
eBook - ePub
Discriminations et carrières
Entretiens sur des parcours de noir-e-s et d'arabes
- 300 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
Discriminations et carrières
Entretiens sur des parcours de noir-e-s et d'arabes
À propos de ce livre
Y a-t-il meilleure façon de saisir les discriminations ethniques et leurs effets que de les observer dans toute leur banalité, à travers les carrières de personnes qui les ont rencontrées? Discriminations flagrantes, stratégie pour les éviter ou les affronter, formes éventuelles de paranoïa… La découverte de trajectoires individuelles est sans doute le moyen le plus efficace pour comprendre comment cela interagit. Offrant un accès direct aux entretiens tout en les accompagnant d'instruments de réflexion, ce livre constitue à la fois un outil de méthode pour le chercheur et une riche initiation pour le profane.
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Informations
Sujet
CommerceSujet
Commerce GénéralPartie 1
A la rencontre de discriminations
dans les carrières
CDD à outrance
A l’issue de cet entretien, ma première crainte fut qu’il ne laisse croire qu’il est facile d’être à l’abri des discriminations, de ne pas en subir, ni en commettre. Qu’il ne laisse penser qu’elles sont des dérives caricaturales et marginales, somme toute faciles à repérer comme dans le cas présent. Le flou sur les motivations des supposés discriminateurs, la difficulté à les identifier et le mélange des facteurs sont tels qu’il est certes assez rare d’avoir autant d’indices qu’ici pour parler de discriminations. Les abus relativement grossiers d’un employeur maintenant Emile sur des tâches similaires pendant 6 ans de CDD successifs semblent relever de l’exception.
Il n’y a pourtant rien d’original dans la succession des étapes du déclassement vécu par Emile, qui commence chez son premier employeur. Il affirme avoir d’abord espéré travailler dans des ONG, puis on assiste à une succession de déceptions toujours présentées avec une « résignation enthousiaste ». Il y a vraisemblablement une pointe d’ironie quand il affirme qu’il était « bien content » d’avoir un stage, « moi je prends », ou d’autres expressions supposées désigner une volonté de « faire avec ». Une habitude progressivement intériorisée de faire de nécessité raison face à un destin de carrière qu’il se sent maîtriser de moins en moins, changeant de secteur d’activité au gré des chances, passant du droit international au droit tout court, puis à des petits contrats d’assistant polyvalent… et présentant cela à la fin comme un enrichissement de ses compétences.
Lorsqu’il présente son parcours chez l’éditeur, il évite soigneusement les dénonciations d’un supposé racisme de la DRH. On peut déceler là une mise en récit « entrainée » par la préparation d’un procès pour lequel il devait présenter des faits objectifs. On trouve dans l’entretien un relatif refus des généralisations (« dans mon cas, hein ») et une attitude peu revendicative face aux difficultés qu’il rencontre, que ce soit à étudier tout en travaillant (« comme tous les étudiants ») ou une fois en poste (cf. notamment son rapport assez lointain aux syndicats). Sentant qu’il doit « prouver » les choses, il s’appuie sur les avis de son entourage et de ses collègues désolés des brimades, refus et prétextes qu’il a rencontrés.
Je savais avant de le contacter qu’Emile avait cumulé de nombreux CDD dans la même entreprise. Je l’appelle en janvier 2013, il comprend spontanément que l’entretien portera là-dessus. Il accepte rapidement que je vienne le retrouver dans un quartier d’affaires parisien quelques jours plus tard, à la sortie du nouveau travail où il « recommence » sa carrière à 34 ans.
Finissant sa journée avec une quinzaine de minutes de retard, il m’entraine dans le seul café qu’il connaît à proximité, où nous trouvons une table à l’écart pour une heure et demie. (Nous parlons tous deux assez vite, avec de fréquentes interruptions, c’est ainsi, dans cet entretien, qu’il faudra généralement comprendre les points de suspension en fin de réplique). Il accepte l’enregistrement sans difficulté et ne montre aucun signe d’intérêt pour le dictaphone.
Alessio
Nous plaisantons au sujet du format généreux des boissons servies, il me dit qu’il entame cette semaine un nouveau travail dans une entreprise de location de matériel de chantier, puis je lui parle brièvement de mon travail avant de lui demander de me « raconter [s]es études ». Né au Bénin en 1978, Emile est arrivé en France après le lycée, en 1999, et a obtenu la nationalité française en 2007.
