de Bayard, que débute in medias res le premier repas de famille. Organisé à l’occasion de Thanksgiving, il réunit à la même table les Sartoris – le vieux Bayard, Miss Jenny, le jeune Bayard –, Narcissa et son frère Horace Benbow, ainsi que le docteur Peabody. Le service est assuré par le paterfamilias des domestiques noirs, Simon Strother, aidé de son petit-fils Isom. Ce dîner est présenté comme une vieille tradition, comme le souligne une remarque acide de Miss Jenny à l’encontre du docteur :
C’est à vous que je m’adressais, Loosh Peabody. Vous imaginez-vous que, sous prétexte que pendant soixante ans vous avez festoyé à nos dépens à Thanksgiving et à Noël, vous allez pouvoir venir me rire au nez dans ma propre maison6 ? (p. 266)
C’est cette dernière, et non pas la jeune Narcissa, qui joue le rôle de maîtresse de maison, officiant à table, distribuant le café et justifiant le menu qu’elle a composé. Le poids des aînés et l’attitude à l’égard de la famille par alliance, révélateurs de l’esprit de clan des Sartoris, inscrivent ce repas dans une tradition teintée de la nostalgie des codes et des valeurs d’antan.
Ce repas se distingue par l’abondance et la variété de chaque service. Au potage initial, succède un poisson « long d’un mètre, large comme un tapis de selle, d’une magnifique couleur rouge, étendu béatement sur le plat, la gueule grande ouverte, provocateur et fanfaron7 » (p. 268). Servi sans accompagnement, comme pour signaler son autosuffisance, il est personnifié comme un noble guerrier vaincu qui rappelle peut-être l’armée sudiste ; cette description s’avère également très proche de l’attitude offensive de Miss Jenny pendant le repas, ce qui contribue au comique de la scène. Contrastant avec ce plat unique, le service suivant offre à voir un véritable ballet alimentaire :
[…] pendant les quelques minutes qui suivirent, ce fut entre la cuisine et la salle à manger un va-et-vient continu pour apporter un dindon rôti, un jambon fumé, un plat de cailles, un autre d’écureuils, un opossum cuit au four sur un lit de patates douces, une salade de concombres et de betteraves, des patates douces et des pommes de terre d’Irlande, du riz et de la semoule de maïs, des petits pains chauds, des biscuits secs, de longues et minces flûtes de pain de maïs, des fraises et des poires au sirop, de la gelée de coings et de pommes, de la compote d’airelles et des pêches conservées8. (p. 271)
Dans l’énumération des plats – bien plus nombreux que les convives – de ce troisième service, chaque type d’aliment formant habituellement le plat de résistance se trouve démultiplié et décliné en diverses propositions de viandes, d’accompagnements, de pains et de fruits. Ces variations soulignent à la fois l’abondance de la table et l’inutilité de la plupart des plats. Il faut certes rattacher ce fastueux service à la tradition festive de Thanksgiving, mais ici, l’énumération objective sans caractérisation ni commentaire semble surtout dépeindre un étalement d’aliments sans lien avec l’appétit ou la gourmandise. On ne peut que s’étonner du silence du narrateur quant aux réactions des convives : rien ne nous est dit, si ce n’est que « pendant un instant, ils cessèrent de parler et mangèrent pour de bon9 » (p. 271). Ce n’est qu’avec le dessert que la description se fait plus gustative, comme si Faulkner réservait le plaisir de la nourriture à l’acte gratuit qui consiste à manger sans faim. Cet ultime service a en effet lieu au moment même où l’appétit le plus solide – celui du docteur Peabody – s’avoue vaincu. Loin de mettre fin au repas, la capitulation provoque l’arrivée d’une farandole de desserts qui rivalisent d’allusions religieuses et morales :
des tartes de trois espèces, un petit plum-pudding à vous donner le coup de grâce, une merveille de gâteau au whisky, aux noix et aux fruits, traître et fatal comme le péché10. (p. 271-272)
L’isotopie croisée du danger et du péché est plus explicite dans la versio...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Comparaisons
- Titre
- Déjà parus
- Du même auteur
- Remerciements
- Avant-propos La faim après la faim FLORENCE FIX
- Première partie : Dévorations politiques
- Deuxième partie : Manger ensemble
- Troisième partie : Érotismes alimentaires
- Quatrième partie : Le repas, scène de crime
- Cinquième partie : Avoir faim
- Table des matières