Emile : Je suis venu là, j’ai fait la fac de droit à Saint-Brieuc, tu connais ? en Bretagne, et après j’ai été à Paris, à la fac de […], où j’ai fait deux maîtrises.
Alessio : De quoi ?
E : Droit international et droit privé. J’ai fait Deug et Licence à Saint-Brieuc et mes deux maîtrises à Paris. Et dans le cadre de ma deuxième maîtrise, j’ai eu un second semestre en entreprise.
A : Comment ça se fait que t’as fait deux maîtrises ? À la fin de la première t’avais pas ce que tu voulais ou…
E : J’avais pas trouvé de 3e cycle, je me suis dit quitte à revoir encore l’année qui va suivre, vaut mieux postuler quelque part.
A : T’as commencé par laquelle ?
E : Celle de « droit international »…
A : Et entre les deux c’est quoi qui t’a intéressé le plus ?
E : C’était la « droit international ». C’est pour ça que j’avais quitté la Bretagne en fait, parce qu’il y avait cette maîtrise là. Sinon je serais resté en Bretagne. Et donc quand je l’ai fait, je me suis rendu compte que les 3e cycles, c’était pas évident. Parce que quand t’es étudiant étranger, tu dois travailler…
A : Tu devais travailler en même temps ?
E : Bah j’avais pas de bourse, j’étais seul…
A : Tu faisais quoi ?
E : Oh la la, tous les sales boulots qu’on peut imaginer (rires), des marchés, ramassage des volailles, tout ce que tu peux imaginer…
A : Ramassage de volailles ? A Paris ?!
E : Non, en Bretagne.
A : Ah, ça c’est quand t’étais en licence. Ok. Et à Paris…
E : En fait, quand je suis arrivé, mon oncle était en Bretagne. Je suis arrivé, il est reparti au Bénin. Donc je me suis retrouvé tout seul, parce que j’ai tous mes parents qui sont restés au Bénin. Donc il a fallu que je bosse, enfin, comme tous les étudiants. Et quand je suis arrivé à Paris, Jackpot puisque là j’ai davantage de famille. Au niveau des boulots, j’étais vendeur, (souriant) c’était le luxe, c’était pas la même chose. J’étais dans une boutique d’habits.
J’en étais où… oui, à la maîtrise. Donc j’ai fait ma première maîtrise, j’ai pas eu de 3e cycle. Je me suis dit, en attendant… j’ai fait une deuxième maîtrise. Je sais pas pour les Français qui ont plus de visibilité, mais quand t’es étudiant étranger, entre le temps de penser à travailler, manger et faire des études, on vit un peu au jour le jour. En tout cas dans mon cas, hein. J’ai pas de visibilité sur le long terme, pour dire « il faut faire ci, il faut faire ça, sinon… » Je venais de la province, j’avais pas autant de visibilité qu’à Paris.
A : fais toi t’es venu faire du droit international, t’avais une idée de ce que tu voulais faire derrière ?
E : Mmm… (hésitant)
A : Tu disais « j’veux faire ça parce que je veux faire tel métier »… ?
E : … Je voulais travailler dans les ONG. Sauf que je me suis rendu compte que j’étais pas très très bon en anglais. Et j’ai de la famille en Angleterre, donc c’était soit faire une année en Angleterre, soit refaire une maîtrise. J’ai fait la deuxième maîtrise. Il y avait le premier semestre en cours, puis le second semestre en entreprise. C’était comme de l’alternance, c’était le début de l’alternance.
A : Ok. C’était un stage de combien de temps ?
E : Tout le semestre. Quatre mois. En fait c’était rigolo parce que c’était la fac qui cherchait le stage pour les élèves. On n’avait rien à faire, ils nous trouvaient le stage. Moi je me suis trouvé en droit des ét… en droit du sport. Mais j’y connais rien. Je faisais une maîtrise de droit privé, le droit du sport j’y connaissais rien. Le seul stage qu’on m’a trouvé c’était en droit du sport, j’ai dit d’accord. C’était dans une maison d’édition. Chez Datex, c’est comme ça que je suis rentré d’ailleurs.
A : Quel rapport avec le droit du sport ?
E : En fait, c’est une maison d’édition, ils sont divisés en différents secteurs, parce qu’il y a les revues, et ils font aussi des livres, des fiches, des recueils, des codes… Donc y a le droit du sport, droit des affaires, droit social, droit des contrats tout ce qu’on peut imaginer comme droit. Donc, moi, ils m’ont amené en droit du sport.
A : C’était hors-sujet par rapport à ce qui t’intéressait.
E : Bah non euh… de toute façon j’étais bien content d’avoir un stage, déjà alors, c’était le seu… En fait ils proposent des stages et après, tu vas aux entretiens et tout.
A : Ok. T’as eu un choix et t’as essayé plusieurs, ou on t’a dit « c’est celui-là, tu vas à celui-là » ?
E : Non, non ! (Rires) Moi j’ai eu droit du sport, j’étais bien content d’avoir eu celui-là. J’ai eu qu’un seul choix, c’était droit du sport. Et moi je suis pas sportif, je suis pas trop quelqu’un qui suit le sport, j’en fais pas, c’est pas mon truc, j’y connais rien. Donc, j’suis allé à l’entretien, j’ai dit à la dame – j’ai pas menti – que je connais rien en sport. Et ce qui était rigolo c’est qu’en passant devant l’entrée pour aller dans son bureau, j’ai vu sur une affiche « droit des étrangers ». Et je lui ai dit franchement que j’avais vu ça sur la porte et que ça m’intéressait. Elle m’a dit « ok, je vais essayer d’en parler aux personnes qui sont en droit des étrangers ». C’est comme ça que j’ai atterri en droit des étrangers. Sinon, je sais pas comment j’aurais fait mon stage… Et donc j’ai fait mes quatre mois au droit des étrangers, finalement.
A : Ok. Concrètement, tu faisais quoi en fait ?
E : La rédaction. J’étais rédacteur stagiaire. C’est une maison d’édition, on a des abonnés : des professionnels, des administrations – pour le droit des étrangers, c’était surtout des administrations – on recevait toute la jurisprudence des tribunaux, des cours, etc., et on avait en charge d’écrire des newsletters, des dépêches. D’informer nos abonnés. […] On avait aussi des auteurs extérieurs qui étaient des profs à l’université, des avocats qui commentaient la jurisprudence qu’on leur envoyait, nous on faisait la relecture, on refaisait la mise en page, tous ces éléments là. C’était ça mon stage. Mais après je suis resté 6 ans chez Datex, donc…
Donc j’ai fait ce stage là, je suis rentré comme ça et à la fin de mon stage, après quatre mois – j’ai fini genre le 31 mai – il y a eu un poste de juriste qui était ouvert. Comme j’avais fini, j’en ai parlé à ma responsable, je crois que j’ai postulé… je sais plus… Du coup, j’étais pris le lendemain de mon stage en tant que juriste, toujours chez Datex.
A : T’avais dû envoyer un CV au service ou ça s’est fait de façon plus informelle ?
E : Oh c’était plus informel… (S’interrompant) Ah si si, j’avais envoyé un CV ! Y avait personne qui allait reprendre le poste, j’étais le seul, d’ailleurs, en interne. Et donc j’ai été pris directement.
A : D’accord.
« c’était le début de… pfff laisse tomber, de 4 ans… de 6 ans de CDD »
E : Et après là, c’était le début de… pfff laisse tomber, de 4 ans… de 6 ans de CDD. Puisque j’ai fini le stage fin mai 2003 et j’en suis sorti en 2009.
A : Ok. Alors le poste au départ, c’était prévu, c’était un CDD. De combien…
E : 18 mois… Un an, en tout cas on a été jusqu’aux 18 mois.
A : Au départ ça devait être un an ? Pourquoi c’était un CDD ? C’était un remplacement, le poste ?
E : Euh… ah oui… Le poste (souriant). Je me rappelle. Il y avait une personne de l’entreprise qui a démissionné, qui a quitté l’Ile-de-France, donc il y avait un CDI de dispo. Et il y avait une personne qui était déjà là, mais en CDD. L’annonce était pour le CDI. Moi j’ai postulé pour ce CDI. Ils m’ont dit qu’y avait déjà une personne qui était en CDD depuis février, comme moi, et que comme moi j’étais en stage – c’était pas le même service – c’était tout à fait normal que ce soit la personne en CDD qui passe en CDI. Et que moi je prenne la place de la personne en CDD. Ça paraît logique.
A : Au niveau de...
Table des matières
- Couverture
- 4e de couverture
- Titre
- Copyright
- Préface
- Discriminations et carrières
- Partie 1 : A la rencontre de discriminations dans les carrières
- Partie 2 : Sentir, craindre ou anticiper les discriminations… et quelques conséquences
- Partie 3 : Laisser faire ou répondre ?
- Partie 4 : Aller voir ailleurs ?
- Conclusion
- Bibliographie
- Annexe
- Table des matières
- Adresse